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L’encadrement juridique du nom de la personne physique en droit congolais

AMISI HERADY[1]

amisi.herady1@gmail.com

 

Résumé

Défini comme l’ensemble des mots servant à désigner une personne, le nom constitue le premier élément d’identification d’une personne. C’est ainsi que le droit congolais, à travers le Code de la famille, accorde une grande importance en l’organisant minutieusement. En effet, le nom revêt plusieurs caractères en raison de son importance : il est un élément de la personnalité, obligatoire, immuable par principe et culturel. Il est attribué par les parents sous réserve de quelques limites, notamment en ce que le nom ne doit pas avoir un caractère humiliant, provocateur ou contraire aux bonnes mœurs.

Mots clés : Immuabilité, liberté d’attribution et l’élément de police.

Introduction

Faisons un peu de la fiction en essayant de nous imaginer ce que serait notre  société si ses membres n’étaient pas identifiés par ce qu’on appelle le nom. L’on mettrait peut-être un signe distinctif sur le visage de chacun, signe par lequel l’on reconnaitrait son porteur. L’on épuiserait sans doute tous les signes imaginables au point que certains en manqueraient surement. L’on prendrait certainement des dispositions pour marquer ces signes visiblement apparents d’un caractère aussi indélébile qu’inaltérable !

Mais comment contournerait-on la difficulté de chaque fois dresser un répertoire d’un groupe quelconque, et d’en appeler un à un les membres ? Comment ferait-on l’appel de quelqu’un sans semer une quelconque confusion dans le groupe social considéré ? L’on peut multiplier à l’infini des interrogations au sujet des difficultés auxquelles l’on se butterait en l’absence de noms, pour identifier les personnes. Peine perdue que de prolonger cette vue fictive d’une société dont les membres ne seraient qu’imparfaitement, sinon très difficilement singularisés. La vie en société serait « compliquée » pour ne pas dire « invivable » !

Bravo donc à l’ingéniosité sociétale pour cette belle trouvaille consistant à « coller » à chaque personne un ensemble de mots pour la désigner et la distinguer de tous ses semblables. Les vertus du nom sont ainsi incommensurables, au point de conférer, de tout temps, à cette une institution une importance de haut rang dans toutes les sociétés. La tradition y attache une importance spéciale, étant donné que le nom intègre l’individu dans l’union de la famille terrestre, visible et ancestrale ; il fait de lui un membre d’une communauté et l’identifie en lui reconnaissant une identité propre au sein de la société [2].

Et pour cimenter l’importance du nom, le droit en est venu à lui confectionner un régime dont les éléments sont tissés à la mesure des réalités et des aspirations profondes de chaque peuple.  Cette intervention du droit en la matière, nous la qualifions ici d’encadrement juridique, celui-ci étant synonyme du régime juridique. Les règles de droit variant d’un pays à un autre, le régime juridique du nom n’échappe pas à la règle. Comment se présente-t-il alors dans notre pays, la République Démocratique du Congo ? C’est à cette interrogation que répond fondamentalement la présente étude conçue essentiellement dans l’optique de fournir la lumière nécessaire sur la question.  L’évidence de son intérêt s’en découle, d’autant plus qu’une frange importante de notre population n’est pas toujours au parfum des règles de droit en divers domaines et ce, pour plusieurs raisons. A l’instar de la lumière qui chasse l’ombre, la présente étude se veut combattre le déficit d’information sur le sujet abordé.

Son intelligibilité commande l’abord de cinq points tenant successivement à  la définition du nom, à sa composition, à ses nature et  caractères, à son attribution et enfin à sa protection juridique.

