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ANALYSE SOCIO-ECONOMIQUE DE MICROCREDIT A LA COOPECAM A MWEKA
SOCIO-ECONOMIC ANALYSIS OF MICROCREDIT AT COOPECAM IN MWEKA

Prosper KOPANGANA MIKUEPY  &
Louis Divin BOP’A MBEKHY 

Contacts : kopanprosper@gmail.com (+243) 995772777 &
louisdivin@gmail.com (+243) 814785756

Résume

Les paysans du territoire de Mweka disposent un peu de moyens finan-ciers issus de ventes des produits agropastoraux et artistiques, qu’ils peuvent mettre ensemble pour s’entraider à travers les petits crédits et connaître des progrès. Il suffit d’un peu de confiance mutuelle dans la solidarité financière, cela est possible. La coopérative d’épargne et de crédits autogérée de Mweka « COOPECAM », qui est porteuse d’espoir, se fait toujours sentir. Le pré-sent article porte une double évaluation ; sur les facteurs qui freinent son épanouissement, puis sur sa spécificité ou apport singulier dans le milieu. C’est dans la perspective d’y apporter des innovations, afin de booster le développement économique endogène du territoire de Mweka.

Mots clés : Analyse du crédit, Coopecam, solidarité financière, développe-ment économique endogène, territoire de Mweka.
Reçu le : 25 juillet 2023
Accepté le : 12 décembre 2024

Summary

The farmers of the Mweka territory have some financial resources from sales of agropastoral and artistic products, which they can put together to help each other through small loans and make progress. All it takes is a little mutual trust in financial solidarity, this is possible. The self-managed sa-vings and credit cooperative of Mweka “COOPECAM”, which brings hope, is still felt. This article carries a double assessment; on the factors that slow down its development, then on its specificity or unique contribution to the environment. It is with the perspective of bringing innovations, in order to boost the endogenous economic development of the Mweka territory.

Keywords: Credit analysis, Coopecam, financial solidarity, endogenous economic development, Mweka territory.
Received : July 25, 2023
Accepted : December 12, 2024

Introduction

Notre étude s’est effectuée en 2022 dans le Territoire de Mweka, sur une superficie de 20.115 km², au coeur de la Province du Kasaï, en R.D. Congo. Ce Territoire des Bakuba à vocation agro-artistique et à faible revenu par habitant, possède une seule institution financière, la caisse d’épargne du Congo, CADECO en sigle. Celle-ci faut-il le re-marquer, ne sait pas répondre aux besoins de tout le monde qui aspire aux crédits, suite à ses difficultés de fonctionnement et de finance-ment.
Dans le monde actuel, l’on ne peut vivre ni réaliser des affaires quand on n’a pas épargné et quand on n’a pas accès aux crédits ou services financiers ; l’accès aux services financiers étant l’un des ob-jectifs pour le développement. Il est bien évident que s’il faut épar-gner, il faut qu’il y ait des institutions financières comme les banques, les caisses d’épargne et des crédits, les coopératives ou encore les ins-titutions de micro finance (IMF).

La pauvreté est l’une des préoccupations des hommes depuis les temps antiques. Sa réduction fait l’objet des discussions depuis la nuit des temps et son expérience, mobilise toutes les cultures et toutes les communautés humaines. Nulle société ne peut jouir de la prospérité et de bonheur si un grand nombre de sa population vit dans la précarité et la misère.
Dans le Territoire de Mweka, les institutions financières sont quasi inexistantes et la CADECO qui est là offre ses services à très cher, ne permettant pas aux pauvres paysans de pouvoir y accéder, compte tenu de leurs revenus trop faibles. Ceci est un frein au développement de notre pays, et même de ce territoire ; parce que pour se développer, il faut détenir le crédit, réaliser son rêve et rembourser à échéance donnée à un taux d’intérêt relativement faible.

L’initiative de COOPECAM comme réponse à cette situation est bonne et porteuse. Malgré les petits crédits déjà accordés, la demande est grande, la majorité des paysans n’est pas servie faute de liquidité, et les appels viennent de partout à travers le territoire de Mweka.
Selon le professeur ordinaire Marcel BWAMA, la recherche peut aussi être considérée comme une investigation critique et exhaustive poursuivie par un spécialiste sur un sujet bien déterminé aux frontières du savoir pour le vérifier, le corriger ou le compléter à la lumière des principes fondamentaux (Bwama M., 2018) (1).
Ainsi, nous avons choisi les méthodes qui répondent mieux à notre recherche : la méthode analytique et la méthode statistique. Puis, comme chercheurs-économistes, nous avons emprunté les techniques efficaces pour nos investigations, qui sont : l’observation participante, l’approche documentaire et l’interview.

