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EDITORIAL : L’ABSENTIEL EN PRESENTIEL OU DES NUAGES AUX RAYONS

Cinq années d’existence ! Cinq années de travail assidu et de lutte permanente ! Voilà ce que vient de traverser votre Revue Interdisciplinaire Francophone (RIFRA).
En effet, pour offrir un cadre de diffusion des résultats de recherches, le Département des Lettres et civilisation françaises a pris l’initiative, hardie mais qui s’est avérée heureuse, de lancer un organe scientifique de haut niveau. C’est ainsi qu’en date du 19 juin 2019 a vu le jour le Revue Interdisciplinaire Francophone (RIFRA), publication scientifique qui a, depuis lors, évolué dans l’étroite ligne de l’excellence et respecté la régularité de son rythme de parution, en raison de deux numéros l’an.
Voici donc le numéro 10 de son volume V qui sort de presse, publié à l’occasion de sa cinquième année d’existence et dédié, en hommage très chaleureux, au professeur émérite André Nyembwe Ntita.
Pourquoi cet hommage ? A cause de l’attachement que ce collègue avait su susciter, envers sa personne, au plus profond de chacun de nous. Pourquoi cet hommage ? A la mesure de l’enthousiasme que lui-même, André Nyembwe Ntita, avait manifesté lors de la création de la Revue, en nous remettant spontanément le tout premier article qui fut publié en première position dans le tout premier numéro. C’était la mesure de sa propre foi dans l’oeuvre que le Département bâtissait en 2019 !
Comme trace indélébile de l’estime et de l’affection que tout le Département des Lettres et civilisation françaises manifeste à l’endroit de ce collègue, aujourd’hui disparu, de très nombreux chercheurs ont répondu présent à l’appel aux contributions. Et l’abondance de textes spontanément proposés imposa, tout aussi naturellement, la rigueur du choix.
Voici, au total, réunis dans ce numéro, 15 articles, un document et une note.

En Sciences du langage, Romain Kasoro Tumbwe analyse avec bonheur la sociolinguistique du discours politique congolais ; dans un pays multilingue comme le Congo, il souligne la nécessité pour le locuteur politique en quête d’adhésions, de s’exprimer dans les langues des destinataires, langues à promouvoir, enrichir et enseigner au préalable, afin qu’elles soient capables d’exprimer la modernité.
Camille Sesep N’Sial scrute et propose les conditions d’adéquation d’une politique et d’un droit linguistiques qui soient adaptés réellement aux ambitions et aux réalités de la République démocratique du Congo. Dans cet ordre d’idée, les actions s’imposent, notamment : aménager le statut des langues, délimiter les régions linguistiques, équiper les structures des différentes langues, sans oublier d’approfondir les recherches sur les langues et leurs variétés, rédiger des ouvrages de référence et construire un partenariat langues congolaises-français-anglais.

Pour sa part, Gabriel Sumaili Ngaye-Lussa montre comment les créations néologiques recueillies dans le cadre de la veille lexicale en République démocratique du Congo s’insèrent parmi les matrices lexicogéniques de la langue française élaborées par J.-F. Sablayrolles, au-delà de quelques difficultés dues à l’évolution dans la vision du classement de cet auteur lui-même.
Gisèle Thoa Tsambu examine la créativité lexicale dans les forums des chercheurs, à travers des forums WhatsApp qui regroupent plus de 500 professeurs et chercheurs des universités, et analyse les différentes lexies créées à l’occasion de leurs échanges et qui rendent compte de leurs capacités de créer de nouvelles unités lexicales en recourant aux modes de création en langue française.
Lors de la recherche de la conquête du pouvoir par le biais de la campagne électorale, Alain Ishamalangenge Nyimilongo a relevé la trilogie silence, raréfaction, bilan, comme modes de la campagne électorale. Avec l’éveil de conscience, le politicien devrait être conscient que pour amadouer les autres, la réussite à une élection se prépare par rapport à ses propres ambitions.
Blaise Bulele Kwakombe s’attelle à déceler les faiblesses des actes promissifs tels que conçus dans la pragmatique classique, lesquels se déploient seulement sur le langage comme étant son objet propre, sans influence sur l’agir. L’auteur propose un schéma pragmatique du discours politique électoral qui rétablirait la confiance mutuelle entre les acteurs politiques et leurs électeurs.
Willy Kuzamba Kiabwa analyse les interactions verbales et non verbales dans les parquets, Cours et Tribunaux de Kinshasa ; il a observé que la dynamique interactionnelle de la communication judiciaire (rituelle, voire ritualisée) résulte du contact des langues et des personnes qui interviennent dans la procédure judiciaire.
Marie-Philomène Babongisila Kuzingana, en sa qualité de titulaire du cours de Littérature maghrébine de langue française, explore le roman La boîte à merveilles d’Almed Sefroui, dont elle analyse le champ lexical de l’amour (vertu fondamentale et existentielle de la société humaine ancrée dans la culture africaine) sous ses différentes facettes : amitié, affection, fraternité, solidarité.
De l’intrigue du best-seller dans lequel l’écrivain guinéen, Alioum Fantouré, dénonce les tares et excentricités du régime despotique instauré à l’orée des indépendances africaines, Le Cercle des Tropiques, Raphaël Numbi Kyose dévoile la solidarité qui lie les membres du peuple opprimé, afin de conjurer l’indigence, le dénuement, l’inanition, la misère, l’exploitation, l’ignorance, etc.
Rémy Nsimambote Zola se focalise sur la sémantique des anthroponymes kongo en République Démocratique du Congo, et dont l’analyse sociolinguistique révèle que les différentes typologies comparées avec celles des différentes autres communautés africaines comportent plus de similitudes que de différences. Ainsi, les anthroponymes kongo relatifs à la catégorie de la vertu et des biens, Lusakumunu (la bénédiction) et Ngo (le pouvoir), ont des équivalences sémantiques parmi les anthroponymes Igbo du Nigeria, notamment Ngozi (bénédiction) et Ike le (pouvoir).
Ferdinand Mabasa Lunginga aborde la littérature africaine de langue anglaise par le biais d’un écrivain kenyan, le célèbre James Ngugi wa Thiong’o, auteur du roman The River Between. Mabasa observe que cette oeuvre décrit le conflit des cultures, particulièrement entre le christianisme et la tradition chez les Gikuyus, en ce qui concerne la circoncision des femmes, pratique que le christianisme rejette, alors que les personnages de ce roman y restent attachés.
Fabou Barakomerwa, de la Faculté des Sciences économiques et de Gestion, Département de Gestion, se penche sur les entreprises culturelles et artistiques dans la ville de Kinshasa, en relevant les obstacles majeurs inhérents à l’entrepreneuriat culturel kinois et à son ouverture au commerce international.

