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1. Les considérations doctrinales sur la procréation artificielle

Cette partie se livrera essentiellement à la question du statut de l’embryon et du foetus. A cet effet, nous essayons de déterminer ce statut, à travers les perspectives scientifiques et éthiques.

1.1. Perspectives scientifiques

Appréhendé sous cet angle, l’embryon provient de la fusion du spermatozoïde et de l’ovule mûr appelé ovocyte. Il prend naissance dès que la fusion est opérée, et garde cette identité jusqu’à la huitième semaine. C’est ce que d’aucuns nomment embryon, zygote ou morula. D’autres scientifiques préfèrent attendre l’apparition des lignes primitives, préfiguratrices du système cérébrale. A ce stade, l’embryon devient foetus. L’identification du foetus intervient à partir du deuxième mois et va jusqu’à la naissance, d’où parfois la confusion qui s’installe entre l’embryon, le foetus et le nourrisson.
L’absence du consensus sur la définition scientifique de l’embryon et les autres étapes de l’organogenèse humaine ne fait que traduire, l’intrusion consciente ou subconsciente des conceptions philosophiques individuelles. Pour la catégorie des scientifiques qui ont opté pour l’identification du pré-embryon, il convient de retenir que cette notion s’est vue battre en brèche ou simplement soutenue selon le cas, sur des bases qui ne sont que prétendument scientifiques(3). Pour notre part, la confusion entretenue par les scientifiques entre l’embryon et le foetus, vise à préparer les enfants pour accréditer plus tard, la thèse de déshumanisation de l’embryon et justifier ainsi les recherches scientifiques, sans considérer que celles-ci appartiennent à la communauté morale pour l’intérêt de laquelle, doivent plus tard être orientées les recherches scientifiques.
La perspective scientifique comprend, la tendance génétique qui conçoit le développement embryonnaire comme un déploiement des potentialités d’une personne en devenir. Il repose sur deux argumentaires distincts : le premier est fondé sur l’appartenance à l’espèce, et le second privilégie la thèse de la potentialité liée à l’embryon humain. C’est ce qui détermine que l’embryon possède en lui, le potentiel de devenir une personne et relève sa protection au rang de celle de la personne. L’objection qu’on fait dans la première phase de sa vie, est de ce fait, que l’embryon n’est pas en soi une personne, un individu. D’ailleurs, Anderno Roberto relève que la notion même d’individu renvoie, non pas à l’impossibilité de division, mais à l’idée d’organisation. Selon lui, l’individu est le corps organisé vivant d’une existence propre, et qui ne peut être divisé sans être détruit. Il n’existe pas de corps vivant sans âme(4). L’être humain est donc doué d’unicité et ne peut venir à l’existence que de manière graduelle. Cette théorie intègre aussi les tendances développementales et la tendance relationnelle. D’après la tendance développementale, le développement embryonnaire est l’une des caractéristiques qui font d’un être humain une personne. Les tenants de cette tendance, qui subordonnent l’acquisition de la personnalité au développement du système nerveux, retiennent cela comme condition de la reconnaissance.
Les partisans de la tendance développementaliste fixent le seuil dudit développement à l’opposition de la ligne primitive, ébauche du système neveux dès le 14ème jour après la fécondation. Avant cette date, il n‘y a que un amas de cellules non différenciées. Certains de ces partisans fixent ce seuil, en s’appuyant sur la différence entre la période embryonnaire et foetale en prenant en compte la capacité fonctionnelle de l’embryon. Cette différenciation apparaît à la 8ème semaine, moment qui marque la fin de la période embryonnaire, et permet de repérer l’activité du cerveau par un électroencéphalogramme(5).
Quant à ceux qui s’intéressent à la capacité fonctionnelle, la fixation de ce seuil intervient au moment de la manifestation de la conscience. Ce moment est fixé par certains à la 20ème semaine, c’est le commencement de l’être personnel, où l’être devient capable de sensation, de mémoire, tandis que les autres par contre, le fixent au moment où l’être humain prend conscience de son existence(6). On reproche toutefois à la thèse développementariste l’autoconscience et le fait de mettre en exergue l’acquisition graduelle(7).
S’agissant de la tendance relationnelle, celle-ci met l’accent sur les facteurs relationnels dans l’octroi de la personnalité. Pour ce courant de pensée en effet, ce n’est pas la nature qui fait la personne, mais, son insertion dans la vie interpersonnelle. Mais cette condition n’est pas indispensable.

