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1. Les enjeux économiques
Dans le domaine de l’édition scolaire, l’analyse est faite sur les enjeux économiques tourne autour de quatre points d’importances différentes. Il s’agit des exigences et opportunités de la croissance démographique, du marché potentiel des manuels scolaires, des pesanteurs de la gratuité de l’enseignement et des manuels scolaires, et de la concurrence des éditeurs.

1.1. Des exigences et opportunités de la croissance démographique

La croissance démographique reste un indicateur déterminant dans l’économie du monde en général et celle des pays en particulier. Les projections onusiennes depuis 2015(3), indiquent une croissance de la population africaine à 16% qui sera à 25% en 2050. Dans le monde entier la population sera de 9,7 milliards dont 1,3 milliard en Afrique seulement. L’on estime que le taux de fécondité en Afrique s’accéléra alors que celui de la mortalité continuera à diminuer suite aux efforts d’amélioration de la santé et de la lutte contre la faim. Cependant, l’Agence d’information d’Afrique évoque une croissance spectaculaire en RD-Congo à l’horizon 2050. La Radio Okapi dans son émission parole aux auditeurs du 14/07/2017, à l’occasion de la « journée mondiale de la population et du développement des nations à Kinshasa »(4) a précisé qu’à cette échéance, la RD-Congo sera peuplée de 147,5 millions d’habitants, soit le double de sa population d’aujourd’hui. Cette situation a suscité une mise en oeuvre des politiques nationales et internationales pour lutter contre la concentration de la pauvreté dans les pays en voie de développement comme la RD-Congo pour limiter l’accroissement de la population. Ainsi, les défis à relever restent la maîtrise de l’accroissement proportionnellement aux moyens à disposer pour les soins de santé, pour la création de nouvelles opportunités d’emplois et pour l’accès à l’instruction qui conduit à l’éducation dont les manuels scolaires sont les instruments de base. Il s’agit plus précisément des manuels d’éducation civique et morale en conformité avec le programme national d’enseignement, une matière pour toutes les classes du niveau primaire depuis la première jusqu’en sixième année. A considérer l’augmentation de la croissance démographique, indirectement l’on peut penser à l’augmentation du nombre d’enfants et à celui de ceux qui doivent être scolarisés. Au cas où les enfants ne vont pas à l’école, la chance du développement durable diminue et compromet l’égalité des chances et l’accès pour tous à une vie épanouie. Mais, s’ils sont scolarisés, cette possibilité de développement est envisageable moyennant quelques conditions dont la qualité de l’éducation est l’un des indicateurs à travers la quantité des manuels que détermine le marché potentiel.

1.2. Marché potentiel des manuels scolaires

La Population data nous a fourni les quelques données économiques ci-dessous concernant la RD-Congo. Ce qui éclaire notre lanterne sur les enjeux économiques.

Tableau 106 : Données économiques de la RD-Congo

Intitule

Chiffre

Unite

Année

01

Superficie

2.545.410

Km2

 

02

Population

89.762.749

habitants

2017

03

Densité de la population

38,27

Habitant/ Km2

2017

04

Croissance démographique

3,30

%

2017

05

Taux de natalité

43,69

%0

2015

06

Taux de mortalité

13,27

%0

2015

07

Taux de mortalité infantile

88,62

%0

2015

08

Taux d’alphabétisation

63,82

%

2015

09

PIB

42.056 Milliards

$ USD

2016

10

PIB/Habitant

499

$ USD

2016

11

Croissance PIB

9,00

%/an

2016

12

Espérance de vie

51,46

ans

2015

13

Ecoles primaires

48.576

 