1. Les coopératives

De tous les temps dans la vie de l’homme, il existe des formes d’actions-coopératives et surtout chaque fois que les hommes se re-groupaient volontairement pour s’entraider, ils constituaient en fait des types simples de coopératives.
En fait une coopérative, c’est l’union de toutes les personnes qui, isolement, seraient faibles, impuissantes, exposées à toutes les domi-nations et toutes les humiliations mais qui, solidairement associées, forment une force irrésistible, capable de se tirer de n’importe quelle situation, c’est surtout une association libre des personnes possédant une entreprise économique qu’elles dirigent et contrôlent démocratiquement à leur service ainsi qu’au service de la population (Bilowa D., 1997 :7)(2).
Le père CAUWE définit la coopérative comme une association de personnes à égalité des droits fondamentaux pour promouvoir leurs intérêts communs sans perdre de vue l’intérêt général dans une entre-prise qu’elles dirigent elles-mêmes. (Cauwe, 1997 :7)(3)

1.1. Aperçu historique

Au début de l’ère chrétienne, les esséniens, membres d’une secte juive mettaient entre autres, leurs économies ensemble (Segond L., 1910 :1060)(4). Au moyen-âge, les fruitiers de jura en Suisse étaient une forme de coopérative laitière. En Angleterre et en France, il exis-tait des pâturages communaux, et en Russie, certains villages vivaient déjà de façon communautaire et la population étaient des formes des coopératives qui ont persisté jusqu’à ce jour (Dij, 2000) (5).

En R.D.C., la coopérative ne se présente pas comme une nouveauté qui n’aurait jamais existé auparavant, ou moins encore une émanation étrangère. C’est d’ailleurs le comportement humain que l’on trouve à tous les âges où que nous nous trouvons dans ce vaste pays aux cen-tuple coutumes différentes.
La tontine appelée vulgairement likelemba par les lingalaphones, et dinkidimba par les Lubaphones, n’est autre qu’une coopérative d’épargne et de crédit dans laquelle les membres se sont engagés à payer à tour de rôle un montant égal à leurs avoirs. Lorsque chacun des membres associés aura reçu à son tour les versements de tous les autres, le dinkidimba sera dissout ou pourrait éventuellement recom-mencer. Le but de cette coopérative est de procurer à chacun des membres en une fois une somme suffisante qu’il puisse acheter ce qu’il convoite ou désire.

Eu égard à ce qui précède, toutes ces coopératives adaptées aux be-soins d’un milieu humain déterminé et a une époque donnée, ne sont pas encore réellement des coopératives telles que nous voulons en parler dans cet article. Elles prouvent et démontrent à suffisance que la notion n’est pas étrangère dans ce pays.
Ces coopératives doivent évoluer vers les structures socio-économiques nouvelles, et sont appelées également à assimiler une technique plus poussée du monde moderne de possession et de gestion en commun ; d’où la nécessité de les structurer et les adapter aux structures nouvelles, viables et fiables avec des outils de gestion per-formants, comme la COOPECAM sous étude.

1.2. Types de coopérative

Actuellement, les populations pauvres, particulièrement les pay-sans, se regroupent et créent des coopératives pour s’entraider, il existe plusieurs types de coopératives. Nous nous contenterons ici d’en citer quelques-unes ; coopératives d’épargne et des crédits, coo-pératives de production, coopératives de commercialisation, coopéra-tives de consommation, coopératives de services, coopératives de transport, etc.
- Les Coopératives de Crédits : Ce sont les coopératives qui ont pour rôle de collecter et de gérer les économies de leurs membres ; cet argent peut rapporter des intérêts dans une banque, et l’on peut aussi faire des prêts aux membres.
- Les coopératives de production : Elles visent à faciliter l’activité de production de leurs membres en mettant à la disposi-tion de chacun d’eux un ou plusieurs facteurs de production au moindre coût.
- Les coopératives de commercialisation : sont des coopératives qui permettent à leurs membres d’obtenir de meilleurs prix pour leurs produits avec seulement un effort d’organisation de la col-lecte du stockage, du transport.
- Les coopératives de consommation : Il s’agit des coopératives qui permettent aux membres de s’approvisionner à des prix rai-sonnables et donc de dépenser moins d’argent, ainsi, elles peuvent épargner plus.

En effet, elles réalisent, explique le Togolais Amedegnato Apeli, la promotion humaine puisqu’elles ont un rôle d’organiser les hommes, afin qu’ils puissent mettre en commun leurs pauvres économies et les utiliser pour vaincre les faiblesses économiques par des prêts réci-proques. Leur immense avantage est de pouvoir ménager les transi-tions et valoriser le passage d’un type d’économie à un autre, en évi-tant la désintégration sociale (Haim Beniamini, 1983 :17)(6).

