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La responsabilité du fait de l’activité juridictionnelle en droit congolais

Sylvain LUKUTU MUBOBO[1]

sylvain03lukutu@gmail.com

 

Résumé

L’Etat est une personne morale de droit public. Les missions qui lui sont confiées sont exercées par l’entreprise des personnes physiques. En effet, la justice élève toute une nation. Lorsque la justice n’est pas bien rendue, ceci à des répercussions sur tous les secteurs. Pour que cette justice soit bien rendue, il faut remplir certains préalables. C’est ainsi lorsque les organes chargés de dire le droit causent préjudices aux particuliers, l’Etat est souvent déclaré civilement responsable. Par ailleurs, cet article s’articule autour de la responsabilité de l’Etat, de mauvais fonctionnement de la justice, ainsi que de l’activité juridictionnelle en droit congolais.

Mots clés : la responsabilité et l’activité juridictionnelle en droit congolais.

Introduction

Plus d’une décennie durant, l’épineuse question de la responsabilité  du fait de l’activité juridictionnelle en droit congolais fait couler beaucoup d’encre et de salive au point de focaliser une attention soutenue des juristes et activistes des droits de l’homme. Personne n’ignore que l’Etat, perçu comme une communauté d’hommes installée de façon permanente sur un territoire aux limites  clairement définies, agit toujours, puisque personne morale, par le biais de ses organes en vue de réaliser les besoins d’intérêt général. Pourtant, les relations entre les personnes dans la société ne sont pas toujours les meilleures, elles engendrent souvent des désordres et entraînent parfois la rupture de l’équilibre social, nécessaire pour la survie de la société[2]. Ceci se justifie par le fait que toute vie en société entraîne inévitablement de contestations et ce, pour plusieurs raisons, dont le désaccord entre les individus sur l’existence de certains faits, ou à l’occasion de l’application de la règle de droit qui est sujette à controverse[3].

Par ailleurs, il est d’une importance substantielle de souligner qu’en vertu du monopole reconnu aux instances judiciaires, le postulat fondamental voudrait  que nul ne se fasse justice à soi-même, sinon ce serait le règne de la jungle, du désordre et de l’anarchie. Et même les juges, dans leurs missions de dire le droit, commettent parfois des erreurs des plus légères aux plus grossières, préjudiciables aux intérêts des victimes.

D’où la nécessité de savoir exactement la personne habilitée à répondre civilement des dommages causés par les juges dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.

Il est à noter que le mauvais fonctionnement de la justice pénale et même des services judiciaires peut aussi entraîner de la responsabilité de l’Etat lorsque certaines fautes sont commises par ses agents, notamment l’omission d’une formalité prévue par la loi, l’arrestation arbitraire effectuée par un officier de police judiciaire, la prorogation irrégulière d’une détention préventive, l’erreur aboutissant à la condamnation d’un innocent, la surveillance insuffisante exercée sur les mineurs placés dans un établissement de garde et qui, lors d’une fugue, provoquent des dommages à des tiers[4].

Cette question est loin de faire l’unanimité entre les doctrinaires dans la mesure où l’Etat est considéré comme détenteur des prérogatives qui sortent de l’ordinaire, eu égard au droit commun de la responsabilité.  S’il est vrai que les victimes des dommages résultant d’actes accomplis par le juge dans sa mission de dire le droit ont la possibilité de réclamer l’indemnisation du fait du préjudice subi[5], il importe aussi de savoir qui sera responsable de ce dommage. Est-ce l’Etat sur base de l’article 260 alinéa 1er du décret du 30 juillet 1888 relatif aux contrats ou obligations conventionnelles qui dispose qu’« on est responsable, non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ou des choses que l’on a sous sa garde », ou de l’article 260 alinéa 3 qui dispose que « les maîtres et les commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés » ?

