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Résumé

La lecture, tout en étant un moyen d’acquisition des connaissances, un moyen de détente, de prise de décisions, de production intellectuelle et de la recherche, un moyen de formation permanente, sert à communiquer, est aussi un facteur de socialisation et d’égalisation des citoyens. La lecture enrichit la culture générale de l’éducation et de la spiritualité. Par ce fait, elle présente autant de problèmes qu’il faut résoudre pour et dans la vie tant sociale qu’humaine. La ville de Kenge en connaît autant, parmi lesquels le manque de bibliothèques publiques et le faible taux des lecteurs.
Mots clés : Problématique, lecture, enquête, sociologique, femme

Reçu le : le 16 août 2022
Accepté le : le 14 mars 2023

Abstract

Reading, while being a means of acquiring knowledge, a means of relaxation, decision-making, intellectual production and research, a means of permanent formation, serves to communicate, is also a factor of socialization and equalization of citizens. Reading enriches the general culture of education and spirituality. As a result, it presents as many problems as need to be solved for and in both social and human life. The city of Kenge knows as many, including the lack of public libraries and the low rate of readers.
Keywords: Problematic, reading, survey, sociological, women

Received : August 16th, 2022
Accepted : March 14th, 2023

Introduction

Le livre de Marianne Camus et François Rétif, intitulé Lecture de femmes, entre lecture et écritures nous a fortement édifié dans nos réflexions sur la lecture et a inspiré cette étude. Dans cet ouvrage, les auteurs s’interrogent sur le phénomène de la lecture et posent la série de questions ci-après : Y’a-t-il une différence dans la lecture entre l’homme et la femme ? Quelle perception donne la femme du livre et de la lecture ? Comment les femmes lisent–elles ou écrivent-elles ? (Camus et Retif, 2002 : 16).
Pourquoi ou en quoi ce livre a été le déclic de cette recherche ? C’est que nous sommes confronté à un constat négatif en République Démocratique du Congo : en dépit du lancement par l’Unicef de la campagne « Toutes les filles à l’école », les femmes ont été et sont moins nombreuses à fréquenter l’école, ce haut-lieu d’initiation à l’alphabétisation, à l’éducation et à l’instruction. Elles sont donc peu nombreuses à apprendre et à intérioriser la notion de la raison, de la vérité scientifique, de la critique, de la dialectique, de l’émulation et de la gouvernance sociale et politique. Comme indiqué dans une enquête sur la promotion de la lecture auprès des femmes congolaises, les femmes recourent plus à la télévision, à la radio qu’aux autres moyens traditionnels d’information (Mimbu et alii, 1998 : 49).
Cette situation particulière et préoccupante de la femme en matière de lecture nous a incité à entreprendre cette étude approfondie sur le thème « la problématique de la lecture en République Démocratique du Congo : enquête sociologique auprès de la femme dans la ville de Kenge en province du Kwango».
Notre étude s’articule autour de deux parties. La première partie trace les contours de l’art de la lecture, tandis que la deuxième partie présente les résultats de l’enquête menée pendant 60 jours, soit du 12 février au 17 avril 2021 sur la femme et la lecture dans la ville de Kenge.

1. Qu’est-ce que la lecture ?

La lecture, action de lire, est l’un des principaux moyens d’accès à l’information et aux connaissances. Elle est une voie d’accès à la culture et à l’information générale. Elle est une des clés de réussite et de promotion sociale à l’instar du diplôme. Ce moyen d’accès est à la base d’incessantes polémiques et de nombreuses recherches (Mimbu et al., 1998 : 3). La lecture est une activité intégrée à la vie quotidienne de chacun. On lit sans cesse, panneaux, feuillets publicitaires, affiches, gros titres des quotidiens (Horellou et Segre, 2007 : 3).
Pour la définir correctement, il faut aller au-delà du sens commun ou moyen proposé par le dictionnaire, pour s’intéresser à ce qui la caractérise, à savoir son objet (but et objectif), ses méthodes et techniques d’apprentissage, et ses problèmes.

I.1. Objet de la lecture

La lecture est un exercice complexe, pluriel, qui se développe dans plusieurs directions (Jouve, 1993 : 9). Elle coordonne trois grandes fonctions distinctes, à savoir la fonction physiologique, la fonction mentale et la fonction psychologique. Il s’agit en effet « d’identifier par la vue des caractères écrits ou imprimés des lettres, l’assemblage qu’elles forment en faisant le lien entre ce qui est écrit, la parole et le sens» (Mimbu et al., 1998 : 3). Il s’agit ainsi d’un acte concret, observable, qui fait appel à des facultés bien définies de l’être humain.

