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Résumé

Confrontée à la question de la protection des personnes et aux exigences éthiques par la recherche biomédicale, et les progrès technologiques en génétique, la médecine s’est actuellement vue encadrée en France, par la création du Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE 1983), ainsi que par la loi Huriet relative à la protection des personnes se prêtant à des recherches biomédicales (1988).
Dans le contexte de cette réflexion, il nous aurait été souhaitable, d’orienter les lumières de cette étude, particulièrement sur la RDC, mais, malheureusement, celle-ci n’excelle pas dans les domaines de la bioéthique, de la génétique et des lois protégeant les personnes qui s’y prêtent.
Mots clés : rapprochement, bioéthique, droits de l’homme, finalité de l’étude.
Reçu le : 3 juin 2023.
Accepté le : 27 juin 2023.

Summary

Confronted with the issue of personal protection and the ethical requirements of biomedical research and technological advances in genetics, medicine in France is currently governed by the creation of the Comité Consultatif National d'Ethique (CCNE) for the life and health sciences (CCNE 1983), as well as by the Huriet law on the protection of persons undergoing biomedical research (1988).
In the context of this reflection, it would have been desirable for us to direct the lights of this study, particularly on the DRC, but, unfortunately, this country does not excel in the fields of bioethics, genetics and laws protecting the people who lend themselves to them.

Key words: reconciliation, bioethics, human rights, purpose of study.
Received : June 3th, 2023.
Accepted : June 27th, 2023.

Introduction

Depuis des temps immémoriaux, l’éthique est quasiment devenue l’arbitre de toute activité médicale, avec un cadre législatif et normatif. L’un des résultats ostentatoires de cette entreprise a été le décroissement du paternalisme de l’acte médical, et l’égalité des rôles dans la relation médecin-patient, avec un passage en force du monologue accru au dialogue fécond. Il s’ensuit que le patient est devenu une personne consciente de son autonomie et de sa responsabilité, dans toutes les prises des décisions concernant le traitement de sa maladie.
A ce sujet, les lois française et belge de 2002 s’appliquant aux droits des malades et à la qualité du système de santé, ont remis en question le paternalisme médical au point qu’elles considèrent dorénavant le patient comme l’acteur principal de sa propre santé.
Ces lois ont donc instauré le dialogue en lieu et place du monologue mais aussi, jeté les bases d’une démocratie sanitaire qui, malheureusement, est contestée par les professionnels de santé et par les psychologues(1).
Somme toute, le souci de l’éthique en médecine n’a pas captivé les psychologues dont certains s’étonnent de leur retard, alors que la psychologie et l’éthique devraient être considérées comme consubstancielles, (Minéchel, 2000). D’autres soulignent la réticence des psychologues envers les questions éthiques écartées, comme sans objet, ou simplement vécues comme une mise en cause soupçonneuse de leurs pratiques (Bourgignon, 2003).

