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 Le procédé des mots-valises et la caricature verbale

                                      Gisèle THOA Tsambu[1]

                                        thoatsambu@gmail.com

Résumé

De plusieurs journaux paraissant à Kinshasa, l’un (Le Manager Grognon) a attiré notre attention dans sa façon de créer des mots nouveaux en vue de charrier la cible et égayer le destinataire. Cela se réalise par la soudure de deux mots tronqués : d’une part par apocope du premier mot et d’autre part par syncope du second. Aussi, une partie de cette néologie se joue-t-elle sur des noms propres ou communs, voire des sigles qui sont caricaturés.  

 

Mots-clés : mot-valise, caricature verbale, troncation, composition, dérivation, sigle.

 

Introduction

Nous avons pris goût, depuis la rédaction de notre mémoire de Master, à étudier les mots sous toutes leurs coutures. Dans le présent article, nous avons opté pour l’analyse des mots-valises et de la caricature verbale. Le corpus prend en compte les noms propres, les noms communs, les abréviations, etc. Ces mots présentent plusieurs caractéristiques ; ils sont ludiques, satiriques, cocasses, insolites, caricaturaux, fantaisistes. Ce sont des mots qui ont été créés, en majeure partie, par le satiriste Le Manager grognon entre 2002 et 2011 et, de surcroît, ne gardent pas leur forme première, ils sont déformés : il s’agit de la caricature verbale. Le Manager grognon, qui « parait à l’improviste », est un journal qui pointe du doigt les méfaits de la politique interne de la République démocratique du Congo et ceux des ingérences externes par ses jeux des mots satiriques. L’analyse va consister à étudier ces mots sur le plan lexico-sémantique et sur le plan morphologique.

Sur le plan lexico-sémantique, nous nous limiterons à répertorier ces différents mots-valises et caricature verbale dans le but de les classifier selon leur origine pour mieux en cerner le sens. Ensuite, sur le plan morphologique, après classification, nous nous attèlerons à analyser les transformations qu’ont subi les mots qui composent les mots-valises et la caricature verbale. Les transformations que subissent les mots-valises ne sont pas uniquement morphologiques, il y en a aussi qui sont phoniques. Bien que le journal dans lequel ont été puisés ces mots soit un journal écrit en français, les éléments de l’analyse intègrent non seulement la langue française, mais aussi les langues congolaises (surtout le lingala). Le phénomène de l’emprunt faisant partie de procédés de création de nouvelles unités, un accent sera mis non seulement sur lui, mais aussi sur les procédés de création tels que la dérivation, la composition, la siglaison, la réduction ou troncation, … 

 

  1. Les mots-valises

Les mots-valises ne tiennent que des deux procédés, comme le dit si bien Apothéloz (2002 : 20). « Le procédé du mot-valise tient à la fois de la composition et de la troncation. Il consiste à construire un lexème (généralement un nom) à partir de segments de deux ou plusieurs lexèmes (mots-sources). Souvent, le lexème ainsi créé a un segment central qui est commun aux deux mots- sources, d’où un effet de télescopage (on ne sait pas où se termine le premier mot-source et où commence le second. »

A la lecture des mots-valises en notre possession, nous constatons qu’il n’est pas aisé de déceler leurs différentes composantes ; on se croirait en présence des dérives de l’orthographe lorsqu’on n’est pas bien rodé.  Il suffirait tout simplement de bien connaître le lexique de la langue pour arriver à déterminer le segment central qui lie les lexies en présence, qu’elles appartiennent à la même langue ou pas.

C’est ainsi que nous avons des lexies telles que dialogue-diable, dictateur-dinosaure, ministre-ridicule qui se sont emboitées les unes aux autres, ceci a produit comme effet les mots-valises : diabologue, dictanosaure, ministricule.

Ces mots sont créés par contraction et ou fusion des deux lexies. Pour arriver à cette transformation, les mots sont au préalable tronqués. Cette troncation consiste à supprimer une fraction de la lexie soit au début soit à la fin ou encore au milieu. L’aphérèse ou troncation à gauche consiste à la chute des syllabes au début du mot. De même lorsque les syllabes sont supprimées à la droite du mot, on est en présence de l’apocope ou troncation à la fin du mot. La troncation médiane ou syncope est celle qui se fait à l’intérieur du mot.

