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Approche sociocritique de la titrologie et de l’iconographie dans 5 romans congolais de langue française (1965-2007)
Céline NSUIA wa NTAMBWE[1]

Résumé

Cette étude permet de déceler par les unités analytiques du paratexte, certains traits idiosyncrasiques des sociétés romanesques cibles. Ils précisent l’arrière fond d’espace et de temps, permettant ainsi d’atteindre la socialité. Ces deux structures externes précisent la lutte de ces auteurs pour l’instauration de la vie des valeurs socio-politico-économiques pour le progrès de tous.

Mots clés : sociocritique, titrologie, iconographie, roman.

Introduction

Bien qu’il soit indépendant depuis plus d’un demi-siècle, notre pays vit une situation sociopolitique reflétant toujours l’exploitation ainsi que la paupérisation des masses. La quasi-totalité des romanciers las de cette situation d’exploitation et d’affrontement politique dénoncent ces scandaleuses inégalités sociales à travers leurs romans. Cela, en vue d’éveiller la conscience de la population, de pousser les dirigeants à mettre fin à la politique ségrégationniste et à travailler dans l’intérêt de tous.

Les romanciers que nous avons choisi cultivent tous l’idéologie sociopolitique de la dénonciation de la dictature aux fins de l’instauration tant de la République Démocratique du Congo, que d’autres valeurs sociales égalitaires. Ces œuvres produites dans la période de la deuxième et troisième république (1965-2007) ne sont que représentatives. Ils font en quelque sorte une critique ou un réquisitoire, pour utiliser les termes de Cibalabala[2], contre les régimes politiques des pays indépendants du tiers monde.

Dans l’image de la personne, ces romanciers font paraitre des contenus et des composantes qui constituent une vérité et une réalité intra-romanesques : rapports sociaux, histoire sociale, situation de l’individu dans tel ou tel autre contexte.

Pour bien mener notre étude, nous avons recouru à la sociocritique dans ses unités analytiques du contenu et de la forme, c’est-à-dire du contenu sémantique globale (la thématique) et les éléments de la structure externe : du paratexte, à savoir, le titrologie et l’iconographie.  Cela pour l’application dans l’analyse de cinq romans de notre corpus, afin de dégager les inégalités sociopolitiques qui y sont dénoncées et mettre à découvert les valeurs socioculturelles congolaises positives à pérenniser.    

Les cinq romans constitutifs du texte de base de notre parcours sociocritique sont Le bel immonde de Mudimbe VY[3], La mort fait homme de Ngandu[4], La chorale des mouches de Mukala[5], Dieu sauve l’Afrique de Buabua[6] et rendez-vous sur L’Ile de Gorée de Tshibanda[7].

2. Les concepts clefs

2.1. La sociocritique

Claude Duchet[8] présente la sociocritique comme étant une étude immanente et transcendante du texte. Elle veut savoir quoi, comment et pourquoi les problèmes sociaux sont-ils  posés dans l’œuvre, ou transposés en formes littéraires. L’enjeu, c’est ce qui est en œuvre dans le texte. « Elle désigne la lecture de l’historique, du social, de l’idéologique, du culturel dans cette configuration étrange qu’est le texte[9] ». La sociocritique restitue la teneur sociale du texte[10].    

Tout compte fait, recourir aux applications de la sociocritique, c’est poser dans les cinq romans congolais susdits, le problème de l’immanence pour arriver à la transcendance dont les données sociales conduisent aux objectifs de l’auteur et/ou son idéologie.

2.2. La titrologie

La titrologie étudie le titre du texte. Le titre étant un élément du seuil ou mieux un paratexte. Celui-ci fait partie d’unités analytiques de la surface externe d’une œuvre.