1. LA BATAILLE DE TEXTES
1.1. Contexte

La bioéthique et les droits de l’homme sont interdisciplinaires. Ils sont comme l’ombre et la personne. Leur but commun est d’assurer le respect de la dignité humaine.
Dans ses principes proclamés et consacrés, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme proclame la liberté des peuples (art. 1) ; la non-discrimination (art. 2) ; le droit à la vie (art. 3) ; l’interdiction des traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 5) ; le droit à la santé (art. 25) ; le droit de bénéficier des progrès de la science (art. 27). La pérennité de ces principes provient de leur aspect universaliste et de leur vocation à s’adapter à tous les Etats et à chaque période (époque).
Les droits de l’homme visent singulièrement chaque être humain en ce que celui-ci appartient à l’humanité, à l’exclusion de toute autre condition. La bioéthique quant à elle, étudie les implications de recherches et les pratiques biomédicales sur le vivant. Elle cherche des solutions aux problèmes qui naissent de l’évolution des sciences et techniques biomédicales dans le cadre du strict respect de l’être humain et de sa dignité.
La transversalité des droits de l’homme a induit dans les années 1970, la création d’un cadre de réflexion interdisciplinaire, dédié à l’examen des questions d’ordre éthique que soulèvent les pratiques biomédicales, notamment l’application des nouvelles biotechnologies qui impliquent uniquement une manipulation du vivant.
Le progrès, engendré, lorsqu’il est un bienfait, prévient les risques que suscitent ces biotechniques, si celles-ci sont uniquement perçues sous l’angle des perspectives scientifiques comme une course au progrès.
En effet, si le droit en matière de biomédecine n’est depuis apparue avec évidence, aujourd’hui, il n’est plus contesté. Le recours à la règle de droit se trouve maintenant légitimé par la nature et l’ampleur des enjeux au regard desquels la norme adéquate est la norme légale car, soumise au débat démocratique, voté par le parlement, créant ainsi un système de valeur mis en place par la société et autour duquel l’essentiel consiste à empêcher à toute personne de porter atteinte à son semblable ; ce qui justifie l’intervention juridique limitant des abus de l’action de la biotechnologie. Il est donc question pour les règles bioéthiques d’intégrer dans leur dispositif, la protection des droits de la personne humaine, des droits fondamentaux, comme le recommande le Code de Nuremberg relatif au caractère d’appréciation des critères licites ou illicites des expérimentations humaines(2).
Cependant, ce système de valeurs n’est pas figé. Il évolue avec des faits de société. La bioéthique(3) trouve son écho le plus dans la biomédecine et la réflexion dès le commencement de la vie, dans l’inviolabilité du corps humain, dans l’amélioration des conditions de toute personne sans discrimination, dans la liberté des personnes à travers leur consentement à tout traitement médical(4).
Depuis que le Comité Consultatif National d’Ethique et la loi Huriet ont été mis en place, la personne humaine a retrouvé ses lettres de noblesse et ses identités. Elle est au coeur de la bioéthique et des droits de l’homme(5).

1.2. Place des droits fondamentaux en bioéthique

L’importance et la portée des droits fondamentaux dépendent du fondement qu’on voudrait leur reconnaître et de la conception que l’on se fait de la personne.
La notion des droits fondamentaux qui trouve ses origines dans la loi fondamentale allemande de 1949(6), fait aujourd’hui l’objet de controverse doctrinale entre partisans des droits de l’homme et ceux des droits fondamentaux qui, eux, soutiennent l’influence du droit comparé, une notion qui semble être préférée à celle des droits de l’homme, dont le contenu serait moins large(7).
En effet, la notion des droits fondamentaux rendrait mieux compte de la constitutionnalisation des droits contrairement aux droits de l’homme, très centrée sur une conception individualiste. Alors que pour les autres, les droits fondamentaux traduiraient le statut que les droits de l’homme acquièrent lorsqu’ils sont assurés et protégés par le droit positif(8). Mais pour les autres encore, la fondamentalité de tels droits ne dépend pas d’un texte juridique.
Somme toute, ces deux approches doctrinales des droits fondamentaux, expliquent cette opposition. Il s’agit de l’approche formelle et de l’approche substantielle. L’approche formelle se conçoit en fonction de la fondamentalité du droit comme l’écrit I. Mvaka(9), en se référant à la constitutionnalité ou à la conventionnalité, alors que l’approche substantielle est celle des valeurs du corps humain mais aussi de son être. De ce point de vue, elle affiche son indépendance par rapport à la hiérarchie des normes. Sa qualification ne découle pas de sa consécration en droit positif, ni moins encore de la place qu’elle occupe dans la hiérarchie des normes.
L’approche substantielle s’intéresse à une hiérarchie axiologique, c’est-à-dire, la dignité humaine. Dès lors, on comprend pourquoi la valeur substantielle est la valeur fondatrice du système des valeurs en bioéthique et qui s’opposerait à la rectification de l’humanité, soutenue par le principe kantien dont l’essentiel consiste à inviter chacun au regard de l’humanité dans sa personne que dans celui de l’autre(10). Pour Kant, il faut « Agir de telle sorte que tu traites l’humanité tant dans ta personne que dans la personne de l’autre, toujours et en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen »(11).
Ainsi donc, au fond du principe fondateur des droits fondamentaux en bioéthique, on se trouve en présence de deux conceptions contradictoires selon lesquelles, les droits de l’homme sont l’expression des droits subjectifs de l’individu dont le socle est la liberté, et la dignité humaine que Monnier, accuse d’être le symbole de la lutte contre les droits subjectifs(12).