2. La coopérative d’épargne et de crédits autogérée de Mweka, COOPECAM en sigle
2.1. Origine de l’idée

INADES formation Congo, en sigle IFCO, antenne du Kasaï, est une institution qui assure l’accompagnement des organisations pay-sannes de développement dans le grand Kasaï. Dans sa mission de former et accompagner le réseau paysan pour le développement du-rable, ‘’REPADD’’ en sigle, on a pu constater ce qui suit :
- Les paysannes et paysans ont des difficultés pour financer leurs activités ;
- Il n’y a pas de banques dans le territoire de Mweka, pouvant oc-troyer des crédits aux paysans, et même si elles pouvaient exister, leurs conditions ne seraient pas accessibles aux paysans ;
- Il existe d’autres institutions de micro finance telles que les COOPEC, FINCA, . . . qui pour la plupart des cas, se limitent seulement en ville, sans s’intéresser aux villages ;
- La CADECO qui existe dans le milieu est presqu’en faillite et inopérationnelle ;
- Les paysans rédigent des projets qui ne trouvent pas des réponses favorables ;
- La solidarité financière des paysans diminue et cède place au phénomène « banque Lambert » ;
- Ils ne sont pas capables de se prêter de l’argent même entre eux, faute de moyens financiers insuffisants ou même par mauvaise volonté (Repadd, 2015)(7).

Cette situation ne permet pas aux paysans de mieux travailler, de diversifier leurs activités où d’améliorer leurs conditions de vie. C’est un blocage certain, cela a donné lieu à des réflexions au niveau du réseau paysan a travers le Territoire de Mweka. Une grande question a été soulevée : « Que pouvons-nous faire, tout en préservant notre phi-losophie d’autopromotion ? »

De cette réflexion est sortie l’idée de doter le centre de Mweka, d’une structure d’épargne et de crédits autogérée. Elle sera une tontine (Dinkidimba) moderne qui doit avoir un acte juridique, des textes de base, une comptabilité bien tenue, de techniques d’épargne et crédit à la mode, susceptibles d’attirer les bailleurs de fonds. Chose dite, chose faite, les membres des tontines (mankidimba) changèrent de position, et on a vu naître quelques années après, une structure baptisée coopé-rative d’épargne et de crédits autogérée de Mweka, COOPECAM en sigle. C’est une affaire des paysans, par les paysans et pour les pay-sans.

2.2. Son aperçu

La Coopérative d’épargne et de crédits autogérée de Mweka, est un véritable instrument de solidarité financière qui oeuvre pour la mobili-sation des ressources des paysans, par les paysans et pour les paysans. C’est aussi un instrument de financement endogène et communautaire au service de développement collectif et individuel sur l’ensemble du Territoire de Mweka, avec son siège social dans la belle cité de Mweka.

C’est surtout une expérience de passage d’une banque des riches à une banque des pauvres, des bâtiments luxueux de grande ville aux cases du village, d’un raisonnement purement économique à un rai-sonnement plus social. Par ces mots, nous voulons préciser que nombreux des paysans de Mweka qui se rendaient en villes pour chercher des crédits dans les banques aux bâtiments luxueux n’en ont pas trou-vé à cause des critères favorables seulement aux riches, comme il y a un principe qui dit que la banque ne prête qu’aux riches ! Maintenant, ils ont préféré quitter les banques des riches, pour retourner au village avec la COOPECAM comme banque des pauvres. Et là, ce raisonne-ment n’est pas du tout économique, mais c’est plus social.
La COOPECAM a comme objectif général, d’être une structure paysanne destinée à faciliter à ses membres, l’accès au crédit et à fa-voriser l’épargne locale, la solidarité et l’entraide mutuelle. De ce fait, elle est l’outil financier de développement et de lutte contre la pauvre-té pour promouvoir les activités économiques génératrices de revenu monétaire et encourager l’entreprenariat local (Coopecam, 2017) (8).

2.3. Sa composition

Dotée de textes de base, la COOPECAM est composée des membres d’honneur ou de soutien, des membres effectifs ou de plein droit et aussi des membres usagés ou actifs, dans les trois organes qui sont : l’assemblée générale (AG), le conseil de gestion (COGES) et la commission de contrôle (COCO).

- Les membres actifs ou usagés : ce sont des membres individuels ou les associations se trouvant dans le territoire de Mweka et qui payent seulement leurs droits d’adhésion et ouvrent chacun un compte d’épargne courante.
- Les membres effectifs ou de plein droit : sont des individus et associations de personnes qui habitent ce territoire et qui payent en plus de leur droit d’adhésion au moins une unité de l’épargne solidaire pour l’individu et deux pour l’association. L’unité d’épargne égale à part sociale.
- Les membres parrains ou de soutien : Ce sont des individus et des associations constituées des sympathisants et autres personnes de bonne volonté, habitant ou pas le territoire de Mweka. Ces derniers parrainent les plus démunis pour avoir accès aux crédits, à partir de leurs épargnes pistons, les épargnes de grandes valeurs.
Ils paient chacun plus d’unités d’épargne solidaire.

