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PROBLEMATIQUE D’APPROPRIATION DE LA CULTURE DE VISITES DES MUSEES PAR LES KINOIS. DEFIS ET PERSPECTIVES
PROBLEM OF APPROPRIATION OF THE CULTURE OF VISITING MUSEUMS BY THE PEOPLE OF KINSHASA. CHALLENGES AND PERSPECTIVES

Toussaint HOSILA NZEMBA
toussainthosila@gmail.com +243 844050605

Résumé

À observer de près le vécu quotidien des Kinois, il ressort que ceux-ci n’ont pas la culture de visite des musées. Or, le musée s’avère être le lieu présumé de mémoire collective, du renforcement de la cohésion nationale et de l’affirmation de notre identité culturelle.
D’où, il sied de sensibiliser les Kinois à fréquenter le musée, en vue de connaître leur passé, vivre leur présent et projeter leur avenir pour l’émergence de leur ville.

Mots clés : Problématique, appropriation, culture, visite, musées.
Reçu le : 5 janvier 2024
Accepté le : 8 octobre 2024

Summary

By closed observing the daily experience of the Kinshasa people, it appears that they do not have the culture of visiting museums. However, the museum turns out to be the presumed place of collective memory, the strengthening of national cohesion and the affirmation of our cultural identity.
Hence, it is appropriate to raise awareness among Kinshasa residents to visit the museum, with a view to knowing their past, living their present and planning their future for the emergence of their city.

Keys words: problematic, appropriation, culture, visit, museum.
Received: January 5, 2024
Accepted 8, 2024

Introduction

Les musées de la ville de Kinshasa peuvent être appréhendés comme des « éléphants blancs », c’est-à-dire des entreprises étatiques et paraétatiques qui, jadis durant la deuxième République, s’illustraient par des infrastructures géantes, bâties selon les normes appropriées, mais, au fond, ne remplissaient pas pleinement leurs mis-sions.
En effet, que ce soient le Musée d’art contemporain et multimédia, le Musée national de la RD Congo, le Musée universitaire de Kinsha-sa, etc., ils ressemblent à des édifices hantés et évoqués dans les contes de fée où les fréquentations humaines sont moins nombreuses.

Le constat est que les Kinois peuvent facilement fréquenter un stade de football, un dancing club, mais difficilement un musée de la ville, car ces derniers ne manifesteraient aucun intérêt pour les mu-sées. Le constat est d’autant plus amer du fait que même les musées érigés dans l’enceinte des établissements d’enseignement supérieur sont moins fréquentés par les étudiants, ceux-là mêmes censés porter haut l’étendard de notre identité culturelle. Or, le musée est un espace où sont véhiculés les valeurs relatives aux savoirs endogènes, aux tra-ditions, aux coutumes, aux moeurs, aux inventions, aux créations, sus-ceptibles de conscientiser un peuple, voire une communauté pour son épanouissement.
Souvent, lorsqu’on parle du musée devant certaines personnes, il arrive que ces dernières le considèrent comme un espace propice à conserver les vestiges des époques reculées de l’histoire, voire des objets surannés, désuets.

De tout ce qui vient d’être évoqué dessus, il y a lieu de dire que la culture muséale fait défaut à Kinshasa. A cet effet, il s’avère impé-rieux et urgent pour que les gouvernants puissent faire appliquer la politique culturelle relative à la valorisation, la transmission et la pro-motion des musées, afin de faire sortir ce secteur culturel de la léthar-gie qui le mine depuis des décennies.
A tenter d’examiner de fort près notre phénomène sous examen, il ressort qu’il existe des pesanteurs qui, justement, s’opposent à ce que les Kinois puissent s’approprier de la culture de visites des musées. Dans cette optique, il y a lieu d’envisager des acteurs qui entrent en contradiction à cet effet.
S’agissant de la collecte des données de notre étude, nous avons utilisé la technique documentaire, par la lecture des documents ayant trait à cette dernière ; l’interview pour recueillir les opinions des en-quêtés sur notre propos ; l’entretien approfondi, en vue de nous per-mettre de collecter les réactions, les attitudes, les verbatimes, la façon de définir les concepts, les comportements, etc., propres à nos enquê-tés sur l’objet de notre recherche.