1.2. Perspectives éthiques

Ces perspectives statuent sur le fait de savoir si l’embryon humain est membre de la communauté morale ? Voici les principales réponses que l’on retrouve dans la littérature bioéthique :

A. L’embryon est une personne, et appartient à la communauté morale
L’embryon et le foetus appartiennent intégralement à la communauté morale. A ce titre, ils sont, en tant qu’entités relevant de l’espèce humaine, exclus du champ de l’expérimentation et, par conséquent, exclus de toutes les manipulations à des fins scientifiques(8). Pour cela, ils ne peuvent ni être stockés, ni être emmagasinés, encore moins, faire l’objet d’aucune convention.

B. L’embryon est une chose
L’embryon et le foetus peuvent être considérés comme des choses. Ce point de vue offre aux scientifiques la possibilité de disposer de l’embryon, c’est-à-dire, de le manipuler à leur guise, de le stocker ou de le vendre(9).

C. Octroi de la personnalité juridique à l’embryon
Il est question d’accorder une personnalité juridique à cette entité, c’est-à-dire, l’humaniser. Mais cet octroi est assujetti au projet préalable des parents, qui doivent accepter d’avoir des enfants. Si les parents ont un projet, s’ils désirent concevoir, l’enfant à venir bénéficiera de la protection juridique et sociétale ; autrement, c’est une chose.
Mais face à un univers hétéroclite, où dominent à profusion des théories qui, à la limite se contrarient, comment fonder la preuve de l’humanité de l’embryon et du foetus ?
E. Resa(10) en paraphrasant D.F. Delong, en a reconnu l’existence. Le philosophe Peter Singer a procédé lui, par une simple définition, pour justifier l’existence de cet humanisme. Il conclut que la vie humaine commence par la vie du cerveau. Celle-ci finit à coup sûr avec la disparition des fonctions cognitives, liées à l’organogenèse cérébrale. Or, dans le développement embryonnaire, des lignes primitives préfiguratrices du cerveau apparaissent à la huitième semaine, on suppose que c’est en cette période là que commence réellement la vie embryonnaire, donc commence la vie humaine.
Il importe cependant de relever que le cerveau devrait être viable et vivant, c’est-à-dire, assurer toutes les fonctions dévolues à un cerveau normal pour que l’évidence d’une vraie vie s’installe ; thèse que réfute certains biologistes généticiens et moléculaires acquis à la théorie de l’embryon, considéré comme une chose.
Alors, plutôt que de rechercher un consensus presque inatteignable, articulé à travers ces deux courants de théorie, aux considérations quasi diamétralement opposées, il nous semble plus réfléchi d’envisager des pistes de solutions pragmatistes, susceptibles d’assurer la coexistence pacifique des communautés soutenant les différents points de vue.