2015

Les manuels scolaires sont des produits qui ont un marché potentiel très vaste, eu égard à l’étendue du pays (2.545.410 km2), à la population de 89.762.749 habitants, à la croissance démographique de 3,30%, au taux d’alphabétisation de 63,82%, au PIB de 9,00%, au nombre d’écoles estimé à 48.576 du niveau primaire. S’il faut s’imaginer que pour chaque école, il y a au minimum 6 classes ; le nombre total de classes serait de 291.456. Et, si pour chaque classe, il y a au minimum de 30 élèves, l’on en compterait plus ou moins 8.743.680. Cela qui signifie que pour une seule branche, l’on aurait besoin d’un minimum d’environ 9 millions de manuels scolaires à produire. Or, depuis 2015, de nouvelles écoles ne cessent d’être créées. Pour la seule ville de Kinshasa par exemple, le nombre d’écoles auraient même doublé (1). Le nombre d’élèves par classes avoisineraient les 50. La meilleure estimation pour la production des manuels scolaires en RD-Congo, pour le niveau primaire seulement est à 12 millions par branche, multiplié par le nombre de branches qu’il y a pour chaque classe. Ce qui représente un potentiel important pour le marché des manuels. En principe, les éditeurs et les bailleurs de fonds sont toujours attentifs à une telle offre de la part de la RD-Congo. Malheureusement, l’absence des éditeurs congolais occasionne l’envahissement du marché des manuels scolaires par les étrangers.
Pour lutter contre ce phénomène et attirer l’attention du Gouvernement sur cette réalité, les éditeurs congolais du niveau scolaire se sont regroupés dans une structure dénommée EDISCOLAIRE avec pour objectif principal : « promouvoir, publier, vulgariser et mettre sur pied les mécanismes de la profession d’éditeur scolaire ».
Il est à noter que les indicateurs du taux de mortalité et du PIB de 499$ américains par habitant contrastent avec les exigences de ce marché. Un marché certes important mais le gouvernement congolais n’arrive pas à sortir de ses 42.056 Milliards de PIB, ne fut-ce que 60 millions de dollars américains pour financer la fabrications d’au moins 12 millions de manuels d’éducation civique et morale si le coût unitaire réel est de 5 dollars américains. Si l’Etat congolais ne prend pas le risque de financer la fabrication de ce manuel, les parents d’élèves dont le PIB journalier est à 1,37 dollars américains (cfr.PIB annuel), ne sauront faire face au prix du livre scolaire. C’est pourquoi grâce aux objectifs mondiaux du développement, la gratuité de l’enseignement est à encourager.

1.3. Les pesanteurs de la gratuité de l’enseignement et les manuels scolaires

La Constitution de la RD-Congo stipule que « Toute personne a droit à l’éducation scolaire. Il y est pourvu par l’enseignement national…l’enseignement primaire est obligatoire et gratuit dans les établissements publics ». La gratuité scolaire conduit aussi à la gratuité des manuels scolaires et des matériels didactiques pour les écoles primaires et les élèves, avec des avantages et des inconvénients. De manière générale, quand la gratuité scolaire est déclarée dans les pays du sud, l’on s’attend à ce que les écoles soient remplies d’élèves. Les effectifs pléthoriques d’élèves dans les classes ne respectent pas les normes fixées par l’UNESCO qui sont de 50 élèves par classe. Comme nous l’avons constaté au Bénin lors de nos recherches doctorales, un directeur a témoigné qu’il y avait des effectifs parfois de 70, voire 90 élèves dans certaines classes. Dans d’autres classes, il n’y avait pas d’enseignants(5). Pour ces cas, le directeur se voyait souvent obligé de réunir deux classes ou de remplacer l’enseignant absent(6).
En RD-Congo, la situation n’est pas reluisante dans la plupart des écoles. Pour le cas des écoles non-conventionnées de la ville de Kinshasa, la moyenne est de 33,36 élèves par classe ; ce qui est en deçà de la norme de l’UNESCO pour les pays de l’Afrique subsaharienne. L’on peut supposer que la ville de Kinshasa pour cette catégorie d’écoles est dans le bon. Mais, si l’on considère d’autres aspects, l’on peut se poser aussi la question de savoir pourquoi il y a peu d’élèves ? C’est ici qu’on pourrait se rendre compte de la capacité d’accueil des infrastructures ou des classes. Même là pour les écoles non-conventionnées, les classes sont plus spacieuses et ne posent aucun problème d’accueil. Sauf que les matériels didactiques et les manuels scolaires ne sont pas en nombre suffisant pour les élèves et par rapport aux branches enseignées. En ce qui concerne Mon manuel d’Education Civique et Morale de la 6ème année primaire, par exemple la quantité moyenne est de 11,19 par école. La moyenne d’une classe de 6ème par école étant de 2, l’on peut affirmer que pour chaque classe, il y a au moins 6 exemplaires de ces manuels. Ce qui veut dire, en conclusion que quand on a une moyenne de 56 élèves pour les classes de 6ème primaire, au moins 50 élèves soit 89,28% n’utilisent pas ou ne connaissent pas ce manuel.
La conséquence de la gratuité scolaire sur l’économie nationale se situera au niveau de la qualité de formation que l’on voudrait donner aux enfants qui incarnent l’avenir du pays. Si la quantité de manuels ne suffit pas pour préparer une main-d’oeuvre ou une élite congolaise capable d’atteindre les objectifs du millénaire, comment réagissent les éditeurs congolais face à un tel problème ?

