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1. La contextualisation des besoins

Un apprenant peut juger important l’un des cours du programme par rapport à d’autres cours. Face aux enseignements qui leur sont proposés, les apprenants ne sont pas tous motivés de la même façon. Un étudiant en Lettres et Civilisation françaises, peut juger utile de suivre avec assiduité le cours de Grammaire du français contemporain plutôt que celui de psychologie inscrit dans son programme de formation.
Cette différence de perception tient au fait que l’apprenant ne prend en compte que sa propre analyse, alors que le cours d’Education à la citoyenneté lui a été imposée par la société qui la juge indispensable parce qu’elle correspond, selon elle, à un besoin de l’adolescent, celui de s’ouvrir à diverses formes de communication pour mieux s’épanouir.
Dans le Dictionnaire de didactique du FLE, D. Coste et R. Gallison (1976 : 312) notent que « les besoins sont, d’une part, les attentes des apprenants (ou besoin ressenti) et, d’autre part, les besoins-objectifs (mesurés par quelqu’un d’autre que l’apprenant) aucune des deux faces ne peut être éliminée. Les besoins se modifient au fur et à mesure que l’enseignement se déroule ».
Le Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer ; conçu dans l’objectif de renforcer la communication interculturelle et internationale sur l’apprentissage des langues étrangères, définit quatre grands domaines d’utilisation de la langue : le domaine personnel, le domaine public, le domaine professionnel et le domaine éducationnel.
Ainsi, les EESUC devraient concevoir les curricula en tenant compte de ces quatre domaines élucidés par le Conseil européen. Ce qui permettra un programme d’enseignement / apprentissage souple et professionnel. Pour chaque domaine, l’apprenant sera en mesure de faire une auto-évaluation et compenser (pallier) ses lacunes linguistiques par un apprentissage orienté.
Les curricula seront établis selon les besoins langagiers de chaque domaine. Bien qu’on puisse avoir des cas de similarité, néanmoins chaque domaine disposera de ses besoins langagiers. Raison pour laquelle, nous faisons cette plaidoirie en appel aux EESUC du français de converger la conception de leur cours de français à l’analyse des besoins.
Et là, l’objectif de l’Enseignement supérieur et universitaire tel que le souligne Sesep (2021) sera atteint. Pour C. Sesep (2021 : 356), l’Enseignement Supérieur et Universitaire a pour objectif de « former un cadre supérieur, doté d’une grande expertise et d’une compétence technique et scientifique pour la recherche – développement, la conception et la créativité des services et des actions pour le développement durable ».

