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REPENSER LA COMMUNICATION ENGAGEANTE DANS LA STRATÉGIE DE PRÉVENTION DES DÉVIANCES SOCIALES EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO, VERS UNE ANALYSE DE L’APPROCHE DU GROUPE G 24.
RETHINKING ENGAGING COMMUNICATION IN THE SO-CIAL DEVIATION PREVENTION STRATEGY IN THE DEMOCRATIC REPUBLIC OF CONGO, TOWARDS AN ANAL-YSIS OF THE G24 GROUP'S APPROACH.

Jonathan OMANGELO W’OMANGELO,
Jaimie LUFUTA NGALULA &
Nathalie MUFUTA KEMBO

omangelojonathan@gmail.com +243 818 681 366
jamielufuta@gmail.com - jaimie.ngalula@ucc.ac.cd +243 999 375 876
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Résumé

Faire intervenir les techniques de communication dans une approche transversale d’une stratégie visant à endiguer les anomies sociales, et pro-mouvoir les comportements socialement constructifs demeure un débat au coeur des préoccupations au sein de cercles des chercheurs en sciences so-ciales. Il n’est plus question de se focaliser sur la transmission de l’information ’utile’ visant à créer une rupture avec les anciennes habitudes, La question nous invite aujourd’hui à réfléchir sur les vrais mobiles qui in-fluencent un réel changement des comportements : l’adhésion libre à l’idée, l’engagement individuel ou collectif, la pérennisation des habitudes acquises, etc. À partir d’une expérience pétrie de l’éthos et la veine culturelle des réalités spécifiques à la société congolaise, nous analysons l’approche de l’ONG G-24 qui mène un combat sans merci sur la lutte contre les patholo-gies sociales. La présente réflexion explore les éventuelles possibilités d’une approche holistique idoine ancrée au contexte de la RDC, susceptible d’induire à un réel changement des comportements.

Mots-clés : Communication engageante, stratégie, prévention, déviances sociales.
Reçu le : 14 février 2024
Accepté le : 8 octobre 2024

Abstract

This paper explores the integration of communication strategies into a comprehensive approach to preventing social deviance in the Democratic Republic of Congo. The focus shifts from the transmission of information to understanding the underlying factors that influence behavioral change, such as personal beliefs and social norms. Through a case study of the NGO G-24, we examine the potential for a holistic approach that is culturally rele-vant and effective in promoting positive social change.

Keywords: Engaging communication, strategy, prevention, social deviance.
Received : February 14, 2024
Accepted 8, 2024

Introduction

Changer les comportements des individus a toujours été un sujet au coeur des débats interminables. Les chercheurs en sciences sociales s’interrogent souvent sur le mécanisme à mettre à contribution pour amener les individus à un réel changement de comportements.
Au sein de nos différents milieux de vie (au sein de nos commu-nautés, au sein de la société, etc.), nous assistons de plus en plus à la recrudescence des antivaleurs, des comportements déviants et/ou anomiques. La ville de Kinshasa n’est pas exempte de toutes ces réali-tés, on peut citer : le phénomène KULUNA, les conducteurs automo-biles en état d’ivresse, la corruption, etc. Une recrudescence des cas d’anomies sociales qui invitent les chercheurs en sciences sociales en général et les communicologues en particulier, à réfléchir sur le méca-nisme auquel l’on doit recourir pour les changements des comporte-ments des individus. A travers cette réflexion, l’accent est mis sur la consommation de la drogue bombée, une déviance sociale qui prend de l’ampleur à Kinshasa. Les communicologues veulent contribuer dans la mise en place d’une approche communicationnelle optimale susceptible d’endiguer l’élan de la consommation de cette drogue (Bombé).

Une telle réflexion se situe dans le prolongement des idées soute-nues par la théorie de la communication engageante qui, du reste, ser-vira de principal soubassement épistémologique sur lequel reposera cette recherche. La communication engageante procède par une heu-reuse combinaison des techniques issues de la psychologie sociale, l’argumentation et la communication pour aboutir un réel changement des comportements des individus, cela, au regard des échecs accumu-lés par les anciennes approches utilisées. Nous nous appuyons égale-ment sur la méthode ethnosociologie comme marche procédurale afin, de cerner correctement, l’environnement et les interactions issues des échanges entre nous chercheur d’une part, et les consommateurs de la bombé d’autre part.

