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1.-Généralités et Etat des lieux

L’entrée en scène des premières écrivaines est intervenue près de 21 ans après l’éveil de la littérature congolaise dont l’impulsion a été donnée en 1945 par la revue La Voix du Congolais dont le rédacteur en chef, Antoine Roger Bolamba Lokole (1913-2002), avec Paul Lomami Tshibamba (1914-1985), journaliste à La Croix du Congo » et correspondant de la Voix du Congolais, sont les premiers écrivains congolais. Les causes de l’éveil tardif de la littérature congolaise et de l’absence des femmes, si on compare avec l’Afrique de l’ouest, sont liées à la période d’avant l’indépendance du Congo mais, s’agissant des femmes, d’autres causes sont plutôt liées à la culture du silence à laquelle la femme a été longtemps soumise depuis la société traditionnelle.
L’époque coloniale et les traditions ancestrales ont longtemps influencé le point de vue à propos de la scolarité des jeunes filles. Selon la conception colonialiste belge, la femme, soutien pour son mari, ne devait qu’acquérir des connaissances et des savoir-faire limités, nécessaires pour aider l’homme à mieux contribuer aux résultats globaux de la colonisation. Les filles qui pouvaient aller à l’école étaient orientées vers le cycle court ou vers l’école ménagère, le cycle long étant réservé aux garçons. L’ambition des filles, s’il y en eut, était de devenir soit institutrices, soit dactylographes. Des foyers sociaux étaient organisés pour toutes les femmes, mais n’y allaient surtout que les épouses des évolués(1) et des clercs(2). Cette perception cheminait avec la pensée traditionnelle à propos de la place et du rôle de la femme, réduite à la procréation, aux tâches ménagères et à la satisfaction des besoins de la communauté. En effet, la majorité des parents et la plupart de gens n’envisageaient l’avenir des filles que dans le mariage et la maternité.
Le témoignage suivant, épinglé dans un roman inédit d’Elisabeth Mweya Tol’Ande, Stéphanie, une étoile dans la nuit, apporte une preuve vécue à ce propos :
« Au fond de la classe, Stéphanie, assise avec deux autres élèves, sur le dernier banc, à l’un de deux bouts, à l’espace réservé aux élèves de grande taille, attentive aux dires et gestes de maitre Raymond, l’instituteur, s’applique comme pour rattraper le temps perdu dont elle a conscience.
Au Kwango, où son père avait été en mutation de service, Stéphanie avait refusé de s’adapter dans les écoles construites en matériaux locaux et où on s’asseyait à même le sol et les leçons se donnaient en dialecte. En 1957, entamant sa scolarité à l’âge de 11 ans, un âge avancé, Stéphanie entendait se laver des humiliations dont l’avait affligée sa petite soeur Alieti, au Kwango, dans cette fameuse école dont les salles des classes étaient en chaume. Le retard de la scolarité des filles n’était pas si grave car peu de gens accordaient de l’importance à la scolarité des filles. N’était-il pas courant de trouver en classe débutante du primaire, des filles âgées de dix ans et plus ? »(3)
S’agissant du poids des traditions, dans la culture bantoue, le Mbaka, l’art d’animer la palabre, d'étaler la sagesse ancestrale, de converser avec les esprits, était exclusivement masculin(4). La femme, sans même y prétendre, ne s’exprimait pas, ne pouvait se dévoiler ni exprimer ses sentiments, sauf en cas de deuil. Cela est malheureusement observable encore au 21ème siècle. Or, la littérature a quelque chose à voir avec soi-même et la vision du monde portée. Philippe Masegabio Nzanzu(5) confirme que « de prime abord, l’acte littéraire dans le cas d’une oeuvre orale ou écrite, est avant tout une vision, un comportement, ensuite un témoignage, témoignage d’une liberté, mieux, d’une libération»(6). Le même auteur lie « le fait littéraire au contexte particulier d’une volonté personnelle d’être, d’être soi-même pour qu’on le soit pour les autres»(7). Etre soi-même avant de l’être pour les autres est justement contraire à la femme dans la société congolaise où, depuis la nuit des temps, la femme est le pilier de l’alimentation de la famille, qualifiée d’ailleurs de femme aux milles bras. La conséquence est évidemment la surcharge, l’épuisement et la non-jouissance de son temps. Ecrire exige du temps, la possibilité et la liberté de rêver, de s’isoler parfois. Prise dans le piège de la débrouille ou de la recherche de la survie, la femme s’oublie, enterre ses talents et ses fantasmes.
Ceci trouve un écho dans Stéphanie(8) où l’auteure affirme que « la femme ne pouvait se permettre ni de rêver, ni d’avoir une opinion personnelle. Elle n’avait pas de rêve car ses parents et le clan prévoyaient et organisaient tout pour elle, sans la consulter. Lorsque venait le moment de s’affranchir de l’autorité du père et des oncles, la jeune fille offrait volontiers sa tête au licou de l’homme qui avait versé sa dot»
Parvenue à ce point de ma réflexion, je pense à l’émergence des femmes, à l’envol que certaines ont pu prendre, malgré les discriminations qui continuent à s’observer et à se vérifier. En portant une attention particulière à la femme-écrivaine, je n’ai pas pu m’empêcher de me rappeler mon entretien avec Awa Thiam (née en 1950). Anthropologue, enseignante universitaire, écrivaine et féministe sénégalaise, elle est auteure d’un essai intitulé, La parole aux Négresses(9), dans lequel des femmes de l’Afrique de l’Ouest (Mali, Sénégal et Guinée) témoignaient sur les mutilations génitales, la polygamie et la dot.
Au cours de notre entrevue, elle voulait savoir ce qu’il en était en Afrique centrale, notamment dans mon pays. Nous nous étions rencontrées à Abidjan, au Grand Marché de Treichville. Une rencontre fortuite en 1986 après celle, la première, de Nairobi en 1985, à la clôture de la première décennie de la femme, décrétée par les Nations-Unies.