2. Du cadre juridique national aux différentes ratifications internationales

La loi-cadre n°14/004 du 11 février 2014 tient compte d’une part, des instruments juridiques internationaux dûment ratifiés par la RD Congo notamment : la déclaration Universelle des Droits de l’Homme, la Déclaration des Droits de l’Homme et des Peuples, l’Acte constitutif de l’UNESCO, la Convention relative aux Droits de l’Enfant, la Déclaration mondiale sur l’Education pour Tous, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, la Charte Panafricaine de la Jeunesse, l’Accord de Florence et le Protocole de Nairobi de 1963 relatifs à la libre circulation des biens à caractère scientifique, culturel et éducatif et d’autre part, de la Constitution de la RD Congo en ses articles 12, 14, 37, 43, 44, 45, 46, 123, 202, 203, et 204, la loi portant protection de l’enfant ainsi que des recommandations des états généraux de l’éducation tenus à Kinshasa en février 1996. Elle tient également compte de l’évolution des systèmes de l’enseignement supérieur et universitaire, tel que exprimé par le processus de Bologne de juin 1999.
Les différents instruments juridiques internationaux, les objectifs susmentionnés, la Constitution ainsi que les lois et règlements de la RD Congo constituent le socle des orientations fondamentales de l’enseignement national. Il en résulte les principes majeurs selon lesquels l’enseignement national :
- est organisé dans les établissements publics et dans les établissements privés agréés ;
- est obligatoire au cycle primaire ;
- est gratuit dans les établissements publics au niveau primaire et secondaire général ;
- lutte contre l’analphabétisme et l’ignorance ;
- garantit l’accès aux mêmes avantages de formation scolaire et académique pour tous les apprenants tant du secteur public que privé.
Vu les différentes ratifications de la RD Congo aux instances nationale, régionale et internationale, la récente loi-cadre introduit à l’enseignement national les innovations suivantes:
1. le niveau maternel est organisé en cycle unique de trois ans. Il accueille les enfants ayant trois ans révolus ;
2. le concept de l’éducation de base qui s’articule en l’enseignement primaire et le secondaire général, soit huit années d’enseignement dit « de base ». Cette vision étendue garantit à un grand nombre de jeunes garçons et de jeunes filles l’acquisition d’une formation générale ininterrompue solide et une initiation à des savoir-faire utiles pour la vie, soit pour poursuivre leurs études, soit pour acquérir les connaissances de base ;
3. l’organisation des programmes spécifiques en formation initiale ou continue débouchant sur des diplômes ou certificats d’établissement d’enseignement supérieur ou universitaire pouvant être accrédités par le Ministre de tutelle ;
4. l’organisation de l’enseignement spécial en faveur des différentes catégories socioprofessionnelles en fonction des besoins spécifiques du pays soit dans des établissements spécialisés soit dans des classes spéciales incorporées au sein des écoles à tous les niveaux de l’échelon maternel à l’université ;
5. la réglementation de l’éducation non formelle répondant ainsi à la volonté du constituant qui fait de la lutte contre l’analphabétisme, un devoir national considérant que le sous-secteur est porteur de croissance ;
6. l’introduction progressive à l’université du système Licence-Maîtrise-Doctorat, en sigle L.M.D., dont la finalité est d’harmoniser les cursus dans l’enseignement supérieur et universitaire et de favoriser la mobilité du personnel et de l’étudiant à l’échelle mondiale ;
7. l’organisation d’un cycle d’enseignement post universitaire couronné par un titre de docteur à thèse ou d’agrégé en médecine ;
8. l’élection des animateurs des organes de l’enseignement supérieur et universitaire par leurs pairs ;
9. la création et l’intégration parmi les organes de l’administration de l’enseignement supérieur et universitaire, du Conseil académique supérieur et du Conseil de l’enseignement supérieur et universitaire privé agréé ;
10. la création des écoles supérieures où l’admission est sélective et dont la mission est de former de hauts cadres en fonction de besoins réels de la société ;
11. la réhabilitation du personnel qui oeuvre à cette mission éducative en améliorant les conditions de sa formation et en organisant à son avantage, un statut particulier qui revalorise la fonction enseignante et qui lui assure des conditions de travail motivantes et sécurisantes;
12. la mise en oeuvre, par voie réglementaire, des mécanismes du partenariat éducatif dans la gestion de l’enseignement national ;
13. les privilèges accordés à l’enseignement technique et à la formation professionnelle ;
14. la prise en compte, dans l’enseignement national, des enfants en situation difficile, des personnes vivant avec handicap et des personnes adultes non scolarisées ou analphabètes ;
15. l’introduction au sein de l’enseignement national des technologies de l’information et de la communication facilitant notamment l’enseignement ouvert et à distance ;
16. l’initiation des élèves et des étudiants au développement durable et à la lutte contre les changements climatiques ;
17. l’utilisation des langues nationales ou du milieu comme medium d’enseignement et d’apprentissage aux cycles élémentaire et moyen du primaire et comme discipline au niveau secondaire et supérieur. Elle recommande également l’apprentissage des langues étrangères importantes au regard de nos relations économiques, politiques et diplomatiques ;
18. la possibilité pour les établissements de l’enseignement national de créer et de développer des activités d’autofinancement ;
19. la revalorisation des travaux manuels à tous les niveaux de l’enseignement national ;
20. la création d’une structure chargée de l’assurance qualité au sein de l’enseignement national;
21. la création d’un organe consultatif interministériel au niveau national pour formuler les avis et proposer des solutions aux problèmes de l’enseignement national.
De tout ce qui précède, l’essentiel se focalise sur la formation du citoyen congolais. Par conséquent, c’est l’apprenant congolais qui est au centre de tout intérêt. Ceci constitue notre réflexion allant dans le sens de la prise en compte de besoins langagiers des apprenants, afin d’optimaliser leurs connaissances linguistiques du et en français. La maîtrise du français conduit à la réussite de la communication socio-professionnelle.

