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POLITIQUE DURANT LA PÉRIODE ÉLECTORALE DANS LA CIRCONSCRIPTION D’ILEBO EN 2018
LEXICO-SEMANTIC ANALYSIS OF POLITICAL VOLABULARY DURING THE ELECTORAL PERIOD IN THE ILEBO CON-STITUANCY IN 2018.

Donat NGOYAYA DEPONGO1
donatbepongo@gmail.com

Résumé

L’analyse lexico-sémantique vise essentiellement les vocables utilisés à Ilebo par les candidats aux élections présidentielle, législatives et provin-ciales de 2018. Un répertoire a été relevé et soumis à l’étude. Il est ici ques-tion de scruter les sens que revêt le vocabulaire politique traduisant les réali-tés socio-politiques vécues dans cette circonscription électorale. A cet effet, notre préoccupation consiste à appréhender les significations des vocables répertoriés à travers le langage des hommes politiques impliqués dans le processus électoral.

Mots clés : Vocabulaire politique, lexique politique, vocables, période élec-torale, circonscription électorale, processus électoral.
Reçu le : 2 août 2024
Accepté le : 5 décembre 2024

Abstrat

The lexico-semantic analysis essentially targets the words used in Ilebo by candidates in 2018 presidential, legislative and provincial elections. A directory was collected and submitted to the study. The aim here is to exam-ine the meanings of the political vocabulary reflecting the socio-political realities experienced in this disrtrict. To this end, our concern consists of understanding the meanings of the words listed through the language of the politicians involved in the electoral process.

Key words : Political vocabulary, political lexicon, words, electoral period, electoral district, electoral process.
Received: August 2, 2024
Accepted: December 5, 2024

Introduction

Cette étude s’inscrit dans le contexte de la campagne électorale de décembre 2018 au cours de laquelle la circonscription d’Ilebo consti-tuait un enjeu politique d’une grande importance tant pour la popula-tion que pour les candidats à différents postes. A l’occasion de la campagne électorale, un constat de créativité lexicale s’est dégagé au regard du langage des candidats impliqués dans le processus électo-ral.
Lorsqu’on aborde les questions relatives à la lexicologie et la sé-mantique, on entrevoit un processus qui renvoie au sens des unités lexicales, autrement dit, « le mot ne peut être autre chose qu'une unité sémantique, unité linguistique ». (Charles Bally, 1944 : 338). Cette unité du lexique correspond à l'unité de pensée et l'on comprend que la lexicologie est une science des mots, de leur fonction et de leur relation dans une société.

En effet, l’analyse lexico-sémantique du vocabulaire politique en-registré durant la période électorale dans la circonscription électorale d’Ilebo en 2018 nous intéresse particulièrement dans la mesure où les vocables utilisés ont attiré notre attention et suscité notre curiosité scientifique. Les contextes socio-politique et linguistique dans les-quels ces vocables sont employés constituent un élément primordial à cette étude.
La cité d’Ilebo, anciennement appelée Port Francqui, est située dans le territoire d’Ilebo, Province du Kasaï. Elle est un point de jonc-tion de la voie ferrée et de la voie fluviale. Elle est un centre portuaire. Son importance se traduit à travers deux sociétés publiques : l’ex ONATRA et la SNCC, dont les activités ont attiré une grande masse populaire. Ce mouvement de la population vers Ilebo a provoqué une explosion démographique.
Ilebo est une agglomération multilingue, multiculturelle et hétéro-gène ou l’on observe un brassage de populations. En tant que milieu multilingue, plusieurs langues sont utilisées à Ilebo et attestent la pré-sence d’une population polyglotte et des locuteurs bilingues. La langue française occupe une place de choix et cohabite avec les langues congolaises notamment les quatre langues nationales : le cilu-ba, le kikongo, le lingala et le kiswahili.

