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1. L’intrigue romanesque

La question de l’intrigue incite à s’interroger sur la structure du récit. En effet, si le roman raconte l’histoire de ce qui arrive à des personnages, il les livre pêle-mêle au lecteur. L’intrigue organise les éléments narratifs, agence la succession des actes et des événements de façon à former une trame selon une logique généralement causale et chronologique. Elle est la première étape dans le processus d’interprétation des textes qui consiste à distinguer l’événement, c’est-à-dire l’histoire, qui est la matière narrée, du récit, qui est cette même matière, mais ayant subi une organisation, une mise en forme.
L’intrigue romanesque donne lieu à la fable narrative. Celle-ci constitue la macrostructure ou mieux la structure de signification globale du texte mis sous examen. C’est une conséquence d’un exercice sémiotique qui repense le texte sans pour autant l’altérer. Ce « résumé » est, en effet, le contrecoup produit par le jeu de rapport entre le texte à lire et le texte du lecteur par le biais d’un axe de lecture. C’est donc une macrostructure de signification globale du roman qui permet, « face à un afflux d’informations ordonnées sémantiquement, de sérier les points essentiels qui seront seuls stockés par la mémoire, assureront la compréhension du texte considéré et la possibilité de le résumer » (Goldenstein, J.P., 1999 :78).
Un autre critique pourra ressortir, du même texte, un contenu sémantique différent de celui que nous vous proposons. Sans pour autant le mettre en cause, il dépend de l’axe de lecture de tout un chacun. C’est pourquoi Jean-Michel Adam déclare : « Un résumé d’un texte narratif est un texte comme un autre même si le récit ne représente jamais le texte, mais une espèce de résumé mental de celui-ci, et qui risque même d’être inexact puisqu’il dépend de celui qui résume les événements dans le texte » (Adam, J.M., 1992 :53).
En mettant l’accent sur les personnages et leurs actes, l’intrigue établit l’enchaînement des épisodes sur un assemblage de structure narrative. Elle a cet avantage de présenter l’action romanesque de façon linéaire et s’efforce de respecter la succession des événements allant d’un point de départ à un point d’arrivée. Cette présentation du récit fait appel à une lecture qui s’engage, d’après Paul Valéry, « dans un mouvement régulier qui se communique et se poursuit. Il donne au récit le symbole d’une flamme qui se propage, celui d’un fil qui brûle de bout en bout, avec des petites explosions et des scintillations de temps à l’autre » (Valery, P., sd: 1246).
Pour son interprétation, La Chorale des mouches de Mukala Kadima-Nzuji exige cette structure organisationnelle qui présente des éléments narratifs, l’agencement et la succession des actes et des événements dans une construction cohérente.
Ainsi, l’histoire dans La Chorale des mouches de Mukala Kadima-Nzuji, se présente comme suit :
Six mois après les indépendances africaines, la République du Kulâh dont la capitale est la ville de Musoko, a connu son premier coup de force. Orée- Olé vient d’accéder à la magistrature suprême. Il y instaure un régime totalitaire unique au monde. Dans le souci de conserver son pouvoir, il réorganise les services de Sûreté nationale en y injectant des milliers de cousins que sa province d’origine n’avait pas occupés. Pour ce faire, il crée une unité spéciale dénommée « Brigade moustique ». A sa tête, il place son neveu Jean Conchichine Lukuta Munene, alias Mao.
Du côté du peuple se trouve Samuel-Joseph Tchebwa, dit Samy-Jo. Il est compté parmi les deux cents adolescents que les parents, soucieux de leur avenir et du pays, avaient confiés aux Pères jésuites pour un meilleur encadrement intellectuel et moral. Divorcé de son état, il fait carrière à la Banque nationale populaire de Musoko, en qualité de guichetier malgré ses titres universitaires.
Un bon matin, de passage au Rond-point Bangabanga que d’aucuns appellent, non sans humour Bangarop, Tchebwa constate l’absence de son cousin Bénédicte Moyi Umwé, surnommé Ben. Pourtant, c’est là son lieu de prédilection où il passe presque toute sa vie en tant que pousse-pousseur. Est-il arrêté, enlevé ou tué ? Pris de panique, Tchebwa conscient du fait qu’à Musoko, depuis l’instauration du nouveau régime, la vie humaine n’a plus de valeur, se lance aussitôt à sa recherche.
Du commissariat de police le plus proche du rond-point Bangabanga, à l’hôpital général de Musoko, devenu Centre hospitalier Sainte-Emma avec la Kulâhnisation, en passant par la morgue municipale, cette recherche est sans succès. Avec le cul-de-jatte qu’il a rencontré sur le chemin, et qui se trouve être un ami fidèle de longue date de Ben, il décide de poursuivre les recherches en dehors de la capitale.
Les voilà à bord de la « Santa Maria », conduite par son héritier de chauffeur Alati-Lenga, à destination de la forêt de Mutundu, dans la province de Muvema. En effet, la forêt de Mutundu est habitée par les hommes singes, hostiles au régime dictatorial et sanguinaire de Musoko la capitale. Ils s’y sont retranchés en rébellion contre ce pouvoir abusif, exclusif et répressif en attendant les jours meilleurs.
Arrivés à Tisibi, une mission protestante située à un kilomètre de ladite forêt, Tchebwa et son compagnon de fortune sont reçus fraternellement par mademoiselle Elloën-Marcy. Le lendemain matin, l’hôtesse les présente à son oncle, le pasteur Téléphore-Herménégilde Mamba, dit Ngwa, en présence de son fidèle Jonathan. Le jour suivant, comme convenu, Jonathan conduit les deux visiteurs dans la forêt de Mutundu afin de retrouver Ben. Malgré le concours des hommes de Dieu, Tchebwa encaisse un nouvel échec.
Sur le chemin de retour à Musoko la capitale, le véhicule qui transportait Tchebwa et ses amis fait un accident. Le cul-de-jatte, ainsi que le chauffeur Alati-Lenga y laissent leur vie tandis que Tchebwa s’en tire avec de graves lésions. Pris en charge à la polyclinique Saint-Luc de Musoko, Tchebwa se lie à Chancelvie Matafadi, une jeune infirmière. A la sortie de l’hôpital, Chancelvie organisa une réception comme pour fêter leur amitié. Le lendemain de la cérémonie, Tchebwa découvre que sa maîtresse est la nièce du tortionnaire patenté de la Sûreté nationale, le commandant Mao. La mort dans l’âme, il décide de prendre ses distances, en retournant immédiatement chez lui à la colline.
Arrivé à domicile, Tchebwa est surpris par la visite d’Elloën-Marcy. Celle qui avait fait son bonheur pendant son bref séjour chez les hommes singes. C’est une chance, se dit-il, car un mariage avec celle-ci empêcherait Chancelvie d’exécuter ses funestes desseins. Malheureusement, son projet fut contrecarré par l’intrusion, malignement préparée, de Chancelvie et les siens. La femme profita de la position de ses frères, bras droit du régime, pour s’imposer comme nouvelle épouse. Le mariage fut conclu par contrainte sous la bénédiction de Konga-Zanga, alors ministre national des finances. Il permit à Samy-Jo d’accéder, par arrêté ministériel aux fonctions d’administrateur délégué général adjoint à la Banque nationale populaire de Musoko.

