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1.-Qui est Kama Sywor Kamanda ?

De lui, plusieurs biographies ont été dressées. Mais celle qui semble la plus complète est celle de Laurence Sudret dans les repères biobibliographiques par lesquelles s’achève l’ouvrage intitulé Kama Sywor Kamanda, oeuvre poétique, édition intégrale, publié aux éditions L’Age d’Homme à Lausanne, en Suisse en 2008. Nous partirons de ces repères biobibliographiques pour présenter notre écrivain à grands traits.
Il est né en 1952, à Luebo (province du Kasaï) d’une famille autochtone bantoue d’origine égyptienne. Il fait ses études primaires à Luebo et secondaires à Kinshasa où sa famille est arrivée en 1960. Très tôt intéressé à la littérature, il écrit ses premiers poèmes en 1964. En 1968, il obtient son diplôme d’Etat des humanités gréco-latines. En 1969, détenteur d’un diplôme de journalisme, il publie plusieurs poèmes et récits dans diverses revues. En 1972, il participe à la création de l’Union des Ecrivains Congolais (UECO) et profite des journaux locaux pour publier ses écrits. Pendant ce temps, inscrit à l’Université Nationale du Zaïre (UNAZA), Kama Kamanda obtient son diplôme de sciences politiques en 1973 et de philosophie en 1975, à l’Université de Kinshasa. En 1977, suite à ses prises de position politiques, il fuit son pays natal et s’exile en Espagne où il ne restera que quelques mois avant de rejoindre la Belgique où il va étudier le droit. Il obtient son diplôme de candidat en droit à l’université de Liège. Kama Kamanda ne s’arrête pas là ; il s’inscrit en Licence mais suspend ses études en 1984 pour se consacrer à sa véritable vocation, celle d’écrivain. C’est la même année qu’il rencontre Léopold Sédar Senghor, avec qui il se lie d’amitié, et Cheikh Anta Diop, l’année suivante. L’année 1986 marque véritablement le début de sa carrière d’écrivain. En effet, de 1986 à ce jour, notre écrivain n’a pas eu de cesse que de publier poèmes, romans, théâtres et essais que nous présentons dans la partie de l’article réservée à la connaissance de son oeuvre.

2.-L’oeuvre

Kama Sywor Kamanda se caractérise par sa polyvalence et sa prolificité. En effet, il n’existe pas un seul genre littéraire qu’il n’ait pas abordé avec maestria et auquel il n’ait pas consacré de nombreux écrits. L’édition intégrale de son oeuvre poétique publiée par L’Age d’Homme a réuni mille neuf cent vingt-huit (1928) pièces de haute facture. Cette somme colossale de poèmes est regroupée en douze (12) recueils suivants :
1. Les Songes des origines (164 poèmes)
2. Chants de Brumes (144 poèmes)
3. Les Résignations (180 poèmes)
4. Eclipse d’Etoiles (214 poèmes)
5. La Somme du néant (227 poèmes)
6. L’Exil des songes (296 poèmes)
7. Les Myriades des temps vécus (178 poèmes)
8. Les Vents de l’épreuve (88 poèmes)
9. Quand dans l’âme les mers s’agitent (199 poèmes)
10. L’Etreinte des mots (124 poèmes)
11. Le Sang des solitudes (70 poèmes)
12. Vertiges (44 poèmes)
Ces recueils de poèmes abordent des thèmes divers tels l’exil, son Afrique natale colonisée, l’acculturation, l’Egypte terre d’origine des populations bantoues, l’amour, la mort, la quête du bonheur, la planète terre qu’il nous invite à sauvegarder, etc.
L’édition intégrale des contes dénombre deux cent vingt-cinq (225) contes inspirés des traditions africaines. Quant au genre romanesque, Kama Kamanda est, à ce jour, l’auteur de cinq (5) romans.
Après avoir consacré tant de temps et d’années à la poésie et aux contes, il s’est également lancé dans le genre dramatique depuis 2013. Enfin, Kama compte quatre Essais à son actif. A titre d’illustration et afin de donner la preuve de sa prolificité et de la régularité de ses publications, nous indiquons ci-dessous sa production littéraire année par année
- 1986 : - Chants de Brumes et Les Résignations
- 1987 : - Eclipse d’Etoiles
- 1988 : -Les Contes du griot
- 1989 : -La Somme du néant
- 1991 : -La Nuit des griots
- 1992 : -L’Exil des songes et Les Myriades des temps vécus
- 1993 : -Les Vents de l’épreuve
- 1994 : -Lointaines sont les rives du destin (roman) et Quand dans
l’âme les mers s’agitent
- 1995 : -L’Etreinte des mots et Les contes des veillées africaines
- 1996 : -La Nuit des griots (réédition)
- 2000 : -Les Contes du crépuscule
- 2002 : -Le Sang des solitudes
- 2004 : -Contes (oeuvres complètes)
- 2006 : -La traversée des mirages (roman), La joueuse de Kora
(roman) et Contes africains
- 2007 : -Au-delà de Dieu, au-delà des chimères (essai)
- 2013 : -L’Insondable destin des hommes (roman) et L’homme torturé
(théâtre)
- 2015 : -Toutenkhamon (théâtre) et Candace 1ère (théâtre)
- 2016 : -L’Entremetteuse (théâtre) et On peut s’aimer sans se
comprendre (théâtre)
- 2017 : -Ramsès II (théâtre), Akhenaton (théâtre) et La Reine
Ravanalova III (théâtre)
- 2018 : - Vivre et aimer (essai) et Les Fondements de l’être (essai)
Evolution et révolution de l’Homme noir (essai)
- 2019 : -Les Astuces du manipulateur (théâtre), Le Pervers narcissique
(théâtre) et La Reine Nzinga Mbandi (théâtre)
- 2020 : La reine Néfertiti (théâtre), Le Roi Muntuhotep (théâtre) et La
tragédie du Roi Léopold 2 (théâtre)
- 2021 : -Lumumba (théâtre).