1.4. La Concurrence des éditeurs

Le monde de l’édition est un milieu à la fois culturel et commercial. Comme toute entreprise commerciale, chaque maison ou groupe d’édition se trouve confrontée à d’autres. Le marché appartient à tout le monde, mais pour le gagner il faut un rapport de force qui se manifeste par des chiffres d’affaires et des stratégies à mettre en place pour attirer les clients et les fidéliser. Ces stratégies peuvent se jouer sur les produits, en respectant aussi bien le délai de la création que celui de livraison, tout en tenant compte de sa durée de vie moyenne.
Les éditeurs savent tous que les manuels scolaires sont les produits les plus importants et les plus sollicités sur le marché de l’édition. Ceux qui en fabriquent ne font généralement pas faillite ; aujourd’hui, beaucoup d’éditeurs dont la politique éditoriale ne prévoyait pas ces produits ont fini par les intégrer pour stabiliser financièrement leurs entreprises. Ainsi, la concurrence devient plus qu’acharnée. Les éditeurs les plus puissants traversent les continents et envahissent tous les marchés comme les multinationales.
En RD-Congo, les maisons d’éditions scolaires congolaises ne disposent pas de moyens qui leur permettent de gagner un marché « évalué à plus d’un million de tirage et cela pour plusieurs raisons : le faible chiffre d’affaires, le respect de délai de création et de livraison des manuels, la capacité des imprimeries, etc. En 2015, la Banque mondiale a offert un marché pour la reproduction des manuels scolaires dont disposent déjà les maisons d’édition congolaises : aucune d’elles n’a été capable de le gagner, malgré la mutualisation de leurs moyens. C’est l’Afrique du Sud qui l’a finalement gagné. Quant aux éditeurs congolais des manuels scolaires, ils ont eu des difficultés à retrouver les fichiers des manuels déjà fabriqués, à reprendre le travail dans le délai, et à livrer les manuels à terme échu.
Face à un marché à forte concurrence au niveau mondial, à cause du faible chiffre d’affaires, la RD-Congo n’a pas été capable de gagner. C’est pourquoi le marché congolais des manuels scolaires est-il envahi par les éditions étrangères comme l’affirme Grégoire Tambwe : « la production éditoriale des manuels scolaires est largement dominée par les éditeurs occidentaux… demeurent tributaires des financements de l’occident. Le marché du manuel scolaire est contrôlé par les sociétés multinationales d’édition scolaire (appartenant à l’occident) » (Tambwe Soke Beya Grégoire, 2014, p.13).
En ce qui concerne Mon manuel d’Education Civique et Morale de 6ème année primaire, le marché n’a pas non plus été gagné par une seule édition congolaise connue. Ce qui constitue une fuite des capitaux et un manque à gagner pour l’économie congolaise. Mais que doit faire l’Etat congolais pour éviter cette perte ? Il y a là un problème à résoudre grâce à une politique nationale du livre n’excluant pas le manuel scolaire. Un avant-projet en ce sens a été déposé par les acteurs du livre à l’Assemblée Nationale et au Gouvernement après un colloque sur l’Accès au livre en RDC (Makolo Muswaswa Bertin, coord., 2010). Ces deux instances semblent ne pas avoir conscience de l’aspect économique du livre impliquant la nécessité de protéger les éditeurs nationaux.
La durée de vie moyenne d’un manuel scolaire est estimée à cinq ans. Son élaboration dépend de l’expérience de la maison d’édition qui la prend en charge. Si le programme d’enseignement est publié, les éditeurs sont les premiers à pouvoir mettre la main dessus. Il ne suffit pas d’être le premier à l’avoir, mais surtout de savoir trouver des auteurs capables de le mettre en oeuvre à partir de la rédaction des manuels qui correspondent aux exigences de l’Etat, c’est-à-dire de l’éducation nationale, de l’enseignant, de l’élève et de la société qui attend une réponse adéquate à ses problèmes. En RD-Congo, le programme national est lui-même un problème. Il ne tient pas compte du temps car sa publication intervient plusieurs années après son élaboration. Ce qui met déjà en retard les éditeurs par rapport à l’élaboration des manuels scolaires et à l’actualité du changement voulu. Les éditeurs congolais ne sont pas non plus pressés de disposer d’un programme pour commencer le travail. Ils attendent les bailleurs de fonds qui leur proposent des marchés. Pendant ce temps, d’autres changements interviennent dans la société et exigent un nouveau programme et de nouveaux manuels. C’est peut-être à ce moment là que les éditeurs congolais commencent la publication des manuels scolaires, qui deviennent alors obsolètes, pendant qu’il leur reste une année de durée de vie. Le cas de Mon manuel d’Education Civique et Morale de 6ème année primaire est patent. Ce manuel scolaire est publié en 2014, sur base du Programme national d’enseignement primaire de 2011, et les écoles ne l’ont reçu qu’en 2017. Par conséquent, son utilisation n’a commencé qu’en 2018. Comment penser le développement durable d’un pays, si la formation de base se fait avec des manuels scolaires qui ont sept ans de retard par rapport au programme et à l’évolution du monde et de la société ? Il y a là un décalage énorme entre le monde de la formation et la réalité de la société. Comment au niveau de l’éducation cette problématique est-elle vécue en RD-Congo ?