Là, dans ce marché, nous avions déambulé çà et là, en échangeant sur un sujet qui nous tenait tant à coeur, la condition de la femme en Afrique. Avant de faire sa connaissance dans la capitale kenyane, n’avais-je pas déjà fait sa connaissance à travers son livre, La parole aux Négresses, un des premiers livres féministes écrit par une Africaine ?
Elle m’avait confié qu’elle était informée à travers ses recherches, que la femme de l’Afrique centrale serait corvéable à souhait, disposée à prendre en charge sa famille, conjoint et enfants. Ce qui, pour mon interlocutrice, pouvait prédisposer les hommes à contribuer à la surcharge de la femme. Elle voulait que je lui en parle. A ses questions sur la condition de la femme, j’avais répondu que, d’après ce que je voyais autour de moi, et en considérant ma vie, nous étions des femmes aux mille bras, investies dans une multitude d’activités, infatigables, le coeur sur la main, prêtes à nous sacrifier pour les autres.
Nous nous enorgueillissons d’être les « sapeurs pompiers » de nos familles, avec des galons portant l’inscription : « Pilier de l’alimentation ». Nous nous étions faites à l’idée qu’il était, traditionnellement, de notre responsabilité d’être actives et de vivre sous pression pour assurer le bien-être de nos maisonnées.
Contrairement aux femmes de notre pays, d’après Awa Thiam, la femme sénégalaise mariée était mieux nantie, entièrement prise en charge et adulée par son mari, roulant carrosse et dotée d’un budget personnel couvrant ses besoins personnels et la commande de son habillement auprès de grands couturiers. Que ce soit en union monogamique ou polygamique dans le système de la cour où le mari est entouré de plusieurs coépouses, les femmes sénégalaises jouissaient de grands avantages.
J’ignorais que la femme sénégalaise pût jouir de meilleures conditions d’existence. Vraiment j’étais perplexe ! Pourtant, je ne devais pas m’étonner parce qu’en 1985, à Nairobi, j’avais appris la même chose d’une femme du Niger, une diplomate de Niamey venue prendre part à la Conférence officielle de l’événement international de l’année, la clôture de la décennie de la femme 1975-1985, avec qui j’avais partagé une même chambre d’hôtel. Elle avait voyagé avec une valise bourrée de pagnes coûteux et de précieux bijoux. Chaque jour, elle changeait deux fois de vêtements : le matin, après son bain, avant sa prière et le départ pour la conférence ; à la fin de chaque après-midi, après un autre bain. Elle portait ensuite d’autres pagnes aussi beaux et frais. Elle l’avait fait systématiquement, sans porter deux fois le même habit et cela, durant les deux semaines de notre séjour dans une même chambre. Musulmane, vivant dans une cour, au milieu des coépouses, toutes entièrement à charge du mari qui ne regardait même pas sur ses émoluments de sa diplomate d’épouse ! Cette dame m’avait avoué : « C’est comme ça, c’est la tradition, le mari sait qu’il lui revient de satisfaire totalement les besoins de ses épouses et de sa cour ».
Notre rencontre avec Awa Thiam datait de 1986 ; elle vivait en France, tandis que moi, formatrice des femmes du monde rural, résidant dans un pays de l’Afrique centrale, j’avais la tête pleine de tristes témoignages de femmes surchargées de lourdes tâches ménagères et communautaires.
Les deux exemples sur la condition féminine au Sénégal et au Niger, deux cas exceptionnels d’ailleurs et sans doute, nullement représentatifs de l’ensemble des femmes dans ces deux pays, n’occultent pas le fait que la condition de la femme en général soit insatisfaisante à travers le monde. Si tel n’était pas le cas depuis des décennies, le monde entier ne célébrerait pas annuellement une journée internationale des droits de la femme et le mois de mars n’y serait pas consacré. Tout compte fait, il sied de reconnaître que dans la mêlée, chaque société vit sa réalité propre.
Dans cet ordre d’idées, me risquerais-je de poser l’hypothèse que voici : les femmes congolaises ne se sont libérées pour jouir de leur temps, vaquer à des choses de l’esprit que tardivement. J’affirmerais qu’outre l’influence des traditions, l’absence d’encadrement et la minimisation des choses de l’esprit ont fait s’étioler de nombreux talents féminins.
En effet, par exemple, il y a eu, en République Démocratique du Congo, de 1954 à 1983 une femme du nom de Lucie Eyenga qui a charmé par sa voix suave et pathétique, dont les élancements dévoilaient la quête de son âme. Elle était reconnue comme vocaliste, auteure compositrice et interprète. Mais ses compositions sont passées sous silence, alors que si quelqu’un les avait transcrites et traduites, elles auraient pu être capitalisées et modélisées en un recueil de poèmes d’une inspiration et d’une beauté authentiques.
Sur un autre plan de la quotidienneté, les femmes ont excellé dans les contes et le jeu des proverbes, mais hélas, ce domaine a simplement été foulé aux pieds, inconsciemment. Pourtant les contes, les proverbes et les chants avaient servi à éduquer, à communiquer des pensées, à influencer et même à séduire. Les mères de familles les racontaient à leurs progénitures, chaque nuit, après le souper. Non transcrits, ils sont perdus à jamais, ces chef-d’oeuvres féminins ! A jamais perdus !
Le vide féminin dans la littérature congolaise avant 1966-1967 ne serait donc pas dû à l’absence des talents mais plutôt, sûrement, à celle d’un encadrement pour l’éclosion de l’élite féminine.