3. La notion de besoins langagiers

Le Larousse, Dictionnaire encyclopédique de l’enseignement (1975 : 164) note ceci : « ce terme (besoin) veut dire sentiment d’un manque, état d’insatisfaction portant un individu ou une collectivité à accomplir certains actes indispensables à la vie personnelle ou sociale à désirer ce qui lui fait défaut […] désir, envie ». Nous ressentons ce manque dans les chefs de nos apprenants. Plusieurs fois, les étudiants nous demandent [monsieur] (1) comment désigner telle réalité ? Comment nommer tel fait, telle situation en français ? Etc. Une pensée traverse notre esprit : nos apprenants accusent des insuffisances en français.
Dans le Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage (2012 : 265), l’adjectif langagier renvoie au principe de réalité par lequel la structure va se confronter à des besoins communicatifs, des enjeux discursifs, des représentations sociales.
Les besoins linguistiques sont aussi définis comme les ressources linguistiques nécessaires aux apprenants pour gérer avec succès des formes de communication dans lesquelles ils vont être impliqués à court ou à moyen terme. L’identification de ces besoins (et donc de ces situations de communication) s’effectue dans le cadre d’une démarche spécifique consistant à réunir les informations permettant de savoir quelles utilisations effectives vont être faites de la langue apprise et d’en tirer des contenus à enseigner de manière prioritaire(2).
Pour E. Lebreton (2016 : 92), les besoins langagiers répondent à « des situations de communication préalablement définies dans lesquelles les apprenants devront utiliser la langue. Cette acception, jugée réductrice […], s’accorde avec la visée pragmatique de l’approche communicative. En somme, il faut être capable d’agir par la communication à des fins d’insertion ». Inévitablement, les apprenants congolais sont formés pour une (probable) insertion socio-professionnelle.

4. L’apprentissage du français en RD Congo

Une langue s’apprend pour résoudre la question ou les problèmes de communication dans la société. Dans le contexte congolais, les langues sont classées en trois paliers dont le premier est constitué du français, langue officielle ; le deuxième est celui du lingala, kikongo, ciluba et kiswahili, langues nationales et enfin, le dernier comprend toutes les langues ethniques. Ce qui est à la base de la constance du multilinguisme de la quasi-totalité des Congolais. Il est (fort) difficile de trouver un Congolais monolingue, (Ishamalangege, 2020c : 178).
Nyembwe Ntita (2010 : 5-6) aborde le mode d’acquisition du français par les Congolais. Le premier contact du français avec les langues congolaises remonte à la période coloniale. Pour l’auteur, l’école reste le principal moteur d’apprentissage du français. Mais, la langue s’acquiert aussi en dehors de l’école par contact direct. De ces deux modes d’acquisition évoquée par l’auteur, aucun ne tient compte des besoins langagiers des apprenants. On se contente de la communication orale, puis on laisse de côté l’aspect écrit et surtout l’aspect professionnel si ce sont les parents qui orientent les enfants au choix de la discipline. Lorsqu’un parent réussit son intégration professionnelle, ce dernier joue un rôle capital dans le choix de filière de ses enfants, par conséquent, il influence le choix des enfants.
Pour cette étude, nous nous focalisons sur l’apprentissage académique qui aboutit à la prise en charge de l’aspect professionnel des apprenants. Dans la carrière professionnelle, quel que soit le domaine de prédilection, le recours à la communication orale et écrite s’avère une exigence inéluctable. Dans le cadre de « job description(3)» milité par les anglophones, chaque membre d’une organisation assume une fonction au sein de la structure. Que ce membre soit de la catégorie « commandement » ou « exécution », il doit rendre compte aux autres membres.
Ainsi, l’apprentissage du français au niveau supérieur nécessite une analyse des besoins langagiers des apprenants selon le cas. N’ayant pas tous les mêmes objectifs, la séparation des besoins langagiers déterminera la finalité des uns et des autres.