  1. La définition du nom

La loi[3] ne fournit pas la définition du nom ; elle se contente d’énoncer, dans sa section consacrée aux principes généraux du nom, que « Tout Congolais est désigné par un nom composé d’un ou de plusieurs éléments qui servent à le désigner ». Aussi est-ce à la doctrine qu’il faille recourir pour trouver satisfaction quant à ce. Le nom est défini comme l’appellation servant à désigner une personne physique dans sa vie sociale et juridique, dans l’exercice de ses droits et l’accomplissement de ses devoirs[4]. Plus simplement, l’on peut dire qu’il s’agit de l’appellation identifiant toute personne et permettant son individualisation dans le groupe social[5]. Le nom est donc un moyen d’individualisation consistant dans l’usage d’une suite de mots pour désigner une personne[6]. Elément d’identification de la personne, il a pour objet de désigner la personne dans la vie sociale et juridique[7]. Il passe, partout, pour  "la reine" de l’individualisation d’une personne. En effet, pour ne prendre que notre société, c’est par le nom qu’on commence à rechercher quelqu’un dans le quartier par exemple, les autres éléments d’identification n’interviennent que si le nom n’est pas suffisamment révélateur de la personne recherchée.

Le nom est donc une appellation obligatoire, voire indispensable, qui sert à désigner une personne. L’usage du nom ne se limite pas seulement sur terre ; loin s’en faut,  il est à croire qu’il se prolongerait même dans l’au-delà, car pour le jugement dernier dont parle la bible dans le livre de Matthieu, chacun sera appelé au rôle par son nom pour comparaitre et non par un quelconque signe. Elément distinctif de la personne, le nom  poursuit en principe plusieurs objectifs[8], dont celui de police.

  1.  La composition du nom

En droit occidental, notamment en droit français et belge, le nom d’une personne comporte généralement les éléments suivants :

1° Le nom patronymique ou le nom de famille. Marquant l’appartenance d’un individu à une famille, le nom patronymique est l’appellation qui sert à désigner et à reconnaitre tous les membres d’une même famille. C’est donc un nom collectif transmis aux personnes descendant d’un même ancêtre par la ligne des mâles[9]. Aussi se transmet-il par la filiation. Il semble qu’en son absence, il serait très difficile de distinguer les personnes, la liste des appellations individuelles étant limitée[10].

2° Le prénom. Il sert à individualiser la personne des autres membres de sa famille, étant donné que tous portent le même nom patronymique.

     Le nom et le prénom sont les éléments basiques du nom,  sur le plan juridique.  A leur côté,  on peut éventuellement trouver les éléments accessoires dont  le pseudonyme et le surnom:

3° Le pseudonyme. C’est un nom qu’une personne s’attribue pour l’accom­plissement d’une activité sociale. Il s’agit d’un nom d’emprunt ou de fantaisie librement choisi pour masquer au publicsa personnalité véritable dans l’exercice d’une activité particulière. Son usage est licite dans l’exercice d’une activité particulière comme celle des artistes ou des écrivains, par exemple. Dans ce cas, le pseudonyme peut être couvert par la protection légale contre son usurpation.

4° Le surnom. Appellation différente du nom patronymique, le surnom est une appellation attribuée à une personne par les tiers ou par le public au moyen d’un usage répété. Il n’a aucune valeur juridique. On y recourt souvent pour suppléer un nom patronymique peu connu  ou de distinguer des personnes portant les mêmes noms et prénoms[11]. Dans nombre de législations, il est interdit de le joindre au nom. Toutefois, le sobriquet  peut figurer dans les pièces administratives et être très utile à la police dans  la recherche des malfaiteurs qui le plus souvent ne sont mieux  connus par les gens ou  dans leurs milieux de vie ou d’opérations que par leurs surnoms.

 

Quid en droit congolais ?

Sur le plan strictement juridique, il y a lieu d’indiquer qu’avant la réforme du code de la famille intervenue en 2016, le droit congolais ignorait la différenciation des éléments du nom, quoique dans la pratique l’on rencontrait fréquemment des documents officiels mentionnant les nom, post-nom et prénom des individus. En effet, s’agissant de la composition du nom, l’écriture de  l’article 56 du Code de la Famille se présentait comme suit : "Tout Congolais est désigné par un nom composé d’un ou de plusieurs éléments qui servent à l’identifier". Ce qui était donc légalement consacré  en droit congolais, c’est seulement le nom de la personne, celui-ci pouvant comporter un ou plusieurs éléments. L’usage des prénoms et des post-noms n’était donc pas assis sur une base légale expresse.