1. Problématique de choix du vocabulaire politique

Quels sens les locuteurs donnent-ils aux mots qu’ils utilisent fré-quemment en cette période électorale ? Pourquoi leurs choix portent-ils prioritairement sur tel vocable et non sur tel autre ? D’où la pro-blématique de choix du vocabulaire politique durant la période électo-rale de 2018 mérite d’être posée dans le cadre précis de cet article.
Le langage et les termes que le locuteur utilise expriment non seu-lement sa conscience mais aussi ses aspirations, ses tendances et son idéologie politique. C'est pourquoi le choix des mots et leur usage dans une société donnée attirent l'attention des chercheurs qui s'éver-tuent à comprendre le sens d'un vocable dans un milieu déterminé. Autrement dit, ils cherchent à comprendre une société à travers l'em-ploi fréquent de certains termes.

C'est dans cette optique que nous avons cherché à appréhender les sens des vocables politiques utilisés dans la circonscription électorale d'Ilebo en 2018.
Cette analyse constitue la preuve selon laquelle Ilebo n'a pas été en marge de l'actualité politique caractérisée par les tendances sociopoli-tiques particulières observées tout au long du processus électoral en République démocratique du Congo. L’emploi du vocabulaire poli-tique atteste la prise de conscience du peuple congolais. De ce fait, les futurs leaders politiques devront adopter une politique inclusive indis-pensable à promouvoir le développement d’Ilebo.

Les termes employés par les locuteurs ont été produits dans des cir-constances variées. Ainsi sont-ils intégrés dans un nouveau registre fonctionnant selon les idéologies politiques spécifiques. Ce qui im-plique que la population congolaise, en général, et celle d’Ilebo, en particulier, s’intéressent de plus en plus à la politique quelle que soit leur rang social.

À cet effet, plusieurs termes sont créés en 2018 dans le contexte politique qui singularise certaines provinces et certains territoires voire secteurs de la R.D.C. Les termes retenus sont analysés en pre-nant en compte les énoncés produits pendant leurs différents meetings afin d’en dégager les significations. L’étude de Gabriel Sumaili Ngaye-Lussa (2022) portant sur le vocabulaire colonial belge nous a servi de source d’inspiration et de modèle scientifique afin de réaliser la nôtre. Il a démontré que les unités lexicales résultent d’une intense activité de création, ventilées selon des procédés lexicaux divers et selon des mécanismes sémantiques d’extension et de restriction de sens, par spécialisation ou re-sémantisation débouchant dans plusieurs cas sur la polysémisation des lexies d’origine française et d’autres origines.
Pour constituer le corpus d’où nous avons prélevé l’échantillon des vocables soumis à cette analyse, nous avons recouru aux discours des politiciens, aux déclarations de membres de certains partis politiques, aux messages contenus dans les affiches ainsi qu’aux dires de la popu-lation d’Ilebo.

2. Analyse du vocabulaire politique
2.1. L'homme qu'il faut pour la défense d'Ilebo

Le verbe impersonnel « il faut » a pour infinitif « falloir » qui signifie être obligatoire, être convenable, utile, nécessaire. Et le concept « défense » signifie « moyen mis en oeuvre pour se défendre ». En d'autres termes, c’est une « action de se défendre ». (Larousse illustré 2010 : 295).
L'utilisateur de ce vocabulaire éveille la conscience de la popula-tion d'Ilebo d'élire le candidat qui a la capacité ou la compétence de la représenter fidèlement au parlement pour trouver solution à ses be-soins.

2.2. Force tranquille

Cet énoncé nominal est composé de deux lexèmes : « force » qui signifie « vigueur, habilité » et « tranquille » qui signifie « sans agita-tion, sans inquiétude ». Ce qui revient à dire que, sans agitation, ce candidat a l'habileté de répondre aux préoccupations de ses électeurs. Donc, il est mature en politique et bien positionné par rapport aux autres candidats.