Pas de lecture possible, en effet, sans une mise en oeuvre de l’appareil visuel et de différentes fonctions du cerveau. Lire, c’est, préalablement à toute analyse du contenu, une opération de perception, d’identification et de mémorisation des signes (Jouve, 1993 : 9).
Le processus concerne donc de nombreuses compétences du corps et de l’esprit (perception, analyse, synthèse, mémorisation, stratégie, symbolisme) qui sont mises en oeuvre en un enchaînement précis d’opérations rétroactives dans un fort d’abstraction.
C’est dire que parallèlement aux opérations de perception, le processus de lecture met en jeu de nombreuses capacités de l’intelligence (identifier, trier, associer, évaluer, anticiper, structurer, mémoriser, …) et dépend étroitement de facteurs d’ordre psychologique (désir, motivation, concentration, détente, plaisir…).

I. 2. Méthodes d’apprentissage de la lecture

L’invention des caractères métalliques mobiles au 15ème siècle par Gutenberg (C. 1400-1468) a boosté la lecture qui est ainsi devenue la plus grande activité dans la communication entre les hommes. En effet, une personne pourrait désormais écrire sur un support une seule fois une phrase et occasionner la lecture de cette dernière une multitude de fois par une multitude de personnes, et donc une diversité de réactions. Mais dans tous les cas de figure, toute activité de lecture (même la transcription en braille) est le fruit d’une initiation préalable.
Pendant longtemps, les discussions entre les pédagogues ont tourné autour de l’opposition classique entre la méthode synthétique et la méthode analytique souvent assimilée à la méthode globale.
La méthode synthétique est la plus ancienne. Elle consiste à partir des unités les plus petites de la langue écrite pour aller progressivement vers les plus grandes : l’élève apprend d’abord à reconnaître les lettres, puis à les combiner en syllabes pour parvenir enfin à lire des mots et des phrases.
La méthode analytique adopte la démarche inverse. Elle se veut plus proche de l’expérience de l’enfant qui utilise déjà, en parlant, des mots et des phrases. On l’invite donc, dans un premier temps, à identifier leur représentation graphique, puis à la décomposer en syllabes et en lettres.
Le débat sur la méthode analytique a abouti à un compromis : dans la plupart des salles de classes des écoles de la ville de Kenge en particulier et de la République Démocratique du Congo en général, on utilise une méthode mixte qui s’inspire des deux marches à la fois (Talissa, 1997 : 23).
La méthode dite globale est plutôt proche de la méthode analytique, mais elle ne procède pas par la décomposition de mots en syllabes et en lettres de la façon aussi systématique. La lecture est présentée aux enfants comme un jeu. L’instituteur leur montre, sur des cartons, des mots correspondant à leurs centres d’intérêt. Les enfants s’amusent à les reconnaître, à comprendre leur sens, et commencent ainsi spontanément le travail d’analyse.
En tout état de cause, ces méthodes soulignent que pour prétendre avoir appris à lire, il faut être devenu capable de « comprendre », c’est-à-dire de tenir compte de l’organisation des éléments des phrases, de leurs relations, et de choisir ou rejeter certaines connotations. En surface, l’enjeu est de maîtriser les trois niveaux de compréhension : la signification des mots, l’implicite et le cadre de référence. En profondeur, le but poursuivi est d’acquérir la capacité de l’exercice d’un raisonnement pendant la lecture.
Aujourd’hui, les pratiques de lecture changent et le livre n’a plus sa position de quasi-monopole, celle qu’il a eue pendant cinq siècles. De fait, on assiste du reste depuis une vingtaine d’années, à une diminution des livres lus à cause de l’internet, de la télévision, etc.