5. La nécessité d’inventorier les besoins d’apprentissage

C. Sesep (2021 : 366) pose une question très pertinente pour et sur l’enseignement supérieur et universitaire. Il note : « Ne faudrait-il pas former ces derniers [les étudiants] dans l’exacte proportion de besoins du pays, de besoins de son développement et de possibilités offertes par le marché de l’emploi ? ». Bien entendu, pour répondre positivement à la qualité des diplômés que nos universités et instituts supérieurs forment chaque année, il nous faut une analyse de besoins langagiers de ces apprenants.
Pour spécifier les besoins langagiers d’un groupe, considéré comme homogène par certains aspects, on s’appuie sur des données comme des questionnaires d’information destinés aux apprenants, des entretiens, avec eux mais aussi avec les interlocuteurs natifs qui sont en contact avec eux, des échantillons de leurs productions orales et écrites, des observations des activités langagières qui prennent place dans le/s contexte/s concernés...(4)
Les interrogations suivantes hantent notre esprit. Celles de savoir : De quoi un juriste a besoin pour communiquer aisément en français pendant sa plaidoirie ? Un économiste, un polytechnicien, un médecin, un pharmacien, etc., de quoi ont-ils besoin pour pouvoir dialoguer, échanger et discuter avec les personnes qui ont besoin de leurs services ?
Dans cette perspective, les enseignants du FLE / FLS pourront non seulement concevoir leurs notes de cours en fonction de la demande des apprenants congolais, mais aussi, ils trouveront et sélectionneront les notions nécessaires pour aider ces apprenants à réussir dans leur vie postuniversitaire. Par conséquent, nous formerons des apprenants capables de se défendre sur le plan tant oral qu’écrit.
Cependant, nous savons que, hors du contexte du cours de langue, les apprenants ont probablement surtout besoin de la communication orale. Mais dans le cadre du cours, il conviendrait que la compréhension et la production écrites occupent tout de même une place importante dans l’acquisition de leurs compétences en langues, et ce pour trois raisons, précise D. Little (2008 : 13). Tout d’abord, dans tous les contextes éducationnels, la technique de la littératie (le fait de mettre les choses par écrit) nous aide à organiser et à mémoriser ce que nous essayons d’apprendre. Ensuite, la forme écrite d’une langue fait apparaître sa structure, ce qui permet d’en faciliter l’analyse et la compréhension. Enfin, dans la plupart des emplois, il est difficile d’échapper à la nécessité d’exercer au moins des compétences littéraires élémentaires (pour écrire de courtes notes ou remplir des formulaires, par exemple). Et surtout que, ces compétences littéraires commencent dès la fin des études avec la majestueuse « lettre de demande d’emploi », s’en suivent le test et l’interview.
En effet, cette pratique offre des avantages certains aux décideurs des différents niveaux de l'organisation de l'éducation, dont les plus importants selon J. Lapointe (1983: 264) sont les suivants :
« elle favorise l'identification, la définition et la justification des finalités souhaitées pour un système d'enseignement quelles qu'elles soient, à quelque niveau qu'elles soient et quels que soient les partenaires consultés ; elle révèle des écarts de perception insoupçonnés ou cachés entre les différents niveaux de décision et les différents groupes engagés en éducation; elle permet aux décideurs de choisir les besoins dont la haute priorité requiert une intervention, par l'introduction de nouveaux programmes ou par le réaménagement des programmes en vigueur ; à la suite d'applications successives, elle fait ressortir l'évolution des besoins d'apprentissage dans le temps ; elle met l'accent sur la définition des problèmes plutôt que sur leur résolution et favorise ainsi le déploiement d'une grande variété de ressources ; elle n'est pas en elle-même une innovation dans un programme, mais elle fournit les données permettant d'établir si l'innovation est nécessaire ou souhaitable ; elle favorise l'application de procédures systématiques de planification à court et à long termes ainsi que le développement de systèmes d'information nécessaires à la prise de décision ; elle multiplie les possibilités d'échange entre les systèmes d'enseignement et leur environnement ».
Pour ce faire, il est clair que la collecte des données auprès des apprenants est l’étape déterminante de cette analyse des besoins. C’est pourquoi, J.M. Mangiante et C. Parpette (2004 : 97) estiment que « la collecte des données est probablement l’étape la plus spécifique à l’élaboration d’un programme de FOS. C’est en quelque sorte le centre de gravité de la démarche. D’une part, parce qu’elle confirme, complète, voire modifie largement l’analyse des besoins faite par le concepteur, laquelle reste hypothétique tant qu’elle n’est pas confirmée par le terrain. D’autre part, parce qu’elle fournit les informations et discours à partir desquels sera constitué le programme de formation linguistique ». C’est celle qui conduit l’enseignant à sortir de son cadre habituel de travail pour entrer en contact avec un milieu qu’il ne connait pas, a priori, et auquel il doit expliquer ses objectifs et le sens de sa démarche pour obtenir les informations dont il a besoin.
On partage l’opinion de beaucoup de didacticiens selon laquelle tout enseignement du français a ses objectifs spécifiques y compris celui de la littérature. En suivant une formation de FOS, l'apprenant veut réaliser une tâche précise dans un domaine donné. C'est pourquoi, le FOS souligne l'importance de l'aspect utilitaire de l'enseignement. Les cours de FOS ont pour mission, entre autres, d'aider l'apprenant à se préparer mieux au marché du travail tout en accélérant sa carrière professionnelle. C'est pourquoi, on considère l'apprentissage du FOS comme un capital.
En organisant les séances de rencontre avec les apprenants (journée des portes ouvertes, accueil des nouveaux inscrits aux établissements, les échanges intersubjectifs, etc.), les EESUC du français pourront avoir une idée sur la matière à concevoir et à élaborer. Par conséquent, ils auront répondu à l’ultime exigence d’analyse des besoins langagiers des apprenants.