Pour illustrer l’avènement tardif et lent de la femme dans la littérature congolaise, le recours aux travaux des experts en donne une traçabilité. La Bibliographie littéraire de la République du Zaïre par exemple, présente la situation de la période de 1931 à 1972. Cette oeuvre du Professeur Kadima-Nzuji Mukala, publiée en 1973, fait mention de quatre femmes, parmi le total de 40 auteurs globalement répertoriés soit 10% de femmes. Il s’agit de Clémentine FaïkNzuji Madiya(10), de Marie-Eugénie Pongo(11), de Caroline Nzuji Baleka Bamba(12), d’Elisabeth Mweya Tol’Ande(13). Le professeur Mbuyamba Kankolongo, dans son Guide de littérature zaïroise de langue française couvrant la période de 1974 à 1992, fait mention de 8 femmes sur un total de 62 écrivains de deux sexes répertoriés en plus ou moins vingt ans. Une augmentation notée de quatre écrivaines supplémentaires, soit une évolution de 10 à 30%, comprenant Botuli Bolumbu Ikole Yvonne Marie-Claire(14), Libambu Motato(15), Mutenke Ngoy(16), Christine Kalonji(17).
Il sied de mentionner qu’à partir de 1967, hormis Nele Marian, les pionnières de cette littérature ont été confirmées par différents prix littéraires organisés alors. En 1967, la révélation d’Elisabeth Mweya Tol’Ande par le Prix de Poésie Sébastien Ngonso organisé par l’Université Lovanium de Kinshasa et en 1970, par le Grand Prix Joseph-Désiré Mobutu ; en 1968, la révélation de Marie Eugénie Pongo en 1968 par le Concours de poésie du Goethe Institut, organisé en collaboration avec la Faculté des Lettres de l’Université Lovanium de Kinshasa ; en 1970, la révélation de Clémentine Faïk-Nzuji Madiya, d’Eugénie Mpongo et de Caroline Nzuji Baleka Bamba en 1969 par le Concours littéraire Léopold Sédar Senghor.
A travers ces différents concours, les oeuvres suivantes ont été révélées :
- Remous de feuilles, un recueil de poèmes d’Elisabeth Mweya Tol’Ande, publié par la suite aux Editions du Mont Noir en 1972 et dont trois poèmes, à savoir, Voeu, Cris perdus, Tourment, ont paru dans Le Zaïre Ecrit, Anthologie de la poésie zaïroise de langue française de Philippe Masegabio Nzanzu, professeur universitaire de la littérature française, bibliographe, poète et critique littéraire;
- « Retour au pays natal » d’Eugénie Pongo, poème publié en 1982 dans Le Zaïre écrit… et « Masikini », long poème en trois tableaux paru aux Editions la Grue couronnée, dans une collection commune où figurent Clémentine Nzuji Madiya, Yvonne Bolumbu Ikole, Elisabeth Mweya Tol’Ande, Libambu Motato ;
- Clémentine Nzuji Madiya, poèmes dont 8 ont été publiés dans Le Zaïre écrit…, à savoir « La fureur des tendres violences, Rien qu’une fleur, Gaieté, Eldorado, Départ, Oiseau des champs, Dépêche-toi, Etoile filante » et des Proverbes luba ;
- L’igname mystérieuse, contes, de Caroline Nzuji Baleka Bamba.
Par la suite, Clémentine Faïk-Nzuji Madiya sera couronnée par d’autres prix, notamment: le Concours annuel de l’Académie Royale des Sciences d’Outre – Mer à Bruxelles en 1986 ; le Chevalier de l’Ordre du Léopard pour Mérite des Arts, Sciences et Lettres à Kinshasa en 1986 ; le Prix André
* Ryckmans pour l’ensemble de ses recherches menées au Centre international des langues, littératures et traditions d'Afrique au service du développement en sigle, CILTADE, à Bruxelles.
Il en est de même d’Elisabeth Mweya Tol’Ande qui a bénéficié d’une médaille de bronze du mérite des Arts, Sciences et Lettres en 1976 ; d’une médaille d’or des mérites civiques des Ordres nationaux en 2006 et d’un hommage à elle rendu tour à tour par l’Association des Jeunes Ecrivains du Congo (AJECO) et par Les écrivains du Congo, ASBL, en 2020.
En mai 2021, Eugénie Pongo et Elisabeth Mweya, tous les deux membres de l’Association des Femmes des Lettres du Congo (FELCO), ont été honorées personnellement par la Première Dame de la RDCongo, Madame Denise NyakeruTshisekedi à travers un diplôme de mérite, pour être parmi les premières femmes écrivaines en RDCongo.
Ce serait de l’irrévérence et de l’ingratitude que d’omettre Nele Marian en tant que doyenne des écrivaines congolaises en dépit d’hésitations qui continuent à subsister à son endroit, pour être la descendante d’un père belge et avoir vécu depuis sa tendre enfance en Europe. Née à Lisala, d’une mère congolaise, elle a publié des poèmes en 1935 et 1936 et d’autres écrits en 1944. De par sa mère et sa naissance, cela ne suffit-il pas pour l’intégrer dans les répertoires des écrivaines congolaises ?
Pourtant, bien qu’un certain nombre d’auteures congolaises d’origine, chacune à son heure, ait adopté une nationalité étrangère, leurs âmes et leur inspiration sont cependant demeurées congolaises. Un cas d’espèce : Ina Disengomoka Mwamba, cette pédiatre de taille élancée, que je croisais dans les couloirs des Cliniques universitaires de Kinshasa, née en 1943 à Ngombe-Lutete dans le Congo central, des parents congolais, n’a-t-elle pas immigré au Canada en 2000, adoptant la nationalité canadienne ? Sous sa nouvelle nationalité, elle a entrepris en 2016, d’écrire. A son actif, 10 ouvrages publiés en prose, sur ses origines et les réalités congolaises, parmi lesquels, des proverbes kongo (les bingana).Son inspiration vient du terroir congolais. Ses écrits contribuent à la réécriture de l’histoire de la RDCongo.
D’ailleurs, le concept de la diaspora congolaise est en train d’être valorisé davantage à travers, notamment, des talents littéraires et artistiques qui s’affirment sans distinction de sexe, tendant à recréer la solidarité et à révéler au monde le nouveau visage du géant au coeur de l’Afrique, la RDCongo, géant aussi de la Rumba qui dévoile une poésie profonde et diversifiée à interpréter pour en tirer un profit culturel, un bonus sur le plan littéraire.