Le titre, nous dit Thérenty[11], offre la matière à réflexion. La fonction publicitaire, séductrice attachée au titre, conduit souvent l’auteur et l’éditeur à choisir des expressions scandaleuses attirantes pour captiver l’attention de lecteur. C’est par lui que l’on distingue une œuvre des autres. La caractéristique la plus fréquente du titre est sa concision. Aussi, les auteurs recours parfois à un sous-titre (plus explicite que celui de l’écrivain) qui permet de saisir le contenu de l’œuvre. Léo Hoek, l’un des fondateurs de la titrologie, arrive à maintenir trois termes des titres - « titre » (zadig) - « sous-titre » (ou la Destinée) - « indication générique» (histoire orientale). C’est ici l’état le plus complet d’un système virtuel dont seul le premier élément est, dans notre culture actuelle, obligatoire.

Gérard Genette estime, qu’en parlant du paratexte, « il s’agit d’un seuil, ou … d’un vestibule qui offre à tout un chacun la possibilité d’entrer, ou rebrousser chemin. Zone indécise  entre le dedans et le dehors… [12]».

2.3. L’iconographie

Dans le même contexte que le titre, l’iconographie est l’une d’unités analytiques appelée icône[13]. Celle-ci est une des trois composantes des signes peirciens. L’iconographie étudie le signe qui est une reproduction exacte d’une réalité, par sa ressemblance sur la page de la couverture d’une œuvre. Telle le portrait, la photo, l’image de quelqu’un ou de quelque chose. C’est leurs modes respectifs de l’imitation de la réalité exhibant une même qualité que l’objet dénoté. D’où, la découverte dans les cinq romans, des valeurs idéologiques iconiques.

 

 

3. Contenus sémantiques globaux des récits du corpus

La critique littéraire traditionnelle à travers les approches biographiques appelle intrigue, le résumé des événements fabulatifs du récit issu de l’imagination du scripteur. Ce même résumé est aussi appelé contenu sémantique global par les auteurs de la nouvelle critique littéraire[14] (la sociologie de la littérature).

3.1. Contenu sémantique global de Le bel Immonde

Le bel immonde est une histoire centrée sur deux protagonistes (Ya et le pirate) qui s’unissent, étonnamment, par amour; le Pirate fait partie du gouvernement et Ya vient de la basse classe de la société / province qui combat le gouvernement.

Ya se livre sexuellement à volonté aux hommes de la classe dirigeante, spécialement au Pirate, ministre de son état ; les deux amoureux  projettent de se marier. Au fait, face au dilemme de l’amour (appartenance tribale de Ya) et de privilège social, de côtoyer le ministre, Ya finit par trahir en soutenant les siens (rebelles). Le pirate/ le Ministre vient de mourir calciné dans son véhicule en mission contre les rebelles. Libre de tout engagement, Ya reprit sa vie d’en temps, se livrant aux hautes personnalités sans scrupule.
3.2. Contenu sémantique global de La Mort fait homme

A la suite d’une marche estudiantine revendicatrice réprimée dans le sang par le pouvoir dictateur en place, quelques étudiants sont échoués, puis condamnés à quinze ans de servitude pénale principale (S.P.P.). JE, l’un d’eux raconte les différents massacres qu’ont connus ses camarades et les siens (sa famille).

La prison devient un lieu privilégié où s’opère une mutation individuelle : l’acceptation de son statut de pensionnaire. Pour conjurer ou exorciser cet état « calamiteux » auquel s’abandonne son esprit, JE se rappelle de son amitié avec « Elle» Mianza, jeune fille qui passe tout à tour pour son enfant, sa fiancée et son épouse et auprès de qui il sollicite la libération.

L’amnistie dont les bagnards ou condamnés bénéficient quelques temps après est une occasion pour la plupart d’entre eux d’être récupérés par le pouvoir et de se vautrer dans des antivaleurs qu’ils avaient décriées hier. Cependant, loin de se prosterner, JE rejette cette grâce présidentielle et préfère s’abandonner à la volonté du destin qui n’est rien d’autre que la mort, celle qui régénère, revitalise et refonde les valeurs humaines la mort faite homme.

3.3. Contenu sémantique global de Dieu sauve l’Afrique.

 II s’agit du combat des Noirs contre le système économico-socio-politique des Blancs appelé apartheid, en République sud-africaine. Pour les Blancs, tout ce qui n’est pas de leur race est animalisé. D’où, la supériorité ce la race blanche à toutes les instances de la vie.