1.3. La personne humaine au coeur de la Bioéthique et les Droits de l’Homme

Qu’est-ce la personne ? A quand le commencement de l’être humain ? – Etymologiquement, le terme « personne » vient du latin « personna » qui signifiait un masque de théâtre. Classiquement la personne est définie comme un individu doué d’intelligence et d’une nature rationnelle. Cependant à la question de savoir à quel moment l’être humain devient une personne entre sa conception et sa naissance, il existe une controverse autour de l’animation de celui-ci. Pour les uns, partisans de l’animation immédiate, la vie de la personne humaine commence dès la conception. Pour les autres, défenseurs de la thèse de l’animation médiate, la personne humaine ne commence que plus tard, au moment où le corps atteint un certain stade de développement(13).
La théorie du développement humain introduit une autre notion, celle de l’acquisition de la personnalité juridique médiate, justifiée par la naissance vivante et viable : la personnalité juridique étant la capacité d’avoir des droits et des obligations. Autrement dit, deux courants dominent les recherches bioéthiques : l’un est utilitariste et se conçoit en deux temps, le conceptus, période de la fécondation (deux semaines : pré-embryon), et l’autre, qui met en évidence l’appartenance à l’espèce humaine et la possession d’un programme génétique inscrit dans le génome et qui fait que l’embryon se distingue de toute autre cellule.
Dans le domaine de la procréation artificielle par contre, tout s’explique en termes des perspectives, lesquelles peuvent orienter les réflexions bioéthiques.

1.3.1. Perspectives scientifiques

Les perspectives scientifiques sont réparties en trois tendances.

1.3.1.1. Tendance génétique

Cette tendance met en évidence la détermination génétique de l’évidence. Elle conçoit le développement embryonnaire comme le déploiement des potentialités d’une personne en devenir et repose sur deux arguments distincts. Le premier est fondé sur l’appartenance à l’espèce ; et le second qui privilégie la thèse de la potentialité liée à l’embryon humain. C’est ce fait qui détermine que l’embryon possède en lui le potentiel de devenir une personne et relève sa protection au rang de celle de la personne.
L’objection qu’on fait à cette thèse est que l’embryon humain subit la nidation dans la première phase de sa vie et de ce fait, n’est pas une personne, un individu. D’ailleurs, Roberto Anderno relève que la notion même d’individu renvoie non pas à l’impossibilité de division, mais à l’idée d’organisation. Selon lui, « l’individu est le corps organisé vivant d’une existence propre et qui ne peut être divisé sans être détruit », il n’existe pas de corps vivant sans âme, comme pour le paraphraser (13).

I.3.1.2. Tendance développementale

Selon cette tendance, le développement embryonnaire est l’une des caractéristiques qui font d’un être humain une personne. Les tenants de cette tendance subordonnent l’acquisition de la personnalité au développement du système nerveux ; le développement qui sera retenu comme condition de la reconnaissance.
Cependant, Pierre Dupont Delestraint(14) déclare que la personnalité juridique, à elle seule, ne suffit pas, il faut attendre que l’individu en question ait la capacité d’exercer des droits et des obligations.
Les partisans de la tendance développementale fixent le seuil dudit développement à l’opposition de la ligne primitive, ébauche du système nerveux dès le 14ème jour après fécondation. Avant cette date, il n’y a qu’un amas de cellules non différenciées. Certains de ces partisans fixent ce seuil en s’appuyant sur la différence entre la période embryonnaire et foetale en prenant en compte la capacité fonctionnelle de l’embryon. Cette différenciation apparaît à la 8ème semaine, moment qui marque la fin de la période embryonnaire, et permet de repérer l’activité du cerveau par un électroencéphalogramme(16).
Quant à ceux qui s’intéressent à la capacité fonctionnelle, la fixation de ce seuil intervient au moment de la manifestation de conscience. Ce moment est fixé par certain,s à la 20ème semaine (c’est le commencement de l’être personnel), où l’être devient capable de sensation, de mémoire. Tandis que les autres par contre, le fixent au moment où l’être humain prend conscience de son existence(17).
On reproche à la thèse développementale l’autoconscience et le fait de mettre en exergue l’acquisition graduelle de la personnalité alors que l’être humain est doué d’unicité et ne peut venir à l’existence de manière graduelle.