Malgré cette ascension vertigineuse, Tchebwa perçut le parachutage comme une humiliation. Mais avec la mort tragique de Mobali-Moko, Président délégué général de cette même institution, emporté par un crash d’avion, Tchebwa se voit de nouveau élevé et devient P.D.G. Cette fois c’est la meilleure se dit-il. Car, c’est par l’ordonnance présidentielle qu’il est placé à la tête de la Banque Nationale de Musoko, en qualité de Président délégué général. Sa joie fut immense d’être reconnu par la plus haute institution de la République.
Ne consommant point son mariage, Tchebwa découvre, quelques jours après la prise des nouvelles fonctions, la relation idyllique entretenue par Chancelvie et Mao son oncle. Preuve à l’appui, Samuel-Joseph Tchebwa profita de la tenue de la Conférence nationale consécutive à l’affaiblissement du régime pour obtenir le divorce au tribunal. Quarante jours après la décision du juge, Tchebwa est suspendu, puis révoqué définitivement de la Banque nationale populaire de Musoko pour un motif grave.
La Conférence nationale qui avait pourtant suscité beaucoup d’espoir sur les droits et les libertés du citoyen n’a pu le défendre. S’étant achevée dans un imbroglio assourdissant en donnant ainsi lieu au régime déjà affaibli, à se raffermir. Fort de cela, Oré-Olé profita du désordre politique pour reprendre son plein pouvoir et replongea ainsi Kulâh dans le clanisme, le népotisme et la pagaille.