N.B. : Tous ces membres se diffèrent ici au niveau des apports, mais ils sont tous égaux à l’assemblée générale au moment de la prise des décisions ; chacun(e) ayant une voix délibérative conformément aux statuts et à la loi portant dispositions applicables aux coopératives d’épargne et de crédit en RDC, précisément à l’article 23 (Journal officiel de la RDC, 2002)(9).

ORGANIGRAMME

Source : Bureau COOPECAM

L’assemblée générale est l’organe suprême de l’institution, elle est organisée une fois l’an. C’est ici que se prennent les grandes décisions et orientations ; tandis que la commission de contrôle est composée des auditeurs qui lui rendent compte. Le conseil de gestion est l’organe permanent qui gère l’institution au quotidien et la représente auprès des tiers.

2.4. Son fonctionnement

Elle collecte l’épargne locale pour la redistribuer sous forme des microcrédits ou crédits de petite valeur, à court terme à ses membres, à savoir : crédit agricole, crédit artistique, crédit micro-entreprise, cré-dit social et crédit commercial.

 Le service d’épargne

Elle donne différentes possibilités à ses membres pour épargner. Il s’agit d’:
- Epargne courante ou à vue : c’est un compte ordinaire que chaque membre peut ouvrir. Les retraits peuvent être faits à tout moment.
- Epargne solidaire ou à terme : C’est un compte bloqué que le membre peut ouvrir et verser son argent pour un délai minimum de six mois. Un intérêt est versé sur l’épargne solidaire et chaque paysan membre développe l’esprit d’investissement à partir des sommes épargnées.
- Epargne de parrainage ou piston : C’et l’épargne de grande valeur faite par le membre parrain avec la vision de développer Mweka. Un intérêt est versé sur cette épargne. C’est la manifestation par excel-lence de la solidarité et c’est cette épargne qui aide réellement la coo-pérative à constituer des fonds substantiels pour accorder beaucoup des crédits aux membres. L’épargne piston apporte plus de ressources à la COOPECAM, non pas pour donner simplement du poisson aux paysans, mais plutôt pour leur apprendre à pêcher.

 Le service de crédit

La COOPECAM met à la disposition des paysans du Territoire de Mweka, les facilités d’accès à toutes formes de microcrédits, notam-ment :
- Crédit agricole : destiné à financer les activités agricoles, d’élevage et de pêche.
- Crédit artistique : crédit réservé exclusivement aux activités à ca-ractère artistique, comme la broderie, la sculpture, la vannerie ou poterie, Mweka étant renommé dans l’art.
- Crédit micro-entreprise : C’est un crédit destiné à la constitution de fonds de roulement pour les petites unités de production dans l’entreprenariat.
- Crédit Social : C’est un crédit destiné à couvrir les besoins so-ciaux et de consommation courante (période de soudure, santé, scolarité des enfants, mariage, décès, …). Toujours avec le crédit social, les paysans peuvent s’épanouir dans leurs villages et envi-sager de construire des infrastructures à caractère communautaire comme les écoles, les dispensaires, les routes, etc.
- Crédit commercial : populaires dans toutes les banques et coopé-ratives, il est destiné seulement aux activités commerciales ou à but lucratif.

Ces crédits peuvent être visualisés sur un graphique à diagramme en bâtons, où l’on représente en abscisse les pourcentages des crédits accordés et en ordonnée, les espèces des crédits octroyés.

Schémas des flux financiers de la COOPECAM

Source : notre conception.

3. Analyse de crédit

En pratique, la COOPECAM est une institution de micro finance à deux opérations principales, qui sont : l’épargne et le crédit. Quant à l’épargne, elle ne pose pas du tout de problème, parce que tous les épargnants se disent satisfaits à chaque demande de retrait. On y af-fecte toute souplesse pour ne pas indisposer les clients qui sont en même temps décideurs parce que membres au départ.Pour ce qui nous concerne ici, c’est du côté crédit qu’il y a à faire et c’est ainsi que nous allons nous y atteler pour passer l’essentiel de notre analyse, et enfin, proposer des pistes de solution. Tout le monde aujourd’hui a besoin de crédit à Mweka. Le crédit est une sorte d’épargne anticipée, il peut permettre un gain de temps considérable pour tout paysan désireux d’augmenter sa production.

