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Résumé

Cette étude procède à l’analyse lexicologique et sémantique de l’exhortation faite par le Représentant légal de l’Eglise Protestante en RDC, le 16 janvier 2018. Il est question d’examiner le champ lexical et sémantique du mot « léguer » et de relever les termes qui sont en relation paradigmatique et syntagmatique avec ce mot. Sont donc en relation paradigmatique, des termes comme transmettre, donner, céder, confier etc. et en relation syntagmatique avec « léguer » un état uni, riche, responsable, qui existe réellement, où tout le monde est égal devant la loi, un pays vaste où l’on peut travailler et circuler librement.

Mots-clés : Discours religieux, anniversaire d’assassinat de L.D. Kabila, Lexicologie, Sémantique
Reçu le : 10 avril 2023.
Accepté le : 27 juin 2023.

Abstract

This study carries out a lexicological and semantic analysis of the exhortation made by the Legal Representative of the Protestant Church in the DRC on January 16, 2018. The aim is to examine the lexical and semantic field of the word "léguer" (to bequeath) and to identify the terms that have a paradigmatic and syntagmatic relationship with this word. Terms such as transmit, give, cede, entrust, etc. are paradigmatically related to "bequeath", while syntagmatically related to "bequeath" is a united, wealthy, responsible state that actually exists, where everyone is equal before the law, a vast country where people can work and move around freely.

Key words: Religious discourse, L.D. Kabila assassination anniversary, Lexicology, Semantics
Received : April 10th, 2023.
Accepted : 27th, 2023.

Introduction

A l’occasion de la commémoration de la mort de l’ancien Président Laurent Désiré Kabila, le 16 janvier 2018, il a été célébré en la cathédrale du centenaire Protestant un culte officiel par Monseigneur David EKOFO, Représentant légal de l’Eglise du Christ au Congo. Son discours pastoral fut intitulé
« C’est un péché pour le Congo d’être encore pauvre…».
Notre étude va s’appesantir sur le mot « léguer » dont nous examinerons le champ lexico-sémantique dans ses différentes apparitions dans le discours susmentionné tel que reproduit par le journal Le Phare, du vendredi, 26/01/2018 au n°5729.
En effet, la lexicologie est définie comme l’étude du lexique, du vocabulaire d’une langue dans ses relations avec les autres composantes de la langue : composantes phonologique, syntaxique, par exemple, et aussi avec les facteurs sociaux, culturels et psychologiques. Comme on peut s’en rendre compte, l’analyse du discours y sera appliquée. L’analyse du discours est un courant des sciences du langage prenant comme objet le discours.
L’analyse du discours part du principe que les énoncés ne se présentent pas comme des phrases ou comme des suites de phrases mais comme un texte. Celui-ci est un mode d’organisation spécifique qu’il faut étudier en le rapportant aux conditions dans lesquelles il est produit. Dans le présent cas, il y a une crise politique assez profonde avec expiration du mandat électif du Chef de l’Etat, des sénateurs, des députés nationaux et provinciaux et l’organisation des élections paraît improbable.
Pendant ce temps, la misère, le banditisme urbain, les violations des droits humains sont dénoncés.
Dans son adresse du 16 janvier 2018, Mgr David EKOFO a intitulé son propos : « C’est un péché pour le Congo d’être encore pauvre… », l’intervenant voulant surtout sensibiliser les Congolais et les autres invités réunis en la Cathédrale Protestante du Centenaire sur le fait que la RDCongo était scandaleusement riche avec d’innombrables ressources du sol et de son sous –sol.
Paradoxalement, pour l’intervenant, il y a des pays qui vivent très bien avec une seule ressource : par exemple les poissons, l’agriculture, l’arachide, le tourisme ou la banque seulement. L’orateur a conclu que « c’est un péché pour le Congo d’être pauvre… ». Il s’est demandé à maintes reprises qu’est-ce que les Congolais vont léguer à leurs descendants ? Un pays divisé ? Une économie exsangue ? Un pays aux infrastructures délabrées ?
Il a basé son exhortation sur un extrait de l’évangile de Jésus-Christ selon Saint Luc : 12 :48 où Jésus dit : « On demandera beaucoup à qui l’on a beaucoup donné et on exigera davantage de celui à qui on a beaucoup confié ».
Il y a lieu de faire remarquer que l’exhortation est une communication interactive où l’on a recouru à un mode conversationnel. Elle met en présence physiquement un locuteur Mgr EKOFO et ses interlocuteurs à qui il s’est adressé : La classe politique aussi bien que le pouvoir, l’opposition, la société civile, les hommes, les femmes, les jeunes et les adultes.
Notre analyse lexicologique va porter sur le terme « léguer » que l’orateur a utilisé à maintes reprises et qui a des rapprochements sémantiques avec : à qui on a beaucoup donné ou beaucoup confié.
Il s’agira de cerner le contour du terme relatif à son champ lexical et sémantique sans omettre les données lexicostatistiques.
Comme on le voit, il y a dans l’analyse l’interférence de disciplines connexes, dont l’histoire, la philosophie, la sociologie, la psychanalyse et la littérature etc. C’est cela la perspective transdisciplinaire qui doit marquer cette étude.