3. - Les écrits louangeux consacrés à son oeuvre par la critique internationale

Aucun homme de lettres parmi les plus illustres au monde n’est indifférent à l’oeuvre produite par notre compatriote. Les grands noms parmi les écrivains et les critiques littéraires internationaux ne cessent de tarir d’éloges pour Kama Sywor Kamanda poète et conteur, comme les quelques commentaires ci-dessous l’illustrent suffisamment :
Mario Luzi, poète italien et préfacier du recueil Les Myriades des temps vécus, présente Kama Kamanda comme « un écrivain d’exception et un créateur de génie » (Mario Luzi, 1992 :9). Et, s’intéressant à l’universalité de son oeuvre qui ne s’enferme pas dans le cadre spécifiquement congolais ou africain, du point de vue aussi bien thématique que langagier, il ajoute : « Kama Kamanda est un poète de dimension universelle » (Mario Luzi, 1992, 11)
Cette universalité a été effectivement reconnue unanimement à l’occasion de l’hommage qui lui a été rendu par la communauté littéraire mondiale à travers un ouvrage collectif, sous la direction de Marc Alyn, intitulé Kama Kamanda, Hommage.
Léopold Sédar Senghor, l’un des membres du comité d’honneur de cet hommage, fait l’éloge du poète congolais en ces termes : « Il reste que Kama Kamanda apporte du nouveau : sans doute puisqu’il est bantou et qu’il puise aux sources. Cela dit, il ne s’enferme pas, pour autant, dans son Afrique équatoriale. Il plonge dans ses forêts, ses rivières, ses lacs, mais c’est pour voyager et s’ouvrir aux charmes de l’Asie, singulièrement du monde arabe, sans oublier, pour autant, le monde jaune, « couleur safran », (…). Il écrit en français et il a assimilé, en même temps, le Moyen Age chrétien comme les humanités classiques, mais encore le Proche-Orient et le monde islamique. » (Léopold Sédar Senghor, 2004, 192).
La composition du comité d’honneur est assez éloquente. Il a été constitué d’écrivains de renommée suivants :
1. Fernando Arrabal (Espagne)
2. Pierre Béarn (France)
3. André Chédid (Liban)
4. Claude-Michel Cluny (France)
5. Cù Huy Cân (Vietnam)
6. Michel Déon (France)
7. Mario Luzi (Italie)
8. Pierrette Sartin (France)
9. Léopold Sédar Senghor (Senegal)
10. Jean-Baptiste Taty Loutard (Congo Brazzaville)
11 Jane Koustas (Canada).
Quant aux contributeurs, ils sont venus des quatre coins de la planète, notamment d’Angleterre, d’Argentine, de Belgique, de Bolivie, du Canada, de Chine, du Congo Brazzaville, du Congo Kinshasa, ex Zaïre, (représenté par Georges Ngal qui note : « Avec Kama Kamanda, le Zaïre hisse sa poésie au panthéon des poètes universels »), de Croatie, du Danemark, d’Espagne, des Etats-Unis d’Amérique, de France, de Grèce, d’Haïti, de l’Inde, d’Irak, d’Italie, du Liban, du Luxembourg, de Macédoine, de Turquie et du Vietnam.
Pierrette Sartin, une poétesse française, s’est également jointe au concert de louanges de la poésie de Kama Kamanda. Comme Senghor, elle reconnaît la nouveauté apportée au genre poétique par le poète congolais : « Tel un roi mage venu d’Afrique portant l’or, l’encens et la myrrhe, Kama Kamanda est arrivé du Zaïre pour apporter la poésie aux hommes de notre temps et de notre continent, et à travers elle, le rêve, l’espérance et l’amour. Sa poésie comme son oeuvre en prose est importante, moins par son nombre que par sa qualité et par son originalité. Dans le grand concert de la francophonie, sa voix est unique, tantôt ample, solennelle aux accents prophétiques, tantôt plus simple, célébrant avec le même bonheur dans la métaphore le quotidien et « les petites choses de la vie » (Pierrette Sartin, 1994, 9).
