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Diversité des langues et convivialité.

Le tribalisme et la  malédiction de Babel

KIPAMBALA MVUDI JF Photios[1]

 

Résumé

Comment un pays doit-il résoudre les problèmes que lui posent ses innombrables langues et ses dialectes avec toutes ses tribus ?j’appuie ma thèse sur la situation en RD Congo, je propose le renforcement du bilinguisme et la régionalisation de l’enseignement qui, à mes yeux est le moyen le plus humain d’ « atténuer la malédiction de Babel » et de combler le fossé qui empêche la communication entre gens de langues différentes. 

 

1.Problème

   La constitution de la Rd Congo de 2006, telle que modifiée en 2011, en son article premier, alinéas 7, 8 et 9, dispose :

« Sa langue officielle est le français. » 

« Ses langues nationales sont le kikongo, le lingala, le swahili et le tshiluba. L’Etat en assure la promotion. »  

« Les autres langues du pays font partie du patrimoine culturel congolais dont l’Etat assure la protection ».

   Curieusement, on voit surgir l’anglais, et avec un caractère obligatoire, à telle enseigne que certains étudiants reprennent ou doublent les années scolaires et académiques soit ils sont non-admis dans des filières au motif qu’ils ne maîtrisent pas cette langue qui est inconnue des institutions.

   Je me rappelle que ceux qui font les études des langues et littératures africaines nous présentent leurs recherches en français et nous montrent comment fonctionnent ces langues et du coup, respectent la constitution en démontrant par là le principe de l’officialité  du français, la promotion des langues nationales et la protection des autres langues du pays. C’est ce qui fait que la RD Congo est membre de la francophonie.

   Dans le contexte qui est le mien, je voudrais démontrer que la RD Congo est un Etat dont les citoyens sont des locuteurs bilingues. Cette situation est due à la pluralité de ses langues et au génie  organisateur de l’Etat. En de telles occasions, il faut savoir faire un effort ! C’est ce que j’ai tenté de mon mieux.

   En RD Congo, le bilinguisme est un fait réel et admirable. Mais ceux qui parlent le français, langue officielle, se considèrent comme citoyens supérieurs, ceux qui ne parlent qu’une des langues nationales avec leurs langues tribales sont vus par les premiers comme des citoyens de seconde classe ; et finalement, ceux qui ne parlent que leurs langues tribales sont considérés comme des citoyens vulgaires. Que dire du complexe qui règne pour l’anglais ?

   Comment la RD Congo doit-elle résoudre les problèmes que lui posent ses nombreuses langues ? Les langues ! Oui les langues. C’est d’elles dont il est ici question. Mais comment se fait-il qu’un sujet qui devrait nous rassembler nous divise ? Comment expliquer que les hommes puissent douter de l’humain au point de faire de la question de la langue une pomme de discorde et une source de dissentiment ? Il suffit d’allumer une radiotélévision pour se rendre compte que la division des langues a une signification du point de vue de l’histoire de l’humanité. Apparait-elle comme une conséquence du péché ? C’est l’explication théologique. Comme une conséquence de la désobéissance civile ? Les politiciens sont tentés de l’accepter. Comme base des conflits sociaux ? En tout cas certains leaders d’opinion s’y penchent. Que dire des philosophes, anthropologues et sociologues ? A voir de près l’histoire des religions, et surtout le chapitre 11 de la Genèse, célèbre récit du mythe de la « Tour de Babel » donne une curieuse explication de la diversité des langues et il nous y est dit en effet que les hommes « formaient un seul peuple et avaient pour eux tous une même langue » (11,6). Mais ayant voulu, dans leur ambition, construire à Babel, c'est-à-dire à Babylone, une tour qui pût être vue des extrémités de la terre et qui aurait été le symbole d’une domination mondiale, ​Iahweh décida « de confondre leur langage de sorte qu’ils n’entendent plus le langage les uns les autres » (11,7). Il est remarquable que cette question a fait l’objet de bien des réflexions chez les anciens théologiens juifs et chrétiens. Elle était chez eux en relation avec la doctrine des anges des nations[2].

   D’autres cultures ont produit des récits analogues. Mais les Hébreux donnèrent une valeur particulière au mythe associant à celui-ci le nom de Babylone où, par suite d’une erreur d’étymologie, ils voyaient un dérivé de ​bâlal, ​verbe qui signifie « égarer ». Pour les Hébreux, peuple rural et attaché à une religion austère, Babylone, capitale de l’empire babylonien puis de l’empire assyrien, était une cité livrée au péché. Le mythe de Babel n’explique pas seulement la ruine des tours de Babylone. Il répondait à une question de première importance, que partout sans doute les hommes réfléchis se sont posée : ​pourquoi les êtres humains parlent-ils tous, mais dans des langues si différentes ? Le Proche-Orient, véritable mosaïque linguistique, ne pouvait voir dans la diversité des langues qu’une malédiction frappant les hommes pour les punir de leur orgueil.