I. Texte

MGR EKOFO : « C’EST UN PECHE POUR LE CONGO D’ETRE PAUVRE… »

Le résumé du discours

Le texte que nous venons de lire nous dit que la terre appartient à Dieu et il a donné la gestion de cette terre à l’homme. En d’autres termes, la RDC appartient à Dieu mais il a donné la gestion de ce pays à nous les congolais. « Prions le Seigneur ». Nous commémorons l’anniversaire de la mort de M’zee KABILA et nous relevons que ça sera le résumé de sa pensée qui va traverser des générations et des générations des congolais. Ce qu’il a dit et nous a légué c’est cette parole de ne jamais trahir le Congo. Et ce que nous venons de lire nous dit justement que le Congo nous appartient. Dieu a donné la gestion du Congo à nous les Congolais. Ce n’est pas aux Américains, ce n’est pas aux Français ni aux Belges ou à qui que ce soit mais c’est à nous Congolais. Et c’est nous Congolais qui un jour rendrons compte à Dieu de notre gestion de sa terre, de la République Démocratique du Congo.
Hormis l’introduction et la conclusion, ce discours comprend trois parties essentielles : Péché si le Congo est encore pauvre ; adresse aux fidèles, adresse au gouvernement, diplomates, pays voisins.

Introduction

J’aime bien l’athlétisme où il y a des courses à pieds surtout, et j’aime spécialement une course, la course de relais où une personne transmet le bâton à une deuxième personne, à une troisième puis à une quatrième. La 1ère personne à courir, on doit toujours prendre quelqu’un de meilleur parce que de ses efforts dépendra le reste à courir. Si lui prend la distance, suffisamment de distance par rapport aux autres, ceux qui viendront après ne feront que conserver cette distance là et gagner la course. Dans l’histoire du pays, c’est pareil aussi. Nous prenons un témoin que nous transmettons à la génération qui vient. D’où la question : quel pays allons-nous léguer à nos enfants, à nos petits-enfants ? Nous avons l’obligation devant Dieu et devant l’histoire de léguer à nos enfants et nos petits-enfants tout d’abord, un pays uni. Nous n’allons pas léguer à nos enfants un pays divisé. Nous savons que nous avons autant de populations, autant de peuples, autant de langues, autant de culture, mais c’est ça qui fait la force d’un pays.
Quand nous pouvons nous sentir nous tous un, c’est ça qui fait la force d’un pays. Nous ne devons pas transmettre à nos enfants un territoire désuni car nous –mêmes, nous avons reçu un territoire uni.

Adresse aux fidèles

Frères et soeurs, ne cédons pas un millimètre de notre pays à qui que ce soit. Nous avons cette obligation historique devant Dieu et devant l’histoire, ce que nous avons reçu de nos pères, nous devons transmettre cela à nos enfants. Nous avons reçu un pays uni, nous transmettrons à nos enfants un pays uni. Nous devons transmettre en deuxième lieu à nos enfants un pays riche. Vous savez, Dieu lui-même ne comprend pas pourquoi nous les Congolais nous sommes pauvres. Qu’est-ce qu’il n’a pas donné au Congo. Qu’est-ce qu’il ne nous a pas donné pour que nous soyons considérés parmi les pays pauvres ? Quand nous regardons d’autres pays, je ne vais pas citer de nom, ils ne vivent que d’une seule richesse. Il y en a qui ne vivent que du tourisme, il y en a qui ne vivent que du pétrole, il y en a qui ne vivent que de la banque mais nous, Dieu nous a tout donné. Nous avons du pétrole à Moanda, et non seulement le pétrole à Moanda, chez moi, à la cuvette centrale, il y a du pétrole, nous pouvons vivre de cela. Nous avons l’or, le diamant, etc.