Une opération de crédit est un échange dans le temps par lequel une personne cède volontairement à une autre la disposition d’un bien, moyennant une contre-prestation future (Jacques Simon, 28)(10).
Mais le crédit ne peut pas se créer à partir de rien, il ne peut exister sans épargne ; c’est l’épargne qui constitue la source de crédit. On peut considérer tout crédit comme une sorte d’épargne qui sera effec-tivement réalisée plus tard mais le crédit de toute façon est une épargne réalisable au préalable qu’il faudra bien gérer.

 Gestion de crédit

En pratique, la COOPECAM octroie des petits crédits à ses membres en qui elle a confiance. Cette notion de confiance implique celle de risque, risque pour le prêteur de ne pas être payé à l’échéance, et pour cela, ce dernier est appelé à diviser les risques, c’est-à-dire :
- Eviter de prêter un montant trop élevé à un seul client ou dans une seule branche d’activité ;
- Prêter des petites sommes à un grand nombre de clients ;
- Maintenir des contacts permanents avec ses clients, pour être au courant de leurs projets, c’est à dire, de ce qu’ils font avec l’argent emprunté.

A la COOPECAM, il n’y a que le crédit personnel, parce qu’aucun bien ne garantit le droit du préteur. Tous les crédits octroyés jusque-là sont à court terme et aussi privés. On parle de crédit privé lorsque l’emprunteur est un particulier, qu’il soit seul ou en association. Et à court terme du fait que généralement dans cette institution le crédit a une durée inférieure ou égale à un an.
La COOPECAM met à la disposition des paysans et paysannes vi-vant dans son rayon d’action, les facilités d’accès à toutes formes des petits crédits qui sont mentionnés au point 3.4. là où nous parlons de service de crédit.

A) Conditions d’accès au crédit-COOPECAM

Pour qu’un membre accède au crédit, il doit remplir les conditions suivantes :
1) Être membre et posséder sa carte de membre ;
2) Payer les frais d’ouverture de dossier de demande de crédit ;
3) Accepter de payer le taux d’intérêt en vigueur ;
4) Avoir dans son propre compte au moins la moitié du montant deman-dé ;
5) Être de bonne moralité ;
6) n’avoir pas été condamné en justice pour escroquerie, ou infraction semblable ou faux en écriture.

Les deux derniers critères semblent être négligés et cette négli-gence a des conséquences sur le remboursement de crédit.
Les conditions d’accès au crédit-COOPECAM sont bonnes, mais pour éviter toute mauvaise surprise dans la gestion de crédit, nous recommandons l’ajout de l’application des articles 3 et 6 de l’instruction aux établissements de crédit et aux institutions de micro finance n° 40 relative à la publication des conditions de banque, de la part de Banque centrale du Congo du 03 Janvier 2019. Ici, même la BCC voudrait que les conditions applicables à la clientèle soient affi-chées clairement et aussi en langue locale et même oralement pour les clients/membres analphabètes (Banque Centrale du Congo, 2019)(11).

B) Dossier de demande de crédit.

Dans cette institution, on entend par dossier de demande de crédit, une farde chemise qui contient les éléments ci-dessous :
- Formulaire de demande de crédit ;
- Photocopie de carte de membre ;
- Acte de reconnaissance de dette.

C) Mode de remboursement de crédit

Le remboursement de crédit se fait par mensualités pour le net à payer (crédit + intérêts).
L’intérêt est un revenu ; c’est la rémunération, du service qu’un prêteur rend à un emprunteur. Cette rémunération versée par le débi-teur (celui qui a une dette envers son créancier) représente un pourcen-tage du capital prêté appelé taux d’intérêt. Le taux d’intérêt est une notion économique fondamentale (Capul J.Y. Et Gabnier O., 2015 :261)(12).

Pour le calcul des intérêts, les deux méthodes reconnues partout dans le monde des financiers, sont d’application à la COOPECAM.
La première est la méthode des intérêts simples. A la fin de chaque mois, les intérêts sont calculés sur le prêt initial seule-ment. Si c représente le capital prêté ou placé, t le taux d’intérêt et d la durée du prêt, on calcule l’intérêt I selon la formule sui-vante :

(Ziadi M.-F., 2017)(13)

Et la méthode des intérêts composés lorsque le prêt ou le place-ment est fait à intérêts composés, on ajoute à la fin de chaque mois, l’intérêt simple du mois au capital. A la fin du mois, l’intérêt est alors calculé sur le prêt augmenté d’intérêt simple du mois précédent. Ainsi, la formule devient :

Les différents taux d’intérêts en vigueur à la COOPECAM peuvent être représentés dans le tableau inclusif suivant, et ce sont là, les taux les plus faibles appréciés par les membres. Ce tableau donne aussi les volumes des crédits accordés, en pourcentages et en francs congolais.