L’une des rebelles, Nyota, dirige une équipe qui est chargée de plusieurs missions dont, la destruction d’une villa de l’honorable Warnerk, un tenant de l’apartheid et ennemi juré des Noirs de l’Afrique du sud. La mission des siens prime sur l’amour qu’elle éprouve aussi envers Warnerk qui le lui a déclaré en avion, lorsqu’elle s’était déguisée en hôtesse de l’air. Elle fait exploser la villa et celui-ci au même moment.

A Soweto, une émeute tend vers son paroxysme, tout le monde proteste contre les autorités politiques de l’apartheid ; la police tirent et tue les lycéens et les autres jeunes Noirs réclamant la liberté. Les guérilleros refusent une concertation avec les Afrikaans. Ils criaient: Liberté ! Liberté ! Les membres de l’Umkonto, dirigés par Nyota, assassinent, par la main de Moses, le ministre des affaires des Noirs. Soupçonnée de terrorisme, Nyota est recherchée par la police et les autorités politiques. Elle-même se dénonce à l’Ambassade d’un grand pays ami de l’apartheid. L’Ambassadeur refuse de la livrer à la police, la protège et l’envoie en exil à Guadeloupe, déguisée en hôtesse de l’air.
3.4. Contenu sémantique global de La chorale des mouches.

Ce roman peint les tripatouillages du système sociopolitique de la République de Kulâh qui est dirigé par le Président Oré-Olé. Celui-ci privilégie les ressortissants de sa province de Kikalakasa et ceux de sa tribu. L’un de victime de ce système, Tchebwa Samy Joseph, en utilisant JE pour s’identifier, nous narre tous le déroulement.

Au début de son exercice de pouvoir Oré-Olé avait expulsé tous les belligérants européens et autres étrangers en leurs confisquant tous leurs biens. JE travaille à la Banque Nationale, en qualité de Chef de guichet. Il se noue d’amitié avec son infirmière homonyme de son ex-épouse Chancelvie, qui l’a quitté après trois ans de mariage à cause de son infidélité. Après son hospitalisation et sa convalescence, suite à l’accident qu’il a connu revenant de la recherche de Ben son cousin à Tisibi. JE reprend son travail, surpris de sa promotion au grade d’Administrateur délégué général adjoint de la Banque Nationale Populaire de Musoko. Il est encore nommé Président Délégué Général ad-intérim. C’est alors qu’il va découvrir les stratégies et les détournements de l’argent de trésor public et les dérèglements sexuels, aux grés de ceux qu’on considérait comme membres influents de gouvernement qui n’appartenaient qu’à la tribu d’Oré-Olé.

Après l’échec de ses grands tournés dans le pays pour flatter et amadouer le peuple, Oré-Olé avait convoquait le Congrès et les consultations populaires pour montrer à l’opinion international qu’il est aimé et proche de son peuple. A daté du 24 avril 1990, commence dorénavant le multipartisme à Kulâh, acquiesce-t-il avec émotion et larmes aux yeux. Ainsi commence la transition et le changement de la Constitution pour passer d’une République à une autre et les préparatifs d’une Conférence nationale souveraine. L’ironie du sort, trois ans après cet organe connait le fiasco par manque d’entente des dirigeants. Malheureusement, cet organe s’est soldé en ridicule queue de poisson. Pour s’en souvenir, le peuple la nomme sous cette métaphore moins hardie : La chorale des mouches.
3.5. Contenu sémantique global de Rendez-vous sur l’île de Gorée.

C’est une histoire sensationnelle qui touche l’identité profonde de chacune de familles de deux jeunes amoureux dont les parents, surtout ceux d’Allegra, une métisse martiniquaise, qui discriminent l’apparence africaine de Willy, son ami venu de la France.

Willy et son père sont fiers de leur origine africaine et condamnent toute discrimination entre les variantes de la race noire due à la traite nègrière pratiquée par les Blancs par l’entremise de l’esclavagisme au 18ème siècle. Les Blancs amenaient les noirs par force partout en Afrique en passant par le côté Est du Congo, puis au Sénégal en passant par la porte de non-retour à Dakar au Sénégal, enchaînés et acheminés par bateaux vers l’Amérique.