  • Dictanosaure est créé par apocope du mot dictateur + aphérèse du mot dinosaure. Il désigne « le dictateur à l'allure des dinosaures[2] de l'époque de Mobutu ».
  • Ministricule a subi la même transformation que le précédent, c’est-à-dire qu’il est la résultante de l’apocope de ministre + l’aphérèse de ridicule. Il renvoie au « ministre médiocre ».
  • Diabologue présente des caractéristiques particulières. Les deux lexies qui le composent possèdent des débuts similaires dia-, cela va sans dire qu’on ne sait pas si l’on est en présence de l’apocope ou de l’aphérèse, laquelle de dialogue et de diable a été sectionnée ?  On constate en outre qu’il y a un o qui est venu s’insérer entre b et l sans pour autant appartenir aux deux lexies en présence. Il s’agit de la création par expansion de la lexie : de deux formes réduites dialogue et diable, on arrive à une forme allongée diabologue. Ce mot-valise se réfère au « processus de paix qui a réuni les Congolais autour d'une même table à Sun City en 2002 mais qui au final n’a pas apporté des solutions attendues ».

 

1.1. L’emprunt et le mot-valise

L’emprunt consiste à insérer dans la langue A un élément X appartenant à la langue B. Le phénomène d’emprunt est x le plus productif dans la créativité lexicale. L’emprunt intervient dans tous les autres procédés de création ; le mot emprunté peut être dérivé comme il peut être composé, etc. C’est ainsi que nous le retrouvons aussi dans la constitution des mots-valises.

Les mots-valises dont il est question dans notre étude sont des mots d’origine française. Aussi dans la constitution de nos mots-valises nous ne devrions trouver rien que des segments provenant de la  langue française. Or, dans les exemples qui vont suivre les éléments sont d’origine autre que française : éconzomie, épiscopolence sont constitués respectivement de ekonzo  qui est un mot lingala qui signifie épargne et episkopo, mot emprunté du latin ecclésiastique episcopus et entré en lingala, qui signifie « évêque », télescopés aux mots français économie et excellence

Le mot-valise éconzomie a subi à la fois une transformation graphique et un mélange de code sur le plan phonique. La transformation graphique s’est jouée au niveau de l’accent sur le « e » que la langue lingala ne connaît pas et la graphie « co », qui, en principe en lingala s’écrit « ko » comme l’atteste l’écriture du mot lingala « ekonzo » dont découle cette nouvelle lexie.  Sans se référer à sa graphie, mais plus à son phonétisme, le constat est que ce mot valise résulte de la contraction du mot lingala « ekonzo » et la troncation à gauche, soit l’aphérèse du mot français économie : ekonzo + économie = econzomie.  

De même épiscopolence a suivi presque Kabilharziose->Kabilhar-zioser = Kabila + bilharzios(e) – er. Kabilharzioser les mêmes transfor-mations : il porte un accent sur le « e » que le lingala n’a pas et la graphie du son [ko] rendu par « co ».

Episcopolence signifie « Son Eminence le Cardinal » et Econzomie renvoie à « économie de l’Etat ».

 

1.2. Famille valise

En principe, le mot-valise procède de la composition et de la troncation, la dérivation n’intervient qu’après la création d’un premier mot-valise auquel on adjoint des affixes.  Le corpus contient deux mots-valise auxquels on a adjoint un ou plusieurs suffixes, il s’agit de Kabilharziose et Yerodiable qu’on peut analyser comme suit : signifie « présidence de Kabila Joseph minée par des guerres et exactions de tout genre».

Yerodiable -->yerodiabolisation = (Yerodia) + diabolisation =>diabol- (du grec diabolos) -is-ation. La yerodiabolisation c’est la « diaboli-sation à la manière de Yerodia Abdoulaye Ndombasi[3] ».

Par dérivation, le mot-valise peut constituer plusieurs autres qui ont une même base valise. Ces mots-valises ainsi créés entrent dans la catégorie de famille-valise. Nous avons les mots-valises yerodiable et yerodia-bolisation, ce dernier a été créé, comme nous venons de le voir, à partir de la dérivation suffixale du mot-valise yerodiable.