1.3.1.3. Tendance relationnelle

La tendance relationnelle accorde une importance décisive aux facteurs relationnels dans l’octroi de la personnalité. Pour ce courant de pensée, ce n’est pas la nature qui fait la personne, mais, son insertion dans la vie interpersonnelle. Mais cette condition n’est pas indispensable.

I.3.2. Perspectives éthiques

Ces perspectives statuent sur le fait de savoir si oui ou non l’embryon humain est membre de la communauté morale. Voici les principales réponses que l’on retrouve dans les littératures bioéthiques :

1.3.2.1. L’embryon humain est une personne et appartient à la communauté morale

Cette réflexion ne prend pas en considération les différentes tendances de la théorie développementale. Elle met en évidence le fait que dès la conception, l’ovule fécondé devient simplement membre à part entière de la communauté morale. C’est de ce point de vue que l’embryon humain est sacré et ne peut, à ce titre, être utilisé à des fins objectales(18).
Cette position éthique condamne aussi bien la recherche expérimentale sur l’embryon que l’avortement. Il y a dans cette théorie éthique des dimensions à la fois religieuse et culturelle considérées comme fondamentales.

1.3.2.2. L’embryon est une chose

Cette posture a été justifiée par les nouvelles techniques de reproduction artificielle, lesquelles reconnaissent que l’embryon in vitro peut être transféré, congelé, stocké et utilisé à des fins de recherche. En effet, le philosophe américain Peter Singer qui a fait recours aux critères de « commencement et de la fin de la vie humain, constate que depuis les années 60, la mort du cerveau (électroencéphalogramme nul) est retenu comme le nouveau critère qui détermine la mort humaine. Selon lui, il faut appliquer le même critère pour définir le commencement de la vie humaine.
Si la vie humaine finit avec la disparition des fonctions cognitives liées à l’organogénèse cérébrale, pour la profession médicale la perte fonctionnelle de la vie dans le corps, extinction d’animation, pourquoi ne pas utiliser le même critère à l’autre extrémité de l’existence ?

1.3.2.3. L’embryon humain est une simple entité biologique

S’il n’est pas investi d’un projet des parents, l’embryon est une simple entité biologique, il est une personne potentielle s’il est investi d’un projet des parents.
Si les parents n’ont pas voulu de cet enfant qui viendrait au monde malgré eux et au sujet duquel ils n’évoquent aucun projet, l’embryon restera une simple entité biologique. Pour cette raison, il peut être utilisé comme matériaux, à des fins d’expérimentation scientifique (un objet expérimental), ou objectal.
Mais, s’il est investi de projet, il accède à un véritable statut moral qui l’élève au rang de personne potentielle et dans ce cas, il mérite protection, laquelle s’accroît au fur et à mesure pour déterminer les caractéristiques attribuables aux personnes.