Péché si le Congo est encore pauvre

Vous savez, c’est un péché pour le Congo d’être encore pauvre.
Nous devrions être parmi les riches nations du monde. Jésus dit dans Luc 12 :48 : on demandera beaucoup à qui l’on a beaucoup donné et on exigera davantage de celui à qui on a beaucoup confié. Dieu nous a donné beaucoup et il demandera beaucoup également. Nous devons léguer à nos enfants un pays avec une suffisance alimentaire. Quand vous prenez l’avion, vous circulez dans notre pays et vous regardez la verdure qu’il y a, autant d’espaces vides, où nous pouvons cultiver, élever les bêtes et nous ne le faisons pas et nous importons la nourriture de l’extérieur. C’est vraiment inadmissible pour le Congo. Je suis parti il y a plusieurs années au Sénégal. C’est là où j’ai vu l’effet de serf, j’en entendais parler, mais c’est au Sénégal que j’ai vécu cela. Juste devant la piscine il y a une crevasse là. Il y a 10 ans, il y avait de l’eau, on traversait de ce coin à l’autre par pirogue, on pêchait des caïmans ici, mais tout cela s’est asséché. Je suis parti passé toute une semaine dans un village à près 500 Km de Dakar. Heureusement pour le village, et c’est ça qui a fait que le village continue à vivre, les français sont venus creuser un puits de plus de 300 m pour trouver de l’eau. Et c’est cette eau-là qui faisait vivre tout un village. Et moi j’ai dit à celui qui me logeait, mais chez moi à Kinshasa, dans certaines communes vous creusez la fondation de votre maison, vous commencez à vous battre avec l’eau. Dieu nous a bénis. Et quand j’ai vu les gens de Dakar au Sénégal, vous trouverez les fruits partout. Nous, on a la grâce d’avoir autant de saison, quand il ne pleut pas à Kinshasa, il pleut à Goma, quand il ne pleut pas à Goma, il pleut au Katanga, etc. et comment nous pouvons importer certaines choses ? Je reconnais que nous ne sommes pas avancés du point de vue technologique. On peut importer la technologie, mais dépenser le peu de devises que nous avons pour importer à manger, c’est vraiment inadmissible pour le Congo.