1. Contexte de l’étude

Communiquer pour prévenir les comportements déviants au sein d’une société a toujours fait objet de maintes études. La question di-vise les chercheurs. Pour les uns, changer les comportements des indi-vidus exige la transmission de l’information utile au récepteur. Pour ce groupe des chercheurs, l’information pertinente permet à son détenteur d’organiser son comportement et ses actions, en évitant les actes à haut risque. L’information utile est nécessaire, elle aide l’homme à organiser ses actions et à agir de façon responsable différemment d’un ignorant, l’information pertinente amène au changement de compor-tements(1).

D’autre part, on signale la contribution des chercheurs de l’université d’Aix-Marseille qui remettent en cause la capacité de l’usage de l’information pour amener les individus à changer de com-portements.
Pour ce groupe des chercheurs, l’information peut conduire au changement des idées, des croyances, des attitudes mais elle n’est pas suffisante pour amener au changement réel de comportements car, changer les comportements exige un engagement véritable du sujet concerné. Il s’agit d’un changement portant sur les actes préparatoires susceptibles d’amener le sujet à se rappeler de ses engagements et à agir de manière responsable(2).

A travers cette recherche, nous procédons à la vérification des préa-lables liées à la conceptualisation des différentes théories de change-ment des comportements, faisant suite aux réalités spécifiques à la société congolaise. Nous assistons à la multiplication, à la proliféra-tion de pathologies sociales au sein de notre société : (KULUNA, phénomène bombé, prescription des médicaments sans avis de méde-cin, conduire à l’état d’ivresse, etc.).

Autant les comportements déviants qui exigent l’usage de la com-munication pour amener au changement des comportements, les lois et les mesures restrictives paraissent inefficaces pour stopper ces patho-logies sociales. Il est ici question de faire prendre conscience à la po-pulation de la gravité des conséquences des comportements déviants sur le bon fonctionnement de notre société. Recourir à la communica-tion pour changer les comportements ne s’improvise pas, il faut un savoir-faire adapté, une manière de provoquer le changement des comportements.

Nous envisageons, à travers cette réflexion, d’apporter notre con-tribution en mettant en place une stratégie communicationnelle effi-cace, capable de lutter contre l’usage de la drogue bombé par les jeunes Kinois. Une communication efficace et adaptée aux réalités socio-culturelles des récepteurs amènerait certes les récepteurs au changement des comportements. D’où notre interrogation de départ, à savoir :
- Comment la communication engageante peut-elle conduire à un réel changement des comportements dans la lutte contre la consommation de la drogue bombé à Kinshasa?

Pour répondre à cette préoccupation majeure au coeur de cette ré-flexion nous avons approché les membres actifs de G-24, afin de con-naitre les techniques de communication qu’ils mettent en place, pour la meilleure prise en charge communautaire des jeunes désoeuvrés et prévenir la consommation de la drogue bombée. Notre étude se pen-chera ensuite sur l’évaluation de l’efficacité des actions communica-tionnelles engagées pour cette lutte, au regard des réponses exprimées par les récepteurs. L’ONG G-24 dispose d’une cellule de communica-tion qui assure l’accompagnement et la réinsertion sociale des jeunes désoeuvrés. C’est dans ce cadre que se situe la lutte contre la consom-mation de la drogue Bombé.

La cellule de communication de l’ONG G-24 fonctionne avec un plan de communication qui est défini en se référant aux objectifs or-ganisationnels fixés. Le souci d’atteindre Ces objectifs à amener l’équipe dirigeante de cette ONG à réfléchir sur les techniques com-municationnelles adéquates adaptées aux réalités anthropologiques des récepteurs.

2. Préalables liés à l’organisation des entretiens

L’enquête effectuée visait l’évaluation de l’efficacité des actions communicationnelles utilisées par l’ONG G-24 dans la lutte contre ce fléau. Cette ONG organise des campagnes de sensibilisation dans le but d’amener les récepteurs à changer des comportements. Sensibiliser la population Kinoise en général et les jeunes désoeuvrés en particu-lier, à lutter contre la consommation de la drogue bombée.