6. Quelques propositions thématiques des besoins langagiers des apprenants

I. Werbrouck (2009 : 5-9) a partagé son expérience dans le domaine de communication française pour les apprenants de FLE / FLS. Pour l’auteure, quand on parle une langue étrangère, il faut veiller à ne pas paraître trop direct et elle demande au respect des petites habitudes qui règnent dans une conversation orale.
Partant de notre expérience de terrain, nous proposons quelques thèmes pour un enseignement / apprentissage du français dans nos établissements d’enseignement supérieur et universitaire en RD Congo. Nous parlons des thèmes « type obligatoire » qui peuvent figurer dans la conversation de chaque apprenant quel que soit son domaine d’études. Après avoir expliqué les mécanismes d’apprentissage du français en RD Congo, nous convenons que la langue française est bien entendue une langue étrangère car aucune province congolaise n’a le français comme langue ethnique. Ainsi, les apprenants congolais auront besoin de :
- communiquer de façon efficace et courtoise (les répliques, les exclamations): je vous en prie, au téléphone
- exprimer son appréciation d’un Film, des livres
- discuter et débattre (faits divers et actualités) : comprendre les expressions des journalistes, qu’est-ce qui fait la Une des journaux ?, dire ce qui se passe et ce qui s’est passé, décrire le déroulement d’un événement, exprimer l’accord et le désaccord,
- tenir une réunion de travail (rendez-vous et réunions) : assister à une réunion, veiller au bon déroulement de la réunion, faire des propositions, faire un compte rendu, rédiger et présenter le rapport, fixer un rendez-vous par téléphone,
- prendre la parole en public (foires salons, congrès, séminaires, colloques) : attirer l’attention des auditeurs, annoncer le sujet, présenter le plan, renforcer les liens entre les idées, personnaliser l’explication, éviter le grand silence, surveiller la communication non verbale
- présenter un produit et ses utilisations : décrire les utilisations du produit, cibler la cible, vanter la qualité du produit, expliquer l’usage d’un appareil,
- parler chiffres (quantités et calculs) : les données chiffrées, exprimer la quantité, faire des calculs, faire parler et interpréter les chiffres
- présenter les graphiques (évolutions et positions) : les sortes de graphiques, le commentaire d’un graphique
- présenter les résultats d’une étude (interviews, sondages et enquêtes) : les techniques d’investigation, l’origine de l’étude, les objectifs de l’étude, le questionnaire, le traitement des données recueillies, les résultats, les conclusions
- présenter une entreprise (chiffre d’affaires et part de marché) : le type d’entreprise et ses différentes unités, le profil de l’entreprise, l’évolution et l’expansion de l’entreprise, la notoriété et l’image de l’entreprise,
- parler de son expérience personnelle (marché de l’emploi) : décrire sa profession et sa fonction dans une entreprise, se situer dans l’entreprise, donner une appréciation de son travail, parler de son salaire
- parler de sa formation (études, travaux scientifiques réalisés, stage) : expliquer son parcours scolaire, expliquer son travail de fin d’études, expliquer son stage et ses jobs occasionnels
- poser sa candidature (embauche et recrutement) : décrire ses compétences et ses atouts, sa lettre de motivation, son CV, expliquer son projet et ses intérêts, etc.
P. Van Avermaet et S. Gysen (2006 : 18) pensent que l’analyse des besoins des apprenants en langue est souvent négligée. Bien qu’il soit explicitement reconnu que chaque apprenant peut avoir des besoins personnels d’apprentissage, il semblerait qu’il soit surtout nécessaire de se pencher sur ce qu’implique le fait de parler et de comprendre la langue cible.