2.3. Leader incontournable

Un leader est un chef d'un parti politique et l’adjectif « incontour-nable » signifie celui qui est constant, qui ne change pas de direction et d'opinion.
Ceci voudrait dire que ce candidat étant le plus influent de son par-ti politique, il est fidèle à l’idéologie politique, en repoussant toutes les séductions.

2.4. Militant de la paix

Cet énoncé nominal est composé de deux lexèmes : « Militant » qui signifie celui qui lutte pour le compte de son parti politique et qui combat pour une idée, une cause noble. Et le mot « paix » qui signifie « situation d'un pays, d'un peuple qui n'est pas en guerre, calme, quié-tude, tranquille, sérénité ». (Larousse 2011 :730).
Ceci pour dire que ce candidat luttera pour que sa population ait du calme, de la quiétude, en vivant sans crainte et sans plainte. Il est qualifié de garant de la paix puisqu'il promet la tranquillité à sa popu-lation, bref, un artisan de paix.

2.5. Votez utile, votez constance, votez consistance

Cette phrase est composée de trois proposition juxtaposées avec la répétition du verbe voter conjugué au présent de l’indicatif. « Votez utile » construction impérative signifie « faire le suffrage qui rend service » ; « votez constance » signifie « voter avec fermeté d'âme, décision, persévérance dans les opinions et « constance » signifie « état solide, résistant, stabilité ». (Larousse, 2010 : 240).
Ce candidat exhorte la population d'Ilebo car, il se propose de lui rendre un bon service en persévérant dans les opinions de la popula-tion afin de répondre à ses besoins. Son idéologie incarne la rigueur dans la manière de travailler, et s'attache à ce qui peut contribuer à l'épanouissement du territoire d'Ilebo, au bien-être de tous.

2.6. Mutwakwidi wenu, Molobeli na bino

Ces lexèmes bilingues en ciluba « Mutwakwidi wenu » et en linga-la « Molobeli na bino » signifient « votre avocat ».
Autrement dit, il est le défenseur et l’intercesseur de la population d'Ilebo et s'arroge le rôle de défenseur du peuple. C'est comme on peut l'interpréter avec Aimé Césaire qui dit : « Ma bouche sera la bouche des malheureux qui n'ont point de bouche ».

2.7. Wetu Mutwakwidi

Cet énoncé est un composé d'un possessif « wetu » (nôtre) déver-batif « Mutwakwidi » du verbe « Kwakula » qui signifie « parler ». Aux dires de la population, l’allusion est faite au candidat qui parlera en sa faveur, une fois élu, et qui sera le défenseur du territoire d'Ilebo.

2.8. L’homme de la paix du territoire d'Ilebo

L'expression « homme de la paix » signifie « personne tranquille ou calme sur l'étendue d'Ilebo » elle exprime ensuite la situation d'un peuple sans guerre, un peuple calme, un peuple paisible.
Dans le cadre de notre étude, ce politicien se veut pacificateur, un homme qui mettra fin à la misère qui caractérise la population d'Ile-bo.

2.9. Militant de l'unité et du social

Cet énoncé nominal français désigne « celui qui lutte pour l’unité et pour l’entente dans la société ». Un militant est un combattant dans le contexte congolais parce qu’il défend les intérêts de son parti poli-tique.
Il s’agit aussi d’un leader politique qui prône l'unité et la cohésion sociale à Ilebo.

2.10. Votez utile pour la reconstruction et la paix de notre ter-ritoire

« Votez utile », c'est choisir un candidat important, soucieux du peuple. L'on ne reconstruit que ce qui est mal construit. Et l'on n'ins-taure la paix que là où règnent la guerre, les troubles.
En effet, le territoire d'Ilebo étant considéré comme un édifice so-cial détruit, ou écroulé sur tous les plans, le producteur de cet énoncé veut le rebâtir en tout et pour tout. Il se veut ambassadeur de la paix pour Ilebo.