2. Les enjeux Educationnels

L’éducation étant l’un des piliers du développement durable, les moyens utilisés en demeurent plus qu’importants pour atteindre l’objectif recherché. Parmi ces moyens l’on compte les outils pédagogiques dont font partie les manuels scolaires. Ces derniers selon Séguin, « sont un élément central dans la pratique pédagogique, et connus comme l’un des facteurs les plus efficaces pour améliorer la qualité de l’enseignement, particulièrement dans les états où le système éducatif manque de moyens » (SEGUIN Roger, 1989).
Car il a été déjà démontré que les écoles où les enseignants et les élèves utilisent les manuels scolaires sont celles dont le rendement scolaire est performant.
Bien qu’il existe d’autres facteurs qui influencent ce rendement scolaire comme la qualité, la motivation de l’enseignant dont l’intérêt ne doit viser que le bien des apprenants, l’utilisation de ces manuels scolaires ne constitue qu’une étape, car il faut surtout voir les informations qu’ils contiennent, si elles peuvent répondre aux critères d’élaboration exigés par l’UNESCO.
En RD-Congo, le problème de la qualité de l’éducation se pose à plusieurs niveaux. Si nous ne nous en tenons qu’aux manuels scolaires et leurs processus d’élaboration, nous avons le programme national d’enseignement et le contenu des uns et des autres. En ce qui concerne le programme, comme le fait observer Grégoire Tambwe, « le programme national de l’enseignement primaire actualisé n’est ni disponible, ni visible dans la plupart des écoles nationales. Pourtant, cet outil devrait être distribué et utilisé partout pour permettre de construire et d’organiser la nation à travers la même éducation pour tous » (Tambwe Soke Beya Grégoire, 2014, p.14). Ce constat fait depuis 2014, reste encore d’actualité, car les visites que nous avons effectuées dans le cadre des enquêtes ont montré que le dernier programme actualisé est de l’édition 2016, alors que les écoles ne détiennent que celui de 2011 qui n’existe qu’en un ou deux exemplaires par école. Pire encore, la plupart des enseignants utilisent ceux des éditions 2000 et 2005.
L’on comprendra mieux le problème de la désarticulation de l’éducation congolaise depuis le processus de l’élaboration des programmes de l’enseignement. Alors que le processus d’élaboration de différents programmes devait tenir compte des constats sur l’évolution concrète du monde et de la société au moyen des états généraux non seulement de l’enseignement, mais aussi de la vie en société, la mécanique congolaise fait que le changement ou la modification du programme ne tienne compte que de la partie enseignement. Il laisse ainsi de côté le problème de société pour se concentrer sur la modification de l’un ou l’autre élément de l’ancien programme, sans toutefois établir des liens avec les vraies difficultés rencontrées par les différents acteurs du domaine.
Pour bien résoudre les problèmes de la société par l’éducation, l’on est mal parti, car les programmes qui sont mis en place seront en déphasage avec les réalités de la société dès le départ. Tout est faussé avant même l’élaboration des manuels scolaires, car ces derniers sont inspirés des programmes établis. Comme nous l’avons déjà évoqué au point précédent relatif à la concurrence des éditeurs, un manuel scolaire fabriqué sur base d’un programme d’enseignement qui date de plus de cinq ans est presque obsolète, avant son utilisation. Car, pendant ces années écoulées, beaucoup de choses ont changé et un autre nouveau programme est ou doit être élaboré pour garder l’actualité.
Dès lors l’information contenue dans les manuels scolaires est plus que déterminante pour la formation. C’est en ce moment que la rédaction reste une instance particulièrement délicate où les grands enjeux peuvent se jouer. Les informations qu’on trouve dans les manuels scolaires ne sont toujours pas objectives parce que cela doit répondre à une politique donnée. Si les auteurs, les concepteurs ont reçu des injonctions ou s’ils ont d’autres objectifs que ceux d’éduquer les enfants, ils peuvent en profiter pour insérer des informations en rapport avec leurs intérêts et besoins sans que l’on puisse s’en apercevoir. En RD-Congo, le souci du contrôle de cet aspect n’est pas prononcé. Le suivi de l’élaboration des manuels scolaires ne se fait pas comme celui des lois sur les élections où chaque mot et phrase sont analysés et adoptés par les politiques. Qu’en est-il de la politique éditoriale des manuels scolaires congolais ?