Monsieur Vassard et sa fille Allegra inculqués par les Blancs nient toute appartenance noire, et le père de celle-ci veut même ôter ou épurer les cinquante pourcent de sang africain de ses veines, car c’est une race inférieure pense-t-il. Persévérant et plein d’amour, Willy espère que le père de son amie finira par lui donner la main de sa fille après leur visite en Afrique.

Pendant leur voyage initiatique en Afrique, au Congo-Kinshasa et au Sénégal, afin de se réconcilier avec leurs origines, les deux familles découvrent les méfaits de l’esclavagisme sous sa vraie version, contraire à celle des esclavagistes. Ils passent au Sénégal par la porte de non-retour. Malgré la reconnaissance inavouée de Monsieur Vassard et son opposition au mariage de sa fille, celle-ci convaincue par la véracité de la traite des nègres, finit par s’unir à Willy par le lien de mariage officiel au maire de la ville et obtiennent la bénédiction de tous les touristes venus de quatre coins du monde, à la maison historique des esclaves à Dakar.

4. Les titres des cinq romans cibles

4.1. Luminaire

L’œuvre littéraire est conçue pour être lue et éclairée son lecteur sur une thématique soutenue par son auteur. Ce qui fait que l’écrivain se choisit un paratexte, externe de l’ouvrage, qui permet d’atteindre, de propager sa vision, par la consommation/la lecture et la liquidation de ce support littéraire.

Par le paratexte, dans ses éléments des structures externes, nomment le titre est capital parce qu’il est la structure alléchante, captivant la curiosité et l’intérêt préconçu du lecteur de son contenu.

Nous exploiterons ces œuvres l’une après l’autre, suivant leurs années de publication officielle.

4.2. Le bel immonde

La composition du titre de notre premier récit narratif est trilogique. C’est un titre thématique, indiquant son contenu d’ordre discursif, par le substantif adjectival « immonde ». Dans LBI, nous avons « Le» : première composante titrologique, « bel » : la deuxième, et « immonde » la troisième. Ce titre est conçu sur base de la figure « oxymore ». Celle-ci veut dire le rapprochement de deux mots qui semble être contradictoires. D’autre part, l’adjectif « bel » est contradictoirement complété par son contraire « immonde ».

Pour une compréhension claire et précise de ce titre, Riva Silvia lui donne un sous-titre Le bel immonde ou La tragédie du pouvoir. Ainsi e titre devient dissécable. Le lecteur sait qu’il est devant le récit des gens du pouvoir politique, probablement. Car ceux-ci doivent être exemplaires et justes vis-à-vis de leurs sujets, des leurs gouvernés. Malheureusement, ces dirigeants sont irrespectueux, immoraux et insensés.

Concernant toujours le titre de cet ouvrage, Mouralis Bernard[15] lui ajoute un autre sous-titre devient : Le bel immonde ou L’épure d’une impureté. « L’épure » qui est un modèle fini d’une « impureté » veut signifier qu’on tire un échantillon de ce qui est vicieux, pour que ça devienne un modèle. Il trouve que le romancier voulait revenir sur « la question du pouvoir et du savoir africains telle qu’elle se pose dans les nouveaux Etats indépendants» ; son contexte social et politique met les personnages principaux dans un embarras de choix. Ils ne savent pas prendre une décision ou se fier soit aux mœurs et savoir occidental, soit aux valeurs et coutumes africaines. Tout ce qu’ils font n’est que mauvais ou échec social. On ne peut trouver rien de bon dans une pourriture.

4.3. La mort faite homme

Contrairement à la composition trilogique de LBI, LMFH est un roman composé de quatre données titrologiques. Le titre de œ roman est fondé sur une métaphore allégorique. (L’allégorie est une chaine des métaphores). Personnifiant la mort, ce titre débute la réalité narrative par la fin, concernant l’existence humaine qui commence par la naissance. Ce titre est symbolique de la souffrance, de la présence fatale qui commence la vie humaine.