En termes de perspectives, l’auteur souhaite un accompagnement de ces entreprises, tout en formulant un certain nombre de recommandations appropriées.
Nana-Rose Ngandomwali Dondo jette un regard objectif sur l’administration de l’Assemblée Nationale, pour scruter la participation des Femmes dans ce service public. L’autrice constate dans cet article que l’inégalité sociale institutionnalisée est largement répandue, au vu du faible taux des Femmes et des Filles qui y prestent : les postes de décision (Directeur, Secrétaire général) se trouvent encore monopolisés par des hommes.
La langue étant un héritage ancestral, Odon-Franklin Kajama Tshambue s’emploie à analyser la pertinence des langues locales congolaises dans la construction identitaire et citoyenne. L’auteur déplore cependant qu’à l’heure actuelle les langues congolaises sont encore dépourvues de la promotion leur permettant de jouer pleinement ce rôle.
Matthieu Kuba Mudingi aborde, quant à lui, l’étude des archives de services d’hospitalisation des Cliniques Universitaires de Kinshasa (C.U.K.), préoccupé par la mise en place d’un système moderne de gestion basé sur des exigences archivistiques et qui répond aux attentes des gestionnaires de chaque service d’hospitalisation.
Le document que reproduit RIFRA est l’Oraison funèbre prononcée par la Cheffe du Département des Lettres et civilisation françaises, la Professeure Gisèle Thoa Tsambu, lors des funérailles d’André Nyembwe Ntita, mercredi 28 juin 2023. Au vu de l’impact de cette oraison sur le public venu nombreux dire adieu à l’illustre disparu, comment laisser à l’abandon ce morceau d’éloquence ?
Ce numéro d’hommage ne pouvait se terminer autrement que sur la Note d’Alain Ishamalangenge Nyimilongo qui présente en quatre rubriques la riche Bibliographie d’André Nyembwe Ntita, le maître, le promoteur de sa thèse de doctorat (soutenue en 2021) :
- Production scientifique d’André Nyembwe Ntita,
- Participations à des colloques, conférences et autres rencontres scientifiques à travers le monde,
- Travaux rédigés (Thèses de doctorat, Mémoires de DEA, Mémoires de Licence, T.F.C. de Graduat) dirigés ou encadrés par André Nyembwe,
- Enseignements assurés par André Nyembwe.

RIFRA remercie tous les membres de la communauté universitaire qui se sont impliqués d’une manière ou d’une autre à la réussite du présent Volume V numéro 10 de décembre 2023.
La Revue rappelle qu’elle a déjà mis à la disposition des lecteurs un certain nombre de numéros spéciaux, d’une utilité remarquable pour la recherche, portant notamment sur :
- L’enseignement et la pratique du français (no 1, septembre 2019),
- La critique des oeuvres littéraires (no 2, novembre 2019),
- Les écrivaines congolaises (no 3, juin 2020),
- La littérature congolaise (no 7, juin 2022).

Fait à Kinshasa, le 12 décembre 2023

Gabriel SUMAILI NGAYE-LUSSA
Directeur de publication
Professeur Ordinaire

Par Sumaili Ngaye-Lussa Gabriel , dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024