2.11. Pour la démocratie et l’Etat de droit

La démocratie est une forme de gouvernement dans laquelle la souveraineté émane du peuple. Et « Etat de droit » signifie « manière d'être de pouvoir ». (Petit Larousse : 302). Il s’agit d’un Etat où les droits de l’homme sont respectés.
Par cet énoncé, le locuteur reconnait l'autorité du peuple dans le choix d'un candidat. Il promet de faire respecter les droits de l'homme dans la mission qui lui sera confiée.

2.12. Ensemble pour le développement

Cette expression française signifie « la réunion ou encore l'unité résultant du concours harmonieux de diverses parties d'un tout, pour le progrès ou l'évolution d'Ilebo ».
En effet, le slogan français renchérit : « Ensemble nous vain-crons !» c'est-à-dire pour vaincre les obstacles de la vie, l'unité s'im-pose. Car dit-on en français : « Un seul doigt ne peut amasser les cail-loux » et un adage belge soutient : « L'union fait la force ». L’auteur de « Terre des hommes » disait : « La grandeur d'un métier est avant tout d'unir les hommes ».
Le locuteur voudrait dire que le progrès n'émane que de l'union, du concours des autres, de l’implication de tous !

2.13. Pour le changement de notre territoire

Le concept « changement » en langue française signifie « trans-formation » ou encore « innovation ». L'auteur de cette expression a constaté l'immobilité territoriale, c'est-à-dire l'état statique, sans mou-vement, ni développement dans lequel se trouve Ilebo. Il promet la transformation d'Ilebo au cas où le pouvoir lui serait accordé par le peuple.

2.14. Une seule devise : Fraternité, Reconstruction et Développement

« Une devise » est une brève formule qui exprime la règle de con-duite de quelqu'un qui suggère son idéal. La fraternité est un lien de parenté entre des frères et soeurs ou encore lien de solidarité et d'ami-tié. Le terme développement signifie la croissance. Le producteur de cette devise évoque sa ligne de conduite en privilégiant la relation fraternelle, la reconstruction et l'essor du territoire d'Ilebo.

2.15. Lutte pour le travail rémunérateur

Cet énoncé « travail rémunérateur » se définit comme étant « un service de salaire ou de la récompense ». Cet énoncé est une ré-plique à la précarité de la situation salariale des fonctionnaires.
Le candidat se présente comme un véritable porte- parole de la po-pulation d'Ilebo. Il luttera contre le chômage et la situation précaire des fonctionnaires de l'Etat sous payés et non payés, au cas où la po-pulation lui faisait confiance en l’élisant.

2.16. Source de bonheur

L’expression source de bonheur signifie « origine de joie ou de ré-jouissance ». Par extension, le « bonheur » désigne encore un « état heureux, une chance ou une circonstance favorable dans la vie ». (Pe-tit Larousse 2011 :125).
Loin d'être exclu, le candidat se dit être à l'origine de la réjouis-sance de la population d’Ilebo. Il mettra fin à ses jérémiades. C'est par lui que ce territoire connaitra le meilleur changement.

2.17. Candidat du peuple, Mukalenga wa Bantu

Candidat de toute la population du territoire d'Ilebo, ce politicien doit dans l'exercice de son pouvoir compter sur le peuple afin de ga-gner la confiance de celui-ci. Il estime que le pouvoir ne provient que du peuple à qui il doit rendre service et non à son autorité morale.

2.18. L’homme, c'est les autres

Dans la conception philosophique bantoue, l'homme n'est fort qu'avec le concours des autres. Le muntu conçoit l'univers comme un tout vivant organique, un réseau de relations vitales, par et pour les-quelles il existe (KASONGO, Y, 2009 : 129).
La portée sémantique de cet énoncé montre que le candidat espère bénéficier du concours du peuple afin de poser des actes progres-sistes.