Adresse au gouvernement, diplomates, pays voisins

Nous devons léguer à nos enfants un pays où l’Etat existe réellement. Je dis bien réellement. Parce que j’ai l’impression que l’Etat n’existe pas vraiment. Je vais donner juste un exemple. Nous sommes en RDC, nous conduisons à droite et les volants de nos voitures se trouvent à gauche. C’est comme en France, c’est comme aux USA, c’est comme en Allemagne. Vous allez chez les Anglais, eux ils conduisent à gauche et le volant à droite. Dans des pays anglophones comme l’Afrique du Sud c’est comme ça. Dans ces pays, quand vous allez là où on conduit à gauche et le volant à droite, toutes les voitures sont comme ça. Vous allez dans d’autres pays où on conduit à droite et le volant à gauche, toutes les voitures sont comme ça sauf chez nous. Le volant devait être à gauche. Nous avons importé autant de voitures dont les volants se trouvent à droite et ça entre par notre frontière. Si vous osez faire ça aux USA, ont vous dira que c’est non conforme à la législation du pays. Ça n’entre pas. Chez nous ça entre. Et c’est nous Congolais qui connaissons notre loi qui importons ces voitures et l’Etat laisse faire, ça veut dire que l’Etat n’existe pas réellement. Il faut renforcer l’autorité de l’Etat. Nous devons léguer à nos enfants un pays où l’Etat est réel. Où tout le monde est égal devant la loi. Que vous soyez général, ministre ou qui que ce soit, quand vous devez enfreindre les lois de la République, on vous arrête, on vous juge, on vous condamne comme tout citoyen. Aux Etats-Unis on m’a donné une leçon. On l’a arrêté comme un citoyen américain, on l’a jugé comme citoyen américain, même s’il a tiré sur le président américain, on dit bien, c’est un citoyen américain qui a tiré sur un citoyen américain, même si c’est le 1ère citoyen américain mais c’est un citoyen américain, on l’a jugé. Et comme il vient d’une famille riche, ils ont trouvé un avocat de haut rang, ils ont plaidé l’insanité, la déficience de sa tête, de son intelligence. Curieusement, la Cour a cru parce qu’on a fait des tests et c’était vrai. On ne l’a pas condamné, on l’a condamné plutôt à être soigné. J’étais abasourdi. Un Monsieur qui tire sur un président de la République et on lui donne un procès équitable. Et au lieu de le condamner à la prison, on le condamne à aller plutôt être soigné. Parce que, et c’est la leçon que j’ai apprise là-bas, tout le monde est égal devant la loi. La tendance du Congolais, c’est de dire que la loi est là mais moi je suis au-dessus de la loi, parce que je suis tel. Nous devons léguer à nos enfants un Etat responsable où tout le monde est égal devant la loi. Nous devons léguer à nos enfants, un pays où l’on circule librement. Quand je parle de circuler librement, je vois le transport, pas seulement de la ville, mais surtout des routes interprovinciales, inter villes, etc. j’étais dans une rencontre de l’Eglise à Nairobi, je vous assure qu’il y a des gens qui nous aiment parce que j’ai assisté à la prière des gens qui priaient pour mon pays, j’ai eu des larmes aux yeux. Et j’ai prié pour le Congo. Pourquoi ? Parce qu’on m’a appelé, c’est une rencontre de l’Eglise et moi je suis de l’Eglise, on a appelé les experts qui ne sont pas de l’Eglise pour nous parler de l’Afrique. Et on a pris un secteur, le transport. Quand vous prenez le véhicule en Afrique du Sud, vous traverser tous les pays du Sud, vous montez vers le Nord, vous avez traversé ces pays par route et tout s’arrête en République Démocratique du Congo. Quand vous entrez au Congo il n’y a plus de route. Vous allez d’Est à l’Ouest de l’Afrique, vous verrez, vous vous arrêtez en République Démocratique du Congo vous n’allez plus rentrer parce qu’il n’y a plus de route. Du Nord vers le Sud c’est pareil, vous vous arrêtez seulement en République Démocratique du Congo. Et les gens ont prié pour qu’un jour quelqu’un puisse quitter le sud, traverser le Congo jusqu’au Nord avec sa voiture. Et j’aimerais que les Congolais entre eux circulent. Quelqu’un de Mbandaka va aller passer des vacances à Goma. Quelqu’un de Goma va passer des vacances au Katanga avec sa voiture, avec sa famille. Comme ça se fait ailleurs et les gens vont se connaître. Et c’est en circulant que les gens vont se connaître et ça va créer la cohésion nationale, l’unité nationale. On n’aime que quelqu’un qu’on a vu, qu’on a touché, qu’on a côtoyé, avec qui on a causé. Si on n’a jamais vu quelqu’un, comment on va l’aimer ? Nous avons l’obligation devant l’auditoire, de léguer un tel pays à nos enfants ? Un pays où il fera beau vivre. Sinon, nos enfants vont commencer à nous quitter pour aller vivre à l’océan pacifique où à la mer Méditerranée. Et c’est autant d’enfants qui vont nous quitter à cause de ça.