En juin 2020, le Département des Lettres et Civilisations françaises de l’UNIKIN a apporté des données supplémentaires par sa publication Les écrivaines congolaises, un numéro spécial, précisément le numéro 3 de la Revue Interdisciplinaire Francophones (RIFRA). Sur un total de 62 écrivaines romancières, nouvellistes, poétesses et dramaturges, 7 des 8 écrivaines qui étaient répertoriées dans le Guide de littérature zaïroise de langue française (1974-1992), sont reprises dans cette revue universitaire, à l’exception de Libambu Motato qui n’y figure pas. Dans cette revue, dix autres(18) écrivaines qui ont publié leurs oeuvres entre 1979 et 1995, sont présentées, élevant ainsi le nombre total d’anciennes écrivaines à dix-neuf (19), si du moins, Claire Mbuyi Banza s’y ajoute, auteure de Et la femme sauvera l’homme paru aux Editions Baobab en 1994. Il y aurait donc près d’une vingtaine d’anciennes écrivaines répertoriées dans cette publication pour la période allant de 1974 à 1995 parmi les 46 écrivaines de la génération de 2000 à 2020.
Le système éducatif scolaire n’a pas favorisé la gestation de la pensée, encore moins son expression, ayant fait plutôt émerger des Clercs, fonctionnaires et autres intellectuels acculturés, complètement acquis à la colonisation. Quelques personnes comme Antoine-Roger Bolamba Lokole, Paul Lomami Tchibamba, suivis de l’Abbé Joseph-Albert Malula(19) se sont exprimés, les deux premiers par le canal de Journaux et de leurs oeuvres littéraires, le second, surtout à travers la prédication et se réclamant de l’identité congolaise, africaine. Ils ont ainsi entamé l’éveil des consciences.
Les quatre dernières décennies (1980-2020) marquent un tournant décisif en accélérant la présence de femmes sur la scène littéraire et la diversification de genres littéraires dans des oeuvres d’une grande qualité. Sans vouloir reprendre le répertoire Les écrivaines congolaises dressé dans la RIFRA n°3, voici cependant certaines de ces auteures : Yolande Elebe ma Ndembo, journaliste et poétesse ; Marthe Diur N’Tumb, dramaturge ; Marthe Bosuandole Bulamatari, romancière ; Maggy Bizwaza Kibansa, romancière ; Emilie-Fore Faignon, poétesse et romancière ; Jocelyne Kajangu Aziza, poétesse ; Bestine Kazadi Ditabala, nouvelliste et poétesse ; Celena Ngoy, poétesse et romancière ; Kasongo Adihe, romancière, etc.
Cette publication, en plus de 62 écrivaines identifiées dans la poésie, le roman, le théâtre et la nouvelle, a révélé 6 critiques littéraires féminines. La grande moisson littéraire qui se manifeste jusqu’en 2022 et qui projette d’heureuses perspectives, révèle une plus grande panoplie de jeunes talents. Les bases de données sont en cours de développement par l’Union des Ecrivains du Congo (UECO), en passant par Jeunes Ecrivains du Congo (AJECO), par l’ASBL Les Ecrivains du Congo, par l’ASBL Femmes des Lettres du Congo (FELCO), par Les Plumes conscientes et par Laesh RDC, une entreprise de promotion et de vente des livres, etc. Ces structures sont à même de renseigner davantage sur l’existence d’hommes connus et de femmes des Lettres non encore connues.
Du reste, plusieurs d’entre ces dernières commencent à s’imposer par des oeuvres d’une qualité remarquable dont voici quelques noms et titres qui se révèlent être des centres d’intérêt qui plongent le lecteur dans la quête d’une liberté plus exigeante :
- Bijou Bulindera, publie en 2019, Concevoir en solo, croire en la capacité d’être mère, roman qui expose le choix libre de devenir mère seule, en recourant à une avancée scientifique et technologique dans le domaine médical gynécologique et obstétrique;
- En 2020, dans le roman Amsoria, Lilia Bongi embarque les lecteurs dans le drame vécu par de très jeunes enfants victimes du racisme virulent en Belgique, où un père évolué les a envoyés étudier avant et peu après l’indépendance. Ce roman lui a valu le premier prix dans la catégorie fiction du Grand Prix du Livre congolais, le 29 mars 2022;
- Andréa Moloto, auteure du roman Mathy, tu sais, chronique parue en 2021, raconte la poursuite de ses rêves par une jeune fille, rêves rivés sur le mannequinat et le concours de beauté ; le lecteur y est édifié sur le droit intrinsèque de vivre la vie qu’on désire et qu’on mérite, loin de se contenter d’exister simplement;
- Sosthème Mova Kawen se fait connaître à travers le roman Rendez-vous à Matadi, paru en 2021, un destin qui n’échappe pas à la fatalité, à l’amour impossible, à l’incommunicabilité, à un retour vers une vie qu’on tente de fuir. Une trame lourde dans un roman écrit par une jeune fille et qui nous rappelle la nausée vécue et communiquée par les écrivains de l’existentialisme (un peu du Jean-Paul Sartre). Ce livre a valu à Sosthène Mova le second prix du Grand Prix du Livre congolais;
- Celena Ngoy, dans Mateso, roman, fait pénétrer le lecteur dans l’univers des enfants de la rue et les drames vécus par ces derniers qui y grandissent au sein des écuries. Le lecteur est confronté ainsi à une réalité qui lui semble d’un monde parallèle au sien;
- Jessica Ntumba à travers L’absence d’une mère, roman paru en 2021, relate le drame de deux jumelles abandonnées en bas âge par une mère en quête d’un bonheur idéal, orphelines d’un père qui a fini par mourir, n’ayant pas supporté l’abandon du foyer par son épouse.
La litanie des noms est longue et sans prétendre à l’exhaustivité, voici deux autres :
- Bibiche Nsona, qui a publié L’Immortel, en 2021 ;
- et Bernadette Musengezi, l’auteure de l’essai L’art de l’interprétariat, un témoignage personnel.