« Parfois les mots-valises engendrent virtuellement une petite famille de mots-valises (…) Dans ce cas, on peut considérer qu’il y a à l’origine du mot-valise non pas deux lexèmes, mais deux familles de lexèmes ; … » Apothéloz (2002 : 21)

Dans l’exemple précité, le nom Yerodia étant un nom propre congolais, on ne pourra affirmer qu’il puisse avoir une famille de lexèmes autour de lui. En revanche, le nom d’origine française diable peut avoir une famille de lexème : diable, diaboliser, diablement, diablerie, … Cela va sans dire qu’on peut créer une famille valise yerodiable, yerodiaboliser, yerodiablement, yerodiablerie

 

1.3. La composition et le mot-valise

Le mot-valise Kengowisky ressort de la composition du nom propre Kengo et de la finale des noms des certains peuples de l’Europe du nord. C’est par analogie qu’on a créé ce « nom-valise ». Ce néologisme a été créé pour charrier Kengo qui est un congolais dont le père fut un polonais. Ici, le but est, comme dirait Sablayrolles (2000 : 380), « ce plaisir de choquer autrui, de s’attirer la haine de gens qu’on n’aime pas et dont on se moque » en cela il « peut fort bien être assouvi par des néologismes, qui sont des infractions aux codes » (idem). 

L’auteur veut rappeler l’origine de l’homme politique car se limiter seulement à Kengo laisse le caractère congolais à ce nom ; mais le néologisme à partir du mot-valise Kengowisky, l’oblige à se souvenir de ses origines. 

Lorsque le mot-valise vise les politiques, c’est souvent conformément à un mauvais acte et, qui plus est, délictueux. Le Manager grognon associe Kabila au terroriste islamiste Ben Laden ; pour lui les actes de Kabila sont à comparer à ceux du terroriste arabe, c’est pour cette raison qu’il le nomme Kabiladen. Ce mot valise pose un problème quant à son analyse ; on ne sait pas où se termine le premier et où commence le second. De Kabila à Laden, quel « la » a été coupé et lequel a été maintenu ?

Bousherie : il en découle deux mécanismes : premièrement c’est en se référant à la prononciation du nom propre Bush d’origine anglaise que le satiriste l’a enchâssé dans boucherie, mot français. Deuxièmement, sur le plan phonique, il n’est tenu compte que des phonèmes [u] et [ʃ] qui sont prononcés de la même façon orthographiées u ou bien ou, en sus la suite des lettres ch et sh répond aussi aux mêmes exigences. C’est dire que le résultat Bousherie présente une analyse minutieuse au préalable. On n’arrive pas d’emblée à déceler le début et la fin de chacun des noms constitutifs du mot-valise. Ici, le jeu de mot a porté plus sur le plan phonique que sur le plan morphologique.

Il arrive aussi que le satiriste, parce que c’est de lui qu’il s’agit, s’apitoie sur le sort de la personne. C’est ainsi que Le Manager grognon a créé les lexies lumumbitriste, mobutriste, tirées respectivement des noms propres Lumumba et Mobutu télescopées au mot triste. Ces lexies renvoient aux Lumumbistes et Mobutistes qui ne sont plus au pouvoir et sont tristes pour le fait qu’ils ne gèrent plus la chose publique, d’où lumumbitriste, mobutriste.

De l’analyse de lumumbitriste ressort un constat qui s’avère être l’insertion d’un « i » qui n’existe pas au final du nom propre Lumumba. C’est surement par souci d’euphonie que ce « i » a été ajouté.

Le Congo n’est pas non plus épargné, lieu des conflits bigarrés ourdis par les puissances occidentales. Le mot-valise qui reflète au mieux cette situation se traduit par Congodominium : Congo + condominium, c’est-à-dire souveraineté de deux ou plusieurs puissances sur un même territoire dans ce cas précis : le Congo. Le mot valise obtenu ici est le résultat de la fusion de Congo et de l’aphérèse de condominium. Congodominium signifie « ingérence que subit la RDC de la part des puissances occidentales ».

