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L’apprentissage scolaire à l’école maternelle à Kinshasa : déculturation  et désapprentissage linguistico-culturels

Jean Gilbert Mbakama Mingashanga[1]**

mbakamagilbert @ gmail.com

Résumé

   Lire, écrire et compter ont été présentés comme les finalités de l’apprentissage scolaire  de base[2]. C’est, certes,  ce que les parents attendent de l’école. Mais qu’en est-il alors du médium scolaire, véhicule de ces trois compétences cognitives susdites ? N’est-ce pas développer des savoirs, des savoir-faire, des savoir-être en matière des compétences en langues d’enseignement ? A notre avis, il n’est  rien de plus anodin que d’imposer la seule langue française aux enfants aux dépens des langues locales, car loin de nuire à la connaissance du français, les langues locales servent à mieux le comprendre.   

 

Mots clés : Apprentissage, école maternelle, langage, déculturation, désapprentissage.  

 

0. Introduction

   Il appert que la langue parlée par l’enfant à la maison est d’une importance capitale dans l’apprentissage de ce dernier. Et, par ricochet, si la langue d’enseignement n’est pas la langue maternelle de l’enfant, c’est déjà là une sérieuse limite à l’ouverture souhaitée de l’école sur le milieu ambiant de l’apprenant. Et lorsqu’on parle de l’ouverture de l’école sur le milieu, il ne s’agit pas seulement du milieu physique, mais aussi et surtout du milieu socio-linguistico-culturel et humain[3]. Maintes études ont, par ailleurs, montré que le plus souvent, on obtient des meilleurs résultats à l’école lorsque la langue d’enseignement est la langue maternelle des apprenants.

   Cependant, en dépit des preuves, on ne peut plus palpables, on voit curieusement que bon nombre de systèmes éducatifs en Afrique, en l’occurrence le système éducatif congolais, continuent à imposer et respecter, comme par esprit de fidélité au système colonial ‘’d’heureuse mémoire’’, l’usage exclusif d’une langue étrangère dominante et langue du colonisateur à l’école maternelle. Et, qui pis est, les parents,  eux-mêmes, sont enclins à scolariser leurs enfants, à ce niveau d’études, en langue étrangère, en l’occurrence le français, pour la RDC. Car pour beaucoup de parents, la scolarisation en français est synonyme d’instruction, et par conséquent, une préparation à la vie aisée et une ouverture au reste du monde. Tandis que scolariser son enfant langue du milieu ou langue maternelle, c’est condamner d’avance ce dernier à rester au village en se livrant aux activités de basse classe.

   Dès lors, il se pose la question de savoir lequel de ces deux apprentissages (en français ou en langue du milieu) serait le plus avantageux à la réussite scolaire. Le débat est loin d’être clos là-dessus.               

   A en croire Tomatis,  l’apprentissage scolaire passerait à côté, car les informations qu’il donne sont subordonnées à la simple compréhension de la langue[4]. L’oreille, selon lui, est la véritable porte d’accès de l’univers en nous. Donc, un enfant qui ne comprend pas la langue  ou qui manifeste un retard de langage amoindrit ses chances de réussir et ne pourra pas exprimer clairement sa pensée[5]. Ce handicap est à la source de tous les troubles d’apprentissage. Ses effets sont désastreux et inévitables[6].

 

  1. Déculturation et désapprentissage linguistique

   Au-delà des appels au respect des langues et cultures d’origines, il appert que le système éducatif congolais passe par l’apprentissage prioritaire du français à l’école maternelle. Pourtant le fait d’imposer une seule langue à l’enfant revient à exposer ce dernier à prendre pour des caractères universels, les particularités propres de cette langue. Car, la tendance, ici, est à sous-estimer les langues maternelles des autres et mépriser, du même coup, ceux qui les parlent. En effet, l’exclusivité de l’apprentissage en français à l’école maternelle est, à notre avis, une mise sous tutelle qui dénie à l’enfant le droit d’apprendre sa propre langue oui pire, la désapprendre. C’est, donc, pour la RD Congo, faire le mouton de panurge que d’opter pour un enseignement maternel exclusivement francophone en dépit de la multitude des langues nationales et d’autres langues congolaises parlées par les enfants.