2. Les séquences narratives

Les séquences narratives sont des segments du discours narratif qui composent le récit. Elles sont constituées d’actions ou d’événements qui se suivent logiquement et qui sont vécus ou accomplis par des personnages. Les séquences narratives forment en elles-mêmes, un « sens » et ont un apport bien défini dans le corps du récit. Elles constituent des suites de fonctions solidaires qui forment un contenu sémantique global. Les séquences narratives désignent des tableaux successifs d’une histoire envisagée comme système. Elles présentent des structures, c’est-à-dire « un réseau relationnel hiérarchique : grandeur décomposable en parties reliées en elles et en tout qu’elles constituent. Une entité relativement autonome dotée d’une organisation interne qui lui est propre et donc en relation de dépendance / indépendance avec l’ensemble plus vaste dont elle fait partie » (Adam, J.M., 1992 :53).
Le découpage du récit en séquences narratives est un exercice sémiotique qui observe le principe structural basé sur le système de relations. Parce que l’oeuvre littéraire est constituée de différentes structures. Son analyse consiste en « l’étude d’un ensemble d’actions et de situations considérées en elles-mêmes, abstraction faite du médium linguistique ou autre, qui nous en donne connaissance » (Ricardou, J., 1973 :26). Cet exercice est soumis à une série indéfinie de codes sémiotiques. Ce qui amène Roland Barthes à déclarer : « Comprendre le récit, ce n’est pas seulement suivre le dévidement de l’histoire. C’est aussi y reconnaître des étages, projeter des enchaînements horizontaux. Lire le récit, ce n’est pas seulement passer d’un mot à l’autre. C’est aussi passer d’un niveau à l’autre. Le sens n’étant pas « au bout » du récit, il le traverse » (Barthes, R., 1977 :14).

2.1. Les techniques de découpage

En sémiotique littéraire, le découpage du récit en séquences narratives est une question de structure. Il est important de ne pas perdre de vue son caractère fonctionnel, et aussi d’admettre à l’avance que le découpage du récit en séquences narratives n’a rien de commun avec le découpage traditionnel des textes. Ce qui revient à dire que le découpage du récit en séquences narratives n’a aucun rapport avec les formes classiques que nous connaissons de différentes parties d’un texte. Moins encore avec les états psychologiques des personnages. Les séquences narratives découpées sont substantiellement indépendantes des unités linguistiques qui sont le mot, la phrase, le paragraphe. Elles peuvent, certes coïncider occasionnellement, mais pas systématiquement.
Avec Roland Barthes, nous décortiquons les principes devant conduire au découpage des séquences narratives dans La Chorale des mouches de Mukala Kadima-Nzuji. Pour ce faire, le sens demeure le critère qui définit ces unités narratives. C’est le caractère fonctionnel qui fait de la séquence, une unité narrative. D’où ce nom de « fonction ».
A la suite des formalistes russes, on constitue en unité tout segment narratif qui se présente comme un terme d’une corrélation. C’est pour cette raison que Propp définit la fonction comme « l’action d’un personnage, définie du point de vue de sa signification dans le déroulement de l’intrigue » (Propp, V., 1970 :31).
Todorov, par contre, parle du « sens » ou de la fonction d’un élément de l’oeuvre comme « sa possibilité d’entrer en corrélation avec d’autres éléments de cette oeuvre et avec l’oeuvre entière » (Todorov, T., 1966 :126).
Enfin, Algirdas Julien Greimas, cité par Barthes, définit l’unité par « sa corrélation paradigmatique, mais aussi par sa place à l’intérieur de l’unité syntagmatique dont elle fait partie » (Barthes, R., 1977 : 6).
Tout comme les niveaux de sens qui sont soit distributionnels, soit encore intégratifs, les séquences narratives apparaissent dans le récit, réparties en deux classes : la classe des fonctions et celle des indices.
La fonction est une unité de contenu : c’est « ce que veut dire » le discours qui la constitue en unité formelle. Non la façon dont cela est dit. C’est le « sens ». Par sens, nous entendons les connotations des événements qui émaillent le récit.
Les indices, de nature intégrative, comprennent toutes les unités qui renvoient à un concept plus au moins diffus, mais nécessaire au sens du récit (Greimas, A.J., 1966 :5).
Ces unités caractérisent les personnages par rapport à leur identité et aux notations atmosphériques. Pour comprendre à quoi sert l’indice dans un récit, il faut passer à un niveau supérieur d’analyse qui traite des actions des personnages. C’est à ce niveau que se dénoue l’indice. Contrairement aux fonctions, les indices sont des unités véritablement sémantiques. Ils renvoient à un signifié et non à une opération.
Dans chacune des deux classes, l’on retrouve deux sous-classes d’unités narratives. Dans la classe distributionnelle, celle des fonctions, nous avons les fonctions cardinales ou noyaux et les catalyses. Pendant que dans la classe intégrative, celle des indices, on a les indices proprement dits et les informants. Les différentes sous-classes n’ont pas la même importance dans une analyse du récit.
Les fonctions dites cardinales sont des moments de risque du récit. Elles se placent entre deux choix. « Pour qu’une fonction soit cardinale ou noyau, il faut que l’action à laquelle elle se réfère ouvre ou maintienne, ou encore ferme une alternative conséquente pour la suite de l’histoire » (Barthes, R. 1977 :20). Les fonctions cardinales sont à la fois consécutives et conséquentes. Elles ont, dans le récit, le rôle d’inaugurer ou de clôturer une incertitude. Les catalyses sont des unités consécutives. Elles disposent des zones de sécurité pour le récit. En réveillant la tension sémantique, les catalyses signalent qu’« il y a eu, qu’il va y avoir du sens » (Barthes, R., 1977 :23).
Dans la classe intégrative, les indices proprement dits renvoient au caractère, au sentiment, à l’atmosphère ou à la philosophie du personnage. Les informants servent à identifier, situer le personnage dans le temps et dans l’espace. Les indices ont des signifiés implicites. Les informants, au contraire, n’en ont pas, du moins au niveau du récit.
Les indices impliquent une activité de déchiffrement. En tant qu’unités, ils aident le lecteur à découvrir un caractère ou une atmosphère. Pendant que les informants apportent, simplement, une connaissance toute faite. Les fonctions cardinales ou noyaux, les catalyses, les indices proprement dits et les informants sont des classes de répartition des séquences narratives dans un récit.
Le tableau ci-dessous représente de façon synthétique les classes et les sous-classes des éléments constitutifs d’une séquence narrative.

