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Le contrepoids de la hausse des prix sur le marché kanangais

Louis Divin BOP’A MBEKHY[1]

louisdivin@gmail.com

Résumé

Dans la ville de Kananga, chef-lieu de la province du Kasaï-central, les commerçants se livrent à des pratiques de hausse de prix des produits de première nécessité en rendant la vie difficile aux paisibles citoyens. Cette pratique est non seulement condamnable, mais aussi non régie par le ministère de tutelle. Ainsi, pour pallier cette situation, il faut des pratiques économiques de contrepoids pour aboutir à la normalisation du commerce et à la protection du pouvoir d’achat des consommateurs dans le marché kanangais.

Mots clés : Contrepoids économique, produits alimentaires, hausse de prix, normalisation du commerce, ville de Kananga.

Introduction

Le système économique d’un pays, quel mécanisme qui regroupe les ressources naturelles, la main d’œuvre, la technologie et les aptitudes nécessaires d’administration et de gestion. Tout système économique se propose d’anticiper les besoins de la population, puis d’y répondre en assurant la production et la distribution des biens et services. Si le type de système économique adopté par un pays résulte d’une décision politique, il dépend en fait bien plus d’une expérience historique qui, avec le temps, devient la culture même de cette nation[2].

L’intérêt porté à la protection du consommateur Congolais a évolué et continuera sans doute à évoluer davantage. Si les consommateurs et les fournisseurs prennent des décisions qui façonnent l’économie, il faut néanmoins tenir compte d’un troisième partenaire qui est l’Etat. Le pouvoir public exerce bel et bien une influence considérable sur l’économie centre kasaïenne.

La hausse des prix des marchandises sur le marché est un des aspects les plus inquiétants de l’économie Kanangaise au cours de l’année 2019. Bien que l’on puisse faire remonter ce courant à une dizaine ou vingtaine d’années, la hausse des prix est désormais considérée comme un des problèmes les plus pressants, sinon prioritaires auxquels l’Etat doit faire face sur la ville.

Les consommateurs cherchent les meilleurs qualités et prix, tandis que les fournisseurs s’efforcent d’obtenir le prix maximum pour leurs marchandises et réaliser le plus de bénéfices possibles. L’Etat, qu’il s’agisse du niveau provincial ou urbain, assure le bien-être de sa population par une gamme de prestations. Il réglemente et contrôle de bien des façons les entreprises privées, pour s’assurer qu’elles servent bien les intérêts de l’ensemble de la population.

L’Etat détient tout d’abord le monopole du pouvoir de contrainte sur tout le territoire national. Il dispose seul de la capacité de contraindre éventuellement les particuliers à se conformer aux règles de conduite qu’il a édictées. Max WEBER a notamment défini l’Etat comme l’instance qui, sur un territoire donné, possède le « monopole de contrainte physique légitime »[3].

Mais ses services rendus n’ont pas encore significativement contribué à l’amélioration des conditions de vie de la population Kanangaise, notamment en ce qui concerne la protection du pouvoir d’achat des consommateurs, sachant que le fournisseur X ou prestataire Y est aussi consommateur de produit et ou service X, Y. En principe, tout habitant de la ville de Kananga est consommateur et a ainsi droit à cette protection.

La planification qui est sœur jumelle de la réglementation repose sur un document « plan », qui présente les grandes orientations économiques et sociales pour l’avenir. Définit comme une « ardente obligation » (De Gaulle) ou comme « un examen de conscience » (V. Giscard d’Estaing), comme « l’antihasard » (P. Massé) ou encore comme « l’esprit d’organisation introduit dans l’économie » (J. Dayre), le plan est fondamentalement une tâche collective et un refus du laisser-faire[4].