   A vrai dire, le système éducatif congolais, dans ses structures modernes, demeure un vestige colonial qu’il faudrait, à tout prix, décoloniser. Et cette décolonisation devrait avant tout passer par la langue. Car, à en croire le philosophe et pédagogue (suisse) Jean Jacques Rousseau, l’éducation tout entière doit respecter la nature originelle de l’enfant[7]. C’est-à-dire qu’il est impérieux, dans un premier temps, d’installer confortablement l’enfant dans sa culture et sa langue maternelle avant de l’ouvrir, par la suite, à une autre langue étrangère à l’instar du français. Car, à son arrivée en classe maternelle, l’enfant a un cerveau qui est déjà riche des milliers des données linguistiques sur lesquelles il suffirait simplement de s’appuyer.

   Mais à notre grand dam, nous constatons que sur toute l’étendue de la Ville-province de Kinshasa, les langues nationales et les autres langues congolaises sont proscrites dans toutes les écoles maternelles et, qui pis est, ne sont nulle part mentionnées dans le programme national de l’enseignement maternel. Et, pourtant, par le fait de n’enseigner qu’en français, langue étrangère, on apprend aux enfants à désapprendre les langues nationales et les autres langues congolaises qu’ils parlent et, du coup, on étouffe dans l’œuf tout velléité de recourir à ces langues considérées, pour des raisons idéologiques variées, comme langues de la ‘’honte ‘’, ‘’ barbares’’. Ce mot ‘’barbare’’ était plus usité chez les Grecs qui l’employaient pour désigner tous ceux qui parlaient une autre que la leur. Cette péjoration de la culture et des langues des autres ne peut que prêter le flanc à l’aliénation chez les apprenants. Et, dès lors, c’est la culture traditionnelle qui est sacrifiée au profit d’une culture nouvelle.

   Cependant, pour un peuple, oublier sa culture ou la méconnaître, c’est non seulement manquer au rendez-vous de l’heure des cultures, mais aussi et surtout s’exposer à une mort aussi certaine que celle d’un poisson tiré hors du vivier. C’est dans cet ordre d’idées que Ngindu Mushete disait : ‘’ c’est au niveau de sa culture qu’un peuple meurt, se met en veilleuse pendant des siècles ou renaît[8].     

 

2. Nécessité de l’enseignement maternel

Depuis de longues dates, la plupart d’éducateurs congolais n’ont pas accordé beaucoup d’importance à l’enseignement maternel. Celui-ci a été presque négligé, et est resté facultatif. Cette situation était due principalement au manque d’outils pédagogiques adéquats et d’enseignants qualifiés[9].

   Il avait fallu attendre, pour cela, la tenue des Etats généraux de l’éducation qui ont eu lieu à Kinshasa du 19 au 29 janvier 1996 pour que soit prise la décision d’organiser et de généraliser cet enseignement à travers la République Démocratique du Congo.

   Cette décision a été motivée par le fait que la période de 3 à 6 ans stimule les aptitudes des enfants du point de vue cognitif, affectif et psycho-social afin que ceux-ci prennent un bon départ dans la vie et qu’ils abordent l’enseignement primaire avec le maximum de chances d’y réussir.

   Par ailleurs, M. Windhau Douglas, lors de la conférence mondiale sur l’Education pour tous, tenue à Paris en 1994 soutenait que les premières années de la naissance jusqu’à l’âge de six ans sont déterminantes pour la formation de l’intelligence, de la personnalité et du comportement social de l’enfant[10]. D’où la nécessité d’un enseignement pré-primaire dit ‘’maternel’’ différent des autres lieux préscolaires ou périscolaires.

 

3.Sens même de l’appellation ‘’ école maternelle’’

   En tout état de cause, il ne s’agira pas ici d’un historique, mais bien d’une interrogation sur le vrai sens du qualificatif ‘’ maternel’’ attribué à cet enseignement pré-primaire accueillant les enfants de 3 à 5 ans révolus. Ce qui ferait penser, par principe de parallélisme de formes, à une autre école qui, elle, par-dessus le marché, s’appellerait ‘’école paternelle’’. Ce qui serait, au-delà de tout, deux choses distinctes qu’il faudrait savoir dissocier.