2.19. Beno pesa mono nzila ya kusadila beno

Cette phrase en kikongo se traduit en français par « frayez-moi le chemin afin de travailler pour vous ». Ce candidat sollicite les voix de la population pour qu'il devienne son serviteur. Il sera le bienfai-teur et sa lutte consistera à rechercher le bien-être de la population d’Ilebo.

2.20. Coin na coin

Cet énoncé bilingue français - lingala signifie « alentours d'un lieu ». Ceci veut dire que la famille politique de ce candidat se trouve dans tous les quatre coins du territoire national. C'est- à- dire que bon nombre de Congolais ont adhéré à cette famille politique, en accep-tant son idéologie.
C'est un appel à la population d'Ilebo de voter pour un tel candidat car il sera le mieux écouté dans l'exercice de son mandat. Son parti politique a la représentativité et les racines dans les différents coins du pays.

2.21. Moto ! Moto ! Moto !

Ce slogan en lingala signifie en français : « feu ! feu ! feu ! ». Le feu qu’évoque ce candidat symbolise son efficacité et son dyna-misme. Il va brûler comme le feu, tout en étant praticien et non théo-ricien. Une fois que le peuple lui accorde ses voix.

2.22. Lisango ya kotela

Cet énoncé lingala signifie « Maïs mûr ». Ceci prouve la maturité politique du candidat, c'est à dire son âge atteste son savoir-faire, son expérience et son expertise. Tous ses projets vont se réaliser. Le can-didat fait promouvoir son image de marque à Ilebo et attirer l’attention des électeurs.

2.23. Mopepe ya sika

Cet énoncé « mopepe ya sika » en lingala désigne le « vent nou-veau ». Cela signifie que la population d'Ilebo va respirer un vent de la paix, de développement et d’épanouissement. Lorsqu'elle choisira ce candidat, ses conditions de vie changeront. Ce candidat sera dépo-sitaire du bien-être, de la joie et de la réjouissance. Il va étouffer le mauvais vent des anciens politiciens qui n'ont pas apporté un chan-gement dans cette circonscription électorale d’Ilebo.

2.24. Pour l'avenir

Cet énoncé nominal français signifie « pour le temps futur, la si-tuation future ». Ce candidat éveille la population d'Ilebo pour préve-nir ce qui arrivera ; en l’invitant à voter pour lui en vue d’une meil-leure vie future.

2.25. Debout Ilebo

Cette expression contient l’adverbe « debout » qui signifie « posi-tion verticale ». Ayant constaté que la population d'Ilebo dort, ce can-didat la réveillera de son sommeil c'est-à-dire l'orientera vers une direction salvatrice contrairement à la mauvaise direction qu'elle voudrait suivre ; cela à la seule condition qu'il soit élu Député.

2.26. Ibond’ la nkepu, Mayi ya sika

Cet énoncé bilingue bushilele - lingala évoque « une boisson su-crée ou une eau limpide ». Il sied de souligner ici que ce candidat vous apporte une nouvelle politique, c'est-à-dire une politique savou-reuse à travers laquelle la population jouira d'une bonne vie et d'un climat serein.

2.27. Pour la modernisation d'Ilebo

Dans cette expression, le mot « modernisation » dérive du verbe « moderniser » qui signifie « rajeunir, rendre plus moderne, donner une forme plus moderne adaptée aux techniques présentes » (Larousse 2011 :653)
Dans cette perspective, le candidat projette de moderniser le terri-toire d’Ilebo au cas où il serait élu, en utilisant les nouvelles techno-logies appropriées.

2.28. Sambu na ntomisa ya Ilebo

Cet énoncé kikongo signifie « pour l'évolution ou le développe-ment d'Ilebo ». Ayant remarqué que le territoire d'Ilebo n'a pas d'évo-lution ou n’est pas développé, le candidat sollicite les voix de la po-pulation afin de le transformer Ilebo sur tous les plans.