Laurence Sudret, une Suissesse, y va également de son commentaire louangeur sur le poète congolais et son oeuvre. Elle écrit, en effet : « Kama Sywor Kamanda est un nom qu’on ne prononce pas à la légère. D’abord parce qu’il est l’un des plus récompensés et qu’il a même eu l’heur et l’honneur d’être primé par l’Académie française, ensuite parce que c’est un auteur internationalement connu. On en veut pour preuve les multiples invitations qui l’emmènent sur tous les continents pour partager sa poésie. » (Laurence Sudret, 2008 : 9).
Quant à son oeuvre, qui aborde des thèmes universels et ne laisse pour compte aucune culture, elle la juge mature, écrite dans une langue irréprochable : « Certains, on ne le sait que trop associent facilement la littérature d’auteurs originaires d’Afrique à la naïveté, la simplicité…Ils verront avec cet ouvrage que ce préjugé n’est plus de mise car non seulement la langue de Kama Sywor Kamanda est riche, cultivée, fourmillante d’images, mais en outre les thèmes abordés sont universels, complexes et touchent tous les secteurs de quelque culture qu’ils soient. » (Laurence Sudret, 2008, 9).
Enfin, pour le site web « Amp.fr.what-this.com », consulté le 15 décembre 2021 à 11heures, Kama Sywor Kamanda « est rangé parmi les grands auteurs classiques tels Andersen, Grimm, Perrault et Maupassant ».
Outre ces commentaires élogieux, des ouvrages critiques ont été écrits sur son oeuvre tels que :
1. Marie-Claire de Coninck : Kama Kamanda, au pays du conte, Paris, L’Harmattan, 1993
2. Pierrette Sartin : Kama Kamanda, poète de l’exil (dont nous avons cité un extrait), 1994
3. Mason, Dictionnaire des écrivains luxembourgeois : Kama Sywor Kamanda, 261, 2000 outstanding intellectuals of the 21 first century, first edition, 2000.
4. Isabelle Cata, La quête d’un rêve d’absolu : recréer le monde, pénétrer l’infini, mesurer le néant, une réflexion critique sur l’oeuvre de Kama Sywor Kamanda, Paris, Edition Dagan, 2015
5. Davoine Sophie, Kama Sywor Kamanda : histoire d’une oeuvre, histoire d’une vie, 2019
6. Pauline Raillon : Enjeux et pouvoirs de l’oeuvre littéraire : Kama Kamanda, entre dualité et cohérence, l’impossible soi, Mémoire de Master II, université Paris IV Sorbonne. (inédit)
IV. Les Prix reçus pour ses oeuvres
Kama Sywor Kamanda est le lauréat de plusieurs Prix et distinctions dont nous présentons, ci-dessous, quelques-uns à titre d’exemples :
1. 1987 : Prix Verlaine de l’Académie française (pour Chants de Brumes)
2. 1990 : Prix Louise Labé (pour La Somme de néant)
3. 1992 : Prix de l’Académie française (pour L’Exil des songes) et Prix Théophile Gautier de l’Académie française pour Les Myriades des temps vécus
4. 1993 : Grand Prix littéraire de l’Afrique noire (pour Les contes du Griot)
5. 1999 : Prix Mélina Mercouri de l’Association des poètes et écrivains grecs
6. 2000 : Prix des poètes grecs du millénaire 2000, par International Poets Academy
7. 2001 : Prix japonais du meilleur livre étranger (pour Les contes du Griot)
8. 2002 : Prix de poésie de la Société internationale des écrivains grecs
9. Prix Heredia de l’Académie française pour son oeuvre poétique, édition intégrale, etc.
Nous ne saurons passer sous silence le fait que Kama Kamanda est plusieurs fois invité d’honneur et conférencier à plusieurs congrès mondiaux du Conseil International d’Etudes Francophones organisés tant en Afrique que dans d’autres continents.