   Il n’est pas, en effet, niable que bon nombre de personnes ne cessent de se demander pourquoi cet enseignement est dit ‘’maternel’’ et pourquoi il est exclusivement tenu par des femmes, alors que les hommes sont aussi à même de faire l’affaire, car ce ne sont pas de compétences pédagogiques qui font défaut chez les hommes pour pouvoir enseigner à ce niveau d’études. C’est comme qui dirait, les femmes auraient réussi à un concours auquel les hommes auraient échoué ! 

   Pour certains, l’argumentaire repose sur la fausse évidence qui voudrait que la priorité accordée à la femme dans cet apprentissage soit garantie par l’amour maternel qui est l’apanage des femmes en général, tandis que pour certains autres, il s’agirait ici, d’une mise sous tutelle qui dénierait à l’homme le droit d’assurer l’apprentissage des enfants, toutes catégories confondues.

   Devant ces interrogations si embarrassantes et au bout d’un certain nombre de tentatives de réponses souvent vouées à l’échec, nous osons arrondir les angles en faisant nôtre, la thèse soutenue par Alfred Tomatis qui, lui, met l’accent sur la voix  de la maîtresse comme élément justificatif de l’appellation ‘’école maternelle’’ dans son acception actuelle[11].

    Pour fonder en raison son opinion, Tomatis affirme que dès la naissance, et jusqu’à cinq ou six ans, la voix du jeune enfant ne s’exprime que dans les aiguës, c’est-à-dire les fréquences hautes. Une fois mis en présence d’une voix masculine où dominent les fréquences graves, son filtre auditif se ferme spontanément. En effet, le filtre auditif du bébé fait barrage aux sons graves, jugés trop agressifs. Il ne laisse passer que les fréquences hautes, les aiguës. Celles-ci plus riches en harmoniques et plus légères, ont la propriété d’atteindre plus efficacement le cerveau et de le charger d’informations plus subtiles[12].

   C’est ainsi que beaucoup de pères en font une cruelle expérience, c’est-à-dire que le plus souvent, arraché aux bras de sa mère, le bébé se met, aussitôt, à pousser des hurlements malgré les efforts vocaux et si peu naturels d’un papa bien embarrassé. Aussi faut-il noter qu’à cet âge, l’enfant ne cherche son père qu’à petite dose et, le plus souvent, si le métier du père l’oblige à de fréquents déplacements ou si la famille est riche en oncles, le décor est, d’ores et déjà, planté pour que l’enfant puisse oublier systématiquement son père[13].

   En effet, pour l’enfant, il n’y a que la mère qui compte et c’est avec elle qu’il s’entend parfaitement. Et, d’ailleurs, dans certains cas, à en croire Tomatis, l’enfant surpris par la grosse voix de son père, est capable de refermer brutalement son écoute à l’instar d’un escargot à un contact étranger, et se réfugier dans un autisme parfois irrécupérable. D’où, devant une voix trop agressive, la petite oreille de l’enfant crée ses propres  zones de fermeture[14].

   Donc, à proprement parler, l’enfant a, en franchissant le premier pas hors de la maison, besoin d’une symbolique essentiellement maternelle et surtout féminine. C’est ainsi que pendant les trois premières années de la scolarisation au pré-primaire, la voix de la maîtresse représente pour l’enfant, un pont entre la mère et l’école. Voilà, donc, qui expliquerait à notre humble avis, l’appellation ‘’ école maternelle’’. Au-delà de tout, il importe de souligner, à gros trait, qu’en maternelle, l’enfant est fasciné par sa maîtresse. Il la dévore des yeux et la suit ‘’toute ouïe’’ quand elle parle. Bref, à trois ans, un petit enfant est une pâte malléable à souhait. Et les pédagogues, eux, savent quelles empreintes ils peuvent graver sur un système nerveux entièrement tourné vers eux.