   Ceux qui ont la passion des langues et consacrent leur vie à les apprendre et les enseigner, ceux-là mêmes qui trouvent dans les langues une source de joies renouvelées et un champ de subtiles études, auront de la peine à se mettre dans la disposition d’esprit qui permet de concevoir la diversité linguistique comme une malédiction. Cependant, il leur suffit de visiter un pays (la RD Congo, par exemple) où sur chaque enseigne, chaque écriteau, paraît une suite des signes cabalistiques, où toute tentative de communiquer avec des autochtones ne provoque que des haussements d’épaules, pour éprouver en partie le sentiment de terrible isolement que cache le mythe des Hébreux. Mais le scientifique est en droit d’apporter une correction fondamentale au récit biblique. Et c’est ce que j’ai tenté de mon mieux : les hommes ne furent pas dispersés sur la face de toute la terre parce qu’ils ne pouvaient pas se comprendre les uns les autres : ils ne pouvaient pas se comprendre les uns les autres parce qu’ils étaient dispersés. ​La Genèse ​donne la cause pour la conséquence. De fait, le temps et l’éloignement dressent des barrières entre les hommes et créent dans les langues des déviations qui nous étonnent parfois, mais suivent des lois régulières.

2.De la biologie au biologique

   La cause de ce phénomène est évidente. Le langage est pour l’homme la forme de comportement social la plus caractéristique ; et comme pour toutes les formes du comportement social, l’enfant en fait l’apprentissage complet, en partant des rudiments. Non seulement il peut apprendre n’importe quelle langue parlée autour de lui, mais il doit  apprendre la langue de son entourage. Cependant, en l’apprenant, il la change, et jamais il ne la parle exactement comme ceux qu’il entend. Nous partirons d’un texte du Contra Celsum, V, 30. Origène et Celsus sont d’accord pour admettre que Dieu a partagé la terre des anges et que chacun d’eux a reçu en lot un territoire et les habitants qui l’occupent. Mais Origène se sépare de Celse sur l’explication à donner de cette distribution. Pour l’écrivain païen, elle constitue un ordre primitif et inaltérable[3]. Origène oppose à cette vue que la distribution a donc eu pour principe le hasard ou l’arbitraire. Or on sait que tout son système consiste à voir dans l’inégalité des conditions, celles des anges comme celles des hommes, la conséquence de mérites ou de démérites antérieurs. Il faut donc justifier cette distribution.

   Origène la rattache à l’histoire de la Tour de Babel. Tous les hommes formaient à l’origine une seule nation. Ils habitaient une même région, l’Orient. Ils parlaient une même langue, l’hébreu. Ils étaient gouvernés par Iahweh​. Mais ils abandonnèrent l’Orient et descendirent dans la plaine de Sennaar. Là ils voulurent conquérir le ciel. Pour les châtier, «Dieu les livra à des anges plus ou moins méchants, qui leur imposèrent chacun sa propre langue et les conduisirent dans les diverses régions de la terre, selon qu’ils le méritaient, les uns dans une région torride, les autres dans une région glaciale. Seul Israël, qui n’avait pas abandonné l’Orient, garda la langue originale et resta la part de Iahweh » (Contra Cels., V, 30-31).[4] Tout ceci nous laisse donc entrevoir un ensemble de doctrines sur les anges des nations considérés comme des anges bons à qui Dieu a confié une mission auprès des peuples du monde. Cette doctrine est à distinguer de celle de la chute des anges mauvais, qui joueront aussi un rôle auprès des nations. Cette présidence des anges aux nations est à rapprocher de leur rôle dans le cosmos. Dans l’un et l’autre cas, les anges ne sont pas responsables du culte que les hommes sont seuls coupables5. Cette doctrine apparait à l’arrière-plan de la doctrine de Paul sur la dépression des puissances angéliques : celles-ci en effet ne sont pas considérées par lui comme mauvaises, mais comme ayant rempli un rôle temporaire, analogue à celui qu'’elles ont rempli dans le don de la loi juive, et qui se termine avec la venue du Christ[5]. C’est cette doctrine qu'Origène intègre explicitement dans une perspective chrétienne. 

   Du même coup nous apparait l’intérêt général de ces doctrines. Elles concernent directement la théologie chrétienne de l’histoire. Elles expliquent en effet le paradoxe de l’histoire présente où se trouvent coexisté l’ordre ancien des nations, qui correspond à l’économie des anges, et l’ordre nouveau de l’Eglise, où tous les hommes sont réunis sous l’unique royauté du Christ[6]. Elles viennent rejoindre aussi les recherches modernes sur les mythes. Les psychologues modernes des religions présentent les nations comme toujours prêtes à hypostasier en divinité leur inconscient collectif. Mais nous pouvons voir là le culte idolâtrique rendu par la nation à son ange protecteur.