5.-Les oeuvres traduites en langues étrangères

1. L’Etreinte des mots (traduit en langue macédonienne)
2. Quand dans l’âme les mers s’agitent (traduit également en langue macédonienne)
3. La Somme du néant (traduit en langue roumaine)
4. Les contes du Griot (traduit en japonais, en anglais et en chinois)
5. Les Myriades des temps vécus et L’Etreinte des mots ont été traduits en italien et en anglais.

Conclusion

Nous venons de présenter, ci-dessus, un écrivain congolais hors du commun, une sommité de la littérature dont le talent est unanimement reconnu par les grands poètes du monde.
Mais, en parcourant les manuels scolaires en usage, ou qui l’ont été, en République Démocratique du Congo, le pays natal de l’écrivain, notamment
1. R.Voghel, Nous parlons le français, 1ère année secondaire, Hatier Bruxelles, 1983 ;
2. E. Pecheur, Auteurs français, 1ère année, Centre de Recherches Pédagogiques ;
3. Centre de Recherche et de Diffusion de l’Information, Apprenons le français, 2ème année secondaire, 1988 ;
4. P. Guy Habran, Au fil du temps, édition revue et remise à jour par Babudaa Malibato, 2002 ;
5. G. Chappon, R. Vauquelin, P. Venzet, Initiation littéraire, Scolot Edition, 1974 ;
6. C. Meeus, Anthologie 5è, Centre de Recherche Pédagogique de Kinshasa, 2000;
7. V. Burhenne, R.F. Cotton, Profils et perspectives, revue en 1999 ;
8. Babudaa Malibato, Fleurs et lueurs, littérature francophone en République Démocratique du Congo, 5è-6è secondaire, 2ème édition revue et mise à jour, Centre de Recherches Pédagogiques, 1999 ;
9. Babudaa Malibato, Florilège, lecture et étude, Sixième secondaire, 2010;
10. Babudaa Malibato, Florilège, lecture française et étude, 5è secondaire, 2ème édition, 2011 ;
11. Jean-Louis Joubert et al, Les littératures francophones d’Afrique centrale. Anthologie, 1995.
Notre déception a été grande de constater qu’il n’est fait mention des textes de Kama Sywor Kamanda que dans deux manuels scolaires à peine : dans Florilège, lecture française et étude, 5ème secondaire de Babudaa Malibato et dans Les littératures francophones d’Afrique centrale. Anthologie de Jean-Louis Joubert et les autres.
Quant aux bibliothèques congolaises parcourues, principalement La Médiathèque Francophone de la Funa, la bibliothèque de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’université de Kinshasa, la bibliothèque communale de Kasa-Vubu et la bibliothèque de l’antenne du Réseau de lecture de Bibwa, dans la commune de la N’Sele, les oeuvres de Kama Kamanda figurent seulement dans les deux premières bibliothèques citées.
Il nous est d’avis qu’il faut dépasser ce paradoxe selon lequel, connues et appréciées par les étrangers, la littérature congolaise, en général, et l’oeuvre de Kama Sywor Kamanda, en particulier, soient ignorées par la majorité des Congolais pour lesquels elles sont écrites et auxquels elles s’adressent.
Le temps est venu de valoriser notre littérature et ceux qui la font. Aussi, invitons-nous à leurs plumes les étudiants, les chercheurs et les critiques littéraires congolais afin de sortir de l’oubli nos écrivains, particulièrement Kama Sywor Kamanda.

Par Ngabala Bubengo Célestin, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024