La loi n° 16/008 du 15 juillet 2016 modifiant celle n° 87-010 du 1er août 1987 portant code de la famille a eu le mérite de bien préciser ce qu’il faut entendre par « éléments du nom », en ajoutant un deuxième alinéa à son article 56 ainsi libellé : «  Le prénom, le nom et le post-nom constituent les éléments du nom ».

L’article 56 susmentionné ne pose le principe de l’identi­fication par le nom que s’agissant des Congolais.

Qu’en est-il alors des personnes n’ayant pas la nationalité congolaise ? La loi prévoit une disposition spéciale en réponse à cette préoccupation : l’indentification d’un étranger né sur le territoire congolais se fera, dans l’acte de naissance, conformément aux dispositions de son droit national[12].

  1. La nature juridique et les caractères du nom

Précisons d’abord la nature juridique du nom, avant ses caractères fondamentaux.

  1. La nature juridique du nom

Ce qu’il faut noter, à propos de la nature juridique du nom, c’est que celui-ci est un droit.

L’individu a, en effet, le droit de porter le nom qui lui est légalement attribué pour se désigner et se faire désigner dans toutes les occasions de la vie et à tout moment. Chacun est en droit d’user de son nom dans tous les actes de la vie civile, dans les actes juridiques, dans les actes de l’état civil, dans l’exercice de ses activités professionnelles et commerciales.

A ce sujet, la loi dispose ce qui suit : "Le droit au nom est garanti et confère à son titulaire le pouvoir d’en user légitimement et d’utiliser toutes voies de droit, y compris l’action en justice, pour obliger les tiers à le respecter"[13].

Cependant l’usage de son nom dans l’exercice des activités professionnelles ne doit pas être préjudiciable pour autrui ; il ne doit pas avoir pour but et pour effet de porter atteinte, à l’aide d’une confusion dommageable, au crédit et à la réputation d’un tiers[14].

Une controverse doctrinale s’observe cependant  sur la nature juridique exacte du nom ou du droit au nom. François AMELI en fait échos en ces termes :

  • "Une partie de la doctrine y voit un droit de propriété. Certains ajoutent même que le titulaire de ce droit n’est pas unique. Ils considèrent que le droit au nom serait un droit de propriété familial, au même titre, par exemple, que le caveau de famille ou certains souvenirs de famille.
  • Un second courant doctrinal fait du nom une composante des droits de la personnalité. La nature reconnue au nom, serait la même que celle du droit à l’image, du droit au respect de la vie privée, etc.
  • Une troisième catégorie d’auteurs considère que le droit au nom est, certes un droit extrapatrimonial, mais qu’il a, cependant, la nature d’un droit individuel et familial.

 

(…) Une chose est certaine, le nom participe tout à la fois d’un droit individuel et familial. Il pose, en même temps, des problèmes au point de vue de la police administrative. Son régime juridique nous le montre bien. Sa transmission dépend de considérations familiales ; la possibilité d’en changer ainsi que de l’adapter à certaines circonstances constitue la manifestation du caractère individuel du nom et le fait de reconnaître comme un droit de la personnalité. En revanche, les garanties et les contraintes qui entourent le changement de nom font immédiatement penser aux exigences de police administrative auxquelles l’Etat doit satisfaire"[15].

  1. Les caractères du nom

Le nom revêt sept caractères essentiels. Il est extrapatrimonial, personnel, obligatoire, imprescriptible, culturel, d’ordre public et immuable.

1°. Le caractère extrapatrimonial.

Le nom d’une personne physique est hors patrimoine. Il ne figure pas comme faisant partie des éléments (actifs) de son patrimoine ; et il n’est point évaluable en argent en sorte que l’on ne puisse en donner une quelconque valeur pécuniaire.

A l’extrapatrimonialité se greffent l’inaliénabilité, l’indisponibilité et l’incessibilité du nom. Le nom est inaliénable. « On ne peut céder ni acquérir un état ; on ne peut, de même, céder ni acquérir un nom. Le nom, parce qu’il touche à la personnalité, est hors du commerce »[16].On ne peut le céder ni l’acquérir. Celui-ci est indisponible et ne peut faire l’objet de commerce juridique. Il est incessible, en ce  que le titulaire d’un nom ou d’un patronyme ne peut le vendre pour avoir de l’argent, ou le léguer par testament pour, par exemple, en empêcher l’extinction[17]. Le principe de l’extrapatrimonialité du nom est posé en ces termes par l’article 68 du Code de la Famille : « Toute convention au nom est sans valeur au regard de la loi civile, hormis les règles relatives au nom commercial ».