   Or, ici, Origène est l’écho des traditions juives[7]. Dans une version du testament de Nephtali, nous lisons en effet : « N’oubliez pas le Seigneur votre Dieu, qui fut choisi par notre père Abraham au temps de Phaleg, lorsque les nations furent divisées. Car, en ce temps, le Seigneur descendit des cieux, emmenant avec lui soixante-dix anges pour le servir, avec Michel à leur tête. Il leur commanda d’enseigner aux soixante-dix familles issues de Noé soixante-dix langues. Mais la langue sacrée, l’hébreu, demeura seulement dans la maison de Sem, d’où est né Abraham, votre père. En ce temps Michel dit, de la part de Dieu, aux soixante-dix nations : vous savez le complot que vous avez formé contre Dieu. Maintenant choisissez celui que vous adorerez et qui sera votre intercesseur. Nemrod répondit : Nul n’est plus grand pour moi que celui qui a enseigné en une heure, à mon peuple et à moi, la langue de Kush. Ainsi répondirent aussi Put, Tubal, Javan et les autres. Abraham seul choisit le Seigneur et celui-ci dispersa les nations et donna à chacune son lot. Seule la maison d’Abraham demeura avec le Seigneur[8]. » (Charles, Pseud., p. 363.) 

   Origène insiste sur le fait que les anges apprennent aux humains. Le processus de cet apprentissage aboutit à ce que l’on peut appeler une « imitation créative », qui ne reproduit pas minutieusement le modèle, parce qu’elle ne sort pas d’une usine mais est l’œuvre d’un artisan. La faculté de parler est certainement innée, et l’enfant parle instinctivement. Mais c’est précisément par sa diversité et par son caractère idiosyncrasique que le langage humain diffère du chant des oiseaux[9]10. Si le langage humain n’est pas entièrement idiosyncrasique, c’est que dans chaque tentative de communication, la réaction de l’interlocuteur oblige celui qui veut se faire entendre à contrôler son expression.

   A voir de près, quand deux groupes ne parviennent plus à communiquer l’un avec l’autre, chacun d’eux s’en va de son côté, en affirmant et multipliant ses idiosyncrasies, qui se marquent dans le parler et forment ce que les linguistes appellent des « idiolectes » ; ceux-ci s’accumulent peu à peu et constituent des dialectes, puis des langues et enfin des familles de langues. A ce point on a confondu race et langue au détriment de l’une et de l’autre, et l’on a favorisé ainsi une sorte de racisme linguistique qui est la vraie malédiction de Babel. Des expressions comme famille linguistique​, langue mère​, génération de dialecte, filiation des mots. ​Ce sont là des métaphores qui peuvent conduire à de graves erreurs, car il n’y a rien dans les langues qui soient semblable à la lignée biologique. Quand on dit que le kikongo est issu de kintandu et que le kintandu est ​issu ​de langue ​bantu et celle-ci du ​protobanu. Tout au long de cette évolution, des enfants ont appris à leur façon, en la modifiant, la langue des grandes personnes qui les entouraient, des adultes ont appris et désappris leur langue, pour satisfaire aux obligations sociales ou politiques que leur imposait le cours de la vie.

3.L’apprentissage est la clef

Quand on dit que ​l’apprentissage  est la clef de tous les problèmes de langue, on énonce une vérité première. Mais à ma connaissance, aucun linguiste n’a jamais entrepris de recherches sur un développement de cet apprentissage, phénomène que j’ai vu et que j’observe dans ma société, congolaise, veux-je dire. Les éléments communs entre le récit que nous avons vu chez Charles et celui d’Origène sont manifestes : les nations sont reparties entre les anges ; chaque ange enseigne sa langue au peuple à qui il est préposé : seul Israël garde la langue originelle, qui est l’hébreu ; l’élection d’Israël est représentée comme une conséquence de sa fidélité. On remarquera toutefois des différences : le Testament distingue deux moments successifs : la division des langues, qui parait antérieure au complot de Babel, et la dispersion, qui suit le choix par chaque nation, à l’exception d’Israël, de son ange pour divinité ; dans ce second épisode, Abraham apparaît comme représentant d’Israël. Un dernier trait n’était pas dans le texte d’Origène : la doctrine de la descente des soixante-dix anges. Mais nous le retrouvons ailleurs chez notre auteur dans un passage mystérieux du traité des princes. Origène écrit : « La descente en Egypte des soixante-dix hommes d’Israël (​Gen​., 46, 27) désigne la descente des saints pères (-les anges) dans le monde, permise par la providence pour l’instruction du genre humain » (4, 3, 11-12). Il est impossible de ne pas reconnaître ici la haggada du Testament de Nephtali. 