Dans cette société romanesque, la majorité de la population est buttée, dès son existence, aux obstacles socio-politico-économiques. Elles freinent la croissance des membres ou son développement dans tous les secteurs vitaux. Il s’agit de la jeunesse estudiantine, « l’avenir de demain » qui est innocemment et sauvagement massacrée par le système politique. Ce dernier n’obtempère pas les idées novatrices, démocratiques amenées par cette jeunesse intellectuelle et moderne, pour l’épanouissement et une bonne gouvernance du pays. Le système politique impose la mort physique et politique à tous ceux qui n’adhèrent pas à son obédience ou à sa vision politique. 

4.4. Dieu sauve l’Afrique

Le titre de ce roman reprend trois vocables dont deux substantifs et un verbal. Il est donc d’un usage parabolique. Il s’agit d’une manière indirecte de traduire une réalité sociale. Ce titre DSA est une prière et un cri d’encouragement du peuple noir sud-africain qui lutte et se sacrifie volontiers pour la libération et l’éradication de l’apartheid. Celui-ci désigne le régime oppresseur de la population blanche sud-africaine sur la population noire. Ce système idéologique dit « Apartheid » signifie développement séparé des Blancs et des Noirs. Ce système chapoté par l’homme Blanc est un esclavagisme, une nouvelle forme de la traite anachronique des Noirs, qui ne dit pas son nom. Comme on peut le constater dans DSA, l’écriture a pour fonction première : procurer du plaisir esthétique à son lecteur.

A propos de ce titre DSA, Alphonse Mbuyamba Kankolongo[16] écrit
« au fil de lecture, on finit par s’apercevoir que ce titre ne traduit pas réellement le contenu du livre qui repose essentiellement sur une lutte de libération. C’est seulement vers la fin du récit et, de façon incidencielle, que le lecteur apprendra que ce titre est emprunté à celui de l’hymne de l’ANC qui était un mouvement de lutte politico-militaire en Afrique du Sud ».

4.5. La chorale des mouches

Le titre de ce roman est symbolique de la cacophonie, c’est-à- dire du désordre du chef, en premier lieu, et des autres composants/choristes du groupe. Il comprend quatre composantes, parmi lesquelles deux articles défini et indéfini « La et des », est réduite en deux substantifs, avec la mise en évidence des articles (un seul pris en compte), notamment le premier. A première vue, ce titre est une métaphore in absentia (apparition d’un seul mot de l’objet). Disons clairement que les deux substantifs, qui composent ce titre, forment un titre métaphorique.

Rappelons qu’«une métaphore renvoi à un procédé par lequel on substitue à la signification d’un mot ou d’un groupe de mots une autre signification qui s’y rapproche en vertu d’une analogie ou d’une comparaison implicite »[17]. Le romancier a bien joué avec l’esprit de son lecteur, qui prête allusion aux désordres d’ordre social, politique et financier qui battent leur plein record à Kulâh. Chaque autorité, surtout celles qu’on appelle membres influents de l’Etat, détournent à leurs profits les richesses du pays, ce qui est choquant, ces autorités ne le font pas à l’insu d’Oré-Olé, le Chef de l’Etat.

Hélas, c’est en persévérant avec sa lecture que le lecteur découvre un autre sens similaire au premier. C’est de celui-ci qu’il s’agit réellement. C’est la question du désordre provenant d’une grande assemblée qui devait apporter le changement et des solutions au régime dictatorial de Kulâh, par un projet de société pour le bien-être de toute la population. Il s’agit surtout, d’écarter Oré-Olé de l’exercice du pouvoir. Il s’est agi en définitive de la Conférence nationale Souveraine qui n’a produit que la cacophonie, le fiasco. Elle est ouverte le 30 juin 1990, pour se terminer deux ans plus tard en queue de poisson.