Un autre objectif consiste à vérifier les usages réels des messages reçus auprès des cibles communicationnelles. Nous analysons les données qui résulte de la consommation quotidienne des messages sur la lutte contre la consommation de la drogue bombé auprès des jeunes désoeuvrés : leurs perceptions, leurs intérêts, leurs souvenirs, leurs engagements, leurs indifférences, leurs oublis ainsi que leurs interpré-tations. Ce qui permet de vérifier si les objectifs organisationnels ont été atteints. Plusieurs acteurs à l’oeuvre sur le terrain, tentent de sensi-biliser sur la lutte contre cette drogue. Il serait intéressant que ceux derniers puissent se départir de la mauvaise manie de consommer la drogue en RDC.

Pour mener à bonne escient notre enquête, nous avons fait recours à la méthode ethnosociologie comme annoncée ci-haut. Après avoir recueilli les informations nécessaires à l’aide des techniques de col-lectes des données.
Une attention particulière était accordée aux informations recueil-lies au moyen de la technique d’observation et les entretiens.

3. Profil des consommateurs de la drogue Bombé

Le profil des enquêtés est marqué par une prédominance des hommes comparativement aux femmes. Les hommes consommateurs de bombé représentent 80% de notre échantillon d’observation (8 su-jets), contre 20% de femmes (2 femmes). Cette situation se rapproche de celle de Reuband (2008) où il a été constaté que les femmes sont proportionnellement moins nombreuses que les hommes à consommer de la drogue.

Ces consommateurs de la drogue sont dans la plupart des cas, des célibataires (80% ou 8 sujets). On retrouve tout de même des mariés (10% ou 1 sujet sur 10) et divorcés (10% ou 1 sujet). Quant à l’âge des consommateurs, on a constaté que cette drogue est plus consommée par les jeunes de 18 à 25 ans (80% de sujets de l’observation). Cette proportion va de pair avec les proportions de plusieurs études citées par Reuband (2008) où il a été constaté que le groupe d’âge de 15 à 24 ans présente la plus grande proportion de consommateurs de la drogue bombé (42,3%). On retrouve tout de même des sujets âgés de plus de 25 ans (30% ou 3 sujets).

4. Réactions des enquêtés sur les questions thématiques

Les sujets de l’étude, dans leur majorité (6 sur 10), consomment la drogue bombée depuis son apparition qu’ils situent au cours de l’année 2021. On a aussi tout de même 40% de sujets qui sont de nou-veaux consommateurs de bombé et cela depuis moins d’une année. On constate que les sujets enquêtés sont des consommateurs réguliers de la drogue bombée qui ne passent pas une journée sans en consommer.
Les récits de l’histoire de vie des sujets indiquent qu’ils ont été in-fluencés par leur entourage dans la consommation de la drogue bom-bé. Précisément, ils affirment tous avoir découvert la drogue bombé par le canal de leurs amis du quartier, qui dans la plupart des cas sont des gangsters ou des kulunas. « J’ai découvert bombé dans mon entou-rage, mon quartier car je suis entouré des jeunes gens qui consomment de la drogue bombé ». (Déclaration du sujet B).
« J’ai découvert la drogue bombé lors de mes promenades où j’avais croisé un groupe de jeunes qui prenaient cette drogue, ils ont fait appel à moi pour essayer et comme j’avais des soucis personnels je me suis laissé emporter et depuis ce jour je suis devenu un consommateur de la drogue bombé ». (Déclaration du sujet C).

Nos résultats démontrant le rôle de l’entourage dans la consomma-tion de bombé vont de pair avec ceux de Spach (2006) où il a été révé-lé l’influence positive des enquêtés perçus comme des consommateurs de substances psychoactives sur l’expérimentation et la fréquence de consommation d’alcool, de tabac et de cannabis.

S’agissant des méfaits de la drogue bombé, tous les sujets enquêtés affirment les connaître. Ils citent les méfaits suivants : les nausées, les faiblesses physiques, les envies permanentes de manger, la perte de poids, le manque d’appétit, l’oubli, les démangeaisons, les infections du sang, la toux, les douleurs au dos, l’envie de dormir, les vertiges, les vomissements, etc. Les effets de cette drogue ne se limitent pas seulement au niveau physique, sa consommation pousse les sujets à adopter un comportement délinquant(déviant).