Parmi les institutions politiques, seul le Sénat est pris à partie. Il est rapproché de sanatorium, établissement spécialisé dans le traitement de la tuberculose. Pour arriver à cette conclusion, il a été procédé par fusion du mot sénat avec l’aphérèse du mot sanatorium. C’est pour charrier l’institution que le satiriste a procédé à sa caricature verbale. Pour lui, l’institution politique est à rapprocher de l’institution médicale supposée soignée des personnes malades, donc faibles. Senatorium résulte de l’apocope de Sénat avec la fusion de l’aphérèse de sanatorium. Le Senatorium renvoie à la « chambre haute du parlement qui ne répond pas aux attentes de ses élus ».   

Les sigles et acronymes ne sont pas du reste épargnés. En effet, ces sigles subissent des transformations graphiques ; A l’Alliance de Bangala (en sigle ALLIBA, fondée par Egbake Homère en 1990), il a été ajouté un « ba », résultant de la contraction de Alliba et de l’aphérèse du nom propre Ali Baba. D’où Allibaba. Issu de ce même moule, nous rencontrons le sigle Onatralala, d’ONATRA (Office National de Transport) et de l’interjection tralala. Cette caricature verbale se rapporte à toutes les malversations qui se commettent au sein de cette entreprise publique.

La compréhension des mots-valises ne pose généralement pas de problème au lecteur. Cela est dû au simple fait que le mot-valise est dans la plupart de cas compositionnel, c’est-à-dire le sens de son composé est déductible à partir du sens des éléments linguistiques qui le composent. Toutefois, les mots-valises étant à bien des égards ludiques, satiriques, comiques, voire cocasses, certains recourent aux similitudes, à l’analogie afin de ressortir au mieux ces caractéristiques.

Dans kabiravane, constitué du nom propre Kabila et de l’aphérèse de caravane, le bon sens conviendrait de lui donner comme référent la caravane de Kabila, alors qu’il ne s’agit que du cortège officiel, l’emploi de caravane, pour ce faire étant péjoratif. Il a comme synonyme roulote.

Aussi, Kagamerde et Kamerde, constitués essentiellement des noms propres Kagame et Kamere ajoutés à cela le mot merde fait penser à ce qu’il y a de plus bas et répugnant. Kagame par le fait qu’il livre depuis bien longtemps une guerre sans merci à l’est de la République Démocratique du Congo contre les Congolais et Kamere, pro Kabila, mais passé du côté de l’opposition depuis, sème le désordre par ses dires d’après l’auteur du Manager grognon.

Les mots-valises ont une connotation souvent péjorative ; c’est souvent, comme on l’a vu tantôt avec les noms de Kagame et de Kamere, accolés à un autre terme dévalorisant. Dans ce même ordre d’idées, le nom propre Kabila combiné avec un terme se référant à une maladie bilharziose déprécie l’élément de référence de ce mot-valise qui est le pouvoir ou le mandat de Kabila qui se traduit comme une kabilharziose. Un mandat miné par des guerres et des rébellions.

Il y a plus ludique encore dans ces mots-valises. Ici, le satiriste ne cherche pas tant à dénigrer, mais il fait un jeu des mots comique et rieur, pour amuser les lecteurs. Sur ce cas précis, nous faisons allusion au mot-valise m’zaulée, qui renvoie à la composition de M’zee (appel-lation affective de Laurent Désiré Kabila) et l’aphérèse de mausolée ; son sémantisme se réfère au mausolée où repose feu Kabila Laurent Désiré. Il paraîtrait long de dire le mausolée du M’zee, alors que m’zaulée en dit long et tout à la fois. La formation de ce mot-valise relève de mécanismes extra-grammaticaux ou marginaux de la langue. Ce point de vue paraît assez explicitement soutenu par  Grésillon (1983, 1984) qui les catégorise comme « monstres » (Fradin, 1997 : 103) « Quand on s'intéresse au comique verbal, le mécanisme qui se présente en première ligne, c'est le vocabulaire lui-même, ou plus exactement le lien solide entre les mots, les phrases et leur signification » (Cazeneuve Jean, 1996 : 13)

Ces mots doivent être inscrits de telle sorte qu'ils poussent le destinateur au rire. Il faut qu'il y ait une communication entre celui qui fait rire et le public pour qui ce rire est destiné. Le comique du Manager grognon s'adresse au lectorat kinois. Il faut être dans le contexte du message du satiriste et savoir de quoi il en retourne pour arriver à rire de ces tournures comiques. La différence entre le rire et le comique est clair : celui-ci est la cause, celui-là est l'effet, à quelques exceptions près bien connues où le rire peut se passer du comique (chatouillement, joie, folie).