3. Enjeux politiques

Les manuels scolaires sont des instruments hautement politiques, parce qu’ils déterminent l’avenir des populations et assurent la durée de la nation. Ils sont des vrais canaux de l’idéologie d’une nation. Déjà au niveau du système éducatif d’un pays, l’on sait percevoir qu’il s’agit là, de l’orientation idéologique que voudrait prendre un peuple pour son épanouissement. Du système éducatif ressort le profil du citoyen capable d’adapter ses réalités aux évolutions spatiales et temporelles de son milieu de vie pour le mieux vivre. Mais l’on se rend compte que pour atteindre cet objectif, le peuple doit mener un combat rude pour lequel plusieurs stratégies dont la sagesse, l’intelligence pratique et prospective, la vigilance, sont des atouts afin d’échapper des ruses de adversaires, parfois plus malins. C’est ici le lieu de comprendre que les manuels scolaires ne sont pas de simples outils pédagogiques ou « seulement des supports de transmission de connaissances, mais aussi ceux qui par leurs contenus participent à l’instruction et à l’éducation par la transmission, de manière plus ou moins explicite, des modèles de comportements sociaux, des normes et des valeurs » (UNESCO, Paris, 2008, p.14).
En RD-Congo, l’on ne semble pas encore percevoir cet enjeu car de tous les régimes qui se sont succédés au pouvoir, depuis l’époque coloniale jusqu’à ce jour, le pouvoir s’est toujours imposé en faisant passer son idéologie sans tenir compte des besoins réels du peuple et de sa sensibilité.
A l’époque coloniale, la politique occidentale était celle de former les Africains pour le service des colons. Les Congolais de l’époque ont donc reçu des formations qui leur permettaient de lire, d’écrire et de calculer dans le seul but de servir d’auxiliaires aux blancs dans l’administration et la gestion financière : « pour des intérêts économiques et services administratifs, gouvernementaux, les colons ont eu besoin de collaborateurs suite à la mauvaise qualité des services constatés d’une part et à la faiblesse de l’instruction scolaire que reçoivent les Africains ».
Les différents programmes des années 1920, 1922, 1929 jusqu’en 1948 n’ont organisé que les études primaires et professionnelles post-primaires de cycle de deux ans, avec très peu d’élèves. A ce moment, le nombre d’élèves n’exigeaient pas de manuels scolaires car le tableau pouvait suffire pour l’enseignement. Les enseignants pouvaient disposer de notes qui leur permettaient de donner l’essentiel à ces congolais pour les initier à leur politique d’administration et de gestion par rapport à leur idéologie. Il n’a pas existé d’école secondaire, pas d’université, jusqu’en 1954, dans l’objectif d’empêcher les congolais d’atteindre le niveau des blancs : « Pour contourner le fait que les noirs n’atteignent un niveau plus ou moins égal à celui des cadres européens, le pouvoir colonial va procéder par une stratification extrême des classes sociales et par une hiérarchisation scolaire complexe. Néanmoins quel que soit son niveau de compétence scribale et quelque importance que puisse être sa maîtrise du français, l’évolué congolais ne saurait atteindre le même rang social et la même considération que le blanc. Son image est caricaturée avec beaucoup d’humour »(7). Si les manuels scolaires ont existé, ils n’ont fait que transmettre l’idéologie des occidentaux grâce à leur pouvoir colonial.