Source : Bureau COOPECAM

Nous avons fait un bon constat sur le remboursement des crédits, qui ne se fait qu’à la caisse de COOPECAM, l’unique d’ailleurs et moyennant les outils ci-après qui constituent les preuves de paiement :
1) Bordereau de versement (dont l’original est remis au débiteur)
2) Fiche individuelle de crédit (partie remboursement)
3) Livret d’épargne et de crédit (partie remboursement).

D) Les Pénalités

En cas de retard de remboursement de crédit, les pénalités sui-vantes sont appliquées, et c’est selon règlement intérieur de la coopé-rative.

Source : Bureau COOPECAM
Après notre analyse, il en découle deux grandes opinions utiles qui sont, opinion économique et opinion sociale.

Opinion économique

La COOPECAM, instrument de lutte contre la pauvreté, utile pour l’autopromotion du monde rural manifeste des insuffisances, des irrégularités dans le vif de son travail qui est le crédit, au risque de com-promettre les objectifs poursuivis.
Tout son travail se fait en deux temps, comme l’indique le schéma des flux financiers dans la page six. L’épargne qui doit d’abord précé-der, puis le crédit qui est un prêt et remboursable avec intérêt quoique faible. Ce travail qui se fait dans la solidarité et confiance mutuelle et, est le fruit de l’autofinancement ; la COOPECAM n’ayant jamais était financée par un partenaire externe.

Quant aux insuffisances, notre investigation nous révèle que c’est avant tout un problème d’organes que d’outils. Les causes de ces in-suffisances ou irrégularités sont à deux niveaux :
- Les causes endogènes, que nous allons traiter ici ;
- Les causes exogènes, qui seront traitées dans la partie réservée à l’opinion sociale.

A) Les Causes endogènes

1) Conseil de gestion (COGES)

Le conseil de gestion est l’organe qui gère les activités de la COOPECAM au quotidien. Il a des relations avec l’extérieur et tient des réunions régulièrement. Néanmoins certaines faiblesses sont à souligner. Il s’agit de :
- Perte de rigueur dans l’exercice des fonctions ;
- Les documents administratifs gardés à domicile ;
- Insuffisance des rapports-synthèses des assemblées générales ;
- Difficulté par rapport à la gestion de l’intérim ;
- Difficulté par rapport à la tenue et le remplissage de certains ou-tils de gestion ou de crédits, parce qu’à la merci de tous au mo-ment des absences de ceux qui sont chargés.

Le COGES est appelé à s’organiser de la manière suivante pour produire les résultats attendus :
- Former les membres sur la gestion de crédit ;
- Formuler la politique de crédit ;
- Amender et compléter les informations du formulaire de de-mande de crédit ;
- Appliquer les décisions de la commission de crédits et ne pas passer outre ;
- Enregistrer les opérations de crédits dans les différents outils concernés.

La commission de sensibilisation a permis une forte adhésion des membres jusqu’à atteindre l’effectif de 137 personnes, elle a égale-ment permis à la coopérative de recouvrer les épargnes auprès de ces membres. Toutefois, les difficultés suivantes y demeurent :
- Absence d’un plan de sensibilisation ;
- Interruption dans la sensibilisation pour les épargnes ;
- Manque de suivi des membres pour le respect des échéances des crédits.

Elle devrait se formuler un plan de sensibilisation comme fil con-ducteur, encourager le respect des échéances de remboursement au-près des membres débiteurs et aussi, sensibiliser ces derniers à la pra-tique de l’épargne d’abord, puis à la demande de crédits ensuite.
La commission de crédits se déploie pour donner des crédits, mais manque chaque fois d’informations sur les membres qui en ont béné-ficié, et en plus, elle n’a pas une politique de crédit.
Pour bien se maintenir et rendre des bons services, elle devrait commencer par inventer cet outil très important et urgent, appelé poli-tique de crédit, puis descendre chaque fois sur terrain pour suivi et renseignement auprès des détenteurs des crédits ; afin de se rendre compte si les motifs des crédits correspondent à leurs usages. Elle fera tout cela en se référant au système de suivi de crédit en RDC.

2) Commission de contrôle (COCO)

Elle fait le suivi des personnes qui ont bénéficiés des crédits, le contrôle de procédure de demande, octroi et remboursement de crédit,
et le mode de prise de décision sur chaque crédit. Mais elle fait tout ce travail sans toutefois faire le P.V. de contrôle.

3) Causes communes à tous les organes et commissions :

- légèreté dans l’application des textes de base et des instruc-tions officielles;
- manque des compétences dans certains membres-officiers ;
- parfois conflit de compétence (empiètements)
Pour éviter les empiètements et toutes ces mauvaises causes au sein de la structure, il convient de déterminer pour chaque organe ou com-mission :
- sa position hiérarchique ;
- les textes et instructions y relatives ;
- les liens entre organes et commissions ;
- les compétences pour chaque poste au sein des organes et commissions ;
- les matériels appropriés pour chaque poste par organe et com-mission.