2.29. Candidat de la maison

La lexie « maison » signifie « bâtiment, logement où l'on habite ». Ceci voudrait dire que ce candidat, une fois élu, agira en membre de famille, c'est-à-dire, en mettant en oeuvre les aspirations de la popula-tion d'Ilebo, en tant qu'originaire de ce territoire. Il restera toujours fidèle à sa population.

2.30. Promoteur des jeunes

Dans ce syntagme nominal, le terme « promoteur » signifie « per-sonne qui donne la première impulsion à quelque chose ou encore l'initiateur, précurseur » (Larousse 2011 :826). Ce candidat promet à la jeunesse d'Ilebo qu'il contribuera à sa promotion sociale.

2.31. Votre humble serviteur

Le terme « humble » signifie « modeste, réservé, simple ». Et « serviteur » qui désigne la personne qui est au service de quelqu'un, domestique » (Petit Larousse 2011 :936).
Dans son message de campagne électorale, ce candidat implore la population d'Ilebo de voter pour lui car il sera à son service, une fois élu.

2.32. Asunga apona Ekolo te

Cette phrase en lingala signifie « il aide sans tenir compte de tri-bu». Ceci pour dire que ce candidat est impartial et non tribaliste.
Donc, il aidera tout le monde sans tenir compte de la tribu à laquelle il appartient, c’est-à-dire qu’il est un rassembleur.

2.33. Nyoka

La lexie nyoka issue du ciluba signifie « serpent » c'est-à-dire « un ennemi mordant ou encore une personne perfide, celle qui trahit sa foi, sa parole ».
En effet, selon la pensée de ceux qui avaient adhéré à l'U.D.P.S, cette lexie signifie toute personne qui est du PPRD est considérée comme ennemi ou individu mordant et destructeur.

2.34. Deux doigts

Cette expression est composée de lexies « deux » qui signifie : se-cond et « doigts » désigne chacune des parties mobiles qui terminent les mains et les pieds de l'homme.
En d'autres termes, il est un signe d'illumination c'est-à-dire l'inspi-ration du pouvoir, trait de génie ou encore victoire, vérité, un pen-chant idéal de l'U.D.P.S. Tous les candidats de ce parti politique utili-saient ce signe « deux doigts en l’air » pour mieux être identifiés et attirer l’attention des électeurs à Ilebo, c’est-à-dire qu’ils sont vain-queurs avant la bataille politique.

2.35. La lutte contre le chômage

La lutte est définie par le Larousse comme « un combat corps à corps de deux adversaires qui s'efforcent de se terrasser ; une opposi-tion entre deux antagonistes (groupes, individus) où chacun cherche à remporter la victoire. C'est aussi une soutenance pour réussir contre l'adversaire dans le but d'arracher sa quête.

Et le mot « chômage » dérive du verbe chômer qui signifie « ne pas travailler par manque d'emploi ». (Larousse 2011 : 198).
Quant à nous, le terme « chômage » est considéré comme une si-tuation des personnes qui manquent de travail. Le chômage, un fléau décrié dans notre pays. Les candidats députés en ont fait leur préoc-cupation première pour le combattre coûte-que-coûte.
C’est dans cette optique qu’ils promettent à leur population la création des emplois pour un travail rémunérateur. Ils veulent que leur circonscription électorale puisse prospérer en créant des emplois pour enrayer le chômage qui engendre la misère, la pauvreté.

2.36. Originaire / Autochtone

Un originaire désigne un être qui existe depuis l'origine dans un lieu. Autochtone se dit des populations originaires des pays qu'elles habitent (Dictionnaire Universel, 1996-1997).
En effet, depuis le 24 avril 1990, cherchant l'adhésion massive à leurs partis politiques, certains leaders ont brandi ce terme. D'où la naissance du multi- tribalisme. Cela a engendré ou mieux accentué le séparatisme dans notre pays.