À titre illustratif, on peut évoquer le verbatim du sujet F : « les mé-faits de la drogue bombé sont : la perte de force et d’équilibre, les taux à forte dose et le comportement impoli (qui se manifeste par des in-jures et insanités que l’on prononce...) ». On relève des réactions des sujets qui ont conscience des effets néfastes et comprennent que la consommation de la drogue bombé peut avoir des conséquences sur leur bien-être physique.

En ce qui concerne la sensibilisation liée à la drogue bombé, seule une minorité des sujets (20% ou 2 sujets sur 10), affirme avoir été sensibilisée sur les méfaits de la drogue. La majorité des sujets (80%) n’a pas encore été sensibilisée sur lesdits méfaits. À ce sujet, on peut appréhender la nécessité d’une communication engageante dont l’objet peut être la prise de conscience des méfaits de la drogue afin d’arrêter des stratégies pour le sevrage. On peut inviter les autorités étatiques à changer des stratégies de communication dans les diffé-rentes campagnes de sensibilisation sur les méfaits de la drogue bom-bé qu’elles organisent. Ce changement de stratégie consiste à choisir à côté de la télévision et de la radio, d’autres moyens de communication accessibles aux jeunes qui consomment le bombé.

S’agissant de la persistance de la consommation de la drogue mal-gré la connaissance des effets de cette drogue, les sujets enquêtés évo-quent commet facteur explicatif. En effet, ils affirment trouver du plaisir en consommant cette drogue, et c’est pourquoi ils persistent à la consommer en dépit de la connaissance de ses répercussions néga-tives. C’est dans cette optique qu’ils affirment tirer plusieurs profits de la consommation de la drogue bombé. Ces profits se rapportent à la possibilité d’occuper les temps libres en consommant cette drogue, à l’oubli de certains problèmes auxquels ils sont confrontés et au cou-rage pour poser certains actes délictueux. Il y a ici la nécessité de s’interroger sur les messages de différentes campagnes de sensibilisa-tion sur les inconvénients de la drogue bombé. En effet, pour qu’une communication amène le sujet à changer des comportements, il est nécessaire que les messages soient bien conçus et qu’ils présentent les différentes ressources pouvant aider les personnes ciblées à changer les comportements. Cette communication doit aussi présenter des al-ternatives pour occuper le temps des concernés afin qu’ils ne s’adonnent pas à la drogue bombé.

Nous estimons que les différentes campagnes de communication doivent insister sur l’aspect pathologique de cette communication en transférant les jeunes concernés dans certains centres de désintoxica-tion car ils ont développé des addictions (une dépendance) à la drogue bombé.
Au niveau de l’engagement à ne plus consommer la drogue bombé, seuls 20% de sujets ont pris cet engagement, et malheureusement n’arrivent pas à tenir cet engagement. 80% n’ont pas pris cet engage-ment. Ceux qui ont pris l’engagement ne le respectent pas à cause de effets qu’ils considèrent comme positifs de la consommation de la drogue bombé. Par exemple, le sujet H déclare ce qui suit : « la drogue bombé m’a consolé, j’ai connu une trahison amoureuse terrible et c’est la seule chose qui me permet d’oublier cette tragédie et me con-sole ».

5. Analyse des points forts et les points faiblesses des actions communicationnelles de l’ONG G-24 ?

Les actions communicationnelles ont une grande responsabilité, pour endiguer la propagation de ladite drogue. La communication vient en appui dans ce secteur pour amener la population à changer des comportements. La population a besoin des informations utiles pour se prévenir de la drogue bombée. L’homme a besoin de l’information utile, l’information stratégique pour organiser sa vie.

L’information utile permet de rendre chaque citoyen autonome et res-ponsable face à ses propres actes.
Les chercheurs ont démontré, qu’on peut changer des comporte-ments aux moyens d’une communication optimale. Cependant, la tâche n’est pas facile, changer des comportements est un exercice louable mais difficile à accomplir. Il est question d’amener un indivi-du à abandonner ses anciennes habitudes pour adopter des comporte-ments socialement responsables. Il n’y a changement de comporte-ments sans une action communicationnelle adéquate.

6. Analyse des faiblesses des actions communicationnelles de l’ONG G-24

En dépit de la multiplicité des campagnes de sensibilisation organi-sées à l’intention des cibles communicationnelles (les consommateurs de la drogue Bombé), il n'y a pas de réel passage à l'acte. Pourtant l'opinion publique attend que les ONG soient de principaux acteurs de changement, qu'elles réfléchissent sur les causes des problèmes en cherchant des solutions et non seulement qu'elles communiquent sur les conséquences.