Ainsi le plan est un instrument de la politique économique qui constitue un élément de contrainte pour les différents acteurs économiques. Dans notre cas, le programme d’actions du gouvernement provincial du Kasaï central pour la mandature 2019-2024, est donc un instrument de gouvernance qui articule la vision de la province, définit les objectifs à atteindre et énonce les actions adéquates à entreprendre, entre autres :

  • La gestion économique performante et incitative ;
  • Le renforcement de la gouvernance par la restauration de l’autorité de l’Etat ;
  • L’impulsion d’un développement économique inclusif ;
  • Le respect des normes dans les opérations commerciales ;
  • La coordination et l’optimisation des interventions des structures impliquées dans le processus de contrôle de qualité des services et des marchandises[5].

 

Le gouvernement provincial demande à chaque citoyen à son niveau, chaque organisation, chaque entreprise, chaque institution publique ou privée dans la province, de s’approprier et capitaliser cet outil pour le progrès collectif[6].

  1. La matière de prix

Selon Jacques Simon, le prix est le taux d’échange d’un bien contre un autre bien : combien faut-il donner d’unités d’un bien pour obtenir une unité de l’autre bien. C’est l’expression monétaire de la valeur d’échange d’un bien[7]. Nous parlons ici de prix de marché qui correspond à la valeur courante d’un bien.

    1.  Mécanisme de prix

La détermination du prix sur le marché, qui est une rencontre de l’offre et la demande, se fait au moyen d’un mécanisme.

      1. Dans la concurrence parfaite

Le marché de concurrence pure et parfaite est un marché souverain où l’adaptation se fait par les quantités et non par les prix comme dans la concurrence imparfaite. Ce marché repose sur des hypothèses ou axiomes qui concernent à la fois l’offre et la demande[8].

  1. L’atomicité du marché : vendeurs et acheteurs plus ou moins nombreux si bien qu’aucun d’eux n’exerce une influence décisive sur le marché ;
  2. L’homogénéité des produits : produits jugés identiques par les acheteurs ;
  3. La libre entrée sur le marché : pas de restriction de fait ou de droit ; pas de barrières ni pour entrée ni pour sortie des acheteurs comme des vendeurs, en d’autres mots, pas d’handicap :[9]
  4. La parfaite transparence du marché : connaissance complète pour les vendeurs comme pour les acheteurs, des coûts et des prix pratiqués sur le marché ;
  5. La parfaite mobilité des facteurs de production, c’est-à-dire, la libre circulation des ressources. Cette dernière condition implique qu’aucune barrière n’entrave la circulation des ressources productives entre les différentes activités.

Partant de cet éventail des conditions énumérées ci-dessus, le marché Kanangais remplit les trois premières. Il y a une diversité incontestable des vendeurs et acheteurs, avec une homogénéité de produits sur un marché libre.

      1. Dans la concurrence imparfaite

Elle existe lorsqu’une ou plusieurs conditions de la concurrence pure et parfaite ne sont pas réalisées. C’est la situation dans laquelle soit un ou plusieurs vendeurs, soit un ou plusieurs acheteurs, ont une position telle sur le marché que leur action peut modifier les conditions pour tous les acheteurs. C’est ainsi que nous avons :

  1. Monopole : situation dans laquelle il existe un seul vendeur qui peut imposer ses conditions. Les situations de monopole sont des mono-situations caractérisées par le fait que l’offre et la demande, ou chacune d’elles, est assurée par un seul agent. On parlera donc selon le cas, de souveraineté du producteur ou de l’acheteur[10].
  2. Monopole bilatéral : situation dans laquelle un vendeur unique ne rencontre qu’un seul acheteur (le cas d’une région où l’on trouve une seule entreprise et un seul syndicat) ;
  3. Monopsone : situation dans laquelle il existe un seul acheteur (le cas d’une région où il n’y a qu’une entreprise. Elle est seul acheteur de la main d’œuvre) ;
  4. Oligopole, oligopsone : marché réunissant un grand nombre d’acheteurs pour un nombre des vendeurs assez restreint, afin que ces échangistes puissent apercevoir les liens d’indépendance qui les unissent ;
  5. Entente : accords conclus entre les entreprises indépendantes en vue de limiter la concurrence ou de régulariser les marchés. Le plus souvent, les ententes visent à remplacer une situation qui permet aux entreprises d’imposer leurs conditions aux consommateurs ;
  6. Cartel : c’est un groupe d’entreprises indépendantes dont le but concerté est de réduire ou d’empêcher la concurrence. Un cartel est formé lorsque des entreprises conviennent de ne pas se livrer concurrence, tout en maintenant l’illusion de la concurrence[11] ;
  7. Trust : une grande entreprise qui en a racheté d’autres, plus petites, afin de limiter la concurrence et de gagner de l’ampleur au sein du marché. Un trust est une grande entreprise qui possède des positions fortes, voire dominantes, sur plusieurs marchés proches, au sein d’un secteur industriel. Le droit de la concurrence vise à lutter contre les trusts qui peuvent se rendre coupables d’abus de position[12]. Le trust est différent du cartel, où plusieurs petites entreprises s’associent afin de gagner le pouvoir de marché, de manière à générer plus de profit.                    

