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1. Quelques considérations sur l’anthropologie et la bibliologie
1.1. Anthropologie

Le terme « anthropologie » est un mot à une sémantique multiple ; étymologiquement, il est composé de deux termes ci-après : anthropos qui veut dire l’homme, et logos : discours. Il veut dire donc un discours sur l’homme. L’anthropologie est devenue de nos jours l’étude de l’homme tout entier, l’étude de tout l’homme dans toutes les sociétés sous toutes les latitudes dans tous ses états et à toutes les époques.
Elle est aussi une « manière de voir et de penser tant les universaux, c’est-à-dire les traits généraux de la condition des hommes vivant en société, que la diversité des formes que ceux-ci prennent dans le temps et dans l’espace, selon les conditions matérielles et les spécificités culturelles. L’anthropologie est l’étude de toutes les cultures de l’humanité toute entière dans leurs diversités historiques et géographiques» (P. Mabiala, 2008,16).
Plusieurs auteurs ont réfléchi sur l’anthropologie, on peut citer : John Locke, Thomas Hobbes, Michel de Montaigne, Adam Smith, Buffon, Tyson, Bruno Lapika, Willy Bongo-Pasi, Basile Osokonda, Placide Mumbembele, Clément Mambu. L’anthropologie met l’homme au centre de toute activité de la société, la science depuis son invention dépense son énergie pour l’homme.