Les données collectées de notre enquête ont été appréhendées à la lumière de la méthode dialectique, ayant mis en lumière les opposi-tions et les contradictions autour de la question de l’appropriation de la culture de visites des musées par les Kinois.
Le canevas de notre article comprend trois points. Le premier point est focalisé sur la culture muséale. Le deuxième a trait aux oppositions autour de la question de l’appropriation de la culture muséale par les Kinois. Le troisième point abonde sur les stratégies d’appropriation de la culture de visites de musées par les Kinois.

I. Quid de la culture muséale ?

La culture est un terme polysémique, car sa définition tient lieu de paradigme selon les époques et les milieux. En ce qui regarde notre recherche, nous avons évoqué celle de Robert, M.-A., parce qu’elle répond à la préoccupation du présent volet de ladite recherche, et est ainsi libellée : « La culture est la façon dont vit un groupe d’individus, la façon dont il va, compte tenu de son milieu, répondre aux stimula-tions de l’environnement pour la satisfaction de ses besoins » (Robert, M.-A., 1968 : 18).

Dans le but ultime d’aborder et d’éclaircir la notion de culture mu-séale, il sied également d’analyser le concept de musée, considéré comme « une institution permanente, sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public, et qui fait des re-cherches concernant les témoins matériels de l’homme et de son envi-ronnement, acquiert ceux-là, les conserve, les communique et notam-ment les expose à des fins d’études, d’éducation et de délectation » (ICOM, 1976 : 64).
Le musée, comme bien public, est une composante du patrimoine culturel, considéré comme l’ensemble des biens immobiliers ou mobi-liers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique (Frier, P.-L., 1997 :13).

Cependant, au sujet du patrimoine muséal dans la ville de Kinshasa, pour le rendre performant, il faudrait au préalable connaître les aspirations des Kinois, auxquels sont desti-nés le patrimoine muséal sus évoqué et ce, en abordant sur la pensée selon laquelle « une bonne connaissance du milieu, des coutumes et des hommes servirait à la mise en valeur de notre patrimoine » (Minis-tère de l’Economie et des Finances du Sénégal, 2008 :7).
Vu l’impact qu’a le musée dans les divers secteurs vitaux, notam-ment la politique, l’économie, le social et la culture, il existe une dis-cipline scientifique dénommée « muséologie », qui est une branche particulière de l’anthropologie, ayant ses concepts, ses méthodes et ses techniques, ses théories et son terrain d’application spécifique.

Concernant le concept de « culture muséale », d’après notre enten-dement, qu’il s’agit pour le Kinois, par exemple, d’apprivoiser le mu-sée, de s’approprier de ses valeurs, pour assurer son éducation et son divertissement, pour faire du musée une réalité liée à sa vie quoti-dienne, à l’instar de l’instruction, du travail, la famille, du mariage, la cuisine, la rencontre, etc. Au regard de ce qui précède, le Kinois, pour-rait, au fil du temps, commencer à comprendre le rôle du musée dans sa vie quotidienne, notamment ses fonctions, s’y intéresser et s’évertuer petit à petit à le fréquenter.

II. Contradictions autour de la question relative à l’appropriation de la culture muséale par les Kinois

De prime abord, s’il existe des contradictions ou des oppositions autour de la question précitée, il y a donc lieu d’envisager des acteurs qui en sont auteurs. Concernant la politique culturelle de la RD Con-go, force est de dire avec vigueur, d’après notre constat, qu’elle ne favorise pas le développement des activités muséales. Cela se justifie clairement par le nombre minime des musées érigés à travers l’étendue du pays. D’ailleurs, Kinshasa, la capitale ne possède que quelques musées, à savoir : le Musée national de la RDC, le Musée universitaire de Kinshasa, le Musée d’Art Contemporain et Multimé-dia, et le Musée de la Rumba.