Nous voulons que nos enfants, restent dans notre pays, travaillent dans notre pays, parce que dites-moi dans tout le monde entier, quel est ce grand pays qui n’a pas une grande frontière, une grande étendue du pays et une grande population qui soit parmi les pays les plus riches ? Regardez les Etats-Unis, autant de Km2, de superficie, et autant de millions d’habitants. Les Etats-Unis peuvent développer juste un marché interne, ils vont vivre avec ça parce qu’ils sont nombreux. Il suffirait que Michael Jackson qui est mort, sorte un disque et aux Etats-Unis ils sont plus de 250 millions d’habitants. S’il vendait le disque à 1 dollar seulement et que 100 millions ou 40 millions d’Américains achètent il a 40 millions, il a 100 millions. Il n’a pas besoin que son disque soit vendu en Europe ou en Afrique, il n’a pas besoin de ça parce qu’il se fait suffisamment riche à l’intérieur de son pays. Les Mac Donald, ils ont commencé à être riches chez eux avant d’aller conquérir le monde. Nous devons être grands. Dieu nous a donné la superficie qu’il faut et nous devons avoir une population jeune, qui travaille, qui aide le pays, et que nous utilisons nous même ici. Je voudrais m’adresser un peu à nos voisins, parce que nous sommes entourés. Même si le Congo nous appartient, Dieu nous a donné une mission pour l’Afrique Franz Fanon avait raison de dire que l’Afrique a la forme d’un revolver dont la gâchette se trouve au Congo justement. Le jour où le Congo décolle, je vous assure que l’Afrique va décoller également par effet d’entraînement. Si vous allez aux Etats-Unis, les pays comme le Mexique, le Canada, ont décollé parce que les USA ont décollé. Et quand le Congo va décoller, les autres vont suivre. Et ces voisins, ces voisins, je vous dis nos voisins, Dieu vous a donné votre terre, n’enviez pas la nôtre, travaillez chez vous. Regardez : la petite Suisse, est entourée par la France, un grand pays, l’Allemagne, un grand pays, l’Italie un grand pays. Ils parlent les 3 langues de ces 3 pays, mais ils sont fiers d’être Suisses. Ils n’envient ni la France, ni l’Italie, ni l’Allemagne. Mais puisqu’ils se sont tournés chez eux, ils travaillent chez eux, Dieu leur a donné la confiance du monde entier. Le monde entier va garder son argent en Suisse et la Suisse vit de ses banques. Ces pays aussi peuvent vivre de ce que Dieu leur a donné au lieu d’envier la République Démocratique du Congo et avoir des stratégies pour profiter de la République Démocratique du Congo. Surtout ne prenez pas un centimètre de la République Démocratique Congo parce que le Congo ne sera pas toujours faible comme il l’est maintenant. Il va se réveiller un jour. J’étais étudiant également en France et Dieu a fait que je vive dans la ville de Strasbourg pendant 5 ans. Strasbourg fait partie de la grande région qu’on appelle Alsace, et les Alsaciens parlent un dialecte germanique, c’est-à-dire qui ressemble plus à l’allemand qu’au français. D’ailleurs beaucoup d’Alsaciens ne savent pas parler français correctement quand vous êtes dans leurs villages. Là où je louais, mon bailleur me disait un jour, Monsieur Ekofo, mes parents sont nés ici à Strasbourg, ont grandi à Strasbourg, j’ai grandi à Strasbourg, j’ai été deux fois citoyen allemand, je suis redevenu deux fois Français. Il me dit comment. Parce que lors de la première guerre mondiale, 14-18, l’Allemagne ayant envahi et a récupéré son droit sur l’Alsace qui lui appartient historiquement. La guerre de 18 se termine, les Allemands perdent la guerre, la France récupère son territoire. On arrive à la guerre de 40 – 45, pareil. L’Allemagne envahit la France et récupère l’Alsace. En 1945, l’Allemagne perd la guerre, la France récupère sa terre. Le Congo, si vous osez prendre une partie du Congo maintenant, nos enfants vont la récupérer les années qui viennent. Alors, soyons plutôt de bons voisins, et ne mettez pas de conflits entre nous s’il vous plait, nos voisins.
Je voudrais m’adresser aux pays riches. Je suis content que nos ambassadeurs soient nombreux. S’il vous plait, soyez nos porte-paroles auprès de vos gouvernements respectifs. Vous, vous avez la technologie, nous, nous n’avons pas la technologie. Vous êtes riches, nous, nous sommes pauvres. Aidez-nous à développer notre pays, vous en tirerez toujours des dividendes. Si par exemple vous aidez les Congolais à avoir de belles routes partout et que les Congolais vivent bien, combien de voitures seront achetées chez vous ? Parce que nous n’avons pas la technologie de fabriquer des voitures. Combien de voitures seront achetées chez vous ? Si vous permettez que l’électricité arrive dans nos villages et que le villageois congolais a suffisamment des moyens pour s’acheter juste un téléviseur, combien de postes téléviseurs vous vendrez au Congo ? Je sais que les industries qui fabriquent les armes profitent du temps de la guerre pour écouler leurs marchandises. Mais quand il y a la paix également vous allez toujours vendre vos marchandises, parce que tout le monde sait, celui qui veut la paix prépare la guerre. Même en période de paix, les armées vont toujours acheter de quoi se défendre auprès de vous. Si le Congo est riche et nous avons un vaste pays, combien d’avions on achètera chez vous parce qu’on en fabrique pas chez nous ? Si vous nous aidez à avoir des chemins de fer, combien de locomotives vous vendrez ? Aidez-nous. Le monde est devenu un petit monde planétaire. Il suffirait qu’on touche quelque part, c’est connu dans tout le monde entier que le problème se fait sentir partout. Aidez le Congo quelqu’un qui est malade et vous l’aidez quand il sera en bonne santé, il ne vous oubliera pas.