Existe-t-il des hypothèses où le juge pourrait engager sa responsabilité personnelle ? Si oui, à quelles conditions ? Quelles sont les différentes voies de droit reconnues aux justiciables victimes des décisions judiciaires préjudiciables en droit congolais ?

Trois points doivent être abordés pour répondre à ces interrogations. Il nous faut d’abord préciser la notion et les sortes de responsabilité. Ensuite, il faut examiner la responsabilité découlant du mauvais fonctionnement de la justice. Enfin, il nous faudra indiquer les causes de cette responsabilité.

  1. Notion et sortes  responsabilité

Il n’y a point de système juridique organisé, marqué par son unicité et sa complexité, sans, en son épicentre, un système de responsabilité plus ou moins articulé. Il est intéressant ici d’examiner successivement la notion et typologie de la responsabilité civile.

1.1. Notion de la responsabilité civile

Il sied de noter que le mot responsabilité dérive du verbe latin « respondere », qui signifie s’assumer, répondre de ses actes». En matière de responsabilité civile, le responsable est celui qui répond du dommage qu’il a causé. En d’autres termes, la responsabilité civile est l’obligation de répondre d’un dommage devant la justice et d’en assumer les conséquences. Ou encore l’obligation de répondre d’un dommage devant la justice et d’assumer les conséquences civiles, pénales et disciplinaires.[6]

1.2. Sortes de responsabilité

Personne n’ignore qu’il existe plusieurs sortes de responsabilité, loin de nous d’aborder tous les aspects de responsabilité. C’est ainsi que  pour la meilleure compréhension de cette réflexion, nous analysons deux sortes de responsabilités : la responsabilité pénale et la responsabilité civile

 
  1.  La responsabilité pénale

La responsabilité pénale résulte de l’obligation de répondre de ses fautes au regard des textes pénaux préexistants. La personne répond de ses actes ou des inactions par la privation de liberté (voir sa vie) ou par son patrimoine (amendes)[7].

Par ailleurs, la responsabilité pénale peut être entendue comme l’obligation pour l’agent de répondre de ses actes délictueux et de subir une peine. Elle suppose donc que l’agent soit imputable et coupable. On pourrait utiliser cette formule : responsabilité= imputabilité et responsabilité[8].

  1. La responsabilité civile

La responsabilité civile est l’obligation de réparer les dommages que l’on a causés à autrui de son propre fait ou de celui des personnes, d’animaux ou des choses dont on est responsable. L’auteur du préjudice répond sur son patrimoine, de faits volontaires ou non volontaires ainsi que des engagements conventionnels mal exécutés. La responsabilité civile va se résumer à définir celui ou celle qui doit indemniser la victime du préjudice[9].

  1. Responsabilité découlant du mauvais fonctionnement de la justice

La justice étant rendue par les hommes et l’erreur étant, selon l’adage, humain (errare humanun est), il peut arriver dans des cas exceptionnels qu’un justiciable soit victime d’une erreur lui causant un très grave préjudice. Par ailleurs, il convient alors de corriger cette erreur et réparer ses conséquences dommageables. Cela est tout d’abord possible en utilisant les voies de recours appropriées si la décision n’a pas acquis force de chose jugée. Dans le cas contraire, même si l’affaire a été mal jugée, elle a acquis une présomption de vérité légale, et il serait particulièrement dangereux, voire néfaste pour la paix sociale, de pouvoir le remettre en cause[10]. Abordons à présent  la responsabilité des agents d’une part et de la responsabilité de l’Etat d’autre part.

2.1. Responsabilité  des agents

A l’heure actuelle, nous assistons à l’idée selon laquelle il n’y a pas de pouvoir sans une responsabilité corrélative. Les agents œuvrant au sein de l’activité juridictionnelle peuvent parfois commettre des infractions auquel cas ils engageront leur responsabilité pénale en subissant une peine et cette infraction peut causer de graves préjudices pour les justiciables, de l’autre côté ils peuvent être sanctionnés disciplinairement. 