   Toutefois, une anecdote de Tomatis nous révèle qu’autrefois, à l’époque où les enfants n’allaient que tardivement à l’école (vers sept ans), leurs mères, en retournant à leurs activités sociales, confiaient souvent la garde et la première éducation de leurs petits enfants aux grands-pères restés à la maison. La voix grave, souvent éraillée de l’aïeul marquait profondément l’écoute des enfants à telle enseigne que leurs oreilles s’y adaptaient si bien qu’une fois arrives en classe primaire, ils étaient incapables de suivre le propos d’une maîtresse qui, elle, s’exprime par des aiguës[15].

 

4. Qu’est-ce que l’école maternelle ?

   L’école maternelle est, à proprement parler, un espace de vie qui accueille, pour leur encadrement, les jeunes enfants de 3 à 5 ans afin d’éveiller leur connaissance, stimuler leurs aptitudes du point de vue cognitif, affectif, psycho-social et linguistique[16].

   En d’autres termes, l’école maternelle peut aussi être définie comme une école qui accueille de très jeunes enfants pour les préparer aux apprentissages fondamentaux de la lecture, de l’écriture et de calcul[17].  Elle constitue une période préparatoire à l’enseignement élémentaire. Les objectifs essentiels sont la socialisation, la mise en place du langage, du nombre et du geste graphique.

   En effet,  ces établissements sont désignés suivant les pays sous le nom d’écoles maternelle (France, Canada et bon nombre des pays d’Afrique francophone), l’école enfantine(Suisse) ou encore école gardienne (anciennement en Belgique).

   Il importe aussi de noter que, le plus souvent, ces jeunes enfants se distinguent, à l’arrivée à l’école, par leur caractère et leur savoir-faire, et cette diversité s’observe, le plus, dans le domaine langagier.

   L’école maternelle est organisée généralement en petite, moyenne et grande section en fonction de l’âge.

   En RD Congo, l’organisation des écoles maternelles était généralement l’apanage des écoles privées. Les écoles publiques ne semblaient pas beaucoup mettre l’accent sur cet ‘’enseignement pré-primaire’’. Mais, depuis peu, bon nombre d’écoles maternelles, jadis privées, sont mutatis mutandis, devenues publiques. A part l’Athénée(Institut) de la Gombe où l’enseignement maternel était public, les autres écoles maternelles publiques ne sont que des dates récentes et sont, à peine, reconnues par le Ministère de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique, avec, en toile de fond, un  Programme National de l’Enseignement Maternel (PNEM).

 

5. Langue d’enseignement à l’école maternelle de Kinshasa

    En effet, il est un constat, à l’école maternelle, que les capacités de compréhension et de production orales des enfants sont effectivement très hétérogènes, allant d’un langage pauvre et rudimentaire à un langage plus riche et complexe. A ce niveau d’études, tous ont à apprendre la langue de l’école, laquelle ? La langue dominante (le français) sans doute, et cela au mépris de toute altérité culturelle. Il est, certes, des enfants qui sont plus initiés que d’autres aux normes de la langue de l’école.  Tous n’ont pas généralement les mêmes pratiques langagières à la maison. Les enfants dont le français n’est pas la langue de la maison, par exemple, vont devoir, et c’est le cas à Kinshasa, appréhender et construire une connaissance de la langue de l’école en même temps qu’ils vont développer des usages dans les autres sphères sociales qu’ils côtoient, lesquelles sphères sont émaillées de langues nationales congolaises. C’est d’ailleurs, dans cette optique, que certains groupes linguistiques élèvent, sans succès, leurs voix pour souligner la nécessité de veiller à ce que les plus jeunes membres de leurs communautés conservent leur héritage linguistique et culturel.

   Il appert, cependant, que la compétence langagière de l’enfant conditionne sa participation aux processus de communication et d’apprentissage. Pour ce faire, à l’école, selon le conseil économique social et environnemental, il est attendu que l’institutrice tienne compte de tous les enfants par des pratiques pédagogiques qui n’abandonnent personne[18]. Car, d’un certain point de vue, lors que la langue utilisée à l’école n’est pas la première langue parlée par les enfants, le risque de déscolarisation ou d’échec dans les petites classes est plus élevé. Et tous ces paramètres ont, en effet, leur fondement dans la dichotomie entre enfants francophones et enfants allophones ou alloglottes par rapport à l’acceptation de l’hétérogénéité du groupe-classe. Et dès lors, cette acceptation doit passer par le principe de ‘’ l’apprendre ensemble dans la pluralité’’ en considérant que chaque enfant appartient au même groupe-classe. Donc, il s’agit en quelque sorte, de la personnalisation de l’apprentissage et non de son individualisation. C’est bien là une démarche, bien que loin de faire l’unanimité, qui est censée être favorable à l’accrochage scolaire et à l’équité.