Conclusion

Le Seigneur m’a donné ce message pour nous les Congolais, nous avons l’obligation de léguer un bon pays à nos enfants et nous avons aussi demandé à nos frères et soeurs qui partagent avec nous l’Afrique, d’être de bons voisins et demandé à ceux qui sont les maitres du monde maintenant de s’occuper du Congo parce que qui sait ? L’histoire nous montre que l’aiguille tourne. Dans l’histoire, il y avait des pays comme l’Egypte qui étaient de grandes nations qui ont dominé le monde à l’époque et puis nous sommes partis en Europe, on a eu la Grèce, on a eu Rome. A un moment donné les Français ont dominé, les Espagnols l’ont fait, les Britanniques également. Maintenant nous avons les Etats-Unis. Ça a quitté l’Europe, ça va vers l’Amérique. Qui ne dit pas que dans le prochain centenaire ça sera l’Afrique ? Et l’histoire je vous assure, ne s’oublie pas. On se rappellera toujours de ceux qui nous ont aidé et ceux qui ne nous ont pas aidés.
Que Dieu nous bénisse, bénisse la République Démocratique du Congo.
Amen.

II. De la compréhension définitoire de léguer

D’après le Petit Robert, léguer, c’est donner, céder par disposition testamentaire. C’est donner par testament ou par un acte de dernière volonté. Etymologiquement, il vient du verbe latin Legare qui signifie donner, céder par disposition testamentaire, transmettre ; etc.
De là aussi est né le substantif legs issu de la racine « leg » du verbe legare qui signifie disposition à titre gratuit faite par testament. La forme participiale legatum aurait par évolution historique produit un dénominatif abrégé lex-legis, référé à la loi. Un rapprochement d’ordre hypéronymique est aussi établi entre loi et testament. Ce dernier devenant un acte ou écrit par lequel le testateur dispose des biens qu’il laissera en mourant. C’est pour dire que l’héritage se fait par testament qui implique l’intervention d’un notaire lorsque le testament est authentique ou non, et lorsqu’il est olographe, c’est-à-dire un écrit de la main du testateur seul.
Comme on peut le constater la coloration sémantique liée à ce verbe est celle de transmettre par obligation morale, c’est d’un devoir qu’on a envers ceux qui doivent bénéficier du legs. Chacun à son tour transmet à ses descendants.

III. Analyse lexicologique

Aujourd’hui, la République Démocratique du Congo est envahie, pillée et détruite par les étrangers venus de toute part. La question récurrente de l’homéliste est de savoir comment parvenir à léguer la richesse à la jeunesse congolaise si les gouvernements apparaissent démissionnaires, sans connaissance effrénée de l’exercice du pouvoir d’Etat.
Dans cette prédication homélique apparaît le mot léguer dont l’emploi sous différentes flexions marquées font de lui le mot thème et, en même temps, le mot-pôle dans la considération de ses environnements contextuels.
Raison pour laquelle nous cherchons à comprendre la valeur de léguer dans son usage français par le locuteur homéliste. Après une définition de léguer dans sa considération étymologique, nous essayerons de saisir sa signification dans son fonctionnement dans le discours de David Ekofo. Nous emprunterons deux voies d’interprétation inscrites sur deux axes d’analyse, l’un syntagmatique, l’autre paradigmatique. La première participe à l’organisation de la phrase et apparaît sous deux formes différentes. Il est soit un élément de la base verbale accompagné du semi-auxiliaire devons ou allons (fréquences 6), soit un SN prép de SN2 (fréquences 3) :
1. Nous devons léguer à nos enfants un pays […].
2. […] allons-nous léguer à nos enfants […].
3. Nous avons l’obligation de léguer un bon pays à nos enfants.
4. Nous avons l’obligation devant l’auditoire, de léguer un tel pays à nos enfants ?
Situé au-delà de la forme, le niveau paradigmatique ouvre la voie aux différents aspects de la sémantique qui intègrent finalement dans le discours la recherche des aspects cohésifs déterminant la valeur de léguer.
5. Nous ne devons pas transmettre à nos enfants un territoire désuni car nous-mêmes, avons reçu un territoire uni.
6. […] Dieu nous a tout donné.
7. Le Seigneur m’a donné ce message pour nous les congolais.
8. […] nous avons reçu de nos pères.

III.1. Quel environnement syntagmatique pour léguer ?

Nous entendons par environnement syntagmatique, tout rapport existant entre le mot léguer et des unités apparaissant dans son entourage. Il s’agit donc d’un contexte verbal, un tout dans lequel se situe une unité bien déterminée.
Dans ces conditions, nous nous intéressons en fait aux unités qui entourent le lexème léguer sur la chaîne parlée d’autant plus qu’un « mot prend sens par les autres qui l’entourent, il n’actualise ses virtualités qu’au sein d’un énoncé » (J. Chriss, 1977 : 115).
Le sens d’un mot n’est donc pas isolé dans la conscience : il noue avec ses voisins, dans un contexte, des rapports syntagmatiques (G. Matoré, 1953 : 21).
Dans son emploi en discours, léguer est postposé au semi-auxiliaire devons avec lequel il forme une base verbale opérant comme un déontique en faveur du sujet nous, déclencheur de la prédication. Ce qui prélude une valeur attributive ou d’objet aux unités lexicales postposées à léguer. A titre illustratif :
- Nous devons léguer à nos enfants un pays….
- Nous devons léguer à nos enfants un Etat responsable.
Cette construction attribue au SN Prép à nos enfants une suprématie sur le SN Objet un pays/un Etat responsable.
De ce fait, à nos enfants postposé à la base verbale assume la fonction d’agent bénéficiaire de l’action prédicative. Les SN Objet un enfant et un Etat sont aussi déclarés des bénéficiaires.
Dans les énoncés :
- Nous n’allons pas léguer à nos enfants un pays divisé.
- […] quel pays allons-nous léguer à nos enfants, à nos petits enfants ?
Le SV, n’allons pas léguer et allons léguer sont constitués de allons qui joue le rôle de semi-auxiliaire tout en participant à la marque de l’aspect indicateur du futur proche.