2. QUEL EST LE STATUT DE L’EMBRYON
2.1. La position américaine

Les tenants américains de l’avortement considèrent que le foetus est une « person hood » (personne en plastique)(19), c’est-à-dire, un être humain qui ne serait pas suffisamment formé pour avoir droit à la protection sociale.
S’agissant de la preuve de l’humanité du foetus, ces derniers estiment que celle-ci a déjà maintes fois été fournie par le progrès scientifique de 1973(20). En effet, cette question du statut du foetus fut d’une telle importance que le 22 janvier 1973, la Cour suprême de justice des Etats-Unis décida d’inscrire dans la Constitution le droit de la femme de décider de son corps en cas d’avortement(21). Pour les groupes opposés à l’avortement, l’Amérique venait ainsi de décider que depuis une génération, un foetus était une nullité morale.
L’administration Clinton avait voté deux fois des lois interdisant le « partiel birth aborption » sans réellement interdire l’avortement. Clinton s’était simplement révolté, horreur oblige, contre une certaine manière cruelle dont les tenants américains d’avortement s’évertuaient à provoquer l’avortement du foetus, même à quelques jours de sa naissance. Réputée cruelle et répugnante, considérée comme la pire des techniques, le partial birth aborption était simplement qualifié d’infanticide. En effet, cette opération consistait, pour les médecins, à retenir les parties du corps jusqu’à ce que la tête du bébé, reste dans les entrailles de la mère, quitte ensuite à pratiquer une incision à la base de la tête du bébé et aspirer le cerveau en retournant le crâne, puis libérer le bébé mort en pièce. Mais cette pratique était condamnée par l’Association médicale américaine qui, sans succès, avait beau la qualifier d’infanticide dont le seul but était de s’assurer que le bébé était mort(22).
Somme toute, il faut reconnaître que la législation américaine a connu et continue à connaître des variations de comportements et d’attitudes relativement à l’avortement, à cause des raisons d’ordre politique et électoraliste. Mais elle est néanmoins demeurée constante à propos de la qualification du statut du foetus humain, considéré comme une chose, dans la mesure où, il peut être fabriqué en laboratoire, ce qui justifie le fait qu’il soit très insuffisamment protégé.
Même le philosophe américain C.S Peirce(23), fondateur du pragmatisme, dans son raisonnement, semble soutenir cette logique, lorsqu’il déclare que tout est question de la foi et de la conviction, qui consiste en une disposition à agir d’une certaine manière, ou d’une certaine habitude de l’action. Il surenchérit que la fonction globale de la pensée est de reproduire des habitudes d’actions, une proposition qui est susceptible d’être considérée comme une maxime de conduite. Ce qui explique selon cette optique, que l’éthique devient enfin, une tentative "a posteriori", de justifier ses convictions et ses habitudes d’action de façon rationnelle. Nous pensons que les questions éthiques doivent être envisagées de bonne foi, sans dogmatisme, en évitant les pièges de la scientologie ou du scientisme, afin de ne pas perdre de vue les dérives néo-libérales qui ne se soucient plus de l’homme.