Dès lors, « il apparaît évident que toute politique de développement culturel doit s’appuyer sur un partenariat dynamique entre l’État et les populations locales » (Awa Ndiaye, 2013 : 25). Dans ce registre, il s’avèrerait utile de s’adonner à la sensibilisation de la population aux visites des musées. Sans cela, la population kinoise risquerait d’accorder très peu d’intérêt à cet effet. C’est ce qui pourrait aussi justifier la non fréquentation des musées par cette dernière.

Notons, cependant, que les intellectuels congolais donnent l’impression de peu s’intéresser aux activités muséales. Cela n’est guère une affirmation gratuite, puisque même vous vous hasardez à poser quelques questions au sujet du musée, il adviendrait que certains manifesteraient un manque des notions préliminaires à ce propos.
Aussi, le nombre réduit des musées dans la ville de Kinshasa, serait un handicap de taille pour les faire connaître à ses habitants.

Même si la population kinoise ne semblerait guère accorder son in-térêt en matière de fréquentation de musée, là où les bas blessent, c’est que même les populations établies aux environs desdits musées, n’étant pas sensibilisées en la matière, feraient en sorte qu’elle fasse fi des musées.
S’agissant des acteurs précités, à savoir : les gouvernants, les élites intellectuelles et la population kinoise dont les actions influent sur l’appropriation de la culture muséale, partant leur fréquentation, tout cela illustre les défis auxquels ladite appropriation est confrontée, et exige des pistes de solutions, en vue de rendre les musées de la ville de Kinshasa accessibles à sa population.

III. Stratégies d’appropriation de la culture de visites des mu-sées par les Kinois

Les stratégies dont il est question dans le présent volet de notre propos consisteraient à rendre les musées viables et, par ricochet, sus-citer l’intérêt des Kinois pour les fréquenter de temps en temps. Dans cette optique, des facteurs devraient être pris en compte pour que cette viabilité des musées soit effective.

III.1. Au niveau des écoles

Initier déjà les élèves aux visites des musées serait souhaitable. Ce-la serait une enculturation qui, à la suite, créerait, pour eux, une habi-tude à cet effet. Même devenus adolescents ou adultes, ladite habitude pourrait se transmettre à leurs enfants et pourquoi pas d’une généra-tion à une autre.
Le mieux serait aussi d’inscrire les musées, ainsi que leurs activités dans les programmes scolaires, dans le but ultime de connaître l’utilité de ces derniers dans le vécu quotidien.

L’organisation des visites guidées ou des journées portes ouvertes aux musées, en faveur des écoles de la ville de Kinshasa, ferait en sorte qu’un nombre élevé d’écoliers commenceraient à accéder au sein des musées. Cela étant, lesdits écoliers seraient édifiés sur l’histoire de la RD Congo, voire de la ville de Kinshasa et ce, à travers les vestiges y exposés. Dès qu’ils comprendraient que les musées sont des lieux de mémoire collective, c’est-à-dire de souvenirs de notre histoire com-mune, alors le goût d’aller de temps à autre visiter le musée pourrait s’accaparer d’eux, pour en faire une habitude.

Par ailleurs, on peut étendre l’exercice des visites guidées aux mu-sées, dans les établissements d’enseignement supérieur, les milieux professionnels, les églises, les associations, etc. Cela serait comme une sorte d’apprentissage pour les Kinois de s’approprier de la culture des visites des musées.

III.2. Au niveau des médias

Les médias peuvent jouer un rôle important dans l’appropriation de la culture de visites des musées par les Kinois et ce, à travers la presse écrite, la presse audio-visuelle et les réseaux sociaux. Pour ce faire, des programmes radiodiffusés et télédiffusés concernant l’appropriation sus évoquée pourraient attirer un grand public et géné-rer son engouement vers les musées. C’est ce qui au fil des années, conduirait à de nouvelles manières d’agir et de se comporter vis-à-vis des musées, notamment une appropriation de la culture muséale par les Kinois et partant, ses fréquentations régulières.