2. Les techniques de la procréation artificielle

Il existe actuellement plusieurs techniques dont celles en vogue sont l’insémination artificielle, la fécondation in vitro ou in vivo avec transfert d’embryon, le clonage, la parthénogenèse et l’électogenèse(11).
A l’heure actuelle, le progrès scientifique se fait l’écho particulier de beaucoup d’innovations dans les domaines de la médecine, de la biologie et de la génétique moléculaire, au point qu’il est difficile d’y demeurer insensible. Ayant commencé depuis longtemps à travers l’histoire, avec l’invention de l’imprimerie, de la machine à vapeur, de l’automobile, de l’avion, l’évolution scientifique semble avoir atteint le plus haut niveau de ses recherches en biologie moléculaire et en génétique, où on tente des expériences, même les plus fantasmatiques. Mais, toutefois, le législateur n’a pas manqué d’intervenir pour organiser ces domaines. L’on note cependant que toutes les techniques utilisées dans le cadre de la procréation artificielle reposent sur le consentement des couples et sur la réalisation de certaines formalités(12), soit à l’intérieur des couples, soit à l’extérieur des couples, soit par le clonage, c’est-à-dire, la reproduction de l’individu à partir d’une cellule souche, et ce, en dehors de l’utérus, parfois sans la participation des gamètes mâles. Telle est la recherche actuellement entreprise par les scientifiques en Corée du Sud pour obtenir le clonage de Jésus-Christ(13).
Mais, il y a lieu de signaler en passant que les différentes techniques relatives à la procréation artificielle ont été verrouillées par plusieurs législations étrangères.
En Europe par exemple, une kyrielle d’interventions s’est imposée à la fois au couple demandeur, et au couple donneur du don. Il leur est refusé toute recherche d’identification du lieu où, serait affecté leur don au couple receveur, toute identification du lieu de provenance du don est interdite ; aux enfants issus de la procréation, il leur est prohibé toute recherche de parenté et de leur origine biologique. Toutes ces interdictions viennent néanmoins garantir la paix sociale contre le risque que suscite la succession.
En bioéthique, tout est don, don anonyme pour éviter la marchandisation d’organes. En Amérique, le recours à la procréation artificielle est strictement contrôlé dans le but d’assurer la protection de l’unité familiale d’accueil.
Il s’ensuit que, de nombreuses tentatives de recherche de la paternité, par des enfants issus des techniques de la procréation artificielle, indiquent clairement que la force de pesanteur qu’exerce l’anonymat sur le sort des enfants procréés, artificiels qui, cherchent leurs origines ou souches biologiques. D’où l’intérêt de leur dire la vérité. Et cela est aujourd’hui très possible avec la méthode d’empreinte génétique. Le palais d’acier qu’abritait l’anonymat vient de s’écrouler.

3. Interprétations doctrinales de la situation des enfants procréés artificiels assistés en droit congolais

D’une manière générale, la législation congolaise demeure muette sur la question de la procréation artificielle, du moins, à propos des techniques qui y sont appliquées. De toute la procréation artificielle, le Code de la famille de la R.D.C. n’en parle qu’à travers un seul article, l’article 609 qui relève uniquement l’insémination artificielle réalisée avec l’autorisation écrite du conjoint.
A cause de ces difficultés, nous nous sommes évertué à comparer, à contrôler et à interpréter des dispositions favorables à l’actuel Code de la famille, susceptibles d’édulcoration. A cet effet, nous nous sommes intéressé aux méthodes du droit comparé, à savoir les méthodes de 3C : comprendre, connaître et comparer devant aboutir à enrichir le droit national. Notre démarche a consisté à préconiser une logique particulière, par rapport aux règles de la filiation telles que voulues par le législateur congolais. Cette conditionnalité nous a contraint à imaginer des déductions plausibles aux règles du syllogisme, aux règles de l’art.