   On peut remarquer que tous ces traits se retrouvent ailleurs dans la tradition juive ancienne. La répartition des nations entre les anges apparaît déjà dans la traduction donnée par les 70 de ​Deut​., 32, 8 : « Lorsque Dieu adjugea aux nations leur héritage, il fixa les limites des peuples d’après le nombre des anges de Dieu.» Cette descente des anges à qui Dieu confie les nations est également une tradition, distincte de la chute des mauvais anges. On la trouve dans le livre des jubilés (IV, 5)[10]. Le nombre de soixante-dix pour les anges pasteurs de peuples est dans Hénoch, 89. Le rôle d’Abraham au moment de la dispersion des nations apparaît dans le liber Antiquitatum​, du Pseudi-Philon, qui est du 1èr ​siècle ap. J.-C. un culte aux anges, en particulier sous la forme des religions astrales, et ancienne (Sapt., 13, 3 ; Col., 2, 17). Le lien des anges et des langues n’est pas sans référence (I Cor, 13, 1). Le caractère révélé par Dieu de l’hébreu est dans jub., 12, 26.

   Plus précisément encore, l’idée que les anges ont été envoyés par Dieu pour punir les hommes, lors de l’épisode de Babel, en confondant leur langage et en les dispersant, qui est proprement celle d’Origène, se trouve chez Pilon d’Alexandrie. Il s’agit d’un commentaire de Gen., 11, 7, le récit même de la confusion des langues. Le texte des LXX donne : « Venez, descendons et confondons leur langage. » Ce pluriel peut être interprété dans un sens polythéiste. Et effectivement nous rencontrons une tradition de ce genre. Ainsi dans Flavius Josèphe : « Les dieux, ayant envoyé des vents, détruisent la tour et donnèrent à chacun une langue particulière » (Ant. Jud., I, 4, 3). De même aussi Abydenos (Eusèbe, prép. Ev., IX, 14, 12). Philon prend position contre cette interprétation. Ce n’est pas à des dieux que Iahweh s’adresse, mais à des anges : « Dieu, qui est un, a autour de lui des puissances ineffables, qui sont confiés aussi les châtiments » (Conf. Ling., 34, 171). Ces derniers mots semblent bien directement faire allusion à un récit où la confusion des langues était attribuée à des dieux, comme c’est le cas chez Josèphe et Abydenos. Et c’est encore à cette même tradition que Philon fait allusion par la suite, quand il rapporte l’opinion d’exégètes qui, s’en tenant à la lettre du texte, voient dans l’épisode de Babel l’origine des « divers dialectes grecs et barbares » (190, 38)13

   Ce qui est intéressant dans ce texte, c’est que la doctrine des anges des nations nous y apparaît dans sa genèse même, comme un effort pour concilier le monothéisme juif avec l’existence des dieux nationaux[11]. Philon se trouve en présence de traditions syncrétistes, plus ou moins empreintes de polythéisme. Il est remarquable d’ailleurs que tout le traité De confusione linguarum soit une polémique contre l’assimilation des récits bibliques aux mythes païens, telle que des écrivains, comme Abydenos, avaient pu la réaliser. Philon ne rejette pas entièrement ces traditions. Mais les interprètes en conformité avec les exigences de l’orthodoxie juive. Est-il le premier à avoir introduit les anges dans le récit de Babel pour répondre à ce problème ou est-il l’écho de traditions antérieures ? Ce qui est sûr en tout cas, c’est qu'’il est le premier chez qui cette exégèse apparaît. 

   Ainsi, c’est tout un ensemble de traditions juives dont Origène est l’héritier. La question qui se pose est de savoir si ces traditions, Origène les a puisées directement dans les apocryphes juifs ou dans la conversation des rabbins, avec qui il avait des relations ; ou bien s’il les a trouvées déjà assimilées dans la tradition chrétienne. Or il est certain que nous rencontrons, aux origines du christianisme, chez les rabbins convertis de Palestine, une élaboration théologique judéo-chrétienne, qui a incorporé au christianisme un grand nombre de traditions juives, en particulier dans le domaine de l’angélologie. C’est l’écho de ces spéculations que nous rencontrons dans des ouvrages comme l’Evangile de Pierre ou l’Ascension d’Isaïe, livres dont se sont servi certains leaders d’opinion identitaristes. Ce sont elles aussi qui constituent ces traditions orales que nous ont transmises Papias, Iréné et Clément et qu'’ils font remonter à des presbytres, contemporains des apôtres, qui paraissent bien être nos rabbins convertis. Ce sont elles enfin que nous retrouvons dans le judéo-christianisme hétérodoxe, tel qu’il nous est connu par les écrits pseudo-clémentins. 