Le vrai marché qui existe dans le monde réel des humains est un marché imparfait, lequel revêt plusieurs formes énumérées ci-dessus. C’est ce que nous vivons encore dans le marché Kanangais au Kasaï central.

    1.  Détermination de prix

Le marché est conclu (en équilibre) lorsque l’offre rencontre la demande. Il est donc fonction de la demande et de l’offre. En régime de concurrence parfaite, les prix dépendent de la loi de l’offre et de la demande[13].

      1. La loi de l’offre et de la demande

La loi de l’offre et de la demande représente le modèle principal de l’économie du marché et repose sur l’équilibre de la quantité de biens ou services offerts et la demande de ces biens ou services, le tout se reposant sur le prix. Elle stipule que toutes choses restant égales par ailleurs, l’offre est fonction croissante du prix et la demande est fonction décroissante du prix[14].

  • Offre : elle est représentée par la quantité de biens que les vendeurs sont disposés à offrir sur le marché, à condition que le prix ne descende pas sous une limite minimum.

Figure 1. La courbe de l’offre

 

Prix

 

 
   

 

s

 

 

                                    

 

Qté offerte

Commentaire : Nous remarquons que quand les prix augmentent, la quantité offerte augmente.

  • Demande : la demande d’un bien quelconque est la quantité de ce bien qui peut être écoulée à chaque prix possible pendant une unité de temps déterminée sur un marché donné.

 

 

Prix

Figure 2. La courbe de la demande

 

 

 

 

 

 

 

Qté demandée

 

 

 

Commentaire : On sait voir que la quantité demandée diminue quand le prix augmente.

La loi de l’offre et de la demande s’énonce de la façon suivante : le prix d’un bien correspond au point de rencontre de l’offre et de la demande ; c’est-à-dire au moment où les quantités offertes sont égales aux quantités demandées. Car, s’il était plus élevé, il baisserait et s’il était plus bas, il monterait[15].

 

Prix

Figure 3. Prix d’équilibre

 

 
   

 

 

 

Le prix de la marchandise sera donné par le point de rencontre de deux courbes (point x) ; c’est-à-dire quand la quantité demandée sera égale à la quantité offerte. Ce prix est appelé prix d’équilibre. Cette loi de l’offre et de la demande joue pleinement dans un régime de concurrence parfaite. En cas de concurrence imparfaite ou de monopole, cette loi est faussée soit du côté de la demande ou du côté de l’offre, soit de deux côtés à la fois.

Ainsi il arrive parfois que pour des raisons sociales, les autorités locales comme le Gouverneur de province ou le maire de la ville, imposent un prix pour un produit de base (maïs, manioc, pain, . . .) venant à manquer. Ce qui a pour effet de fausser la loi de l’offre et de la demande et d’engendrer automatiquement un marché noir ou parallèle. C’est un marché officieux qui se forme parallèlement au marché officiel.

Ce marché s’explique dans le sens que le prix imposé par les autorités n’est pas le prix correspondant au point de rencontre demande-offre. Les demandeurs insatisfaits à ce prix accepteront de payer plus cher au marché noir bien entendu puisque par hypothèse, le prix officiel imposé n’est pas variable.

 

                      

Par Louis Divin BOP’A MBEKHY, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024