 

CLASSES DISTRIBUTIONNELLES

CLASSES INTEGRATIVES

FONCTIONS (OPERATIONS)

INDICES (PERSONNAGES)

CARDINALES

CATALYSES

INDICES

INFORMANTS

Ouvrent, maintiennent ou ferment une alternative d’action

Réveillent la tension sémantique. Révèlent le sens

Renvoient au caractère, sentiment,  atmosphère ou  philosophie du personnage

Servent à identifier ou situer le personnage dans le temps et dans l’espace

2.2 Le découpage du récit

Les principes de découpage étant définis, leur mise en application s’effectue en rapport avec notre axe de lecture. Le niveau distributionnel nous permet de dégager les fonctions ou les événements cardinaux et les catalyses. Les cardinaux ou les noyaux sont des événements qu’on ne peut pas supprimer sous peine de changer la configuration du récit. Ils sont liés par une relation de consécution et/ou de conséquence. Les catalyses se réunissent étroitement autour des fonctions cardinales pour remplir leurs espaces charnières. Elles se combinent librement avec les indices et les informants pour jouer le rôle de remplissage.
D’après notre axe de lecture, les séquences narratives qui composent le récit dans La Chorale des mouches de Mukala Kadima-Nzuji se présentent comme suit

1ère séquence : La dictature au Kulâh
1.1. La puissance absolue du chef p.28, 248
1.2. Le culte de la personnalité p. 27,28
1.3. L’étouffement des libertés p.114
1.4. Les enlèvements et tueries p.16, p134
1.5. L’insécurité caractérisée p.140
1.6. La Kulâhnisation p.27, 28
1.7. La dégradation du tissu économique p.112
1.8. La malversation financière p.28, 29

2ème séquence : La disparition de Ben
2.1. Le dégoût de la vie p.191
2.2. La fuite des cerveaux p.108, 150,151
2.3. Le tribalisme et les inégalités sociales p.232
2.4. Le nomadisme urbain p.28
2.5. La loi de la jungle p.140
2.6. La recherche du mieux-être p.33
2.7. Les manifestations politiques p.227, 228

3ème séquence : Tchebwa chez les hommes singes
3.1. La rencontre avec Elloën-Marcy p. 63, 64
3.2. La marginalisation de la femme p.30
3.3. Le changement des mentalités p.36, 39, 42
3.4. Le centralisme politique p.213
3.5. Le manque de garantie sociale p. 21, 31,131
3.6. L’exil politique interne p.108, 150,
3.7. Naissance de l’opposition p.227, 234

4ème séquence : Le mariage de Tchebwa avec Chancelvie Matafadi
4.1. L’élévation au poste d’Administrateur p.188
4.2. La corruption des mandataires publics p.219, 220
4.3. La malversation financière p.28, 29, 114,261
4.4. La dépravation des moeurs p.14, 15, 110,168
4.5. La débauche et l’adultère p.40, 139, 140, 233,277
4.6. La médisance p.105, 106
4.7. L’immoralité et l’impudicité p.80, 168, 171