   Nous rencontrons en fait certains points de contact entre le texte d’Origène et les écrits pseudo-clémentins[12]. Hom. VIII, 12, présente la conception d’une descente des anges venant prendre soin des hommes. Ce passage comprend l’idée d’une incarnation des anges, que nous retrouvons chez Origène et chez Mfumu Nkusu. Par ailleurs, Rec., I, 30, nous dit que l’hébreu qui avait été donné par Dieu au genre humain resta la langue commune jusqu’à la 11ème génération et qu'alors les hommes, ayant quitté l’Orient, reçurent chacun leur territoire propre qu'’ils désignèrent dans leur propre langue[13][14] ​.  Ayant parlé des enfants dans l’apprentissage, les adultes ont assimilé les façons de parler reçues, au point de noter automatiquement, non pas que le langage d’une personne s’écarte de la norme, mais que tel individu est « vulgaire », ou « étranger », et ils se comportent à l’égard de cet individu selon la qualité qu’ils lui ont attribuée. Cette qualification nourrit souvent des préjugés et entretient une attitude hostile ; elle conduit à écarter l’intrus, à dénigrer l’individu. Là, pour moi, se manifeste la malédiction de Babel. Mais l’on remarquera que, comme dans le Testament de Nephtalie, à la différence d’Origène, cette division des peuples et des langues n’est pas mise directement en relation avec la Tour de Babel.

4.Le Problème du bilinguisme

   La multiplication des langues et des dialectes est la conséquence naturelle et fatale de la dispersion de l’humanité. Le mythe hébreu semble bien s’accorder avec la réalité historique quand il met dans la bouche de l’Eternel ces paroles : « Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même langue ». En effet, je ne vois pas d’autre explication satisfaisante des similitudes fondamentales que l’on note entre toutes les langues naturelle connues. Exemples : en latin, ambo, première personne du singulier de l’indicatif présent de ambare signifie je double et ambo en kibunda, nom attribué au jumeaux qui signifie double. Gina, en kipende qui signifie femme mère et gineka (γινέκα) sigifie femme. En ce sens, la tour de Babel est un symbole profond de l’unité essentielle des êtres humains et de leur communauté originelle, en tant qu’animaux doués de la parole.

   Dans leurs efforts pour écarter la « malédiction » de Dieu, les hommes ont eu recours à des politiques variées, allant de la tolérance et du bon voisinage à un rigoureux isolement, de l’acceptation empressée d’une langue étrangère à la suppression brutale de ceux qui voulaient introduire cette dernière. De ce creuset où les langues se sont rencontrées est sortie une catégorie d’individus qui parlent ou du moins se débrouillent dans plus d’une langue : les polyglottes. Dans son livre  Bilingualism in the Americas ​(traduit en français, Bilinguisme en Amérique​), Einar Haugen, pour simplifier son exposé, appelait « bilingue » tous les individus qui utilisent plus d’une langue. Et il renchérit que pour utiliser une langue, il n’est pas indispensable d’en savoir toutes les finesses, d’en posséder à fond le vocabulaire ; dans de nombreux cas il suffit, par exemple, de comprendre ceux qui la parlent ou de comprendre un texte écrit dans cette langue.

   Aujourd’hui, en RD Congo, on constate un vif courant d’intérêt en faveur des bilingues et du bilinguisme. L’intérêt qui se manifeste actuellement a été déclenché par de nombreux facteurs : action militante des autochtones et des Congolais des langues bantoues ; sensibilisation de l’opinion aux problèmes traditionnels, confiance dans l’éducation pour triompher de la discorde intestine. Il n’est personne en RD Congo qui ne parle qu’une seule langue. Le lien de la répartition des peuples entre les langues et de la distribution des langues apparaît dans Hom. XVIII, 4 : « Suivant le nombre des fils d’Israël, qui étaient soixante-dix, quand ils entrèrent en Egypte (Gen., XLVI, 27), le père délimita par soixante-dix langues les frontières des nations. A son Fils, qui est appelé Seigneur, il donna pour sa part les Hébreux et il déclara qu'’il serait le dieu des dieux, je veux dire des dieux qui ont reçu pour leur part les autres nations. Ces dieux portèrent tous des lois pour leur part les autres nations. Mais le Fils donna la Loi qui est en vigueur chez les Hébreux. » Les Rec. (II, 42) connaissent d’autre part la division des soixante-dix (ou soixante-douze) peuples et leur répartition entre les anges. Elles ajoutent que ces anges sont pris pour des dieux par ceux auxquels ils sont préposés, bien qu'’eux-mêmes ne s’attribuent pas cette dignité[15]. Il est intéressant de rapprocher du premier de ces textes le passage d’Origène dans le Traité des principes​, voyant dans les soixante-dix hommes d’Israël qui descendent en Egypte le symbole des soixante-dix anges instructeurs.

   Aujourd’hui, on presse certains groupes ethniques d’enseigner aux enfants la langue maternelle de leurs parents, afin de défendre leur identité culturelle. On a créé, dans nos écoles un bilinguisme où vivent d’importantes tribus na parlant pas le français. Assurément, les Congolais ne sont pas les seuls dans le monde à avoir de tels problèmes. Et il est frappant de constater qu’à notre époque un grand nombre de groupe linguistique ou tribal refusent d’être considérés comme des citoyens de seconde classe dans les pays où ils résident. Une telle réaction de cette nature ne pouvait se produire aussi longtemps que les gens étaient liés au lieu de leur travail, là ils « coupaient le bois et puisaient l’eau ». Si on compare ce cas au temps culturel correspondant au Moyen Age ou dans l’empire des tsars, on n’entend guère parler de problèmes posés par des tribus et leur ethnonyme. 