La déclamation des poèmes et des textes est devenue un art, le slam, qui est en train de prendre de l’ampleur. Par exemple, Do Nsoseme, écrit et slame ses propres textes, se produit sur scène et réalise des vidéos. Un choix, une manière vivante de publier ses oeuvres, un retour à l’oralité comme support de l’écrit.
Les éditions Miezi publient la revue littéraire Lelo dont le premier numéro, « Identités/Itinérances », révèle des femmes écrivaines : Sandy Ngoy Amazone, poétesse et nouvelliste, qui publie Je dormais entre ces deux nations ; Ange Kasongo Adihe, auteure de Les femmes de Pakadjuma nous est révélée cette fois à travers De Paris à Kinshasa avec l’amour des mots. En même temps, la peinture, la photographie et l’animation viennent s’imbriquer dans la littérature. Ainsi, Aurela Lukebana passe, dans ses peintures, l’idée suivante : Buku eza mwinda ou, le livre éloigne l’obscurantisme. Missy Bangala auteure et animatrice du « Café littéraire de Missy Bangala », offre un espace d’interaction entre les auteurs et le public. Anastasie Langu Lawiner, artiste photographe professionnelle, saisit les contextes et illustre des contenus.
Pendant que les quelques prix littéraires comme le Prix littéraire Zamenga, Makomi, Prix européen de littérature congolaise, etc., continuent à révéler et à couronner des talents, de nouveaux autres concours voient le jour comme par exemple, « le Grand Prix du Livre congolais » organisé dans le cadre de la mandature du Président de la République Démocratique du Congo à la tête de l’Union Africaine, le Prix littéraire Excellentia à l’initiative de la Première Dame Denise Nyakeru Tshisekedi dont la première édition s’est déroulée sur deux thèmes cruciaux : les violences sexuelles et la drépanocytose, le Prix littéraire Emilie Flor Faignond (PEFF), créé par l’association Bookutani, une initiative des Congolais de la diasporas, en collaboration avec des Congolais résidant en RDC. Bookutani à travers ce prix, promeut les productions des jeunes jusqu’à l’âge de 35 ans.
Une édition spéciale 2021 du PEFF a récompensé le 24 septembre 2021, mademoiselle Soraya Odia, écrivaine et sensibilisatrice à la lecture, qui initie les enfants à la lecture. Elle crée et anime une page web « Majuscaux » et une chaîne Youtube à travers lesquelles sont élaborées des animations sur les productions littéraires et la lecture. En outre, elle anime des ateliers sur la lecture au profit des enfants et des jeunes.

2.-Enjeux, défis et perspectives

Une jeune femme congolaise vivant en Belgique m’interpelle: « Pourquoi la littérature congolaise n’est-elle pas connue en dehors des murs du Congo ? ». Je lui ai répondu que la littérature en question n’a commencé à exister que tardivement dans les années 40 du 20ème siècle. Elle a commencé à s’affirmer vers les années 1970 et 80, mais a quasiment hiberné. Le 21ème siècle apporte enfin un réveil. Au cours de ses deux premières décennies, on reparle de l’écriture littéraire, de l’édition et du marketing.
Cependant, ai-je ajouté, si on remarque actuellement un certain foisonnement de publications et de plus en plus une présence féminine, l’édition des livres, elle, connaît de grandes contraintes à cause de la très faible consommation de ses produits par le public congolais. Que d’ailleurs, les classiques congolais, les ouvrages des pionniers de cette littérature ne sont plus quasiment en circulation. J’ai ajouté avec une audace qui m’a étonnée moi-même : « La littérature congolaise est à peine connue au pays. Dans une ville comme Kinshasa, les librairies sont rares »
Je me suis empressée de compléter : « Dieu merci, des efforts des particuliers ont commencé à se déployer très timidement pour installer des librairies et bibliothèques dans le centre-ville et aussi dans les communes (Bandal, Lemba, Kimbanseke, Kasa-Vubu, etc). Innovation dans ce cadre, Laesh RDC, une libraire qui pousse la témérité jusqu’à rejoindre les gens chez eux à domicile et sur les lieux de travail pour leur proposer des livres. Des expositions se multiplient auxquelles participent, bien entendu, libraires, auteurs et journalistes, hommes et femmes rivalisant d’ardeur. Des ateliers de sensibilisation et d’échanges avec les élèves et étudiants se multiplient également. Il en est ainsi par-ci par-là, dans toutes les provinces. Après ma conversation avec la Congolaise de Belgique, j’ai continué à réfléchir sur les facteurs qui ont poussé les femmes à s’exprimer et à se faire entendre et comprendre. Quatre témoignages sur l’influence de parents, en particulier des pères de famille, pour qui les filles valent autant que les garçons, me sont venus à l’esprit. Papa Daniel Kanza Kinsona né en 1905, l’une des premières figures politiques, a offert à sa fille Sophie Zala Luzibu Kanza(20), comme à ses garçons, la même opportunité d’étudier dans de bonnes écoles et dans les meilleures universités. Elle fut la première femme congolaise diplômée d’une école secondaire et d'une université, celle de Genève en Suisse, puis Harvard aux Etats-Unis. Première femme ministre de la RD.Congo, première congolaise à travailler au sein du système des Nations unies (UNESCO), Professeure d’université.