5ème séquence : Arrestation de Tchebwa par la ‘’Brigade moustique’’
5.1. Les arrestations arbitraires p.16, 134,
5.2. L’inexistence d’un Etat de Droit p.11, 12, 52,150, 174
5.3. La déshumanisation et la dépersonnalisation p.14, 15, 16
5.4. Le viol et le sadisme p.15, 16, 17
5.5. Le dégoût de la vie p. 80,192
5.6. La montée de la justice populaire p.63
5.7. La prolifération de sectes religieuses p.36

2.3 Commentaire sur le découpage

En observant les principes de découpage, deux fonctions apparaissent en lisière de la détermination des séquences narratives dans La Chorale des mouches de Mukala Kadima-Nzuji. Ce sont les cardinales et les catalyses.
Les fonctions cardinales désignent les événements représentés dans le récit. Ils sont symbolisés par la lettre E. Il s’agit de :
1. La dictature au Kulâh : E1
2. La disparition de Ben : E2
3. Tchebwa chez les hommes singes : E3
4. Le mariage de Tchebwa avec Chancelvie Matafadi : E4
5. Arrestation de Tchebwa par la « Brigade Moustique » : E5
Ces événements représentent, dans l’ensemble, un enchaînement logique dans le récit. Les séquences narratives sont donc des unités de lecture de premier ordre qui participent à cet enchaînement causal et permettent ainsi une structuration logique dans l’organisation du récit. Les séquences narratives définissent l’armature du récit et révèlent de façon latente la progression du sens. Comme l’a fait remarquer Roland Barthes : « La suite d’actions est en quelque sorte le dépositaire privilégié de (la) lisibilité » (Barthes, R. 1985 :217).
Par contre, les chiffres arabes, à l’intervalle des événements, forment des catalyses qui sont des unités discursives servant de trait d’union entre deux cardinales. Elles n’assurent pas la progression logique des événements dans le récit. Elles constituent plutôt des digressions dans l’enchaînement des événements.
L’échelonnement des séquences narratives que nous appelons événements ou séquences « diégétiques », c'est-à-dire représentatives, sont interposées par des catalyses qui sont des unités discursives. Elles révèlent les liens entre le début et l’issue de tourments des protagonistes.
L’étude des séquences narratives nous révèle une série d’événements qui s’enchaînent, s’expliquent et s’appellent logiquement dans un trajet scriptural.
L’important, dans ce domaine sémiotique, est surtout de ne pas perdre de vue le caractère fonctionnel des séquences narratives. Aussi, d’admettre à l’avance que, dans ce domaine d’interprétation, le découpage du récit en séquence narrative n’a rien de commun avec le découpage traditionnel des textes. Il n’a aucun rapport avec les formes classiques que nous connaissons de parties d’un texte. Moins encore avec les états psychologiques des personnages.

Conclusion

Dans le premier point de cette étude, nous avons tenté d’organiser le récit. Il a consisté à la mise en résumé de l’histoire narrée dans La Chorale des mouches de Mukala Kadima-Nzuji. L’intrigue romanesque, consécutive à l’analyse, est une synthèse, c’est-à-dire ce que nous retenons de l’oeuvre après sa lecture. Elle suit l’orientation définie par notre axe de lecture.
Le deuxième point a traité des grandes divisions du récit. Ce sont les séquences narratives. Partant des principes et dispositions opératoires en la matière, le découpage du récit en séquences narratives a observé les critères d’une analyse sémiotique. Elles dénombrent que les événements dans un récit littéraire établissent entre eux des rapports de consécution et/ou de conséquence. Ce qui prouve à suffisance que le récit littéraire est « un ensemble, un tout formé de phénomènes solidaires tels que chacun dépend des autres et ne peut être ce qu’il est sans sa relation avec eux » (Eluerd, R., 1979 :92). Le macro-récit et les micro-récits forment l’ossature de ce qui se donne pour racontable.
Par son organisation et son fonctionnement, La Chorale des mouches de Mukala Kadima-Nzuji correspond idéalement à la définition minimale qu’on donne d’un récit : « suite de propositions liées progressivement vers une fin » (Adam, J.M., 1992 :45). Cette oeuvre romanesque observe toutes les conditions de base du récit posées par Claude Bremond dans sa Logique du récit (1973 :99).

 

Par Roger MANDEFU KHENDA, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024