Opinion sociale

A ce point, nous voulons parler de la place et impact de la COOPECAM dans la société. En d’autres termes, il s’agit de causes exogènes, des forces et faiblesses, pour aboutir à une conclusion ob-jective et salvatrice de notre structure.

A) Les causes exogènes

Les causes exogènes viennent des forces extérieures, indépendam-ment de la volonté de COOPECAM et constituent un contrepoids pour elle. Nous avons détecté entre autres :
- les manipulations politiciennes ;
- l’instabilité monétaire due à la déstabilisation permanente du taux de change ;
- la rareté des ressources dans le milieu ;
- les secousses des conflits de toutes sortes que connait le terri-toire de Mweka depuis quelques années.

A ce niveau, nous proposons une serie de sensibilisations de membres pour ne plus ceder aux manipulations politiciennes et à l’instabilité monetaire qui est déjà une préoccupation du gouvernement central. La société civile et les médiateurs locaux sont déjà à pieds d’oeuvre pour diminuer sensiblement les conflits et promouvoir une paix durable.

B) Forces et faiblesses

Le tableau ci-dessous servira à une bonne gestion ; pour promou-voir les points forts (forces) et pour conjuguer des efforts afin d’améliorer les points faibles (faiblesses), dans le souci d’avoir une COOPECAM forte et durable.

Quand nous balançons les points forts contre les points faibles, nous osons croire que la COOPECAM est dans le bon, car l’écart est grand en faveur des points forts. Néanmoins, elle est appelée à éliminer les faiblesses dans son fonctionnement ; pour une gestion saine et conforme aux normes en vigueur.

Conclusion

Nous venons de présenter scientifiquement et d’une façon détaillée en analyse de situation des crédits de la coopérative d’épargne et des crédits autogérée de Mweka, COOPECAM en sigle, que nous avons eu à visiter à Mweka, chef-lieu du Territoire de Mweka, dans la Pro-vince du Kasaï, en R.D. Congo.
Nous demeurons convaincus que le travail que fait cette structure est une preuve d’une action d’autopromotion, mais elle se fait avec beaucoup de difficultés sur le plan de la politique générale. Ainsi, pour arriver à résoudre certaines difficultés, notamment celles liées aux crédits, nous pensons que cet article scientifique jouera un rôle primordial si on le considère à juste titre comme outil de gestion de référence ; ce qui apportera un plus dans la culture de la bonne gou-vernance de la COOPECAM.

Néanmoins, les paysans de Mweka ont réussi à mobiliser par eux-mêmes des sommes d’argent, pour s’octroyer des petits crédits en vue de financer leurs propres activités. C’est donc un rêve qui est devenu une réalité. Ce qui montre qu’avec un peu de bonne volonté, on peut faire bien de bonnes choses. Cette initiative est à encourager.
À notre humble avis et selon les résultats de nos enquêtes sur la coopérative d’épargne et de crédit autogérée de Mweka, elle possède bien des spécificités qui font sa force et son honneur dans le territoire de Mweka, et pourquoi pas au Kasaï ! Elles sont à deux niveaux qui sont :

 Niveau social

1) Une structure paysanne de premier ordre ; parce qu’affaire des pay-sans, par les paysans et pour les paysans ;
2) Parfaite démocratie parce que tous les membres sont actionnaires, Co gestionnaires et décideurs en A.G. ;
3) Chaque A.G. respecte le principe d’une voix par membre et par séance en cas de votes ;
4) Finance des initiatives locales qui créent des emplois pour les paysans, facteur qui limite l’exode rural à Mweka et stimule le développement endogène.

 Niveau économique

1. Némergence d’une véritable solidarité financière ;
2. innovation dans le monde de microcrédit par l’existence de crédit so-cial avec un taux d’intérêt très faible ;
3. tous les taux d’intérêts sont faibles et adaptés aux capacités des pay-sans ;
4. autopromotion avec des effets multiplicateurs sur l’autopromotion du monde rural.
Comme mesure conservatoire, nous proposons à la COOPECAM une formation générale et continue de ses membres. La meilleure dans le cas d’espèce, c’est l’andragogie qui nécessite l’échange d’idées, de savoirs et d’expériences, afin de valoriser aussi le savoir paysan de Mweka. Le processus de la vie humaine est tributaire de la formation, de l’information et de la communication. À chaque étape de la vie, à chaque moment et en tout lieu, l’homme doit apprendre à apprendre, à savoir et à connaître (Mbope C., 2008) (14).
Créer une structure financière comme la COOPECAM, sous quelque forme que ce soit, comporte beaucoup de risques. Un crédit ne doit pas être conçu comme un cadeau, le débiteur doit travailler pour arriver à rembourser le crédit contracté auprès de la coopérative. L’argent est une « marchandise » délicate. On ne le gère pas comme le manioc, le maïs ou les objets d’art. Sa gestion obéit à des règles bien précises du jeu économique que chaque responsable d’une institution financière doit connaître et maîtriser. Nous mentionnons ici la règle des « 3 C » (compétence, confiance et contrôle), comme règle d’or pour une bonne gestion de cette coopérative. Ainsi on pourra atteindre les résultats attendus pour cette dernière (Mimpiya L., 1999 :3)(15).