Les enquêtes réalisées auprès de ces cibles communicationnelles des campagnes de sensibilisation attestent que plusieurs seraient à la base de la multiplication de la recrudescence des comportements dé-viant au sein de la société congolaise. La grogne sociale serait l’une de cause majeure à la base de cette recrudescence. Les jeunes ne sont pas occupés, il n’y a pas une bonne politique d’emplois en RDC, la majorité des jeunes sont sans emplois et mènent une vie précaire.

En effet, l’ONG G-24 n'arrive pas à atteindre un objectif qu’elle s’était fixé celui relatif à la réalisation d'actions concrètes dans le cadre de la réinsertion sociale et la lutte contre la consommation de la drogue bombé. Il arrive à dénoncer, à sensibiliser mais peu de projets tangibles ont été réalisés. Cela est surtout dû au manque d’ajustement de sa stratégie d’action aux réalités de l’environnement des cibles communicationnelles pour réaliser les résultats escomptés.

La lutte contre la consommation de la drogue n’est pas seulement une activité qui nécessite la diffusion des messages au public sans vérifier la manière dont le public les reçoit. Ce sont aussi des sujets complexes, les citoyens ne maîtrisent donc pas tout. Il faut passer de la sensibilisation simple à une action concrète pour prévenir la consom-mation de la drogue bombé, tout en continuant à influencer les pou-voirs publics.

L'information comme levier de changement des comportements est nécessaire mais insuffisante, il faut communiquer sur les possibilités d'agir autrement. La capacité de laisser faire et le refus de prise de conscience sont profondément implantés dans une société saturée d'informations.
Nous assistons à une résistance de récepteur au changement des comportements. Nous sommes dans un contexte où le récepteur joue un grand rôle dans tout processus de communication. Mieux commu-niquer de nos jours ne se limite plus dans la simple transmission des messages à l’intention des récepteurs. La prudence exige aux initia-teurs du changement des comportements de tourner le regard vers le public.

Les cibles communicationnelles jouent un rôle déterminant car, ce sont eux des vrais communicateurs. Elles déterminent le vrai sens du discours de l’émetteur, elles sont Co-constructrices des messages, elles participent à la construction du sens du message de l’émetteur. Les études de réception permettent de vérifier le degré de pérennisa-tion du message par les récepteurs.
La communication permet la meilleure prise en charge communau-taire. Cependant, il n’y a lieu de reconnaître que le récepteur est carac-térisé par la dictature. Il reçoit les informations venant de plusieurs sources, ces informations renforceront l’autonomie, il a un sens pous-sé par l’analyse, il est loin d’être passif, il est très actif et très exigeant, il n’accepte n’importe quoi etc. Il n’est pas facile d’amener pareil type de récepteur à changer le comportement. L’inefficacité des actions communicationnelles de G-24 se trouve à ce niveau.

L’émetteur n’a pas réfléchi sur la nécessité de réunir les informa-tions anthropologiques permettant la mise en place des techniques adoptées à l’éthique et la veine culturelle de récepteur d’unir la com-munication qui se veut efficace doit tenir compte de la réalité anthro-pologique de récepteur. La communication sur la consommation de la drogue bombé n’a pas arrêté une stratégie basée sur une feuille de route bien définie. Au début, une attention particulière était accordée aux dégâts causés par cette drogue.

A y observer de plus près, la réalité contextuelle spécifique au changement des comportements et de la lutte contre la consommation de la drogue Bombé nous présente d’autres aspirations. Ces aspira-tions sont loin d’être comblées avec le modèle de la communication basée sur la sensibilisation à travers les médias.
Plusieurs raisons peuvent motiver cette position prise, à savoir :
➢ la passion qu’on les consommateurs à consommer cette drogue ;
➢ la dictature du récepteur celui-ci(3) est désormais actif, résistant et c’est lui qui dicte le dernier sens du message. Il est au coeur de l’interaction et c’est lui en réalité le vrai communicateur;
➢ l’absence des études orienté-récepteur visant l’analyse de la réception de ce message ;
➢ Le manque de fidélité d’une cible communicationnelle à réaliser des pe-tits actes moins couteux en faveur de la décision prise d’abandonner la consommation de la drogue.