7. Conception et élaboration des documents de cours

Les enseignements programmés dans chaque filière d’études sont de deux catégories. Il y a des enseignements d’information (cours d’information pour les inscrits dans la filière x) et des enseignements de formation (cours de formation pour former les spécialistes dans le domaine y). Par exemple, la comptabilité, l’économie politique, etc. sont les cours d’information pour un étudiant inscrit à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines et sont les cours de formation pour l’étudiant qui opte pour les sciences économiques, la fiscalité, etc. comme filière.
Ce constat doit bénéficier d’une attention soutenue par les EESUC du français dans la conception et l’élaboration des documents de cours. Non seulement, le cours doit être adapté selon les besoins de la société, mais aussi selon les besoins langagiers des apprenants selon leurs différentes filières. D’ailleurs, Sous la 3ème République, C. Sesep (2021 : 360) note que l’enseignement national vise, d’une part, l’éducation scolaire intégrale et permanente des femmes et des hommes et, d’autre part, l’acquisition des compétences, des valeurs humaines, morales, civiques et culturelles pour créer une nouvelle société congolaise, démocratique, solidaire, prospère, égalitaire, juste, éprise de paix et de justice. On ne peut penser à une bonne acquisition des compétences que si la prise en compte des besoins langagiers est objective.
Pour E. Sylvestre et A. Daele (2013 : 167), l’intérêt premier des documents des cours est d’apporter des éléments de clarification concernant l’enseignement. Il existe différents types de documents comme le plan de cours, qui présente de manière générale l’organisation pédagogique d’un enseignement, et les supports de cours, qui apportent des informations permettant de soutenir le discours de l’enseignant et développer les apprentissages des étudiants. Lorsque les EESUC du français mettront à la disposition des apprenants un plan du cours bien précis, bien cadré et bien détaillé, ces derniers pourront à leur tour consulter et préparer la matière du jour dès la maison ou peu avant l’entrée de l’enseignant.
D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle diverses institutions d’enseignement supérieur insistent pour que les enseignants fournissent aux étudiants un plan du cours relativement détaillé dès le début du semestre, soulignent E. Sylvestre et A. Daele (2013 : 166).
Généralement, la conception et l’élaboration des cours doivent conduire à la création d’enseignements sur mesure, seul capable de répondre aux attentes de ce public. Mais il importe de ne pas les réduire à une technique pour spécialistes, car on ne saurait définir les besoins en dehors des intéressés ou même à leur place. J. Kilanga Musinde (2009 : 51) note ceci : « à l’ère actuelle, aucune des langues nationales congolaises ne suffit pour traduire et exprimer les réalités scientifiques, technologiques, etc., signes du développement d’un pays. C’est ici que le programme de FLE ou FLS enseigné dans nos institutions d’enseignement supérieur et universitaire vaut son pesant d’or. Les langues africaines en général, et congolaises en particulier, accusent un retard malgré les efforts consentis par les linguistes africanistes. Ce retard sera-t-il récupéré un jour ? La réponse à cette question sera liée au développement des Nations africaines.