   Ainsi, presque tous les traits que nous présentaient les textes d’Origène se retrouvent dans la tradition juive. Certains éléments toutefois sont originaux. Origène détaille plus qu'’aucune de nos source le rôle des anges dans la révélation des langues. Il y insiste encore davantage dans Hom. Nom : « Dans le passage de la Genèse où Dieu dit, s’adressant sans doute aux anges : venez, confondons leurs langues, ne faut-il pas penser que ce sont des anges différents qui ont donné aux hommes des langues et idiomes différents, l’un donnant à son peuple la langue babylonienne, un autre la langue grecque » (XI, 4) ? De même la séparation des langues apparaît chez Origène comme un châtiment, plus que dans la haggada juive. Mais nous pouvons nous demander si ceci est dû à une élaboration propre de notre auteur ou bien s’il représente des traditions juives que nous n’avons pas. Quoi qu'’il en soit nous avons ici l’effort le plus puissant qui ait été tenté pour préciser la condition de l’humanité à quoi correspond la division des langues. Quand ceux qui ne parlent pas la langue officielle s’en vont vivre dans d’autres régions où il existe déjà une autre langue nationale, ils se plaignent d’avoir été l’objet de procédés discriminatoires. 

5.Langue et discrimination sociale

   A en juger par ce que nous venons d’exposer, on pensera qu’au moins qu’il y a des langues qui occupent la meilleure place et que leur condition linguistique les satisfait pleinement. 

   Mais cet ensemble de choses va être bouleversé par la venue du Christ. Celle-ci signifie en effet l’apparition d’un ordre nouveau dans lequel le Verbe de Dieu supprime les intermédiaires dans son gouvernement du cosmos et de l’histoire. Les anges se trouvent ainsi dépossédés de la préfecture qui leur avait été donnée par Dieu dans l’ordre primitif. Ceci est un thème cher à saint Paul. Le texte essentiel est celui de l’épître aux Colossiens : « Il a dépouillé les principautés et les puissances et les a livrées hardiment en spectacle, en triomphant d’elles par la croix » (II, 15). Ces principautés, ce sont bien celles auxquelles les nations étaient soumises : « Quand vous étiez enfants, vous étiez sous l’esclavage des rudiments du monde, vous serviez ceux qui par nature ne sont pas des dieux. Mais à présent que vous avez connu Dieu ou mieux que vous avez été connus de Dieu, comment retournerez-vous à ces pauvres et faibles rudiments, auxquels de nouveau vous voulez vous asservir encore » (Gal., IV, 3-9). C’est bien là cet ordre premier, où les hommes avaient les anges pour préposés.

   Or ceci est avec Jésus-Christ un monde aboli. Dieu a exalté le Christ « au-dessus de toute puissance, de toute principauté, de toute domination et de tout ce qui se peut nommer. Il a tout mis sous ses pieds » (Eph., I, 20-21). Les exégètes discutent pour savoir si ces puissances vaincues sont bonnes ou mauvaises. Cullman les tient pour mauvaises, Benoît les croit bonnes, Cerfaux les traite d’ambigües. En réalité il s’agit à la fois de l’abolition d’un ordre établi par Dieu et d’une dépossession de tous les anges. Mais comme cet ordre était perverti par les anges mauvais, cette dépossession prend l’apparence d’une victoire remportée par le Christ contre les puissances rebelles.

   Cette distinction a été bien vue par Origène. Le premier il nous montre les bons anges saluer la venue du Christ qui vient à leur secours et se mettre spontanément à son service : « ce fut une grande joie pour les pasteurs, à qui était confié le soin des hommes et des nations, que la venue du Christ dans le monde » (Ho. Luc, 72). Ceci paraît déjà la pensée de saint Paul, d’après Cerfaux : « Les anges ont conservé intacte leur députation première au gouvernement de la création et ils se soumettent pleinement et spontanément au règne du Christ »[16]18.

   Mais il en est autrement des mauvais anges des nations : « c’est dans le Christ que s’accomplit cette parole de l’Ecriture : Ta descendance recevra en héritage les cités de tes ennemis. Ainsi la colère s’empara des anges qui tenaient les peuples sous leur domination en voyant le Christ leur enlever la puissance qu'’ils avaient sur elles. Ainsi est-il écrit : les rois et les princes de la terre se sont dressés contre le Seigneur et son Christ » (Ho. Gen., IX, 3). Ce n’est pas seulement leur pouvoir, mais leur fausse science que le Christ est venu détruire : « Lorsque les princes des nations virent le Seigneur venir dans le monde pour détruire toutes les doctrines de la fausse science, ils lui tendirent des pièges » (De Princ., III, 3, 2).