Notes

1. Marcel BWAMA, 2017, Cours de méthodes de recherche en sciences sociales, G2 FASEG, UNIOMK, inédit.
2. Delphine BILOWA, 1997, « Ce qu’il faut savoir sur les coopé-ratives », in Bulletin d’informations, Congo-Agri, Abidjan, p.7.
3. CAUWE, 1997, « Ce qu’il faut savoir sur les coopératives », in Bulletin d’informations, Congo-Agri, Abidjan, p.7.
4. Bible, actes des apôtres, Louis SEGOND, 1910, p.1060.
5. Développement international des jardins, 2000, Cours de forma-tion de la session, programme d’appui à la mobilisation de l’épargne dans la francophonie, Canada, inédit.
6. HAIM BENIAMINI, 1983, Économie de développement, édition Tel-Aviv, Israël, p.17.
7. REPADD, 2015, Rapport d’atelier sur l’autopromotion, Mweka, inédit.
8. COOPECAM, 2017, Statuts, inédit.
9. Journal officiel de la RDC, n° spécial mai 2002, loi n° 002/2002 du 02 Fév. 2002 portant dispositions applicables aux coopéra-tives d’épargne et de crédit.
10. Jacques Simon, Monnaie et crédit, éditions INEP/Continent, Léopoldville, p.28.
11. Banque centrale du Congo, Instruction aux établissements de crédit et aux institutions de micro finance n° 40 relative à la pu-blication des conditions de banques du 03 Janvier 2019.
12. CAPUL J.Y. et GABNIER O., 2015, Dictionnaire d’économie et de sciences sociales, éditions Hatier, Paris, p.261.
13. Mohamed-Fadil ZIADI, 2017, Cours de mathématiques finan-cières, Université Hassan II – Aïn Chack, Faculté des Sciences Juridiques, Économiques et Sociales, inédit.
14. Cosmas MBOPE, 2008, Cours de gestion et organisation de la formation, pré-licence, sciences du travail, ISES/Kananga, iné-dit.
15. Lambert MIMPIYA, 1999, « Lutter contre la pauvreté », in Bul-letin d’informations, Congo-Agri, Abidjan, p.3.

Bibliographie

- BWAMA Marcel, 2017, Cours de méthodes de recherche en sciences sociales, G2 FASEG, UNIOMK, inédit.
- BILOWA Delphine, 1997, « Ce qu’il faut savoir sur les coopé-ratives », in Bulletin d’informations, Congo-Agri, Abidjan.
- CAUWE, 1997, « Ce qu’il faut savoir sur les coopératives », in Bulletin d’informations, Congo-Agri, .
- Bible, actes des apôtres, Louis SEGOND, 1910.
- Développement international des jardins, 2000, Cours de forma-tion de la session, programme d’appui à la mobilisation de l’épargne dans la francophonie, Canada, inédit.
- HAIM BENIAMINI, 1983, Économie de développement, édition Tel-Aviv, Israël.
- REPADD, 2015, Rapport d’atelier sur l’autopromotion, Mweka, inédit.
- COOPECAM, 2017, Statuts, inédit.
- Journal officiel de la RDC, n° spécial mai 2002, loi n° 002/2002 du 02 Fév. 2002 portant dispositions applicables aux coopéra-tives d’épargne et de crédit.
- Jacques Simon, Monnaie et crédit, éditions INEP/Continent, Léopoldville.
- Banque centrale du Congo, Instruction aux établissements de crédit et aux institutions de micro finance n° 40 relative à la pu-blication des conditions de banques du 03 Janvier 2019.
- CAPUL J.Y. et GABNIER O., 2015, Dictionnaire d’économie et de sciences sociales, éditions Hatier, Paris.
- ZIADI Mohamed-Fadil, 2017, Cours de mathématiques finan-cières, Université Hassan II – Aïn Chack, Faculté des Sciences Juridiques, Économiques et Sociales, inédit.
- MBOPE Cosmas, 2008, Cours de gestion et organisation de la formation, pré-licence, sciences du travail, ISES/Kananga, iné-dit.
- MIMPIYA Lambert, 1999, « Lutter contre la pauvreté », in Bul-letin d’informations, Congo-Agri, Abidjan.

 

Par Louis Divin BOP’A MBEKHY, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024