Lorsque l’enseignant organise bien ces informations au début de ses enseignements, les apprenants peuvent mieux recevoir les attentes et organiser leur travail en conséquence. Plus les attentes d’un enseignant sont plus explicites, plus il favorise la compréhension et l’engagement des étudiants.
E. Sylvestre et A. Daele (2013 : 167-169) proposent une série de rubriques essentielles dont nous avons, à titre illustratif :
- L’identification du cours (l’intitulé du cours, le nombre de crédits ECTS (2), etc.),
- Les informations concernant l’enseignant (une brève biographie),
- La description du cours (de quoi s’agit-il ? Quelles sont les intentions de l’enseignant ?) un bref historique du cours peut être éventuellement proposé,
- Les objectifs d’apprentissage (de quoi les étudiants devraient-ils être capables à la fin du cours ?),
- La relation avec le programme d’études (à quoi l’enseignement prépare-t-il),
- Le matériel du cours,
- Les méthodes d’évaluation,
- Etc.
Toutefois, ces rubriques reflètent une vue panoramique de la conception d’un cours. Ainsi, le cours de FLE ou FLS doit obligatoirement répondre aux besoins langagiers criants des apprenants. Cette formation de langue est considérée comme étant une réussite de la formation, lorsque l’apprenant communiquera avec quiétude et aisance. Le contenu d’un tel cours se diffère d’une filière à une autre, d’autant plus que, dans le mode professionnel, certains se retrouveront dans le front office (les étudiants en Lettres et Sciences Humaines, en Psychologie et Sciences de l’Education, de Droit, en Sciences économiques et Gestion, en Médecine, etc.) et d’autre au back office (les étudiants de Polytechnique, Sciences de base, en Sciences agronomiques, etc.). Partant de ce constat, les enseignants de FLE ou FLS doivent élaborer leurs cours selon les attentes des apprenants. Ceci constituerait un acquis aux préalables communicationnels de leur profession.
Si le programme du cours de français (3) souffre aujourd’hui, c’est à cause de deux facteurs : conceptuel et matériel. Le premier facteur matériel se fonde sur le manque d’un programme officiel. Le contenu est connu par les enseignants, mais l’absence d’une architecture uniformisée par la tutelle (4). Le second facteur matériel, est l’absence de supports pédagogiques adéquats. Il faut ajouter à ce dernier, un volume horaire déséquilibré.
En effet, M. Ouamer (2015 : 50) note ceci : « si nous regardons de près le dispositif pédagogique mis en place pour la prise en charge en matière d’enseignement du français hors département de langues et littérature, on se rendra vite compte qu’il souffre de plusieurs incohérences ». A l’Université de Kinshasa, le cours de français a un volume horaire déséquilibré. Tantôt, c’est 15h, tantôt 30h selon les facultés et les filières. Cependant, les inscrits au département (aux filières) des Lettres (principalement, ceux des Lettres et Civilisation françaises, Lettres et civilisations anglaises et Lettres et civilisations africaines) bénéficient d’un volume horaire en double des autres inscrits. Ce constat nous amène à croire que les autres facultés, départements / filières, n’accordent pas une place de choix à l’enseignement du français, langue d’enseignement.