Le Manager grognon ne s’arrête pas au comique, il en crée encore d’autres plus burlesques les uns les autres à l’exemple de Lusakasaka, créé à partir de la fusion du nom de la capitale de la Zambie, Lusaka et l’emprunt kikongo sakasaka (feuille de manioc) ; a priori, cette contraction n’a aucune logique, c’est juste ce rapprochement phonique avec la finale du nom kikongo qui les lie afin de ressortir son aspect cocasse. La lexie perd presque sa compositionnalité. On ne peut pas déduire à partir du mot-valise le sens de la lexie.

 

 

 

  1. La caricature verbale

Parler de la caricature verbale semble contradictoire parce que la caricature se réfère à l’aspect physique, c’est une représentation qui, par la déformation, l’exagération de détails ; tend à ridiculiser le modèle. Mais avec les médias, non seulement la caricature est caractérisée par des conventions graphiques, par exemple le président Kabila est toujours représenté avec une abondance des cils et sourcils, Étienne Tshisekedi, un homme ventru coiffé d'un chapeau et Léon Kengo wa Dondo (métis polonais), avec un nez très pointu (Thoa Tsambu, 2012 : 236), mais aussi la caricature est devenue une description écrite comique. Dans la satire, on déforme les mots qui existent dans la langue : il s’agit de la caricature verbale. Dans Le Manager grognon, cette caricature verbale s’attaque aussi bien aux politiques, aux institutions qu’aux hommes d’Eglise.

Selon Charaudeau, la caricature de presse joue un rôle de catharsis sociale et de provocation sociale, elle n'est jamais anodine et son habillage humoristique ne peut exonérer son énonciateur. D'après lui, si le lecteur n'est pas du bord de la cible critiquée, ou s'il peut prendre de la distance vis-à-vis de la critique, il appréciera l'humour, mais en même temps il soulagera une pulsion vengeresse. Dans le cas contraire, il se sentira lui-même atteint, insulté, offensé, ne verra pas l'aspect humoristique et criera à l'outrage demandant réparation. Pourtant, dans les deux cas l'aspect humoristique existe dans la caricature de presse qui participe au dispositif de l'information (Kourdis (2009) in Http:// ww.revue-signes.infos )

 

2.1. La caricature des noms propres

Les noms propres sont soit dérivés, c’est-à-dire le satiriste ajoute un préfixe (ex. Ki-Malumalu), pour rapprocher ce nom à un véhicule de transport en commun des années 80 réputé de mauvais état, soit un suffixe au prénom Vital = Vital’O Kamerhe pour le rapprocher d’une boisson sucrée « Vital’O ».

Il y a des noms auxquels un phonème ou tout un segment de la finale du nom est changé pour ressortir le côté cocasse. 

Ex., Olengambwa, de son vrai nom Olengankoy, « nkoy » étant un animal féroce, le lion, est réduit en « mbwa » qui renvoie au chien. Kin-la-belle est devenu Kin-la-poubelle.

 Mabunda devient Mabundi qui signifie les joues. Ainsi que Gizenga qui change en Gizengi = idiot, sot, …

Les deux noms suivants font office d’une traduction de l’un des éléments qui les composent : Zahidi Ngoma = Zahidi Tam Tam (ngoma en bantou signifie tam-tam), Mira Nzoko =Mira Eléphant (nzoko, du lingala, se traduit par éléphant).

 

2.2. La caricature des noms communs

Sur ce point, la caricature se fonde sur l’homophonie, c’est-à-dire la caricature verbale porte sur l’identité de sons représentés par des signes différents : faim d’année = fin d’année, rentrée skolaire = rentrée scolaire, gouvernerf == gouverneur, saigneur de guerre == seigneur de guerre, pro-fête = prophète, professeur hors-du-nerf = professeur ordinaire, processus de pet = processus de paix, politichien = politicien.