2.2. Position française

La philosophie du droit sur le foetus qui a prévalu avant le XIXème siècle avait été consacrée autour du principe que c’est le corps humain qui fait la personne. Or, comme l’a écrit J. Carbonnier(18), le corps humain échappe au monde d’objets, au droit des choses, mêmes vivantes. C’est à ce titre que le corps humain revêt un caractère sacré. D’où son inviolabilité, y compris celle du foetus, puisque celui-ci est un corps qui vit et qui aspire à s’accroître, à se préciser et à se déterminer.
L’existence de la vie humaine est conditionnée par des données biologiques dont le droit en dépend. Cependant, le défaut de la présence corporelle comme l’incertitude du droit engendre la perplexité que les juristes n’appréhendent généralement pas. C’est sur la base du principe de l’inviolabilité du corps humain qu’il est interdit même au chirurgien, de procéder à une opération quelle qu’en soit l’utilité, sans consentement préalable du patient. Si le patient est hors d’état de manifester une volonté raisonnable, c’est le consentement de la personne chargée de la représenter qu’il faudra l’obtenir. Il est bien entendu, question d’une libre conséquence éventuelle de l’intervention pratiquée en dehors desdits préalables, l’intervention engagerait la responsabilité civile ou pénale(24) du chirurgien.
Contrairement à la pensée du XIXème siècle, les juristes libéraux de ce siècle ont plus mis l’accent sur l’essence de la personnalité que dans le corps humain. Après le XIXème siècle, une nouvelle notion de la personnalité pose deux préalables pour l’acquisition de la personnalité juridique. Il s’agit de naître vivant, et de naître viable. La naissance vivante suppose que l’enfant né n’est pas mort. Il a de l’air dans ses poumons ; il doit dans les 10 minutes de sa naissance pleurer. La viabilité, quant à elle, réside dans le bon état de fonctionnement de l’ensemble de ses organes : digestif, respiratoire, le cerveau, le toucher et l’odorat(25).
La législation française par exemple se montre réticente dans les recherches du clonage humain, et ce, contrairement à la Scandinavie (2 à 3%), à la G.B. et aux USA où le clonage a pris de l’envol.
La recherche sur l’embryon est également interdit, sauf dérogation pour les études censées ne pas porter atteinte à l’intégrité de l’embryon et autres recherches de nature agressive, c’est-à-dire, celles permettant des progrès thérapeutiques majeurs.
S’agissant des malades, ceux-ci ne sont ni matière brute, ni un champ d’expérimentation à dessein scientifique. Quant à l’embryon, l’avis du Comité consultatif sur l’embryon et le foetus les déclare des personnes humaines potentielles et leur protection s’impose à tous. Cet avis concluait en exhortant les pouvoirs publics à limiter l’utilisation thérapeutique ou scientifique de l’embryon et du foetus humain à des établissements agréés, dotés d’un Comité éthique. La loi Veil a posé un principe sacrosaint en France et autorisé une exception. Elle garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie, entendez la conception, et autorise l’exception que seule la nécessité caractérisée par l’état de détresse ou l’affection incurable, permettent à porter atteinte à ce principe(26).

3. REALISATION DE LA P.M.A.

A l’heure actuelle, les progrès technologiques sont tellement importants en médecine et en biologie génétique qu’il est difficile dans le domaine du droit d’y marquer une indifférence. Les problèmes soulevés par la P.M.A. indiquent clairement que les législations africaines sont en retard alors que les législations en droit comparé ont pris une avancée considérable au point même de verrouiller un nombre considérable de problèmes y découlant.

1. Conditions relatives à la réalisation de la P.M.A.

Il existe deux conditions pour la réalisation de la P.M.A. Celles-ci sont écrites au terme de la loi de la santé publique en France, à savoir, l’article L.2141-1. Il est question d’impliquer une autorisation légale et un consentement à l’assistance médicale à la procréation. L’action doit tendre à remédier à la pathologie médicalement constatée : infertilité ou maladie gravissime dont il faudra en éviter la transmission à l’enfant. Elle vise essentiellement la conception in vitro, le transfert d’embryons ainsi que l’insémination artificielle ou toute autre technique d’effets équivalents.
La P.M.A. est envisagée comme le remède à la stérilité d’un couple et non comme une réponse au désir d’enfants ; ce que certains avaient cru, à tort, pouvoir qualifier de droit à l’enfant. Conséquemment, seul un couple légalement marié a le droit de recourir à la P.M.A. La comparaison parfois faite avec l’adoption à laquelle peut recourir une personne célibataire, manque de pertinence, car dans l’adoption, l’enfant est déjà né et l’adoption peut remédier au défaut de parenté affective. Quant à la qualité que doit posséder le couple demandeur, c’est l’hétérosexualité, ce qui écarte toute demande par un couple homosexuel. Sont également exclues, les familles monoparentales(27).
Le couple doit être légalement marié ou vivre en communauté de vie d’au moins deux ans. Cependant, cette assimilation à l’union libre a pu être critiquée.
L’âge requis pour les membres du couple : aux termes de l’article L 2141-2 alinéa 3 du Code de la Santé publique, les membres du couple doivent être en âge de procréer. Mais il faut éviter des demandes émanant des couples trop âgés. Interdiction de la procréation post-mortem(28).
L’assistance à la procréation médicale vise une demande souvent accrue de la part des couples. Pour ce faire, il est nécessaire que la religion de ceux-ci soit suffisamment éclairée par rapport au consentement à donner.
L’obtention du consentement du couple demandeur par une équipe médicale chargée de la mise en oeuvre de la P.M.A. est un préalable. Le Code de la Santé publique français détermine de manière détaillée les conditions dans lesquelles le couple doit être informé : entretiens, vérifications des motivations du couple, rappel des possibilités offertes par la loi en matière d’adoption et d’avortement sur les chances de succès et des risques d’échec des techniques de la P.M.A. et leur caractère pénible, du délai d’un mois à leur accorder ; le couple doit déclarer par écrit sa demande.
Lorsque la P.M.A. n’est pas possible à l’intérieur du couple, le formalisme devient accru. Les formalités sont différentes en cas du don de gamètes ou d’un don d’embryon.
La demande est authentique, lorsqu’elle est formulée devant le juge ou le notaire, dans des conditions garantissant le secret(29) : information par le juge ou le notaire des conséquences du recours à la P.M.A. avec tiers donneur ; consentement ainsi donné au juge ou au notaire s’ajoutant à celui recueilli par l’équipe médicale.
La loi exige donc les consentements, d’une part du donneur et d’autre part, des membres du couple en France, et en RDC (l’art. 609 du Code de la famille).