Il faut cependant être très prudent sur ce point, car, de sérieuses objections apparaissent qu’il serait téméraire de négliger. Tout jugement entraîne des conséquences préjudiciables pour le plaideur qui succombe.  Ainsi cette responsabilité peut être disciplinaire, pénale et enfin civile.

  1. La responsabilité disciplinaire des agents

Tout fonctionnaire occupe, au sein du corps dont il fait partie, une position hiérarchique qui s’exprime par un grade lequel dépend parfois de la fonction qu’il est appelé à exercer. La responsabilité disciplinaire des agents varie donc selon la qualité de la personne appelée, par ses fonctions, à participer à l’exercice de la justice. Les agents au sein de l’activité juridictionnelle peuvent dans l’exercice de leurs fonctions être sanctionnés disciplinairement. C’est ainsi que parmi les peines disciplinaires nous pouvons énumérer :

    1. le blâme ;
    2. la retenue d’un tiers du traitement d’un mois ;
    3. la suspension de trois mois au maximum avec privation de traitement ;
    4. la révocation[11].

 

  1. La responsabilité pénale des agents

Certes, il est important qu’avec l’étude du délinquant nous quittions le domaine de l’infraction de l’infraction pénale pour nous intéresser à des personnages de l’infraction : non ceux qui en sont victimes, mais ceux qui la commettent. Etre responsable pénalement, c’est être tenu d’une obligation, celle de répondre pour l’infraction commise en subissant la sanction que la société détermine pour la répression[12].

Par ailleurs, le modèle de la responsabilité pénale provient d’un héritage de la pensée classique qui considère la responsabilité comme une dualité abstraite, conséquente du libre arbitre dont jouit chaque individu. Celui-ci doit répondre des actes qu’il a délibérément choisi de poser et engage aussi sa responsabilité. L’infraction constitue le fait générateur de la responsabilité pénale[13].

Ainsi les personnes chargées de l’administration  juridictionnelle commettent parfois dans l’exercice de leur fonction, des infractions dont nous pouvons citer quelques-unes :

  • le faux en écriture,
  • des soustractions de pièces,
  • des atteintes à la liberté individuelle,
  • des violations de domicile ou de secret de correspondance,
  • des coups et blessures volontaires.

En sus, il leur arrive aussi d’en commettre en dehors de leur fonction comme le ferait n’importe quel citoyen.

 

  1. La responsabilité civile des agents

Les agents au service de la justice peuvent, heureusement dans certains cas exceptionnels, entraîner de graves préjudices pour les plaideurs. Il suffit de prendre l’exemple d’un accusé condamné par erreur à une longue peine de prison. Sans aller si loin, on peut aussi imaginer  l’éventualité où un juge aurait perdu les pièces d’un dossier. La question qu’on se pose alors est celle de savoir dans quelle mesure le plaideur, victime d’un tel préjudice, peut mettre en cause la responsabilité civile de cet agent afin d’obtenir une indemnisation ?

De nos jours, il apparaît difficile de maintenir un système qui, se voulant protecteur de la fonction juridictionnelle, aboutit à l’établissement d’une quasi-irresponsabilité des magistrats ainsi que des autres membres de l’activité juridictionnelle. Ce droit commun de la responsabilité est distinct entre la faute personnelle rattachable et détachable de la faute de services[14].

En effet, les magistrats ou les autres membres de l’activité juridictionnelle ne peuvent engager leur responsabilité civile personnelle que sur base des articles 258 et 259 du décret du 30 juillet 1888 relatif aux contrats ou obligations conventionnelles que pour les fautes personnelles détachables commises dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle. Ainsi il est intéressant à présent d’aborder les conditions de cette responsabilité civile pour fait personnel des agents.

Pour la mise en œuvre de cette responsabilité, trois conditions nécessitent d’être examinées : les dommages, la faute et enfin le lien de causalité entre les dommages et la faute.