Pour Jean Louis Bergeron et ali, un individu peut agir dans le souci de se conformer à une action collective du groupe juste par simili-tude(4). Le premier facteur qui exerce une grande ‘’force d’attraction’’ chez l’individu est relié à la similitude qu’il dénote entre les attitudes des membres du groupe et les siennes. Se joindre à des individus qui partagent un bon nombre de ses valeurs ou attitudes peut être sécuri-sant pour une personne.

Pour ainsi dire, les actions communicationnelles utilisées par l’ONG G-24 présentent beaucoup de faiblesse et sont loin de créer un réel changement de comportement. Les messages véhiculés par cette ONG a facilité la transmission de l’information aux jeunes Kinois. Aujourd’hui plusieurs personnes connaissent l’ONG G-24 et son combat sur la lutte contre les comportements déviants dans nos socié-tés. L’objectif communicationnel sur le plan cognitif est atteint mais la difficulté se pose en termes de changement effectif des comportements des cibles visées.

7. Analyse des forces des actions communicationnelles de l’ONG G-24.

D’une manière générale, nous avons retenu les points forts des ac-tions communicationnelles de l’ONG G-24, il s’agit des éléments ci-après :
Sur le plan cognitif et corrélativement aux objectifs assignés par le G-24, il résulte de la réalité observée sur le terrain que l’ensemble de la popula-tion congolaise est informée sur l’existence de l’ONG G-24 et de son combat sur la lutte contre la consommation de la drogue Bombé. Au-jourd’hui, G-24 bénéficie d’une certaine notoriété, la confiance et la sympathie de la population congolaise. Son objectif visant à réinsérer les jeunes sur le plan social concernant les jeunes désoeuvrés est très bien ap-précié par le public.
L’ONG G-24 fait une forte mobilisation des médias sociaux pour cette cause, il s’agit de recourir aux différents canaux de communication pour atteindre les différentes catégories des cibles.
L’observation d’une évolution certaine, une évolution du niveau d’information de la population Kinoise sur les méfaits de la drogue dans le corps humain et de la nécessité de changer des comportements.
Une évolution des perceptions de la population kinoise en général et des jeunes désoeuvrés en particulier. Aujourd’hui ces jeunes savent qu’ils peuvent être utiles à la société. Ceux -là qui avaient accepté d’entrer dans le service nationale sont très content des formations apprises ainsi que de leur nouveau rôle dans la société.

L’ONG G-24 mobilise les médias, des leaders d’opinions adminis-tratifs, les relais communautaires à sensibiliser sur la lutte contre la consommation de la drogue bombé de la même manière, les moyens publicitaires médias et hors médias ont été mis en contribution pour promouvoir des informations en rapport avec cette urgence. D’une manière générale, l’objectif était atteint à ce qui concerne la transmis-sion de l’information. Quelle que soit sa localisation ou sa zone géo-graphique, tout le monde est informé de l’existence de la drogue bom-bé et du danger qu’elle représente surtout chez les jeunes. La popula-tion est bien informée sur le risque de la drogue. Cependant, l’information seule ne fait pas tout ou encore ne suffit pas pour ame-ner les jeunes au véritable changement des comportements.

8. Proposition de la nouvelle stratégie basée sur la communica-tion l’engageante pour un réel changement des comporte-ments.

Nous proposons une nouvelle stratégie de communication pour prévenir la consommation de la drogue, activité menée par l’ONG G-24. Cette nouvelle stratégie repose sur l’usage de la communication engageante. Nous présentons des grandes lignes des étapes de cette nouvelle stratégie de communication qui compte au total sept étapes. Il n’est pas ici question d’une formule magique mais plutôt d’une dé-marche procédurale à mettre à contribution pour atteindre des bons résultats sur le terrain.

A. Mieux connaître son public cible pour adapter adéquatement les stratégies de communication.

C’est la première démarche à effectuer lorsqu’on est engagé dans un processus visant à changer les comportements des récepteurs. Il faudrait mieux connaitre les cibles communicationnelles : cibles prio-ritaires et cibles générales.

B. Inventorier les informations relatives aux communications

Il est également important de sonder les informations existantes que possèdent les cibles communicationnelles visées. La connaissance du niveau d’information des récepteurs permet au communicant d’adapter son niveau au vrai niveau contextuel de l’auditoire pour une réception active du message.