2°.   Le caractère personnel

Le nom d’un individu est strictement personnel et relève de la personnalité. Attribué à une personne, le nom « n’appartient » en tant que tel qu’à cette personne pour l’identifier et la distinguer de toutes les autres personnes dans la société, y compris les membres de sa propre famille. Il n’est pas juridiquement possible d’être « copropriétaire »,- au sens juridique du terme - , d’un nom ou en « copropriété » de nom, encore que le nom d’une personne physique n’est pas un élément de son patrimoine comme relevé précédemment. Le caractère personnel du nom ne s’oppose cependant pas à ce que certains élément du nom ne se retrouvent tes quels dans les noms d’autres personnes. Ce qui est exclu, absolument exclu, c’est que l’ensemble des éléments du nom d’une personne ne compose comme telle l’identification d’une autre personne, sans aucun élément distinctif. Le principe à observer en la matière est : « deux individus, deux personnalités, deux noms différents ».

Le nom confère à son titulaire et le droit de s’en servir dans ses diverses activités, et le droit de se défendre contre les usurpations de son nom. Elément de la personnalité, le nom n’est pas une valeur du patrimoine ; faire d’un élément extrapatrimonial l’objet d’un droit de propriété patrimoniale serait confondre "l’être" et "l’avoir"[18].

Sur la tête de celui qui le porte, le nom est le signe qui coiffe son état ; le verrait-on, au départ, comme plaqué sur la personnalité, le nom tendrait à s’y intégrer, à s’identifier à elle, jusqu’à devenir le support des autres éléments de l’état, le repère de l’identité de la personne, le siège de l’amour-propre, de l’honneur[19].

La personne est à ce point liée à son nom qu’elle vit dans les mémoires quand elle laisse un nom, et que son souvenir s’efface avec l’oubli de son nom ; ainsi le nom est-il, indivisiblement, une marque de citoyenneté, un repère généalogique et, en chacun, une composante de son état[20].

3°.   Le caractère obligatoire.

Le nom est une obligation. Non seulement tout individu doit avoir un nom, mais également il est obligé de répondre, en quelque sorte au nom qui lui a été donné par la société, de se tenir juridiquement visé sous ce nom, de reconnaître par exemple comme le concernant valablement la procédure dirigée contre la personne ainsi dénommée. De même, l’individu est obligé de porter ce nom, de s’en désigner et de s’en faire désigner, toutes les fois du moins que des conséquences juridiques sont en vue[21].

4°.   Le caractère imprescriptible.

Le droit au nom échappe à la prescription, il n’est pas susceptible de prescription extinctive. Nul ne peut, en effet, être privé de son nom au motif qu’il ne s’en est pas servi pendant un certain laps de temps ou pendant longtemps. Le nom ne se perd donc pas par le non usage.

5°.   Le caractère culturel.

Le nom d’un Congolais est envisagé comme faisant partie de la culture congolaise; il doit par conséquent refléter ladite culture. C’est pourquoi, il doit impérativement être puisé dans le patrimoine culturel congolais. Le législateur voudrait en quelque sorte que de par le nom, l’on puisse avoir une présomption que la personne détient la nationalité congolaise[22].

6° Le caractère de police.

Le nom est un élément de police, d’ordre public et de sécurité juridique qui, comme tel, échappe au pouvoir discrétionnaire de la personne. Il sert essentiellement à l’Etat et lui permet d’organiser une mesure de police administrative[23]. En identifiant la personne, l’Etat fait régner, en quelque sorte, l’ordre et la paix ; l’organisation de l’état civil est également le corolaire de cet état de fait[24]. Institution de police civile, le nom constitue un facteur d’ordre et un élément d’individualisation ; c’est sa fonction sociale[25].  Il est de bonne police que chaque individu ait un nom, pour que l’administration puisse lui faire accomplir son devoir militaire, fiscal, ses obligations à l’égard de ses concitoyens ; ainsi le nom ne serait qu’un numéro matricule donné à la naissance[26]. De la considération que le nom est une institution de police découle, notamment le caractère immuable du nom.