1.3. Problèmes de la lecture

Pendant longtemps, il fut impossible de mesurer les pratiques de lecture. Mais la multiplication des livres, la standardisation de leur présentation, l’uniformisation des apprentissages de la lecture par le biais de l’école primaire gratuite et obligatoire, permettent aujourd’hui de mesurer ces pratiques.
En outre, le progrès de la linguistique et de la psychologie ont fait évoluer la réflexion sur la lecture. On met davantage l’accent sur la fonction de communication de l‘écrit et sur la différence entre la lecture et le déchiffrage (Foucambert, 1996 : 19). Lire, c’est explorer un texte pour lui attribuer une signification, globalement et non en additionnant le sens des mots les uns après les autres.
Le développement de la faculté de penser, étroitement lié à celui du langage, est un préalable à tout apprentissage de la lecture (Lentin, Cless, Hebrard et Jan, 1977 : 142). On voit apparaître dans les classes des pratiques nouvelles : utilisation d’écrits sociaux à la place des manuels scolaires, logiciels Elmo, tri de textes, lecture silencieuse, lecture rapide, développement des bibliothèques, etc…
En effet, davantage que par le passé, on lit dans la perspective d’une satisfaction immédiate, d’un gain soit utilitaire, par exemple pour sa profession ou ses examens, soit de plaisir assuré. Est passé l’intérêt de se constituer une belle bibliothèque personnelle composée de livres édités avec grande qualité, afin de pouvoir les relire plus tard.
L’érosion du pouvoir d’achat aidant, l’on préfère acheter des journaux, des livres bon marché ou encore et mieux, emprunter à la bibliothèque les livres dont on a besoin pour en photocopier les seules pages utiles, rentables.
Mais si le quasi-monopole du livre comme pilier intellectuel de la civilisation est actuellement mis en cause, c’est surtout par les multimédias. L’édition électronique, qu’elle emprunte les chemins du CD- Rom, du CD-l ou du réseau Internet, permet d’associer texte, image fixe et animée, et son. Surtout, le multimédia est interactif, c’est-à-dire qu’il permet au lecteur d’intervenir sur le contenu ; ce qu’il ne peut pas faire avec un livre. Il peut démembrer le texte, le recomposer à volonté, atténuant ainsi la séparation entre lecture et écriture. Il peut s’affranchir de l’ordre linéaire du livre.
Ces multiples possibilités sont très séduisantes, surtout pour un public jeune, et très performant pour certains secteurs du savoir et de la culture : apprentissage des langues, dictionnaire, musée et exposition. De nombreux CD-Rom sont actuellement sur le marché dans ces domaines, et rares sont les maisons d’éditions qui ne tentent pas une percée en ce sens. Les grands groupes d’éditions mondiaux ont naturellement fondé leur structure multimédia et comptent la développer largement.
Nous sommes donc à un tournant important de l’histoire de l’écrit, car une mutation technologique d’une telle ampleur va entraîner des transformations des pratiques de lecture, toute une modification du rapport au texte, et même une réorganisation du rapport au monde à travers le texte.
Néanmoins, elle n’est pas fonction seulement de la compétence en matière de déchiffrage des signes d’écriture - qui nécessite une bonne capacité visuelle - mais également du besoin d’accumulation des connaissances, des moyens et matériels disponibles, de l’environnement socioculturel ou des exigences et habitudes sociétales.
Dans les pays développés, comme dans certaines villes de la République Démocratique du Congo, à l’exemple de Kinshasa, Kikwit, Mbanza-Ngungu et bien d’autres, la lecture occupe une place de choix. Les écoles, les universités, les paroisses, les milieux professionnels et les cadres de loisir obligent chacun à adopter une attitude particulière en rapport avec telle nature ou tel genre de document écrit : un dictionnaire, un manuel de conjugaison, des notes de cours, un travail de fin de cycle, un mémoire, une thèse, une bande dessinée, un journal ou un magazine d’informations générales, incitent à trouver un moment favorable pour une meilleure lecture.
Evidement ces espaces sont des cadres appropriés qui autorisent cette lecture, car s’étant doté de bibliothèques générales et techniques constituant des cadres de prédilection pour une lecture libre, savante, pluridisciplinaire ou encyclopédique.

II. Présentation sommaire du lieu de l’étude

Peut-on dire autant de Kenge où a eu lieu notre enquête ? La ville de Kenge est la capitale (Chef-lieu) de la province du Kwango, province issue du dernier démembrement en 2015. Située dans le territoire du même nom, qui a été créé par ordonnance n°186/AIMO du 31/12/1938. La ville de Kenge se situe à 285 Km de la ville province de Kinshasa et compte sept communes dont cinq urbaines et deux rurales. Les communes urbaines sont : Masikita, Mavula, Manonga, Laurent Désiré Kabila et Cinq Mai. Et les communes rurales sont Misele et Pont-Kwango. La population de la ville de Kenge est de 1.335.030 habitants sur une superficie de 18.126 Km2.
Cette ville compte plusieurs institutions d’enseignement tant du primaire et du secondaire que supérieures et universitaires, au nombre desquelles il y a l’Université du Kwango (UNIK), l’Institut Supérieur Pédagogique de Kenge (ISP-Kenge), l’Institut Supérieur des Techniques Médicales Marie-Reine de la Paix de Kenge (ISTM-Kenge) et l’Institut Supérieur de Développement Rural de Kenge (ISDR-Kenge).