C. Définir les connaissances théoriques applicables à un usage adapté pour une action efficace

C’est à ce niveau que se situe notre contribution qui préconise le recours à la théorie de la communication engageante pour un réel changement des comportements des récepteurs visés.
La communication engageante est née des faiblesses qu’ont affi-chées les théories de changement des comportements de la première génération. Selon ces théories, le changement de comportements est réalisable à partir des informations susceptibles de modifier les pen-sées et les connaissances(4).

Cependant, il est important de souligner que l’information seule ne fait pas tout. L’information est importante, mais insuffisante pour modifier les comportements. Ce qui est pour-tant l’objectif poursuivi par la plupart des campagnes menées. C’est ainsi qu’il a fallu adopter une vraie stratégie de communication, en approfondissant les connaissances sur les leviers permettant de chan-ger les comportements(5).

La communication engageante est un type de communication qui vise à former, modifier ou renforcer d’une part, des actions person-nelles et sociales, d’autre part des cognitions et représentations so-ciales en incitant les sujets sociaux à suivre deux voies en interaction :
- une voie où ils vont traiter des informations persuasives contenues dans le message (voie de la communication persuasive « classique ») ;
- une voie où ils vont réaliser, juste avant, pendant et/ou juste après les traitements des informations persuasives, des « mini-actes » psychomo-teurs, peu coûteux, en lien avec l’action sociale à promouvoir (par exemple, répondre à quelques questions, porter un badge, cliquer sur une page web, etc.). Ainsi, engagés dans un cours d’action, accepteront-ils, ensuite, plus facilement de réaliser ou réaliseront par eux-mêmes d’autres actes plus « coûteux » dans le sens de l’action promue(6).

Les effets de l’engagement au niveau attitudinal se traduisent par une stabilisation des attitudes initiales, voire dans certains cas par une radicalisation de celles-ci, lorsqu’il s’agit d’actes non problématiques, c’est-à-dire conformes aux attitudes et/ou aux motivations des indivi-dus.
En situation de communication engageante, les participants sont ac-teurs (réalisation d’actes préparatoires) et pas seulement passifs comme ils peuvent l’être dans certaines situations de communication persuasive. Nous formulons l’hypothèse générale selon laquelle la réalisation d’un acte préparatoire entretenant une relation de consis-tance avec un message persuasif subséquent facilite le changement d’attitude et le changement comportemental dans le sens de l’argumentation développée dans ce message(7).

Une telle argumentation vise à changer les cognitions, représenta-tions et actions sociales. Ensuite, selon les processus de la théorie de l’engagement, les sujets sociaux ont tendance à « ajuster » leurs pen-sées aux mini-actes réalisés(8). D’abord, ces sujets accepteront de réa-liser par eux-mêmes d’autres actes plus couteux dans le sens de l’action promue et, ensuite, ils modifieront facilement leurs cognitions et représentations dans un sens favorable à l’action sociale. C’est ainsi qu’il faut à la fois de la persuasion et de l’incitation à l’engagement pour réussir un véritable changement de comportements.

La théorie de la communication engageante ne procède pas par l’imposition. Il ne suffit pas d’imposer pour obtenir un changement de comportements ; tout comme, il ne suffit pas de modifier les idées pour modifier les comportements.
1. Présentation des objectifs spécifiques en lien avec les communications du projet réalisé.
L’élaboration des objectifs est prioritaire parce qu’il important de vérifier si les objectifs communicationnels ont été atteint au regard des actions communicationnelles mises à contribution.
2. Présentation du message adapté au contexte domestique des récepteurs
L’élaboration du message est une étape importante pour optimiser l’efficacité d’une communication. Le message ne fait pas tout mais joue un rôle très important.
3. Déterminer les canaux ou support de transmission des messages
Choisir les supports adaptés au contexte des cibles communicationnelles visées pour une action efficace.
4. Évaluation de l’efficacité des actions de communication menées.
Il est important de vérifier si l’offre communicationnelles a atteint son objectif au regard des actions menées sur le terrain.

C’est cet ensemble d’actions qui peut aider les communicants des organisations à mieux optimiser les actions de leur campagne de changement des comportements. Changer les comportements des cibles communicationnelles ne s’improvise pas, il faut une planifica-tion optimale des actions dans une approche holistique pour des meil-leurs résultats.