   A ce propos, Luther, encourage l’éducation enfantine et demande une méthode plus souple où l’on connaît et respecte l’enfant[19]. Et Rabelais, à son tour, de demander un système éducatif où l’équilibre serait entre le corps, l’esprit et le cœur : ‘’science sans conscience n’est que ruine de l’âme’’[20], disait-il. Il s’insurgeait ainsi, contre l’enseignement à l’école maternelle qui privilégie une seule langue, en l’occurrence, la langue du colonisateur et, qui met l’accent sur la mémorisation et l’oral, courant ainsi le risque de former des perroquets et non des créatures raisonnables capables de comprendre les choses.  Dans ce même ordre d’idées, Descartes disait qu’il n’aurait jamais écrit le Discours de la méthode s’il n’avait connu que le bas-breton[21]. Et Fréderic II, le Prince éclairé, ami de Voltaire, avait l’habitude de dire : ‘’ la chance d’ouvrir son esprit, c’est de parler toutes les langues’’[22].

 

 

6. Le programme de l’enseignement maternel

   Par rapport au programme national de l’enseignement maternel, une question vaut la peine d’être posée. C’est, certes, celle de savoir pourquoi son arrivée tardive dans le système éducatif de la République Démocratique du Congo.

   En fait, pendant longtemps, l’enseignement maternel a été considéré, dans notre pays, la RDC, comme un fait marginal, voire un luxe, accessible à quelques personnes disposant de moyens nécessaires pour se le permettre. De ce fait, même le pouvoir public n’estimait pas nécessaire d’organiser, encore moins de règlementer une quelconque forme d’enseignement avant le cycle primaire[23].  Et, si quelques écoles maternelles tant publiques que privées ont pu fonctionner çà et là, c’était sans véritable programme d’enseignement. C’étaient seulement des espaces préscolaires ou périscolaires sans programme spécifique d’enseignement.

   C’est dans cette optique que la direction des programmes scolaires et matériels didactiques, DIPROMAD, avec le concours des experts venus de divers horizons, a saisi l’opportunité de produire un document pédagogique qui s’impose, désormais, comme l’unique programme national de l’enseignement maternel. Et ce programme met l’accent sur les compétences que l’enfant devra développer dans sa vie courante. Et lesdites compétences doivent se rapporter aux aspects cognitifs, affectifs et psycho-sociaux, et ne peuvent s’acquérir qu’à travers une série d’activités ayant chacune, des objectifs spécifiques dont l’analyse n’est pas, pour l’heure, inscrite à l’ordre du jour, vu la densité et la complexité de la matière y afférente, et laquelle matière fera, autant que faire se pourra, l’objet des études ultérieures.

 

 

Conclusion  

   Après avoir brossé les grandes lignes relatives à l’enseignement maternel considéré, à notre avis, comme l’abécédaire de l’apprentissage scolaire de l’enfant, point de départ de tout homme, il y a lieu de soutenir qu’il s’agit, ici, d’un enseignement sui generis, c’est-à-dire particulier, de son genre, dans la mesure où il se démarque des autres formes d’éducation formelle.

   En ce qui concerne la langue d’enseignement, il est un constat que tout est fait, à ce niveau d’études, pour la promotion de la langue française aux dépens des langues nationales congolaises et au mépris de toute altérité culturelle. Et, cela, en dépit de nombreux groupes linguistiques qui élèvent leur voix clamant tout haut la nécessité de veiller à ce que les plus jeunes membres de leurs communautés conservent leur héritage linguistique. Et au-delà de tout, il y a lieu de considérer que, dans le contexte congolais, l’école maternelle reste un terreau fertile où se déroule un processus glottophage des langues nationales congolaises au profit du français, langue officielle. Cependant, il appert qu’aucune langue ne vaut mieux qu’une autre, mais ce sont des locuteurs qui valent mieux que les autres.