3.2. Assistances médicales autorisées par la loi
3.2.1. La procréation assistée endogène

Cette procréation a lieu à l’intérieur du couple (IAC), essentiellement à cause de l’infertilité masculine à procréer naturellement (cas d’oligospermie). Cette forme de procréation ne pose en principe pas de problème de droit particulier. Car elle se réalise avec les semences des membres du couple(30).

3.2.2. La procréation assistée exogène

Dans ce cas, on fera recours à une semence extérieure, lorsque la procréation endogène se révèle non concluante. On recourt alors à un don d’embryon avec un ou deux donneurs. L’échec constitue la condition "sine qua non" pour que la loi autorise la procréation exogène(31).
Dans la P.M.A. avec un donneur, le recours est fait au sperme d’un tiers donneur. Les gamètes sont obtenus gratuitement et le don est anonyme.
Cependant l’anonymat est brisé(31) en cas de nécessité thérapeutique. Dans ce cas, seuls les médecins du donneur et du receveur ont accès aux informations permettant l’identification des donneurs du don.

3.2.3. Les autres techniques

Ce sont la fécondation in vitro, le transfert d’embryon, le clonage, la parthénogénèse et l’ectogénèse.

3.3. Les techniques ou assistances interdites par la loi
3.3.1. La maternité de substitution ou gestation pour autrui

Elle est connue sous la dénomination de « contrat de mère porteuse » ou du "Ventrem locare", ou plus génériquement en France, de gestation pour autrui « GPA ». La maternité de substitution désigne un ensemble de pratiques consistant généralement à obtenir d’une femme, gratuitement ou moyennant rémunération, qu’elle porte un enfant pour une autre, en s’engageant à le confier à la naissance pour permettre au couple receveur de faire établir un lien de filiation(32). Cet enfant est conçu avec ses propres gamètes ou à partir des gamètes du couple receveur.

3.3.2. Le clonage humain

Le clonage désigne principalement deux processus, d’une part, il s’agit de la multiplication naturelle ou artificielle à l’identique d’un être vivant, avec conservation exacte du même génome pour tous les descendants. C’est une forme de multiplication asexuée telle que le bouturage. D’autre part, c’est la multiplication provoquée d’un fragment d’ADN par l’intermédiaire d’un micro-organique(33).

3.3.3. La parthénogenèse

C’est une reproduction sans fécondation (sans mâle), dans une espèce sexuée. Elle est une division à partir d’un gamète femelle non fécondé. C’est un mode de reproduction monoparental comme l’auto-fécondation qui nécessite quant à elle, l’intervention de deux gamètes, mâles et femelles, apportés par le même individu hermaphrodite. Cette technique a été étudiée pour la première fois en 1740 (chez les pucerons) par Charles Bonet, mais il reste qu’elle le soit chez un grand nombre d’espèces animales, réf. universalis.fr, consulté 14/7/2023 à 10h53.