   Quelle est la conséquence de cette dépossession des anges par rapport aux sphères nationales et culturelles auxquelles ils étaient préposés ? Avec leurs prototypes célestes, sont-elles aussi abolies ? Avec le polythéisme, est-ce aussi la diversité des nations, des langues et des cultures qui disparaît ? A cette question plusieurs réponses peuvent être apportées, qui sont en relation avec les diverses acceptions de l’eschatologie.

   Un fait certain : c’est que le christ inaugure une sphère nouvelle d’existence où toutes les anciennes distinctions sont abolies. A l’économie ancienne fondée sur la distinction des nations, des langues et des cultures un ordre nouveau est substitué où tout est unifié dans le Christ. C’est cette unité qui est signifiée à la Pentecôte par le miracle des langues qui est la contrepartie de l’histoire de Babel. Désormais la communication est rétablie entre les diverses parties de l’humanité. Elles ont retrouvé un langage commun. Et par ailleurs elles n’ont plus d’autre pasteur que celui qui est le Prince des Pasteurs. La royauté du Christ, comme l’a bien vu Cullmann, est actuelle et s’étend à toutes les sphères de l’existence humaine. Il y a des tendances selon lesquelles pour mener une bonne action politique, il faut regrouper des langues et en imposer celle qui ont une grande influence en jugeant que la diversité des langues fait obstacle au progrès et doit être éliminée par l’application impitoyable d’une ferme politique d’assimilation : le bon fonctionnement de la machine national se trouve détraqué par la multiplicité des codes qui se gênent les uns les autres et ralentissent le processus d’organisation de la masse des citoyens en un instrument de travail homogène.

6.Langue et personnalité

   Mais qui sommes-nous pour réclamer un génocide linguistique au nom de l’efficacité ? Nous devons nous souvenir que si la langue est un outil, un instrument de communication, elle n’est pas que cela. La langue fait partie de la personnalité d’un être humain : elle est une forme du comportement qui a ses racines dans les expériences les plus anciennes de cet être. Ce sentiment, certains chrétiens les éprouvent en insistant sur le règne du Christ. Mais quelle est la relation de ce règne actuel du Christ et des royaumes terrestres.

   Deux interprétations ici s’opposent. La première est celle d’Eusèbe. Pour celui-ci, l’unification du monde est déjà accomplie sur le plan politique et temporel. Avec le polythéisme, c’est la division des nations qui est abolie. L’unité du monde est accomplie par l’Empire chrétien. La monarchie est l’expression du monothéisme. Le royaume du Christ n’est donc pas seulement la sphère de l’Eglise, qui retentira seulement eschatologiquement sur la société temporelle. Il est actuellement réalisé sur le plan politique et culturel.

   On voit la doctrine qui est à l’arrière-plan de cette vision. C’est celle de la relation rigoureuse des domaines politiques et angéliques. Si les anges sont dépossédés, les nations qui ne sont que leur manifestation visible doivent disparaître aussi. Ainsi le monothéisme entraîne la monarchie universelle comme sa conséquence normale. Celle-ci entraîne la paix, puisque les divisions de nations étaient la source de la guerre. La pax romana est identifiée avec pax messianica. La culture romaine absorbera les cultures nationales et la division des langues introduites par les puissances de Babel. A la victoire du logos sur les puissances dans le monde céleste correspond la victoire de l’empereur, lieutenant du logos, sur les notions dans le monde terrestre[17].

   Mais à cette conception qui sera celle de l’Empire byzantin et du Saint-Empire s’en oppose une autre, qui était celle d’Origène. L’unité du monde ne sera réalisée pleinement qu’eschatologiquement. Jusque-là cette unité correspond à la sphère de l’Eglise où toutes les différences sont abolies. Mais l’Eglise coexiste avec le monde des nations. Les puissances, dépossédées, gardent un pouvoir jusqu’à la Parousie. La tension entre la sphère du royaume de Dieu et celle des royaumes terrestres continue donc d’exister. Dans ce stade intérieur, la division des nations et celle des cultures reste encore la loi de l’ordre naturel.

   Ainsi la division des langues, comme celle des nations, apparaît comme un aspect de la condition humaine pécheresse. Elle ne correspond pas à sa vocation première. Et c’est pourquoi la nostalgie de l’unité travaille obscurément les hommes. Mais en même temps elle représente une ordonnance de Dieu. Elle établit des conditions qui sont adaptées à la nature de l’homme déchu. Elle crée un milieu naturel à la mesure de sa faiblesse. Ce milieu naturel, il sera dangereux de la méconnaitre. Toute tentative par conséquent pour reconstituer par des moyens humains l’unité linguistique de l’humanité présente un caractère ambigu. Elle est une sorte de parodie de l’unité véritable qui était celle du paradis. Cette restauration existera en plénitude à la fin des temps. A ce moment, comme dit l’Apocalypse, des hommes « de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue » loueront l’Agneau d’une seule voix (VII,9). Mais cette unité eschatologique est déjà mystérieusement commencée avec le Christ, qui a déjà restauré l’homme dans le Paradis. Et la manifestation de cette unité apparaît précisément dans une scène qui fait pendant à celle de Babel, et qui est celle de la Pentecôte. Ce jour-là en effet, les apôtres « remplis d’Esprit-Saint, se mirent à parler d’autres langues » et la foule « composée de gens de toutes les nations qui sont sous le ciel, fut bouleversée parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue » (Act., II, 4-6).