Par rapport à cette politique, on peut comprendre la censure ou la suppression dans Mon manuel d’Education Civique et Morale de 6ème année primaire, de plus de 63% des objectifs du programme national de cette branche dont les matières importantes pour la formation des enfants ont été ignorées. Ce qui a pu être retenu comporte des informations qui paraissent faire l’éloge du pouvoir dominant.

Conclusion

Cette réflexion a porté sur les enjeux des manuels scolaires et singulièrement sur ceux du cours de l’éducation civique et morale dans la perspective d’un développement durable de la RD-Congo. Un exercice intellectuel qui s’est joué au niveau des enjeux mondial et national. Au niveau mondial, les enjeux sont définis à partir des objectifs du millénaire et à travers l’aide au développement. En effet, huit objectifs ont été fixés pour l’éradication de la pauvreté à l’horizon 2015. Le deuxième consiste à assurer l’éducation primaire pour tous, alors que le septième vise à assurer un environnement durable. Tous ces objectifs étant complémentaires visent une stabilité pour le bien-être de l’humain aujourd’hui et demain dont la formation en termes d’éducation nécessite des personnes compétentes et des matériels adéquats comme les manuels scolaires. L’une des branches la mieux considérée pour la formation de la conscience de l’homme est l’éducation morale et civique. Mais une branche comme celle-ci ne peut recevoir un appui quelconque, parce qu’elle est censée éveiller la conscience des citoyens et ne saurait profiter aux pays occidentaux. Alors que ces derniers maintiennent la RD-Congo dans l’extrême pauvreté qui d’ailleurs l’éloigne des objectifs fixés pour le millénaire, l’élaboration des manuels peut être économiquement rentable, culturellement important pour l’éducation des enfants et politiquement certain pour garder la souveraineté de l’Etat et la vraie indépendance de la population.

Notes

(1) les statistiques précises publiées par les services des statistiques de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel (EPSP).
(2) Pour en savoir davantage, il convient de consulter les statuts d’EDISCOLAIRE au Centre de Recherches Pédagogiques (CRP) et obtenir les informations sur ce qui se fait actuellement entre le Gouvernement de la RD-Congo, la coopération belge et française en matière de production des manuels scolaires.
(3) Article 3 du Statut ASBL-Les Editeurs scolaires, p.2.
(4) Cfr. le tableau de la population data ci-dessus.
(5) Article 43 de la Constitution de la République démocratique du Congo du 18 février 2006.
(6) Programme d’enseignement 1922, cité par TAMBWE, p.207.
(7) Ibid.

 

 

Par John EKOLO ADIAKA, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024