III.2. L’axe de substitution : une contribution à la construction sémantique de léguer

C’est par son fonctionnement en discours et à la suite de sa saturation valentielle que le mot acquiert sa véritable valeur. La notion de valeur implémente une nouvelle dimension d’analyse qui relève de l’axe paradigmatique. La considération des éléments linguistiques sur cet axe permet de distinguer la synonymie lexicale et la synonymie de discours. En considérant les énoncés ci-après :

▪ « Dieu a donné la superficie qu’il faut et nous devons avoir une population jeune qui travaille qui aide le pays et que nous utilisons nous-mêmes ».
- « Le Seigneur m’a donné ce message pour nous les Congolais ».
- « Dieu vous a donné votre terre, n’enviez pas la nôtre travaillez chez vous ».
- « J’aime spécialement un course, la course de relais où une personne transmet le bâton… »
- « Nous prenons un témoin que nous transmettons à la génération qui vient »
- « Nous ne devons pas transmettre à nos enfants un territoire désuni car, nous-mêmes, nous avons reçu un pays uni, nous transmettons à nos enfants un pays uni ».
- […] Ce que nous avons reçu de nos pères, nous devons transmettre cela à nos enfants ».
- « Nous devons transmettre en deuxième lieu à nos enfants un pays riche ».
- « Quel pays allons-nous léguer à nos enfants, à nos petits – enfants » ?
- « Nous avons l’obligation devant Dieu et devant l’histoire de léguer à nos enfants et nos petits-enfants tout d’abord un pays unis ».
- « Nous n’allons pas léguer à nos enfants un pays divisé ».
- « Quand nous pouvons nous sentir nous tous un, c’est ça qui fait la force d’un pays ».
- « Nous ne devons pas transmettre à nos enfants un territoire désuni car nous-mêmes, avons reçu un territoire uni ».
- « Frères et soeurs ne cédons pas un millimètre de notre pays à qui que ce soit ».
- « Nous avons cette obligation historique devant Dieu et devant l’histoire.
Nous pouvons constater les occurrences du verbe transmettre sous différentes formes flexionnelles de personne, du présent, du futur et l’infinitif. A triple valence, ce verbe admet deux constructions SN2 Objet et SN2 Prép pour sa saturation. Verbe d’action, il admet un sujet humain comme agent déclencheur de la prédication.
L’action verbale aboutit sur le SN2 Objet et le SN2 Prép. Le SN2 Objet est non animé alors que le SN2 Prép est agent bénéficiaire de l’action de SN1. Cette position des unités lexicales sur la chaîne des combinaisons régule son comportement sur le plan syntaxique et le rapproche de léguer avec lequel il peut commuter sur l’axe des combinaisons.
Manifesté sur la chaîne discursive, transmettre n’est pas le seul qui peut commuter avec léguer dans le discours. La synonymie discursive peut aussi être établie entre les composés verbaux allons léguer et transmettrons qui sont en même temps des équivalents sémantiques. Ils ont la possibilité maximale de se substituer l’un à l’autre sur l’axe paradigmatique.
Par revêtement aspectuel, allons léguer situe l’allocutaire dans le futur proche alors que transmettrons la place dans le futur simple. De la même manière, la commutabilité s’opère entre les composés verbo-déontiques devons léguer et devons transmettre qui, par les sèmes communs "laisser à souhait", "avec obligation", "à la postérité", deviennent des équivalents sémantiques. Ceux-ci renferment néanmoins des différences d’ordre psychologique inscrites dans les sèmes inhérents de léguer ou de transmettre qui relève de l’affectivité, de la subjectivité.
Cette dimension paradigmatique est en même temps considérée comme apparentée à la dimension associative. C’est pourquoi affirment François Gaudin et Louis Guespin (2000 : 177), à la suite de Ferdinand De Saussure (1996 : 174) que « l’association peut aussi reposer sur la seule analogie des signifiés […] ».

III.3. Quelques illustrations

Le relevé montre à suffisance que l’exhortation de Mgr Ekofo a des incidences sociales et psychologiques comme toute étude lexicologique du reste, sur son auditoire constitué de membres de la classe politique congolaise, notamment les membres du Gouvernement, les diplomates, la société civile, les opposants et les fidèles. Le message épingle les défaillances des responsables actuels de la RDC vis-à-vis des générations futures. Leurs actions consistent à transmettre à la postérité l’aisance issue de nombreuses ressources naturelles que Dieu a pourvues au pays que leurs ancêtres leur ont transmis. De nombreuses ressources que regorgent le sol, le sous-sol les rivières et forêts ne profitent pas à la population. Ces efforts comme on peut le constater ne sont pas perceptibles. Transmettre à la postérité le bonheur est un devoir naturel à chaque génération et pour mieux ressortir cet aspect dans son adresse, Mgr EKOFO a recouru abondamment au terme « léguer ».
Léguer qui contient la racine « leg » veut dire donner, céder par disposition testamentaire faisant ainsi penser à la masse successorale, c'est-à-dire à l’obligation qu’on a vis-à-vis des héritiers pour ce qui leur est cher. Il ne peut en être autrement sinon on tombe dans le cas de la trahison.