Le cadre familial a été également motivant si pas déterminant pour les poétesses Clémentine Faïk-Nzuji Madiya, Professeure à Louvain et Yolande Elebe ma Ndembo, journaliste, Présidente de l’Association des Femmes des Lettres du Congo (FELCO). Elles racontent avoir bénéficié chacune de l’influence paternelle. En particulier, la poétesse Yolande Elebe ma Ndembo a été, dès son jeune âge, initiée par son père à l’écriture et à la philosophie. Fille de Philippe Elebe Ma Ekonzo, homme des lettres et journaliste (auteur d’Un écho dans la nuit, de Les tresses des âges), ancien Ministre de l'Information et de la Presse. L’écrivaine témoigne fièrement de cet héritage :
« En ce qui me concerne, mon père, en veillant avec sévérité que je passe toutes mes heures libres à réviser mes notes ou à lire un livre, m’a incitée sans s’en rendre compte, à l’écriture. En outre, j’ai bénéficié d’un précieux encadrement de la part du Cardinal Joseph Albert Malula, un formateur d’hommes, un intellectuel de haute facture, africaniste et pionnier de l’égalité hommes et femmes et de l’équité à travers le principe sacro-saint de la justice distributive. Dès mes premiers balbutiements en écriture littéraire et vu mon penchant à déclamer des poèmes, en particulier du chantre de la Négritude Léopold Sédar Senghor, il m’avait assuré le meilleur des encadrements, en mettant à ma disposition un mentor : le Révérend Père Blafart, jésuite, alors professeur de littérature française au Collège Albert 1er, l’actuel Collège Boboto ».
L’hebdomadaire Afrique Chrétienne, successeur de La Croix du Congo, des Pères Scheutistes, m’a permis d’y publier mes premiers poèmes et ensuite en y collaborant, j’y ai animé deux rubriques, le « Courrier d’Elisabeth » et une page intitulée « Betty et ses amis ». Je répondais aux questions des jeunes de mon époque sur les relations entre filles et garçons, entre enfants et parents, sur les aspirations des jeunes. J’entretenais un contact hebdomadaire avec les jeunes de tous les coins de la République du Congo. Oui, de tout le pays et je n’exagère pas. L’Eglise catholique avait cette capacité de joindre les coins et recoins du pays jusqu’à ses phalanges. L’impact fut grand car, que des témoignages ai-je récoltés tout le long de ma vie, témoignages faits par certains jeunes d’hier devenus des cadres d’aujourd’hui et même des retraités d’aujourd’hui ! Des grands-parents, des rrière-grands-parents.
Plus tard, mes acquis se sont consolidés grâce au cercle culturel la Pléiade du Congo, initiative de la poétesse Clémentine Nzuji, entourée d’un groupe de jeunes écrivains de l’Université Lovanium de Kinshasa, un espace des rencontres et d’échanges, un véritable stimulus pour l’inspiration. Enfin, la possibilité de publier nos écrits, sans frais, était offerte par les Editions Belles-Lettres, lancées par le Directeur Edmond Witahnkenge du Ministère de la Culture ; par les éditions du Mont Noir lancées par les Professeurs Valentin Mudimbe, Georges Ngal et Pierre Detienne ; par les éditions Saint-Paul Afrique (devenues MédiasPaul) ; par l’Union des Ecrivains zaïrois(21) (UEZA) et même par les cercles littéraires affiliés, notamment le Cercle et les Editions Ngongi qui ont publié des oeuvres individuelles et collectives.
Plusieurs écrivains et journalistes de deux sexes témoignent que c’est à force de lire les écrits des prédécesseurs qu’ils ont embrassé la voie de l’écriture et du journalisme et sont devenus talentueux. Ainsi donc, par exemple, ma rencontre un matin avec Mme Christine Feza Nyembo, journaliste à l’Agence Congolaise de Presse (ACP), au croisement des avenues du 24-Novembre et de la Justice, a été une agréable surprise pour nous deux. Nous nous sommes mises à nous informer mutuellement, sur ce qui nous est advenu entretemps, hâtivement, l’endroit n’étant pas approprié pour un tel échange. Un de mes collègues de travail qui se hâtait lui aussi, nous y a rejointes et s’est étonné de nous savoir amies. Feza lui dit : « Betty, je la connais depuis le Lycée Chem-Chem à Kalima(22) à travers l’hebdomadaire Afrique Chrétienne qui nous était distribué chaque semaine. Grâce à ses écrits, j’avais pris goût au journalisme, à l’écriture en général et je suis devenue journaliste. Nous étions nombreuses à vouloir l’imiter, elle, élève comme nous et pourtant quelle plume ! ».
Entendre ce témoignage a réjoui mon coeur. J’avais suscité une vocation chez une fille, six décennies auparavant, dans la province du Maniema, grâce à un journal paraissant à Kinshasa ! Le changement positif peut donc être impulsé de n’importe où et partout, pourvu que des modèles et des prouesses soient communiqués aux gens. De la même manière, la déchéance et la médiocrité peuvent se propager aussi et atteindre les esprits, à travers une communication pernicieuse persistante.
J’en déduis que des aptitudes intellectuelles, morales et artistiques se forgent par la volonté d’y arriver. L’écriture est l’une des puissantes voies à travers laquelle la pensée s’exprime. L’école, avec des professeurs motivés, une bonne bibliothèque et la pratique de la lecture, l’exigence des résumés et de courtes présentations orales, n’offre-t-elle pas un excellent encadrement ?
La collaboration entre acteurs de la chaîne du livre (écrivains, éditeurs, libraires, bibliothécaires, artistes, journalistes, les nouvelles technologues de l’information, organismes nationaux et internationaux) est en train d’aider la littérature congolaise à se développer. La spécificité féminine s’y démarque par sa sensibilité. Contrairement au passé, les jeunes filles et les femmes en général, ont actuellement des repères et peuvent s’appuyer sur des avancées, notamment l’égalité constitutionnelle, égalité de genre et des chances. Un cadre législatif et réglementaire relatif aux droits spécifiques de la femme balise la mise en oeuvre de la parité hommes et femmes, légitimant les efforts en faveur du changement des mentalités en matière des rapports hommes et femmes et de l’abandon d’anciens préjugés à l’égard des deux sexes.