7° Le caractère immuable

En principe, on ne peut en changer volontairement, selon son bon plaisir. L’article 56 du Code de la Famille édicte le principe que l’ordre de déclaration des éléments du nom et leur orthographe sont immuables. De même, l’article 64 dispose que : "Il n’est pas permis de changer de nom en tout ou en partie ou d’en modifier l’orthographe ni l’ordre des éléments tel qu’il a été déclaré à l’état civil".

Il en résulte que personne  n’est autorisé à changer, à modifier ou même à inverser ou à intervertir, comme bon lui semble, les éléments de son nom tels que déclarés à l’état civil. La raison d’être du principe de l’immutabilité du nom est la manifestation de la fonction de police administrative du nom : plus on permet facilement aux individus de changer de nom et plus on rend difficile leur identification dans la société[27]. La société baignerait en effet dans l’insécurité totale si chacun pouvait, à sa guise, du jour au lendemain, porter des noms différents sans motifs légitimes à ce changement et sans que l’autorité de l’Etat ne l’autorise.

Le principe de l’immuabilité du nom est cependant assorti de quelques tempéraments.

    1. Le changement ou la modification du nom peut, à titre exceptionnel, être autorisé, selon le cas,  par le tribunal de paix ou par le tribunal pour enfants du ressort de la résidence du demandeur pour justes motifs, notamment lorsque le nom qu’on veut changer ou modifier n’est pas puisé dans le patrimoine culturel congolais, ou il est contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, ou encore il revêt un caractère injurieux, humiliant ou provocateur.

Le jugement est rendu sur requête soit de l’intéressé s’il est majeur, soit du père, de la mère de l’enfant ou d’une personne appartenant à la famille paternelle ou maternelle, selon le cas, si l’intéressé est mineur[28].

Lorsque le nom a été attribué en violation de l’article 56 (nom non puisé dans le patrimoine culturel congolais, ou contraire aux bonnes mœurs, ou revêtant un caractère injurieux, humiliant ou provocateur), le Ministère public ou toute personne qui en a intérêt peut demander au tribunal de paix ou au tribunal pour enfants du ressort du domicile du défendeur d’ordonner la radiation en tout ou en partie du nom ainsi irrégulièrement inscrit et son remplacement subséquent.[29]

Il est fait obligation aux juges de prendre soin, en examinant la requête, que l’intérêt des tiers ne soit pas compromis par le changement, la modification ou la radiation du nom. Les décisions judiciaires en la matière (c’est-à-dire de changement, de modification ou de radiation de nom) doivent, dans le deux mois à partir du jour où elles sont devenues définitives, êtres transcrites, à la diligence de greffier du tribunal de paix, en marge de l’acte de naissance ou de reconnaissance identifiant la personne qui a eu le nom changé, modifié ou radié. Au cas où celle-ci est mariée, cette transcription doit également être faite en marge de son acte de naissance. Dans tous les cas, le greffier du tribunal de paix est tenu de transmettre également au Journal Officiel pour publication, les décisions de changement, modification ou radiation de nom, dans les deux mois à partir du jour où ces décisions sont devenues définitives.

b.   Il est de principe que le mariage n’entraîne pas le changement du nom des époux. La femme mariée conserve son nom ; elle acquiert cependant, pendant la durée du mariage, le droit à l’usage du nom de son mari. Dans ce cas, elle pourra adjoindre le nom de son mari au sien. Dans le même ordre d’idées, la veuve non remariée peut continuer à faire usage du nom de son mari([30]). Que ceci soit bien compris : en se mariant, la femme ne perd pas son nom qu’elle avait avant le mariage ; l’usage du nom de son mari n’est pas pour la femme une obligation, il est plutôt une faculté, un droit.

c.  L’adopté peut prendre le nom de l’adoptant. L’adoptant peut également changer le nom de l’adopté, mais avec son accord si ce dernier est âgé de quinze ans au moins, cette modification devant obéir aux exigences légales en la matière[31].

d.  Le ministère public ou toute personne qui en a intérêt peut demander au tribunal de paix ou au tribunal pour enfants du ressort du domicile du défendeur d’ordonner la radiation en tout ou en partie du nom inscrit en violation de l’article 58 et le remplacement de celui-ci[32].