1° Première hypothèse : L’enfant procréé artificiel assisté en droit congolais serait-il un enfant légitime ?
La filiation légitime en droit congolais, résulte du mariage légal, et s’appuie sur la consanguinité de l’enfant avec ses parents, unis pas des liens du mariage, encore que ce mariage soit valablement contracté, de manière à ce qu’il ne fasse pas l’objet d’une annulation judiciaire. En cas d’inexistence du mariage, les enfants issus d’une union fictive seraient considérés comme légitimes au regard de leur paternité(14). Par ailleurs, si le mariage a été annulé par une juridiction compétente, les enfants qui en sont issus, feraient, en ce qui concerne leur nature, objet de la double filiation qui résulte du même acte ou du même jugement(15).
L’analyse des éléments de contingence philosophique et juridique des dispositions de l’article 59, alinéas 1 et 2, consacrent la légitimité ou la légitimation de tout enfant, issu d’un lien de sang, le jus sangunis et, exclut par conséquent toute filiation extraconjugale. Le principe de la présomption de la paternité "pater is est quem non demonstrant" vient justement, en appui à la filiation légitime, excluant d’office toute filiation contraire, qui nuirait à l’harmonie de la présomption de la paternité ; le recours au test d’ADN n’est pas envisageable.
Somme toute, la spécification de l’origine de la sentence à la base de la conception ou la contestation de la paternité, est parmi les exceptions qui viennent confirmer la loi du sang dans le cadre d’une filiation légitime. A contrario, il y a contestation de la paternité, lorsque le père de l’enfant n’est pas le sien. Toutefois, en rapport avec la procréation artificielle, s’il était donné au législateur congolais de se prononcer, logiquement, en vertu du principe du sang, un enfant procréé artificiel assisté ne relèverait pas de la filiation légitime, puisqu’il ne serait pas issu du sang des parents, du moins directement. Alors, il ne resterait qu’à tirer les conséquences liées à la présomption due à l’existence du mariage, ou à la convention passée entre les égaux. C’est ici qu’interviennent ce qu’on appelle des exceptions à la règle, notamment les cas des inséminations faites avec l’assistance d’un tiers donneur (IAD). Un pareil enfant sera reconnu par la seule conjointe qui a participé, par sa semence, à la fabrication du zygote. L’enfant qui en résulterait sera adopté par le couple grâce à la convention avec sa compagne. Cet enfant ne sera pas du tout légitime, car il ne portera pas le sang du père. Une décision dans ce sens confirmerait les exigences d’ordre culturel et moral congolais. Alors que, l’insémination homologue, donnerait un enfant légitime dans tous les cas, car, l’enfant sera le pur produit de deux géniteurs.
S’agissant de la technique de la gestation pour autrui, "le ventrem locare", celle-ci ne rencontrera guère les moeurs et les traditions congolaises, dans la mesure où, la féminité de la femme en droit congolais n’est approuvée que par sa seule capacité à procréer, c’est-à-dire, la capacité à porter une grossesse. A cet effet, il n’est pas possible d’envisager le cas où une femme ferait porter sa grossesse par une autre femme. L’idée de la gestation pour autrui serait vue par les Congolais comme une pure fiction. Et si par l’impossible une telle idée serait survenue, la mère porteuse se verrait purement et simplement attribuer la maternité de l’enfant en vertu du principe "mater certa simper"
Le législateur congolais qui n’a pas prévu ce cas, considérera l’enfant né d’une mère porteuse comme celui né d’un second lit, et imposera sa reconnaissance par le couple donneur. Dans cette hypothèse, la semence produite par la conjointe sera inopérante parce que couverte par le mariage.
La fécondation in vitro avec transfert d’embryon dans l’utérus de la femme, bien qu’envisageable en milieu congolais, pour des raisons hautement liées aux difficultés de contenir une grossesse sous menace, se révèlera déterminante pour réaliser une filiation légitime, si l’embryon a été obtenu avec les semences exclusivement des conjoints. Deux orientations seront retenues : soit que c’est la mère qui reconnaîtra l’enfant à la naissance, et le fera ensuite adopter par son compagnon, soit qu’elle devra reconnaître seule l’enfant sur qui elle exercera l’autorité maternelle, à défaut de lui imposer un père juridique.
Le don d’embryon infléchit ipso facto une filiation adoptive. L’enfant né d’un don d’embryon est considéré selon la culture congolaise comme un pur produit étranger au couple donneur du don. Ce procédé entraînera une adoption simple selon les us et pratiques du lieu. L’adoption étant une filiation sans filiation réelle avec toutes les conséquences qu’elle engendre.
Le clonage et l’insémination post mortem doivent être exclus de l’esprit des Congolais, à cause du fait qu’ils sont simplement amoraux et immoraux. Car, la femme donnerait à la société des enfants préalablement reconnus orphelins de père.