3.3.4. L’ectogénèse

Est la procréation d’un être humain qui permet le développement de l’embryon et du foetus dans un utérus artificiel, assurant les diverses fonctions de l’utérus humain. Ce terme a été inventé par le généticien britannique J.B.S. Haldane en 1923 et repris par Aldous Huxley dans son livre « Le meilleur des mondes » publié en 1932, où il reprend le concept d’ectogènese (34).
L’ectogénèse (du grec ecto qui signifie « hors » et du latin genere « naître ». Elle est la procréation d’un être humain qui permet le développement (grossesse) de l’embryon (embryogénèse humaine) et du foetus dans un utérus artificiel, assurant les diverses fonctions (nutrition, excrétion, etc.) de l’utérus humain.

Conclusion

A cause de multiple réflexions menées par des spécialistes relativement en la matière, l’on ne peut s’empêcher de s’interroger sur le mérite d’une telle réflexion en droit congolais.
En effet, si la plupart de ces réflexions se sont contentées à rapprocher la bioéthique et les droits de l’homme, quant à leurs buts, elles interpellent les consciences sur la dignité de la personne humaine, à savoir qu’est-ce une personne humaine ; quand commence l’humanité qui est en elle ? et de conclure dans une perspective, affirmative que nul n’a le droit de priver une personne de sa dignité, étant donné que celle-ci est une valeur intangible en bioéthique et en droits de l’homme, et, à nous, de nous interroger sur les raisons maintien par certaines décisions de justice, de la peine de mort.
Si, aujourd’hui, en effet, il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’en Occident, la tendance observée est d’éliminer la peine de mort et de dénoncer les violations des droits de l’homme, il n’apparaît pas avec évidence une telle attitude où, la peine capitale, quelle que soit la forme par laquelle elle s’exprime, subsiste : mort par décrépitation, par inanition, par torture, situation cruelle et dégradante, surtout que ces différentes formes visent toutes la mort, une mort douce, polie. En RDC par ailleurs, du point de vue de la bioéthique, une constance se traduit dans le comportement des dirigeants congolais, celui de chanter, mais pas de coeur, l’existence d’un Etat de droit, lequel peut vouloir ironiquement dire, la remise en cause maligne de la dignité humaine.
Actuellement à travers le monde, il s’observe deux types de comportement justifié par la tradition ou non juridique. Il y a des pays de tradition juridique, qui, protègent les conditions humaines de leurs peuples. Il y a aussi des pays d’apprentissage démocratiques des droits de l’homme, stimulant ainsi une profession de foi qui cache mal leur finalité : dictature, intimidation… Tout ce qui les intéresse, c’est l’exercice, la conservation du pouvoir politique au-delà des mandats constitutionnels sans aucun respect de la dignité humaine.
Sur le plan de la bioéthique, l’Occident avance sur deux approches du reste fragiles. Elles considèrent tantôt le respect dû à l’embryon, compte tenu du projet des parents. Tout embryon dont les parents ont recherché et donc voulu la venue, bénéficie de l’humanité. "A contrario", l’embryon qui vient par simple plaisir, par simple hasard, serait une chose, du matériel d’expérimentation. Par ailleurs, l’Africain considère l’embryon comme le commencement de toute vie, sans chercher à connaître les motivations de sa venue de l’Afrique ; il mérite protection, une protection doublée d’une porte ouverte, car, la législation pénale de l’Afrique se prête à l’avortement hygiénique. Ici, l’Afrique prend sa revanche sur le respect des réalités bioéthiques, mais en même temps, se laisse berner. Et de même pour une question substantielle en quoi les droits de l’homme et les règles bioéthiques occidentales et africaines se démarquent-elles ? Philosophiquement et culturellement, ces deux mondes aux réalités quasi-opposées évoluent dans un parallélisme infini. Cette situation risque d’élargir le fossé avec l’éveil africain de la conscience.

 

Par Christophe KOYORONWA GWALO, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024