1.2. La bibliologie

La bibliologie comme science a commencé à se développer à partir des spéculations intellectuelles sur l’écriture avec notamment Platon dans sa publication intitulée le « Phèdre » (B.Bobutaka, 2014 :65) Elle a aussi évolué toujours en tant que science du livre avec l’ouvrage fondateur de Gabriel peignot intitulé : « Dictionnaire raisonné de bibliologie », publié en 1802. « Le deuxième stade de l’évolution de la bibliologie est marqué par l’ouvrage de Paul Otlet intitulé : Traité de documentation, le livre sur le livre, théorie et pratique, publié en 1934 ». (P. Otlet, 1989 :9). Son histoire s’étend sur deux siècles : le XIXe et le XXe. Le premier est marqué, comme le constate Etienne Ngangura Kasole, la bibliologie descriptive avec à la tête le Français Gabriel Peignot. (E. Ngangura, 2005 :37).
Elle est aussi connue comme la science d’attache de Paul Otlet et Robert Estivals, ce dernier la définit comme la science de l’écrit et de la communication écrite.
Selon L’Association Internationale de bibliologie (AIB), la bibliologie, « science du livre a été créée au début du XIXe siècle, en France par Gabriel Peignot.
Elle s’occupe de l’écrit et de la communication écrite sous plusieurs aspects ; elle se propose comme but :
- Analyser, généraliser, classer, synthétiser les données acquises dans les domaines du livre et même temps, promouvoir les recherches nouvelles destinées à approfondir le pourquoi théorique de certaines pratiques de l’expérience ;
- Elaborer une série complète des formes documentaires où puisse venir se déverser les données de la pensées scientifique ou pratique depuis les simples documents jusqu’au complexes de grandes collections et aux formes élevées que constituent le traité et l’encyclopédie ;
- Faire progresser ainsi tout ce qui peut tendre à l’exposer plus méthodique et plus rationnel des données de nos connaissances et des informations ;
- Provoquer certaines inventions qui pourront rester longtemps isolées et sans application mais qui un jour seront le point de transformation les plus profondes ; etc (L. Mundeke, 2021 :5).
Il existe plusieurs aspects terminologiques de la bibliologie :
 La bibliologie dynamique, conçue par Vivtor Zoltowski,
 La bibliologie anthropologique, appelée anthropo-bibliologie et provient du schème de l’anthropologue congolais Basile Osokonda Okenge ;
 La bibliologie encyclopédique, elle vise à regrouper, à classer, à communiquer toutes les informations sur le livre. C’est l’oeuvre de Paul Otlet (R. Estivals, 1988, p.94)
 La bibliologie fondamentale, elle a pour but de découvrir les régularités et les lois qui régissent les phénomènes de l’écrit. (A. Karim, SD : 5) ;
 La bibliologie professionnelle, elle s’inscrit dans la logique de la pragmatique en mettant en exergue les métiers et les acteurs professionnels de l’écrit et de la communication écrite. On peut citer le bibliothécaire, l’archiviste, l’éditeur, le libraire, l’imprimeur, le documentaliste, etc. Pour Abdou Karim Diallo, la bibliologie statique est la « partie de la bibliologie fondamentale qui a pour but de découvrir les interactions structurelles existant entre les phénomènes bibliologiques » (A. K, op.cit);
 La bibliologie pédagogique, elle explique les phénomènes bibliologiques au travers de la fonction de transmission interpersonnelle du savoir et de la connaissance, et de la connaissance, et favorise les recherches appliquées qui visent la découverte sur l’écrit et la communication écrite.
 La biblio-psychologique ou Psychologie bibliologique : reconnue comme l’oeuvre de Nicolas Roubakine, la biblio-psychologique poursuit trois buts à savoir : Combattre le chaos qui régnait dans le domaine de la création du livre à travers le travail de l’auteur, l’imprimeur et de l’éditeur ; améliorer et développer de manière quantitative et qualitative la circulation des livres (travail du libraire, du bibliothécaire, du pédagogue, etc.) ; faire économiser du temps et des forces au lecteur lors de l’utilisation du livre. La finalité de Nicolas Roubakine était par conséquent de : « régulariser l’influence exercée par les livres sur les individus aussi bien que sur la société prise dans son ensemble ». « Les problèmes évoqués par Nicolas Roubakine se situent au centre des préoccupations non seulement de la bibliothéconomie et de la bibliothéconomie mais aussi de l’évolution intellectuelle moderne de l’humanité » écrit Arab Abdelhamid (A., Abdelhamid, 2006 :4).
Son objet essentiel est « l’étude de la dépendance fonctionnelle de trois séries de phénomènes psychique, de trois facteurs, qui, comme tels, donnent lieu à une recherche exacte, scientifique et même mathématique : le lecteur, le livre et l’auteur (N. Roubakine, 1998,1).
Pour Roubakine, « le livre est un engin d’une espèce particulière dont le but consciemment ou inconsciemment est exciter les expériences psychiques » (N. Roubakine, Op.cit). Parlant de l’écrit, nous devons faire allusion à : l’oeuvre d’esprit de l’homme, le reflet de la pensée de l’homme, la silhouette de l’homme, son miroir ; car l’écrit est la parole pétrifiée, avant l’homme que n’arrive à produire ses écrits il existe un exercice au niveau de la cognition, ainsi Il est vrai que l’homme ne nait pas avec des facultés d’écriture et de lecture mais celles-ci se révèlent en lui avec le temps par la volonté et l’apprentissage.
Le livre dit-il, encore, est l’oeuvre d’un homme, et en même temps, une lecture pour une série de gens.
Dans son introduction, à la psychologie bibliologique, a réservé le chapitre IX à l’utilisation de au problème de l’organisation intérieure des richesses livresques d’une bibliothèque de culture générale et c’est dès 1889.
Au tant l’homme doit concevoir et produire des écrits nécessaires pour l’émergence de son environnement autant la bibliothèque/archives/écrit doit aider l’homme à se transformer lui-même en lui fournissant des informations relatives à ses besoins. Le lecteur, c’est l’homme qui produit l’écrit qui consomme ce que lui-même produit et ce que les autres produisent. Pour ce faire Roubakine et Ranganathan ont mis respectivement en place six et cinq principes et lois.
Pour Roubakine :
Le Professeur Bob Bobutaka dans son livre intitulé : Archivologie, Bibliologie et communicologie : approche épistémologique, a réalisé un schéma avec quatre fonctions pédagogiques, nous citons : la pédagogie administrative, la pédagogie professionnelle, la pédagogie supérieure et la pédagogie universitaire.