Grâce au partenariat qui se tisse (Institut français, Centre Wallonie-Bruxelles, Goethe Institute, etc.) avec les acteurs culturels congolais, dont ceux de la chaîne du livre, des activités sont conjointement organisées, offrant des opportunités. La relève des pionniers est assurée. La nouvelle génération d’écrivains est déterminée à exhumer cette noble littérature congolaise qui n’a connu que trop d’arrêts que d’aucuns désignent par l’ensommeillement. Un ensommeillement favorisé jadis par l’absence des rencontres et des échanges. En effet, écrire exige de se rendre disponible, de se donner du temps pour soi, d’être discipliné et de bien gérer son temps. En plus, la littérature ne nourrit pas son homme, croyait-on. Cela étant, les jeunes d’hier devenus des adultes, des responsables de familles, engagés et absorbés par leurs professions, ne se sont plus adonnés à l’écriture, du moins plus du tout avec ardeur.
Cela étant, une leçon est à apprendre par les jeunes, celle de profiter du temps de la jeunesse pour écrire, écrire, lire, lire... Un autre enseignement doit être tiré par les aînés, celui de mieux gérer leur temps et de s’organiser pour écrire sur les belles expériences accumulées.
Les défis sont donc multiples et concernent tant les hommes que les femmes. Le premier gros défi concerne la gestion du temps, dans le contexte où les gens se voient obligés d’investir tout leur temps à la recherche de la nourriture et à gérer les conflits familiaux qui résultent la plupart du temps de la pauvreté. Ce défi est renforcé par les difficultés liées à la chaîne du livre, depuis le contrôle de la qualité des textes, l’édition, le stockage jusqu’à la diffusion et à la protection des droits d’auteur.
Le faible pouvoir d’achat rend les écrivains incapables de financer la publication de leurs productions. Les quelques maisons d’édition opérationnelles ont défini leur ligne et elles ne disposent pas d’un budget qui puisse leur permettre d’éditer suffisamment d’auteurs. Les éditions Saint Paul qui jadis ont participé à l’effort de la promotion de la littérature, se retrouvent avec des lots des livres invendus. L’écoulement des livres est une problématique épineuse et la circulation des livres de la RD.Congo vers le Nord ou vers un tout autre pays africain est onéreuse, à cause d’une taxation élevée.
En perspective, face à la difficulté d’écouler les ouvrages, l’ouverture des librairies et bibliothèques par les soins du pouvoir public et des entrepreneurs culturels ne sera plus onéreuse. Déjà, la nouvelle génération d’écrivains s’efforce d’organiser des activités d’incitation à la lecture. Les images sur Internet de Soraya Odia portant son bassin rempli de livres sur la tête comme une vendeuse ambulante des pains ou assise au marché devant ce bassin des livres, en train de les vendre à côté de vendeuses d’autres denrées, sont éloquentes. Elles montrent que la consommation du livre est autant vitale que celle du pain et du poisson.
Ces efforts conjugués avec ceux des programmes des médias traditionnels et les nouvelles technologies de l’information et de la communication amènent progressivement les gens à lire et aboutissent au constat que les Congolais peuvent lire s’il leur est possible de se procurer les livres de leur choix. Perspective encourageante tant pour les hommes que pour les femmes de la plume. En effet, le gain financier et l’auréole qu’ils attendent à travers la reconnaissance de leurs oeuvres ne peuvent que faire du bien et motiver davantage.
Concernant spécifiquement les écrivaines, l’ASBL Femmes des lettres congolaises (FELCO) veut les rassembler toutes. Une initiative de la Poétesse Yolande Elebe ma Ndembo, en collaboration avec quelques écrivaines dont elle assume la présidence. FELCO veut poser des mots sur le silence des femmes, créer les conditions requises à l’expression féminine, encourager les femmes à rêver et à reproduire leurs rêves car le rêve est le premier pas vers l’affranchissement. Son spectacle « Femme, pose des mots sur ton silence », présenté en 2021 lors de sa sortie officielle, mieux que les discours, a démontré la diversité des talents féminins portés par des jeunes femmes qui croisent leurs mots avec les pionnières qui par chance, se retrouvent encore parmi elles. Ensemble, elles vont habiller la face de la RD.Congo avec les mots, les désirs, les souhaits, les victoires à remporter des luttes engagées pour un meilleur devenir ainsi qu’avec leurs prières de femmes et mères.
La vision de FELCO consiste à dessiner une toile d’araignée souple, la plus étendue possible, par la pensée de la femme dans toute sa diversité à travers toutes les provinces de la RDC, se reliant avec les congolaises de diasporas. Les femmes des Lettres congolaises participent ainsi activement à réécrire l’histoire vécue du passé et du présent et présagent du futur. Elles font le plaidoyer pour le changement. Dans une fiction et un style qui charme, elles communiquent même sur des sujets délicats et peuvent infléchir les volontés.
La diaspora congolaise est en train d’être valorisée davantage à travers les talents littéraires et artistiques qui s’affirment sans distinction de sexe, en recréant la solidarité. La rumba congolaise est en réalité une poésie profonde et diversifiée qui vaut un profit, un bonus à exploiter sur le plan culturel. Toutes les tares connues de la RD.Congo, décriées depuis l’époque du Zaïre, constituent son côté faible, son talon d’Achille, mais se révèlent être une mine d’inspiration pour les écrivains de telle sorte que l’inspiration ne manque pas, ne s’épuise pas car tout est inspiration, sollicitation.

Notes

1. Evolué : un terme en français utilisé durant l'époque coloniale pour désigner un Congolais qui s’est européanisé en copiant servilement le comportement et le mode des Blancs, des parfaits acculturés.
2. Sous la colonisation, les fonctionnaires subalternes étaient désignés par l’appellation « Clercs »
3. Stéphanie, une étoile dans la nuit, roman inédit d’Elisabeth Mweya Tol’Ande
4. Ahata, suivi de Ngamalo, récits, éditions Nzoi, 2021, Elisabeth Mweya Tol’Ande
5. Masegabio Nzanzu, poète, journaliste et critique littéraire. Ce célèbre écrivain vient de quitter cette terre des hommes, à la date du 16 mai 2022, des suites d’une maladie.