III. Résultats de l’enquête sur la femme et la lecture à Kenge

« Eduquer une femme, c’est éduquer toute une nation ». Voilà un adage universel qui fixe parfaitement bien les esprits sur la place et l’importance de la femme dans la société moderne. Cependant, la sauvegarde, le développement et l’adaptation des connaissances acquises au cours d’un processus pédagogique ou éducationnel exigent des exercices de répétition personnels sur base des outils ou des manuels contenant des séries d’expériences réalisées par des personnes ascendantes ou contemporaines. Parmi les moyens d’accumulation des connaissances figure en bonne position la lecture.
Nous avons donc jugé qu’une enquête sociologique sur ce sujet était susceptible d’éclairer l’opinion publique, en général, et d’interpeller l’autorité en particulier, sur la nécessité de redoubler les efforts dans la formation et la responsabilité de la femme afin que celle-ci joue pleinement le rôle qui est le sien et pour que la notion du « genre » et le principe de la « parité homme-femme » deviennent des réalités indiscutables en République Démocratique du Congo en général et en province du Kwango en particulier.
Nous avons, à cet effet, soumis un questionnaire écrit aux réponses libres, à une centaine de femmes majeures congolaises habitant la ville de Kenge et appartenant à des couches et environnements sociaux différents. 91 seulement ont répondu favorablement à nos questions. Ceci pris comme critère de sélection.

III.1. Données de base de l’enquête

Comme données de base, l’enquête s’est basée sur un effectif de 91 femmes majeures dont la tranche d’âges varie de 19 à 59 ans. Les différents tableaux seront suivis des commentaires pour rechercher la meilleure articulation et interprétation des résultats de l’enquête.
Pour une bonne représentativité, ces effectifs ou unités constituent l’image réduite ou le microcosme (10%) de la masse globale de 910 femmes.

III.1.1. Tableau 1: Territoire d’origine des enquêtées

Territoire d’origine

Effectif

%

Feshi

23

25,27

Kahemba

08

08,79

Kasongo-Lunda

08

08,79

Popokabaka

04

04,39

Kenge

33

36,26

Indéterminée

02

02,19

Total

91

100

Plus de 50% de personnes enquêtées sont originaires de Feshi et de Kenge, deux centres parmi les plus urbanisés et modernisés de la province du Kwango au regard principalement des infrastructures existantes avec une facilité d’accès à la scolarité de qualité.

III.1.2. Tableau 2: Niveau d’études des enquêtées

Niveau d’études

Effectif

%

Analphabète

00

00,00

Primaire

01

01,09

Secondaire

04

04,39

Diplômée d’Etat

23

25,27

Graduée

33

36,26

Licenciée

07

07,69

Docteur

00

00

Indéterminée

23

23

Total

91

100

Comparativement au plus bas et au plus haut niveau de notre échelle d’études, plus de 50% des personnes enquêtées ont un niveau d’études acceptable.

III.1.3. Tableau 3 : Niveau d’études des époux des enquêtées

Niveau d’études de l’époux

Effectif

%

Analphabète

00

00,00

Primaire

00

00,00

Cycle d’orientation

01

01,09

Diplômée d’Etat

02

02,19

Gradué

08

08,79

Licencié

17

18,68

Docteur

05

05,49

indéterminé

58

63,73

Total

91

100

Ce tableau révèle que près de 64%, soit 58 sur 91 ont eu leur niveau d’études non déterminé, contre 18 % soit 17 sur 91 des époux de personnes enquêtées sont licenciés.

III. 1.4. Tableau 4 : Etat civil des enquêtées

Etat civil

Effectif

%

Célibataire

41

45,05

Mariée

46

50,54

Divorcée

00

00,00

Veuve

02

02,19

Indéterminée

02

02,19

Total

91

100

46 personnes sur 91, soit 50,54 % des personnes enquêtées sont mariées contre 41 sur 91, soit 45 % sont des célibataire

Par Noël KIALA MANZANZA, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024