Conclusion

Cette étude a abordé, l’usage de la communication engageante dans la lutte contre la consommation de la drogue bombé en RDC, Nous avons analysé l’approche utilisée par l’ONG G-24. L’objectif visait de notre réflexion en premier d’évaluer l’efficacité des actions communi-cationnelles dont utiles pour cette ONG afin de promouvoir le chan-gement des comportements des récepteurs. En deuxième lieu, il fallait mettre à contribution les différents mécanismes pour optimiser l’efficacité des actions menées pour obtenir un réel changement des comportements.
Dans cette perspective, rappelons une fois de plus que nous avons posé les bornes de notre travail et la question principale était formulée en ces termes : Comment la communication engageante peut-elle con-duire à un réel changement de comportements dans la lutte contre la consommation de la drogue bombé?

En guise de notre hypothèse de départ, nous avions affirmé antici-pativement que la communication engageante peut conduire à un réel changement des comportements en apportant de l’information utile aux sujets concernés et en les amenant à s’engager à ne plus consom-mer la drogue. La communication engageante met à contribution la persuasion et l’engagement par les actes susceptibles de conduire à un réel changement de comportements des consommateurs de la drogue bombé.
Pour aborder cette réflexion, nous nous sommes servis de la mé-thode ethnographie et la théorie de la communication engageante.

Nous pouvons retenir de ce qui précède que la communication peut être mise à contribution pour prévenir la consommation de la drogue. Certes, il s’agit là d’un sujet très sensible car le changement des com-portements n’est pas un but facile à atteindre. Il en est de même pour la consommation de la drogue. La plupart d’enquêtés interrogés affir-ment que la consommation de la drogue est devenue presqu’une acti-vité passionnante pour eux. Ils n’ont pas suffisamment des forces pour se départir de cette pratique. D’où la nécessité d’appliquer une ap-proche théorique adaptée au contexte situationnel pour un bon résultat.
Nous avons relevé les forces et faiblesses des actions communica-tionnelles menées par l’ONG G-24. Nous pouvons noter que G-24, à travers ses différentes actions, sensibilise efficacement et fait de la lutte contre la drogue une affaire de tous. La difficulté persiste sur le changement réel des comportements des récepteurs. Pour ce faire, nous avons proposé une nouvelle stratégie basée sur la théorie de la communication engageante pour amener les récepteurs à un réel chan-gement des comportements.

Notes

1. GIRANDOLA, F et JOULE (R-V)., in « La communication engageante : aspects théoriques, Résultats et perspectives », 2012, vol. 122/ pages 115 à 143 http://www.cair.info/ revue-année psychologique 2012, p. 115.
2. MUCCHIELLI, A., Les sciences de l’information et de la communication : les fondamentaux, Paris, Hachette, 2004, p. 67.
3. Le récepteur est connecté sur plusieurs messages, les mêmes messages sur plusieurs écrans, il est la source de l’incommunicabilité. Cette réalité invite les sensibilisateurs à se soumettre à la dictature de ces récepteurs.
4. Bergeron (J L) et ali., Les aspects humains de l’organisation, Québec, Gaëtan Morin, 1979, p. 159.
5. BERNARD, F., Communication engageante, environnement et écoci-toyenneté : un exemple des « migrations conceptuelles » entre SIC et psy-chologie sociale, 2007, p. 5.
6. GIRANDOLA, F et JOULE, R-V., in « La communication engageante : aspects théoriques, résultats et perspectives », 2012/1 Vol. 112 | pages 115 https://www.cairn.info/revue-l-annee-psychologique1-2012-1-page-115.htm
7. GIRANDOLA, F et JOUL (R.V)., Op. cit, p ; p. 115.
8. Http : // CATELLANI, A., in « Les recherches en communication envi-ronnementale », Communication [En ligne], Vol. 36/2 | 2019, mis en ligne le 15 juillet 2019, consulté le 23 août 2019. URL : http://journals.openedition.org/communication/10559 ; DOI : 10.4000/communication.10559.
9. GIRANDOLA, F et JOULE, R-V., in « La communication engageante : aspects théoriques, résultats et perspectives », 2012/1 Vol. 112 | pages 115 à 143 https://www.cairn.info/revue-l-annee-psychologique1-2012-1-page-115.htm

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Par Jonathan OMANGELO W’OMANGELO, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024