6. Idem.
7. Stéphanie, Op.Cit.
8. La Parole aux négresses, Paris, Denoël-Gauthier, 1978, 189 pages 9. Clémentine.Nzuji Madiya-Faïk : Murmure, poésie, recueil, 1968 ; Le temps des amants, poésie, éditions Lettres congolaises, O.N.R.D, 1969; Lianes, poésie, Editions du Mont Noir, 1972 ; Kasala et autres poèmes, Editions
Mandore, 1969 ; Gestes interrompus, poésie, éditions Mandore 1976 ; Lenga et Autres contes d’inspiration traditionnelle, éditions Saint Paul Afrique, 1976 ; Frisson de la mémoire, nouvelle, Editions Sepia, 1993 ; Tu le leur diras.
10. Sous la colonisation, les fonctionnaires subalternes étaient désignés par l’appellation « Clerc »
11. Stéphanie, une étoile dans la nuit, roman inédit d’Elisabeth Mweya Tol’Ande
12. Ahata, suivi de Ngamalo, récits, éditions Nzoi, 2021, Elisabeth Mweya Tol’Ande
13. Masegabio Nzanzu, poète, journaliste et critique littéraire
14. Idem.
15. Marie-Eugénie Pongo, Retour au pays natal, poème primé du concours Goethe Institut et publié dans Zaïre Ecrit ; Masikini, poème, primé du Concours Léopold Sédar Senghor, 1969, publié dans une collection commune (Clémentine, Bolumbu Ikole, Mweya, Libambu Motato) aux éditions La Grue couronnée.
16. Caroline Nzuji Baleka Bamba, L’Igname mystérieuse, conte primé Concours Léopold Sédar Senghor, 1969, publié in Anthologie des écrivains congolais, éditions SNEC, 1969
17. Mweya Tol’Ande, Incantation et Mission des poètes africains, poèmes, Prix de poésie Sébastien Ngonso, publication de l’Extension universitaire, 1968 ; Remous de feuilles, poésie, Editions du Mont Noir, 1972 ; Ahata suivi du Récit de la Damnée, Editions Bobiso 1977 ; Moi, Femme, je parle, essai, Editions Grain de sel, 1994 ; La fête est finie, Femme chauve-souris, Sortilège, L’extase, poèmes, in ELOIZE, Revue de l’Association des écrivains acadiens, automne 1983 ; Ahata suivi de Ngamalo, Editions Nzoi, 2021
18. Feuilles d’Olive, poésie, recueil, éditions du Mont Noir, 1972.
19. Libambu Motato est née à Lisala, le 9 septembre 1949, diplômée de l’Ecole normale de la Gombe, Stress, ou l’âme frustrée, La vision de la vie, Mutation, poésieS inédites ; Sans frontières, roman à thèse
20. Mutenke Ngoy, Ventouses et passions, poésie à voix multiples, Anthologie Union des écrivains zaïrois, 1974 ; Poèmes in Germinations, anthologie des jeunes poètes du Shaba, Editions Echo des Ecrivains zaIrois, 1988.
21. Christine Kalonji, Dernière genèse, Nouvelle, éditions Saint - Germain - des-Prés, 1974, traduite en espagnol.
22. Sumaili Ngaye-Lussa, Gabriel, 2020, « Les Ecrivaines congolaises. Notes biobibliographiques », in Revue Interdisciplinaire Francophone (RINTEF), n°3, juin 2020, Presses Universitaires de Kinshasa, p.9-35. (http://www.rifra-unikin.net)
23. Emilie -Flor Faignond, Méandres, poésie, 1995 ; Afin que tu te souviennes, roman, Editions Saint Paul, 1997 ; Miji, récit, Hibiscus éditions, 2009 ; Miji, l’hybride des rives, roman autobiographique, éditions Paulo –Ramand, 2011 ; La petite étoile amoureuse du soleil et L’arbre aux fruits d’or, contes, 2015 ; Cyclone, roman, Editions Paulo-Ramand, 2017 ;
Chibu Lulanda, J’entends battre le coeur de l’Afrique ; éditions de l’Union des Ecrivains Zaïrois, 1983 ; Marthe Diur N’Tumb, Zaïna, théâtre, Paris, Hatier, 1986 ; Qui hurle dans la nuit ? théâtre, Paris, Hatier, 1986, publié en anglais « LostVoices ;
Christine Falangani Mvondo, Le chemin de la vie, récit, URED, 1986 ; La chaîne infernale, roman, MédiasPaul, 2010 ; La nièce du dinosaure, roman policier, Edilivre 2016 ; Le royaume des sables, roman, MédiasPaul, 2016 ; Ilaya Mukalay et Ndaya Linda, poèmes, in Voix des poétesses mélangistes, anthologie de poésie, 1979 ; Wivine N’Landu Kavidi, Leurres et Lueurs, poésie, André de Rache Editeur, 1984 ;
24. Maguy Rachidi Kabamba, La dette coloniale, roman, Montréal, Humanitas, 1995 ; Et la femme se re-créa, 1996 ; Sudila Mwembe, Les histoires de la grande forêt, contes, Les Presses Africaines, 1976 ;
Marie-Jeanne Tshilolo Kabika, Le pilier du chef et autres contes, Pavillons des écrivains zaïrois, 1986 ; Matricide, roman, Paris, l’Harmattan, 2008

25. Joseph-Albert Malula, né le 17 décembre 1917 et décédé le 4 juin 1989. Ordonné prêtre en 1946 (Abbé), évêque en 1959, nommé Archevêque de Léopoldville en 1964, élevé aux honneurs cardinalices en 1969

26. Sophie Zala Luzibu Kanza, épouse Lihau (1940-1999), première femme ministre du gouvernement du 31 octobre 1966 au 6 décembre 1970 ; a occupé des fonctions au sein du système des Nations unies (UNESCO) de 1981 à 1988.
27. Actuelle UECO, Union des Ecrivains congolais.

Par Elisabeth MWEYA TOL’ANDE, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024