Certains des noms communs sont repris par leurs contraires : le service de sécurité devient service d’insécurité, le porte-parole se charrie en porte-mensonge, l’enseignement supérieur devient enseignement infé-rieur, source digne de confiance change en source indigne de méfiance.

 

2.3. La caricature des noms des institutions

Pour caricaturer ces différents noms, l’auteur de la satire les a segmentés afin de pouvoir faire transparaitre leur côté ludique : Parle-ment, gouverne-et-ment.

L’aspect fantaisiste de ces deux noms réside dans la transformation de leur finale : Présidence de la République = Présidence de la Rip, Union européenne = Union europaïenne.

 

2.4. La caricature des sigles et abréviations

La caricature concerne les sigles qui sont réinterprétés par le satiriste. Cela se réalise soit dans son extension soit dans sa compréhension. Dans le cas d’espèce, le sémantisme même de sigle est bafoué : Honte autorité des mendiants (HAM = Haute autorité des médias), Salaire Insuffisant Difficilement Acquis (SIDA = Syndrome d’immunodé-ficience acquis), Connerie Nationale Souterraine (CNS = Conférence nationale souveraine), Fédération des Escrocs du Congo (FEC = Fédération des entreprises congolaises), Mouvement de Liquidation du Congo (MLC = Mouvement de libération du Congo).  

Ici on tient plus compte de l’homophonie que de leurs représentations graphiques : Aime-elle-sait == MLC, Air-Décès = RDC, idée-peste = UDPS, Anne-erre = ANR.  

 

Conclusion

L’analyse a consisté à récolter quelques mots relevant des noms propres, des noms communs, des noms des institutions et des sigles que le satiriste a déformés soit pour composer des mots-valises, soit juste pour une caricature verbale afin d’en ressortir l’effet ludique, ironique.

Pour créer les mots-valises, il a été question premièrement de posséder au minimum deux noms, qui devaient à leur tour subir une troncation et deuxièmement les souder. Quelquefois ces noms tronqués ne permettent pas de déceler avec précision le lien de leur jointure compte tenu du fait que la dernière partie du premier mot tronqué correspond à la première partie du second.

L’étude de la caricature verbale a relevé les déformations des noms propres, des noms communs et des sigles. Ces déformations ont été faites dans le seul but de charrier les personnes ou les institutions concernées.    

 

Bibliographie

APOTHELOZ, Denis (2002), La construction du lexique français. Principes de morphologie dérivationnelle, Paris, Ophrys.

CAZENEUVE, Jean (1996),  Du calembour au mot d'esprit, Monaco, éd. Du Rocher

CORBIN, Danielle (1987), Morphologie dérivationnelle et structure du lexique, Tome I, sens et structure, Presses universitaires de Lille.

FRADIN, Bernard (1997), « Les mots-valises : une forme productive d'existants impossibles » in Silexicales n°1, Mots possibles et mots existants, Forum de morphologie (1ères rencontres) Actes du colloque de Villeneuve d'Ascq (28-29 avril 1997), publication de l'U.R.A, Lille,  pp92-101.

KOURDIS, Evangelos, La sémiotique de la traduction de l'humour. Traduire la caricature de la presse française dans la presse grecque, in Signes, Discours et Sociétés. Disponible sur : http://www.revue-signes.info/document.

SABLAYROLLES Jean-François, (2000), La néologie en français contemporain, Honoré Champion, Paris.

THOA TSAMBU, Gisèle, (2012), La créativité lexicale dans le journal satirique Le Manager grognon : étude lexico-sémantique, Université Nice-Sophia Antipolis, Nice. (Thèse inédite)

 

 

[1] Thoa Tsambu Gisèle, professeure associée à l’Université de Kinshasa

[2]Personnalité politique pendant le règne de Mobutu, caractérisé par la mauvaise gestion de l’État.

[3] Un des vice-présidents du gouvernement 1+4 2003-2006.

Par THOA TSAMBU Gisele, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024