III.3. Au niveau de la création des musées de proximité

Du fait que les musées précités de la ville de Kinshasa se retrouvent en majorité dans la partie Nord de cette dernière, d’où les habitants vivant hors de cette sphère n’auraient pas facilement accès auxdits musées.
Dans cette perspective, la création des musées de proximité serait la bienvenue, dans la mesure où ils pourraient, dans la mesure du pos-sible, faciliter leurs accès aux populations environnantes.

Ainsi, à force de les fréquenter, l’occasion faisant le larron, elles se créeraient une habitude d’aller se ressourcer aux valeurs issues des musées. De cette habitude proviendrait des manières de se comporter face aux musées ; en l’occurrence leur fréquentation. Quoi qu’il en soit, il faudrait que l’accueil des visiteurs soit chaleureux par le per-sonnel du musée chargé à cet effet, que l’animateur culturel dont le rôle est de les renseigner sur les vestiges exposés soit à la hauteur, pour susciter l’intérêt desdits visiteurs aux vestiges, de façon qu’ils reviennent souvent au musée et attirer aussi d’autres personnes.

Sur ce, nous sommes d’avis avec G. Breerette, cité par O. Debary lorsqu’il argue : « Dans un écomusée, il ne s’agit pas de geler un mi-lieu, de parquer des gens et de réduire une population à un rôle de simple figurant folklorique, mais d’obtenir une réelle coopération des habitants » (2002 : 50).
Au final, les perspectives, autrement dit, ce qui pourraient advenir de l’appropriation de la culture de visites des musées par les Kinois, serait que lesdits musées deviendraient des espaces de mémoire col-lective des Kinois, où ils vivraient leur identité culturelle, et aussi leur cohésion communautaire. Tout cela grâce à l’appropriation de la cul-ture de visites des musées.

Conclusion

Parler de musées aux Kinois semblerait être quelque peu étrange vis-à-vis de ces derniers, tant qu’ils y accordent peu d’intérêt. Cepen-dant, les musées peuvent offrir des espaces propices pour leur éduca-tion et leur divertissement.

Notons, cependant, que ce qui fait défaut aux Kinois serait l’absence de la culture muséale qui consisterait à la non fréquentation des musées dont le corollaire serait la non appropriation des valeurs propres aux musées. Cela serait dû à l’action négative des facteurs d’ordre socioculturel. Cependant, l’appropriation de la culture de vi-sites des musées, par les Kinois, à travers les vestiges y exposés, pour-rait les conduire à découvrir et à vivre les traits relatifs à leur identité culturelle, impliquant, par le fait même, la cohésion communautaire, car lorsqu’on se reconnaît être membre d’une même collectivité, alors la cohésion pourrait être effective.

Bibliographie

- BREERETTE G., cité par Debary O., La fin du creusot ou l’art d’accorder les restes, Comité des travaux historiques et scienti-fiques, 2002.
- FRIER, P.-L., 1997, Droit du patrimoine culturel, Paris, PUF.
- ICOM, 1976, Statuts et code de Déontologie professionnelle, Paris, Maison de l’Unesco
- Ministère de l’Économie et des Finances du Sénégal, Document d’appui au projet « Promouvoir les initiatives et les industries cul-turelles au Sénégal », 2008.
- NDIAYE Awa, Valorisation du patrimoine culturel immatériel au Sénégal : Proposition d’un projet d’écomusée à Fatick, Mémoire de Master en développement, université Senghor, 23 avril 2013.
- ROBERT, M.-A., 1968, Introduction à l’anthropologie sociale, Paris, Vie ouverte.

Par Toussaint HOSILA NZEMBA, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024