III.3.1. Au plan paradigmatique

Le texte ressort dans tous les paragraphes le verbe « léguer » qui est en alternance avec les verbes : transmettre, céder, recevoir de, donner, confier. Le rapport paradigmatique s’établit entre les termes qui dans un contexte syntaxique peuvent se substituer. Ainsi pourra – t-on dire :
- Dieu nous a légué,
- nous a confié,
- nous a cédé,
- nous a donné,
- nous a transmis,
- nous avons reçu de Dieu…

III.3.2. Au plan syntagmatique

L’analyse lexicologique prend aussi en compte le rapport syntagmatique entre les mots. En effet deux termes sont en relation syntagmatique lorsqu’ils peuvent se succéder. Cela s’aperçoit dans le texte d’Ekofo à travers les extraits ci-après : Où le verbe léguer est en relation complémentaire avec le SN1 (syntagme nominal 1 sujet)
- « une personne transmet… »
- « Nous transmettons... »
- « nous allons léguer … »
- « nous avons l’obligation… de léguer »
- « Nous n’allons pas léguer. »
- « Nous ne devons pas transmettre… »
- « Frères et soeurs ne cédons pas… »
- « Nous avons cette obligation… »
- « ce que nous avons reçu … »
- « nous devons transmettre… »
- « nous devons transmettre… »
- « qu’est-ce qu’il n’a pas donné… »
- « Dieu nous a tout donné… »
- « Nous devons léguer … »
- « Nous devons léguer… »
Comme on peut s’en rendre compte, le legs vient de Dieu, de la Nature, des parents et à leur tour la génération actuelle avec le terme « Nous » nous devons léguer ; il s’agit de l’assistance à l’exhortation (les membres du Gouvernement, la classe politique, les diplômâtes, les fidèles, la société civile etc.).
Aussi le verbe léguer est en relation complémentaire avec d’autres syntagmes comme SN2 et SNP. Il s’agira pour le SN2 du syntagme nominal complément d’objet direct du verbe et du syntagme nominal prépositionnel avec le complément d’objet indirect ou du complément circonstanciel.
La structure parle de ce qui doit être légué et à qui cela sera légué. A titre illustratif, nous évoquons les énoncés ci-après :
- « transmet le bâton »
- « Transmettons à la génération qui vient »
- « nous allons léguer quel pays à nos enfants à nos petits enfants »
- … « de léguer à nos enfants et nos petits-enfants tout d’abord un pays uni…pas un pays divisé ».
- … « à nos enfants pas un territoire désuni »
- … « avons reçu un territoire uni »
- « pas un millimètre de notre pays »
- … « nous avons cette obligation historique devant Dieu et devant l’histoire »
- Transmettre cela à nos enfants un pays riche
- … « Qu’il n’a pas donné au Congo »
- … « Nous a tout donné »
- « on exigera davantage à celui à qui on a beaucoup donné »
- … « A nos enfants un pays avec une suffisance alimentaire »
Dans cette combinaison syntagmatique donc, nous voyons ce qui peut être légué et à qui cela peut l’être. Il s’agit concrètement d’un pays à suffisance alimentaire, d’un pays riche, d’un pays où l’Etat existe réellement, un pays où tout le monde est égal, un pays où l’on circule librement, un pays qui a tout, un pays uni non un pays désuni, un Etat responsable. Dans cette mission de transmettre à la génération future, il y a des témoins. Sont pris comme témoin : Dieu, l’histoire. C’est une obligation historique estime l’Evêque protestant.

Conclusion

Dans cet article, nous avons analysé le mot léguer dans la totalité de son emploi dans la production de David Ekofo du 17ème anniversaire de la mort du Président Laurent Désiré Kabila. Cette étude qui a porté sur le champ lexical et sémantique du mot « léguer » dans le discours religieux du 16 janvier 2018, nous a permis de relever le système des relations paradigmatiques et syntagmatiques que le mot « léguer » entretient avec d’autres mots.
Equivalent rapproché de transmettre et de donner, léguer entretient des relations privilégiées avec certaines locutions nominales ou expressions verbales "faire la course de relais", "transmettre le bâton à ….", qui expriment l’idée de transmission d’un pouvoir parental ou de l’héritage par la loi ou encore des biens de son choix par sa propre volonté.
 

Par Josée VUNZA KAHUNGU, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024