2.37. Parvenu

Employé généralement dans le sens péjoratif, ce mot désigne une personne qui, s'étant élevée au-dessus de sa condition première, en a gardé les manières (Dictionnaire Universel, 1996-1997).
Ce lexème désignerait toute personne qui s'ingère dans un domaine dont il ignore les rouages et se donne le courage de juger, de donner des avis.

2.38. Quota

Un quota est un pourcentage reversé à chaque associé lors du par-tage d'un bien commun, tenant compte de l'apport et de l'influence de chacun. Ainsi, le nombre des députés à l'Assemblée nationale est fixé par quota pour chaque circonscription électorale, à la suite d’un vote proportionnel des candidats appartenant à une même famille politique.

2.39. Lavage de cerveaux

Le lavage est l'action de laver. Cependant, dans le contexte actuel, le lavage de cerveaux nous renvoie à l'action psychologique exercée sur un individu aux fins de détruire les structures de sa personnalité et à modifier son comportement et ses opinions (Dictionnaire Universel, 1996- 1997).
Dans le contexte congolais, le lavage de cerveaux consiste à mettre dans les esprits des collaborateurs du pouvoir en place, des idées du parti consistant à mentir, voler, piller, corrompre... C'est en quelque sorte un achat de conscience, une stratégie politique pour attirer un grand nombre d’électeurs au profit du candidat.

2.40. Magouille ou magouillage

C'est une intrigue ou l'ensemble des manoeuvres secrètes pour faire réussir ou échouer une affaire.
C'est l'ensemble des manoeuvres organisées par le pouvoir pour tru-quer les élections, faire échouer la C.N.S. et autres initiatives visant le bonheur de la population.
La magouille était la monnaie courante de la deuxième République.

2.41. Cartel

C'est une union, un accord passé entre des organisations politiques, syndicales, etc. en vue d'une action commune (Dictionnaire Universel, 1996-1997).
Le cartel est à considérer comme un tournoi fermé, un entourage clos qui est exercé par certaines classes politiques. C'est en réalité, tous ces sentiments tribaux, classiques et régionaux qui se sont enraci-nés dans les actions politiques, cela au détriment du nationalisme.
Par ailleurs, le cartélisme est une formation à base limitée, où les aspirations de la majorité sont rejetées voire oubliées. Ce qui nous ramène donc à ce que certains ont désigné par les termes « Beto na Beto» ou « Biso na Biso », expression claire du clanisme et du régio-nalisme. Certains hommes politiques se sont réunis sur base d'affinité tribale, clanique ou régionale.

Conclusion

À l’issue de cette analyse lexico-sémantique, il ressort que la cir-conscription électorale d’Ilebo s’est dotée d’un vocabulaire politique spécifique. La spécificité de ce vocabulaire résulte des enjeux de la campagne électorale observée à Ilebo. Les 40 vocables que nous ve-nons d'analyser et auxquels nous avons donné un sens selon leur con-texte, constituent le vocabulaire politique produit durant la période électorale dans la circonscription d’Ilebo, en 2018. Ces vocables qui proviennent du français et de quelques langues congolaises traduisent les aspirations, les tendances politiques et idéologiques des locuteurs, en majorité les candidats du PPRD et de l’UDPS.
Eu égard à ce qui précède, et partant de l'analyse lexico- séman-tique de ce vocabulaire politique, il sied de souligner que ce dernier peut servir comme moyen en vue de déclencher le changement sur le plan socio-politique. Ainsi, certains vocables ont des significations particulières dictées par les tendances sociales et les circonstances relatives au processus électoral en République démocratique du Con-go.
Donc, le vocabulaire politique produit à Ilebo durant la période électorale est essentiellement caractérisé par une créativité lexicale.

Bibliographie

1. Bailly, Charles, Linguistique générale et linguistique française, Paris, Ernest Leroux (1932), 2ème Edition, 1944.
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Par Donat NGOYAYA DEPONGO, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024