2. Anthropologie et bibliologique :

Plusieurs auteurs ont fait couler de l’encre dans ce domaine du savoir, anthropologie bibliologique, nous pouvons citer Basile Osokonda, Amadou Hampate Bâ, Ivan Petrovitch Pavlov, etc.

2.1. Basile Osokonda et l’anthropo-bibliologie

Appelée aussi l’«anthropo-bibliologie et provient du schème de l’anthropologue congolais Basile Osokonda Okenge. Elle a été construite à partir du questionnement de l’école bibliologique congolaise en cherchant les éléments de réponse à cette pensée collective.
Le Professeur anthropologue Basile Okonda ne souligne que la place de la culture de l’écrit qui donne une idée sur ce que nous appelons l’anthropo-bibliologie congolaise. « L’écrit, (…) un fait sociologique et politique. Cette proposition constitue une hypothèse principale de la bibliologie anthropologique » (Basile Osokonda, 2005 :81).
C’est ainsi qu’il va construire l’anthropo-bibliologie. Et à cet égard, il a soutenu que « la place de la culture de l’écrit (…) donne une idée sur ce que nous appelons l’antropo-bibliologie congolaise ».
Il s’est appuyé sur les mots du Professeur Emérite Robert Estivals qui « découvre une poignée de chercheurs de l’écrit et de la communication écrite en République Démocratique du Congo qui vient de relancer scientifiquement l’Association Internationale de Bibliologie (…). La construction de cette pensée de la bibliologie est soutenue par les réflexions de Robert Estivals sur la biblio-sociométrie des bibliologues congolais et le schème de Joseph Kizerbo (…).
Par la suite, nous pouvons étayé l’idée de l’anthropologie de la bibliologie par la « bibliologie anthropologique avec comme hypothèse principale : l’écrit est aussi produit en fonction de la culture de l’auteur et de son environnement »
(http://archivistebateko.canalblog.com/archives/2020/07/04/38411390.html, consulté le 16 oct 2022 à 4h30). Cette contribution de Basile Osokonda consolide l’anthropologie de la bibliologie d’autant plus qu’il met l’accent sur les aspects culturels de la bibliologie : science de l’écrit et de la communication écrit.
L’écrit étant la parole pétrifiée, elle est l’expression de la pensée de l’homme qui devra être matérialisé sur des supports bien définis afin de perpétrer la philosophie, sinon la pensée de la société.
L’homme lorsqu’il écrit, au travers de ses écrits, l’on peut lire le tempérament, la personnalité, l’état d’âme de la personne, sa culture générale. L’homme n’est que l’expression de son environnement, l’écrit quelle que soit sa nature, est le reflet du traitement infligé à l’homme.
L’Afrique est un exemple éloquent, s’est vue corrompre par l’occident, depuis les colonisations, l’homme blanc avait fait croire en l’africain noir que tout ce qu’il lui appartenait était sacrilège et démoniaque, cette intoxication culturelle a dominé l’africain au point de mépriser tout ce qu’il lui appartenait, voire même ses fils qui avaient volé pour l’occident ont pour la plus part oublié la pensée africaine, ils ont adopté de nouvelles façons de parler, de réfléchir et d’écrire car l’inculturation voire l’acculturation ont élu domicile dans le chef de plusieurs africains.