4.6. Rendez-vous sur l’Ile de Gorée (RIG)

Comme DSA, RIG est également de nature parabolique. Le titre est axé sur la thématique historique. C’est une manière indirecte de traduire une réalité sociale. Le romancier fait directement allusion au site historique de la traite nègrière qui se situe au Sénégal, à Dakar. Ce lieu est un symbole de l’exploitation, de la déportation de toute la race noire confondue, par l’homme Blanc vers les Amériques. Mais l’émetteur ou celui qui intime l’ordre ou souhaite cette rencontre ne s’est pas identifié. Il est neutre. C’est le lecteur (et/ou récepteur) qui se voit inviter à se rendre à ce lieu de rendez-vous.

L’Afrique ou mieux, les africains ont le devoir de réécrire, d’authentifier leur propre histoire. Bien qu’ils soient victimes de l’enrichissement socio-politico-économique illicite par la tragédie de la traite nègrière pour les esclavagistes, les africains, autre fois esclaves doivent arracher leur liberté et jouir des tous les droits fondamentaux humains. Sur l’Ile de Gorée, c’est le lieu du grand rendez-vous de la tolérance et surtout de la convivialité de toutes les races et peuples du monde. Le mariage de deux jeunes amoureux, des souches raciales différentes, est un exemple de l’harmonie et de l’homogénéité humaine soutenue par les touristes de toutes les races et les continents du monde.    

Nous passons à l’étape suivante de la structure externe qui est l’interprétation de l’image et/ou icône.

Après le contenu sémantique global de chaque récit qui nous donne l’idée d’ensemble du récit, nous avons prévu de passer à deux autres rubriques notamment la titrologie et l’iconographie dans tous les cinq romans du corpus.

5. L’iconographie

Nous passons à l’étape suivante de la structure externe qui est l’interprétation de l’image et/ou icône.

5.1. Contenu théorique

Selon Le Petit Robert illustré[18], « l’iconographie est une étude descriptive des différentes représentations figurées d’un même sujet; ou encore une étude de la représentation figurée dans une œuvre particulière ». La critique littéraire imagologique est une branche de la littérature comparée. L’imagologie, selon Jean Nsonsa[19], intéresse indirectement notre recherche. Pour l’orientation précitée, l’étude de l’image ou représentation d’une réalité cultuelle concerne les relations entre les peuples et les pays, c’est-à-dire les races, les ethnies, les civilisations, les religions, les cultures, telle que vue à travers les récits littéraires.

Locha Mateso[20] parle de l’imagologie comme exploitant au maximum les notions de reflet et d’unité du champ littéraire. Dans la répartition des données des recherches, elle est une partie intégrante de la littérature comparée. Mais dans le cadre des pays non-européens, l’imagologie est investie d’une nouvelle mission : recenser des stéréotypes raciaux qui peuvent justifier une situation de fait, en l’occurrence de la situation coloniale. Son postulat de base est que « plus d’une fois, les romans révèlent ce que l’homme n’a pas osé dire ouvertement devant l’étranger ».

Quant à notre recherche, l’iconographie étudie l’image. Mais c’est une donnée analytique de surface, du fait de son apparition comme dessin sur la couverture du récit littéraire. L’iconographie vient de l’unité analytique qu’on appelle I’ « icône » qui est une des trois variétés des signes (Charles Sanders Peirces[21]). Le principe de la représentation, selon CS Peirce, « qu’elle est une chose qui tient lieu d’une  autre et en tient lieu pour une troisième chose qu’on associe à l’esprit. Il existe trois espèces de représentations, déterminés par leur vérité, c’est-à-dire le rapport que chacune entretient avec son sujet ».  Les trois signes ou représentations sont les suivante : 1° l’indice : est une signification par coexistence, par rapprochement. Telle la fumée pour le feu. 2° le symbole : est une signification par convention d’ordre culturel (c’est le cas de la balance des juristes qui symbolise l’équité, la justice) ; 3° l’icône : est la reproduction exacte de la réalité, par ressemblance. Telle le portrait, la photo, l’image de quelqu’un ou de quelque chose. C’est leurs modes respectifs de référence à la réalité extérieure qui les différentient. Nous appliquerons le troisième signe qui cadre avec notre sujet.
5.2. L’iconographie de Le bel immonde

Sur la couverture de ce roman est posé un dessin qui représente une main aux cinq doigts d’une personne humaine poilue. Certes cette image pour le romancier n’est pas neutre. Elle renforce l’entendement du titre.