2° hypothèse : L’enfant procréé artificiel, est-ce un enfant naturel en droit congolais ?
L’affiliation en droit congolais suppose la présence d’un enfant né hors mariage qui doit impérativement, sous réserve de protestation, être reconnu du vivant du père ; en cas de reconnaissance de paternité retrouvée, ou de la maternité si la paternité, n’est pas établie(16).
La filiation naturelle peut également résulter de l’hypothèse d’un mariage annulé, d’une reconnaissance ou d’une décision judiciaire déclarative de paternité ou de la maternité.
Mais, sur pied de l’article 627 du Code de la famille de la R.D.C., l’on envisage également l’action en contestation de paternité, s’il est établi que cette paternité a été faussement attribuée, alors qu’il n’en était pas le véritable géniteur. Cette disposition ouvre en effet, des brèches à des enfants issus de l’insémination artificielle avec tiers donneur (IAD), de réclamer leur père biologique ou, tout le moins, de le rechercher.
En somme, si l’embryon est conçu avec des gamètes provenant d’un conjoint marié et d’un tiers donneur, quel qu’en soit le procédé utilisé dans le cadre de la procréation artificielle, il s’ensuit logiquement, selon la loi congolaise que l’enfant qui en résultera sera réputé naturel, et devra conséquemment faire l’objet d’une procédure de reconnaissance de la part de celui dont il provient.

3° Hypothèse : L’enfant procréé artificiel est-il un enfant adoptif en droit congolais ?
Les règles de droit de la famille relatives à la filiation occidentale, retiennent génériquement l’adoption comme la forme affiliative de prédilection. En droit congolais, il s’observe un bémol. Les différentes techniques utilisées suscitent un débat culturel et moral.
La loi congolaise impose des conditions préalables pour adopter : cinq ans de vie commune ; l’adoptant ne doit pas adopter plus de trois personnes au moment de la dernière adoption ; l’adoption ne doit pas se faire concomitamment, ni concurremment par les conjoints ; l’adoptant doit par ailleurs justifier d’un revenu suffisant pour ce faire(17).
Ces différentes conditionnalités devront nous servir d’éléments du droit comparé. Prenons le cas du droit français : Code de la Santé Publique Française détermine les conditions dans lesquelles la loi française autorise ou interdit la procréation artificielle, ainsi que les règles déontologiques mises en place à cet effet(18).

Du point de vue de la réglementation, le droit français paraît visiblement en avance sur celui de la R.D.C. Le législateur congolais ne semble pas, jusqu’à présent, avoir pris la mesure de l’évolution du progrès technique qui influence les règles de droit. L’on note que sur l’ensemble des articles qui composent le Code de la famille relativement à la procréation et la filiation artificielles, une seule disposition de l’article 609 traite de la contestation et de la paternité dans un couple, en cas d’insémination consensuelle(19). Le Code de la famille de la R.D.C. interdit par ailleurs toutes les manipulations à des fins exclusivement scientifiques, qui auraient pour finalité de modifier ou d’arrêter le développement moral de la grossesse, excepté pour des raisons liées à l’avortement hygiénique(20). Par ces prestations à caractère pénal, se trouve scellé le sort du foetus et de l’embryon.
En matière de procréation artificielle, le consentement des époux à recourir à telle ou telle technique, met en mal le principe du droit congolais de la filiation, celui de l’adoption absolue par l’un des conjoints, dans la mesure où le droit français autorise les deux époux à adopter, mais pas les concubins(21). Dans cette panoplie d’hypothèses, le droit congolais optera pour toute procréation homologue réalisée à l’intérieur d’un couple légalement marié.

Conclusion

Au regard de la filiation artificielle, le Code de la famille observe un amorphisme surprenant. Alors que de nombreuses nations s’adonnent à revisiter leurs normes, la R.D.C. préfère s’attacher résolument à ses législations devenues par ailleurs obsolètes et indigestes.
L’étude sous examen a le mérite de suggérer les filiations à l’intention du législateur :
1. L’insémination artificielle homologue donnera lieu à une filiation légitime puisque réalisée dans le mariage avec le consentement de deux époux ;
2. L’insémination artificielle hétérologue répondra de la filiation naturelle, à cause de l’intervention de la semence d’un tiers ;
3. Le don d’embryon devra produire la filiation illégitime parce que la totalité de semences proviendraient des tiers ;
4. La gestation pour autrui devra également déboucher sur la filiation naturelle ; le couple demandeur devra adopter son propre enfant. Ces mère et père biologiques pourront adopter l’enfant né de la mère génétique en vertu du principe "mater simper certa"
5. Le clonage, l’insémination post-mortem sont des techniques qui ne collent pas le Congolais à la peau.
Quant au statut de l’embryon, la R.D.C se détermine en considérant celui-ci comme une vie préexistante. L’embryon ne peut à cet effet être manipulé.
En tout état de cause, le réajustement du droit de la famille en R.D.C. s’impose à cause de grands changements provoqués par le progrès technique notamment la médecine, la biologie génétique et moléculaire et tant d’autres facteurs.