   Ainsi, de même qu'’à Babel la division des langues avait été le signe de la rupture de l’unité humaine par le péché, de même la restitution de l’unité humaine par le Christ, dans l’Esprit, se manifeste visiblement par le fait que les hommes à nouveau se comprennent. Mais ceci est seulement un signe. Cette unité est une unité « cachée ». Nous sommes fils de Dieu, dit saint Jean, mais ce que nous serons un jour n’est pas encore manifesté. » L’Eglise est le sacrement, le signe visible de cette unité et les langues liturgiques internationales, latin, grec, vieux slave, en sont l’expression linguistique. Mais il reste que la condition humaine demeure celle de la division des langues. Si le péché est déjà vaincu, les conséquences du péché, la mort, la maladie, la division des langues ne le seront qu'à la résurrection des corps.

   Quelle sera dès lors l’attitude du chrétien devant la division des langues ? Parce qu’il croit que l’unité linguistique est une réalité eschatologique, parce qu'’il pense que toute tentative impérialiste ou syncrétiste d’unification linguistique de l’humanité est sacrilège, va-t-il se résigner à voir les peuples enfermés chacun dans leur univers propre, sans communication les uns avec les autres ? Ceci serait inacceptable démission. Aussi bien n’est-ce aucunement la conception chrétienne. Le christianisme croit à une unité de la société humaine, mais cette unité n’est pas celle d’une uniformité qui détruit les différences providentielles. C’est celle d’une communauté, dans laquelle chacun des membres est complémentairement des autres, a besoin de lui.

   Nous ne devons donc pas supporter impatiemment l’existence de cultures différentes de la nôtre, et vouloir les détruire pour leur imposer la nôtre propre. Mais au contraire, nous devons penser que nous avons besoin de ces cultures pour compléter la nôtre. Rien n’est plus intelligent qu'’un particularisme linguistique. L’humanité serait moins belle, s’il n’y avait la Chine, l’Arabie ou le Monde Noir. Chaque race et donc chaque langue exprime certains aspects irremplaçables de la nature humaine. Chaque langue en particulier a son génie propre, qui exprime mieux certaines notions. Et ceci importe au christianisme. Son message unique, en s’exprimant à travers ces diverses cultures, comme à travers un prisme, manifeste mieux tel ou tel de ses aspects. L’Eglise est Epouse dont parle le Psaume, « vêtue d’une robe bariolée », assumant toutes les cultures pour consacrer toutes à la trinité.

Solution

   Si nous voulons appliquer nos connaissances scientifiques les plus sérieuses à la solution des problèmes posés par la diversité linguistique, nous devons d’abord prendre conscience du fait que le parler d’aucun homme n’est « inférieur ». Il est simplement différent. Comme le kintandu, les langues des Congolais du Kongo Central ne sont pas employées pour traiter de science atomique ; mais leurs utilisateurs naturels peuvent exprimer dans leur idiome des subtilités qui dépassent notre imagination. Comme le kintandu en RD Congo, l’espagnole chicano est peut-être le parler d’une population perdue dans une terre étrangère. Mais dans son pays d’origine, l’espagnol est une langue de la plus haute culture littéraire et scientifique. De même que le Kintandu semble singulier aux habitants des autres provinces de la RD Congo, le kikongo des « ghettos » et celui de certaines régions reculées de l’ancien Bandundu semblent bizarres et déconcertants aux Congolais qui parlent le kikongo usuel ; néanmoins, ces idiomes ont leurs lois intrinsèques, qui permettent à leurs utilisateurs d’exprimer tout ce qu’ils veulent.

   Notre problème est d’apprendre aux gens à tolérer les différences et à juger un être humain sur ce qu’il est et non sur la langue qu’il parle. Régionaliser l’enseignement permet à l’Etat de prendre en compte les spécificités de chaque tribu.

   Ainsi, après un long détour, nous voici ramenés au bilinguisme ; c’est lui qui lèvera la malédiction de Babel. Les individus bilingues sont souvent mal vus, et parfois leurs voisins monolingues se méfient d’eux. On doute de leur loyalisme et on les soupçonne d’avoir une double fidélité. Certains psychologues, qui se fourvoient parce qu&rsqu

Par Photios KIPAMBALA MVUDI JF , dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024