2.2. Amadou Hampâte Bâ(1)

En 1962, au Conseil exécutif de l’Unesco, où il a été récemment élu, il répond au sénateur américain Benton qui traitait les Africains d’ingrats, analphabètes et d’ignorants : « Je concède que nous sommes des analphabètes, mais je ne vous concède pas que nous soyons des ignorants (…) Apprenez que mon pays, chaque fois qu’un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui a brulé » disait Amadou Hampâte Bâ.
Ce célèbre adage a été repris de manières abondantes sous plusieurs formes. Mais c’est lors du Festival mondial des arts negres de Dakar en 1966 et l’auteur reformule ainsi sa pensée : « En Afrique, chaque fois qu’un vieillard traditionnaliste meurt, c’est une bibliothèque inexploitée qui brule »(2).
La bibliologie ne doit pas toujours être vue sous l’angle ordinaire, c’est-à-dire de l’écrit. Il faut la voir sous d’autres formes, telles que les statues des artistes sculpteurs tels que Liyolo qui font parler des statues, des images, etc. cela est aussi perçu partout à travers la ville de Kinshasa, l’on voit des monuments (Lumumba, Kasa vubu, etc) ;l’écriture des aveugles, l’écriture Mandombe, sont les éléments qui nous montrent combien la bibliologie est incontournable pour l’homme.
Ci-dessous le schéma de la corrélation entre bibliologie et anthropologie.
Schématisation mathématique de la bibliologie et l’anthropologie

D’où
S : Système/Sociologie/Société
a. Anthropologie/homme
b. Bibliologie/Ecrit
Soit S= a+b ou b+a

Source : Schéma conçu par nous-meme grace à nos connaissances sur les ensembles en mathematiques.
Commentaire :

Ce schéma nous démontre la réflexivité sinon la relation qui existe entre l’anthropologie et la bibliologie, soit un système S dans lequel se trouvent deux éléments, a l’anthropologie/l’homme et b la bibliologie/écrit qui vivent dans une permanente et éternelle interaction. L’homme sinon l’anthropologie conçoit des pensées qu’il veut partager soit communiquer avec son entourage encore mieux avec son environnement en vue de son émergence et ses pensées pétrifiées sur n’importe quel support vont impacter sinon altérer l’être de l’homme et surtout son environnement.

Conclusion

L’interdisciplinarité est l’un des éléments majeurs de la science de notre temps. L’anthropologie et la bibliologie sont intimement liées, dans la mesure où l’écrit qui représente ici la bibliologie est l’oeuvre de l’esprit. Dans le mythe de la création, l’on nous dit qu’au commencement était la parole, celle-ci a précédé l’existence de l’homme. Ce dernier depuis les temps les plus immémoriaux a et reste obligé à communiquer avec son semblable ; et ce par divers moyens. L’écrit est cet élément qui a changé le paradigme civilisationnel de l’homme. Celui-ci produit des outils pour son développement et de celui de son environnement. Parlant de la bibliologie, il faut transcender le contexte de l’écrit (texte), celle-ci part de l’écrit, des images, des statues, stratifications, tatouages, panneaux, bref tous les moyens utilisés par l’homme et pour l’homme pour se communiquer.
La bibliologie joue un rôle important dans le développement de la science, celle-ci doit être écrite et publiée. Or avant d’écrit il faudrait passer par un exercice mental permettant de réunir les éléments importants avant de produire les écrits sinon le fruit de la pensée. La science de Roberts Estivals est le support sur lequel repose la science produite par l’homme peu importe le contexte environnemental qui le garde. Si l’interdisciplinarité est le propre de la science, la bibliologie est la science elle-même interdisciplinarisée. Elle est donc pour l’anthropologie ce qu’est de l’eau pour l’homme.

Notes
1. Ecrivain, Né en 1900 ou 1901 à Bandiagara au Mali et mort le 15 mai 1991 à Abidjan, en Côte d’ivoire, est un écrivain et ethnologue malien, défenseur de la tradition orale, notamment peuple, Membre du Conseil exécutif de l’Unesco de 1962 à 1970, il y lance son appel : « Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brule ».
2. Www.Wikipedia.fr consulté le 09 juillet 2021.

Par Jean Blanchard MAYI YUL, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024