Dans tous ces cas, le tribunal doit prendre soin, en examinant la requête ou la demande que l’intérêt des tiers ne soit pas compromis par le changement, la modification ou la radiation du nom[33].

C’est dire que le législateur congolais veille à l’attribution du nom.

  1.  L’attribution du nom 

L’attribution du nom se caractérise désormais par l’abandon du principe de la patronymie obligatoire, celui-ci ayant cédé sa place au principe de la liberté de choix du nom. En effet, le Code de la Famille a, en cette matière,  pris une orientation différente de celle de la loi n° 73-002 du 20 juillet 1973 relative au nom des personnes qui consacrait le principe de la patronymie. Selon ce principe, en effet, l’enfant devrait nécessairement porter le premier élément du nom de son père ou de la personne qui exerçait sur lui l’autorité paternelle. L’on relève que la société traditionnelle congolaise ignorait le port du nom patronymique de type occidental[34].

Le principe de la patronymie obligatoire a été contesté par la Commission de Réforme du droit congolais, qui a estimé que l’authenticité congolaise requiert le respect du nom individuel conforme à la tradition, tout en n’excluant pas la possibilité pour les pères congolais qui le souhaitent d’octroyer leur nom à leurs enfants[35].

Au sujet des origines du nom, le Professeur MULUMBA KATCHY écrit ce qui suit : "Les origines des noms sont très diverses : elles sont d’inspiration profane ou religieuse : croyances, superstitions, naissances difficiles, guerres, famine, mort, patriotisme, amitié, reconnaissance, initiations, métempsychose, croissance vitale, sexe, etc. Il arrive que le sentiment patriotique se révèle par choix d’un nom jadis porté par un personnage historique, célèbre de sa famille large. Il en est ainsi lorsqu’on donne à son enfant le nom de son grand-père ou d’un ancêtre ; pareil choix marque l’attachement familial. Le choix d’un nom est parfois motivé par les circonstances qui ont précédé ou accompagné la naissance. C’est le cas des noms faisant allusion aux conditions physiques, des noms donnés à un enfant dont les frères ou sœurs sont morts en bas-âge, des noms rappelant les rapports entre le père et la mère ou des noms faisant allusion à un décès récemment survenu dans la famille"([36].

L’exposé des motifs du Code de la Famille renseigne ce qui suit au sujet de l’option prise quant à l’attribution du nom : "(…) l’accent a été mis sur le fait que selon la conception congolaise authentique, le nom résume la personnalité de chaque individu. C’est pourquoi, le législateur n’a pas cru devoir adopter comme principe de base, le système patronymique adopté par la loi précitée. Il a préconisé au contraire de laisser aux père et mère l’entière liberté du choix du nom de l’enfant, de manière à permettre aux différentes convictions traditionnelles de pouvoir s’exprimer".

Aussi le Code de la Famille consacre-t-il, s’agissant de l’attribution du nom, le principe de la liberté de choix reconnu aux parents, assorti cependant de quelques limitations et modalités particulières.

En effet, l’enfant porte dans l’acte de naissance le nom choisi par ses parents[37].

Si le père de l’enfant n’est pas connu ou lorsque l’enfant a été désavoué, l’enfant porte le nom choisi par la mère([38]).Lorsque la filiation paternelle est établie après la filiation maternelle, le père pourra adjoindre un élément du nom choisi par lui. Si l’enfant a plus de quinze ans, son consentement personnel est nécessaire[39].

Lorsqu’on se trouve en présence d’un enfant dont on ne connaît ni le père ni la mère, c’est l’officier de l’état civil qui lui attribue un nom dans so

Par AMISI HERADY, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024