Le premier point de contact avec le public, premier contact avec le lecteur est celui qui est marqué par la première page de la couverture. Ici, en plus du titre, il se fait voir clairement un dessin de la main, symbole de la diversité, partant de cinq doigts, qui sont en unité, puisque ces doigts constituent un tout, c’est à-dire la main, sur un espace parsemé d’herbes. Les herbes sont des embuches que la main entière doit se mettre pour défricher.

Il s’agit des mouvements révolutionnaires des dirigés ou exploités qui luttent contre des régimes dictatoriaux de l’Afrique, particulièrement celui de la République Démocratique du Congo. Nous pouvons comprendre que dans cette œuvre romanesque, il y a un appel à solidarité, à l’unité de la grande partie de la population exploitée, pour transformer la domination dirigiste qui conduit le monde, la société africaine, en général et congolaise, en particulier, en une vie des valeurs positives.

Le lecteur découvre le sens caché de ce signe de la main sur la couverture. C’est l’unité, l’ensemble des doigts, qui constitue la force d’une main. Dans la tradition africaine, les sages conseillent aux membres d’une société de s’unir, que chacun contribue avec ses qualités ou capacités physiques, morales, intellectuelles, financières pour l’aboutissement d’un projet ou d’une quelconque mission bénéfique à tous. « On ne peut, t’avait appris il y a longtemps ta vieille grand- mère, laver le visage avec un seul doigt. Vous étiez les doigts d’une même main, les membres d’un même corps» (Le bel immonde p. 55).           

C’est l’unité des rebelles dans la lutte contre la discrimination sociale, les injustices et les tueries commises par le gouvernement, qui apporte la victoire, la liberté, la démocratie du peuple.

5.3. L’iconographie de La mort faite homme 

Après le titre, vient d’emblée une image très singulière et significative qui attire le lecteur et l’incite à lire le roman immédiatement. Au fait, la photographie est une image obtenue par les procédés photographiques. Ce portrait est une représentation artistique par le dessin de l’Afrique et d’un homme Noir presque en buste.

C’est qui nous conduit à un monde de romancier, un Espace géographique au pouvoir très limité. Il s’agit de l’Afrique, qui est caricaturée. La photo explicite le titre. L’homme dont il est question, c’est un homme Noir africain qui pense qu’il vit alors que ce n’est qu’un cumulé des souffrances, puisqu’il est derrière les barreaux. Sa vie ne dépend pas de lui-même. Il ne peut se mouvoir librement car il est limité, condamné à mourir par la loi pénale appliquée en Afrique.

 5.4. L’iconographie de La chorale des mouches

La chorale des mouches ne comporte aucun dessin, aucune image, ni portrait sur la      couverture de couleur jaune, des Editions Présence Africaine, Paris 2003. Sortie du point de vue sémiotique, une absence des images portraiturées permet de déduire ou opposition de sens des contraires, selon Greimas, où le sens est un effet de différence. Cette absence démontre la préoccupation du romancier qui veut aller droit au but. Il n’y a qu’un point d’attirance ou de curiosité sur la page de couverture, c’est le titre. Pour dire que l’attention tirée sur cette fameuse chorale des mouches n’est qu’un vide de tonneaux vides comme résultat final. Tout de même, le jaune, c’est le symbolique de la richesse, de la prospérité, de la fertilité, de la lumière ; mais aussi du mensonge, de l’hypocrisie, et surtout  de la trahison[22]. Ceci nous envoie à dire que le contenu de cette œuvre renvoie au mensonge, à la manipulation qu’Oré-Olé, le chef de l’état a usé pour se pérenniser au pouvoir.

Il s’agit iconiquement des personnalités réunies pour faire entendre une cause qui n’est pas entendue. Elles n’ont brillé que par une fanfaronnade creuse qui n’a réussie qu’à empirer la situation socio-politico-économique de la nation cible. Ils n’étaient que complices du chef de l’Etat.

 

5.5. L’iconographie de Dieu sauve l’Afrique

Par Celine NSUIA wa NTAMBWE, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024