Notes

1. BERNARD, J., Espoirs et sagesse de la médecine, Editions Odile Jacob, Paris, Mars 1993, pp.203-206.
2. GRODEL, P., Vérité biologique et droit positif de la filiation, 1972-1993, Chron., p.191.
3. LEROY, F., L’embryon comme objet expérimental, in J.N. MISSA, Le devoir d’expérimenter. Etudes philosophiques, éthiques et juridiques sur la recherche biomédicale, Editions De Boeck, Bruxelles, 1997, p.12.
4. BAERTSCHI BERNARD, La valeur de la vie humaine et l’intégrité de la personne humaine, P.U.F., Paris, 1995, p.161.
5. Code de Nuremberg, Traduction de Philippe Amiel in Amiel P., Vialla F., Expérimentation médicale : la Médecine Nazis devient leurs juges, p.431-444, in F. Vialla [dir.], les grandes décisions du droit médical, Paris, LGDJ, 2009 et Amiel P., Des cobayes et des hommes, p.296-300.
6. Code de Nuremberg, op.cit.
7. Code de Nuremberg, Principes Fondamentaux à respecter, pt.1. relatif au consentement volontaire des parties pour toutes expériences essentielles, trad. F. Bayle.
8. Ibidem.
9. Code de Nuremberg, Traduction de F. Bayle (1950) avec les corrections de C. Ambroselli (1980), Principes1, point 1, relatif à la capacité de consentir.
10. Une telle recherche est inédite pour l’humanité puisque sans résultats pratiques pour l’humanité.
11. Code de Santé publique de la France : santé sexuelle et reproductive, droit de la femme et protection de la santé de l’enfant, de l’adolescent et hygiène adulte, L.21.11-à-L.2446-3.
12. Code de la famille de la R.D.C. : Loi n°087-010 du 1er août 1987 telle que modifiée par la loi n°16/008 du 15 juillet 2016, art. 591.
13. ANDORNO ROBERTO, La bioéthique et la dignité, Ed., cité par I. Mvaka
14. RESTA, E., Le clonage humain entre science et business, Editions des Ecrivains, Paris, 2000, p.132. aussi S. CONNOR, « Putting all Our eggs in basket », in Sunday Times (G.B.), du 17 janvier 1998, p.9 ; D.J. SMITH, « Botter babis off », in Sunday Telegraph (G.B.), du 18 janvier 1998, p.7.
15. MULUMBA KATCHY et MULUMBA KANYUKI, Les procréations artificielles face à la filiation en droit congolais, janvier 2006, pp.19-20.
16. Cfr. Loi n°87-010 portant Code de la famille de la R.D.C., article 591 al. 1, affirme que « tout enfant congolais a nécessairement un père ». L’art. 591, al. 2 ajoute, « nul n’a le droit d’ignorer son enfant, que celui-ci soit né dans ou hors mariage ».
17. Affaire Cousin de Lavalline, Nîmes, 17 juin 1929, S. 29-2-129, Notes Solus, Cassation, 14 mars 1993, S.34-1.
18. GAILLOUX, De la nature juridique du corps humain et vivant, dir. Pros. 89(3) ; 3 spéc.531 S.
19. Loi n°87-010 portant Code de la famille de la RDC telle que modifiée et complétée par la loi n°16/008 du 15 juillet 2016, op.cit., art. 654.
20. LIKULIA BOLONGO, Droit pénal zaïrois, 2ème éd. LGDJ, Paris, 1985. Aussi Code civil français du 30 août 1816, Ed. Jurisprudence Générale, Dalloz, 1986, art. 16-6, 343 ; Loi n°76-1179 du 22 décembre 1976.
21. P. COURBE, Les personnes, la famille, les incapacités, Paris, 2003, n°956, p.360.

Par Christophe KOYORONWA GWALO, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024