En guise de conclusion !

La prise en compte de besoins langagiers est un défi à relever par les EESUC du français de la RD Congo. Son effectivité permet de cadrer et d’encadrer les apprenants de nos établissements d’enseignement supérieur et universitaire pour une efficace insertion socioprofessionnelle. Ces attentes diversifiées, qui sont autant d’interprétations différentes des besoins langagiers à satisfaire, impliquent une négociation pour que les besoins objectivés et ceux ressentis soient harmonisés. Le fait de se fonder sur les besoins d’apprentissage en langue implique obligatoirement des différences de contenu dans les programmes. En conséquence, les EESUC du français ne peuvent avoir un même contenu dans les différentes filières. Nous prônons un seul principe : « un programme de FLE / FLS égale une filière précise ».

Notes

(1) Bien que le cadre de contact avec la langue française ne soit pas seulement l’école, certains Congolais sont en contact avec la langue de Molière dès le foyer. Par conséquent, le français devient la langue maternelle de la majorité des enfants congolais dans les milieux urbains. Lire plus Nyembwe Ntita (2010).
(2) Depuis la rentrée académique 2021-2022, le système éducatif congolais a basculé au vaste chantier en vue de leur arrimage au système LMD. En Afrique, les engagements pris pour parvenir à un enseignement supérieur et universitaire de qualité se traduisent par une forte volonté exprimée par les Etats de ratifier et de tenir compte des instruments juridiques internationaux notamment l’Acte constitutif de l’UNESCO, la Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous, l’Accord de Florence et le Protocole de Nairobi de 1963 relatif à la libre circulation des biens à caractère scientifique, culturel et éducatif et l’évolution des systèmes de l’enseignement supérieur et universitaire, tel qu’exprimé par le processus de Bologne de juin 1999. C’est donc l’ensemble des Etats africains qui sont interpellés, aux fins d’une meilleure adaptation de leurs formations aux standards internationaux. Et l’enseignement supérieur et universitaire congolais se trouve alors, confronté au défi de l’adoption du système LMD découlant du processus de Bologne et considéré aujourd’hui, comme l’aspect pédagogique et scientifique de la mondialisation. Lire le cadre normatif.
(3) Dans l’enseignement supérieur et universitaire congolais, le cours de français connaît plusieurs dénominations ou intitulés. On parle de : Expression orale et écrite en français (connu sous le sigle EOE), Techniques de l’expression orale et écrite en français, Français, Grammaire du français contemporain, Technique de communication en français, Communication et Animation , etc.).
(4) Au Département des Lettres et Civilisation Françaises de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Kinshasa, le collège des enseignants avaient mis en place un modèle-type en ce qui concerne les enseignements du français. La question est celle de savoir combien de ces mêmes enseignants prennent en compte leur propre résolution ? Chaque enseignant prépare ses cours sans un modèle à suivre.

Par Alain ISHAMALANGENGE NYIMILONGO, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024