   Au-delà de tout, il sied de considérerez que l’exclusivité de l’enseignement en français constatée à l’école maternelle relève d’un préjugé. Car à bien prendre les choses, chacune de quinze milliards de cellules que contient la tête d’un enfant, est capable, à elle seule, d’intégrer l’ensemble de connaissances de l’humanité. Et, devant cette richesse ‘’neurologique’’,  il n’y a pas d’inégalité. L’enfant sait tout quelle que soit son origine sociale, culturelle ou raciale. Il est né pour s’ouvrir à l’univers tout entier. Donc, vouloir apprendre exclusivement une langue, en l’occurrence, le français, à l’enfant, reviendrait à vouloir enfermer ce dernier dans un fichier d’où il ne peut plus sortir, alors que son destin est de s’ouvrir à d’autres langues et, à travers elles, à l’univers tout entier.

   C’est dans cette optique que Fréderic II, le Prince éclairé, disait : ‘’ la chance d’ouvrir son esprit c’est de parler toutes les langues’’. Et de son côté, Descartes, renchérissait lors qu’il disait qu’il n’aurait jamais écrit le Discours de la méthode s’il n’avait connu que le bas-breton.

    En dernier ressort, la pédagogie comparée est là pour démontrer que chaque société humaine a son école et que chaque école reflète l’image de la société au sein de laquelle elle s’organise. Cependant, le spectacle qui s’offre à nous à l’école maternelle est celui de l’école de la copie qui calque tout sur le modèle des autres. C’est le spectacle d’une école infidèle à la tradition d’être l’espoir de demain. C’est une école qui initie malheureusement les enfants à la mort culturelle, par le désapprentissage de leurs langues maternelles, au profit du français, langues étrangère.

 

 

 

Notes bibliographiques

 

(2). Elisabeth CRARY, Négocier, ça s’apprend tôt ! Pratiques de résolution de problèmes avec les enfants de 3 à 12 ans, Mediascreen, Bonge, 1997. P.8

(3). WWW Wikipedia, Français langue nationale et régionales, p.8.

(4). Ibid, p.214.

(5). Wikipedia.

(6). Ibid.

(7). Ibid.

(8). Encyclopaedia universalis

(9). LOSO GAZI, L’enseignement du français au zaïre, revisité (1945-1980), in CEDAF(5), PUF, Paris, 1990.p.3.

(10).  A. Tomatis, Les troubles scolaires. Comment les vaincre ? Edition de seine, Paris, 1991. P.7.

(11). Ibid.

(12). Ibid.

(13). L. IBEKI GEGET, Manuel de didactique et pratique professionnelle (pédagogie de pointe), Kinshasa, 2005. P.8

(14). NGINDU MUSHETE, Courants actuels de la théologie  en Afrique, in B.T.A., Vol. VI, n°12- Décembre, 1984. P.248.

(15). M. MWANGU FAMBA, Préface du Programme national de l’enseignement maternel.

(16). M. WINDHAN, Douglas, cité par M. MWANGU FAMBA, Op. cit., p.7.

(17). A. TOMATIS, Les troubles scolaires. Comment les vaincre ? Edition de la Seine, Paris, 1991.p7.

(18). Ibid.

(19). Ibid.

(20). Ibid.

(21). Ibid.

(22). S. BEHRA et Aliii, L’apprentissage de la langue de scolarité : vers une école maternelle davantage inclusive, in Le français aujourd’hui, 2016/14(n°195), p.1.

(23). Wikipédia.

(24). CESE (2015 :81), cité par S. BEHRA et Aliii, Op. cit., p.1.

(25). CORNAZ-BESSON, Qui êtes-vous Pestalozzi? Edition de la Thièle, Yverdon, 1977.p.15.

(26). Ibid.

(27). Ibid.

(28). Ibid.

(29). T. NLANDU MABULA KINNKELA, Avant –propos du programme national de l’Enseignement maternel, DIPROMAD, Kinshasa, 2007.

 

 

 

* Jean Gilbert Mbakama Mingashanga est Doctorant à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Département des Lettres et Civilisation Françaises à l’Université de Kinshasa.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par Jean Gilbert MBAKAMA MINGASHANGA, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024