 

  • Les dommages

L’existence  d’un dommage est nécessaire à la mise en œuvre de la responsabilité civile. C’est bien entendu à la victime qui occupe la position de demandeur. Qu’il incombe de prouver cette existence et ce, en vertu de l’adage « actori incubit probatio ».

En effet, le droit congolais ou le droit écrit n’indemnise pas tous les dommages. Seuls sont indemnisés les dommages certains, directs, personnels et consistant à la violation d’un intérêt légitime juridiquement protégé.

La variété des dommages réparables en droit congolais. Parmi les dommages nous avons : les dommages matériels, corporels et enfin moraux[15].

  • Dommages matériels

Nous avons les dommages matériels non seulement en cas de destruction ou de dégradation d’un bien, mais de façon plus générale dans  tout intérêt financier, que la victime éprouve une véritable perte des biens ou des droits ayant une valeur comme un droit au bail par exemple ; ou un manque à gagner, par exemple l’impossibilité d’obtenir le marché ou d’exploiter sa clientèle[16].

  • Dommages corporels

Le dommage corporel, résultant d’une atteinte physique à la personne, présente une particularité de combiner les éléments de préjudice matériel et moral. Cette particularité vise essentiellement les atteintes à la personne physique de l’homme, coups et blessures, éclaboussures, empoisonnement et ces dommages sont très graves, ils  peuvent diminuer par exemple la capacité du travail de la victime et partant diminuer ses revenus. Outre la diminution du bien-être de la victime, il s’agit d’abord des souffrances dans la privation de joies et satisfaction.

Le terme utilisé couramment, pour désigner ce dommage, est celui de préjudice d’agrément. Nous pouvons ajouter, dans le préjudice corporel, la catégorie des dommages corporels indemnisés autres que la prétention doloris, les souffrances physiques, passées ou futures, subies par la victime[17].

  • Dommages moraux

Le dommage moral reste réparable, lorsque le dommage subi cesse d’être corporel ou matériel et revêt un caractère extra patrimonial, sa réparation peut susciter des objections soit d’une manière générale, parce qu’il est alors singulièrement  difficile d’aménager la réparation adéquate, soit de manière plus particulière, lorsqu’il s’agit d’une douleur normale, car il peut être choquant d’aller en quelque sorte monnayer ses larmes devant le tribunal[18].

Par ailleurs, les dommages moraux font attendre des atteintes à l’honneur d’une personne, à sa considération, à sa réputation et ce, par des écrits, des injures, des paroles diffamatoires ou par tout autre moyen. Il peut s’agir également des douleurs qui causent à la victime les souffrances physiques ou morales à la suite d’un accident, par exemple la réputation se fait grâce au prix de la douleur, le pretium doloris[19]. Ce genre de dommage se manifeste aussi dans les infractions des violences sexuelles. Lors des enquêtes préliminaires ou préparatoires, pour raison d’enquête, ces officiers appréhendent beaucoup d’innocents. La question est celle de savoir comment réparer l’honneur d’une personne arrêtée par ladite infraction.

Malgré cette controverse, le principe de la réparation a été soutenu par des idées beaucoup plus liées à l’équité  qu’au droit. En effet, la jurisprudence congolaise accorde le dommage moral. Cependant, elle n’ a pas établi nettement des principes moteurs. Toutefois, l’on peut déjà suggérer que la liste des bénéficiaires de cette action en réparation du dommage moral soit établie de façon nette et limitative[20].

  • La faute

Le code civil ne donne aucune définition de la faute et la doctrine a peine pour tenter de cerner une notion aussi complexe.

Planiol et d’autres auteurs à la suite considéraient que la faute était la violation d’une obligation préexistante, mais cette définition ne faisait que déplacer le problème.

Pour d’autres, la faute serait un acte illicite, c’est-à-dire un acte contraire non seulement aux lois, mais encore aux usages, à la justice sociale. Une approche plus pragmatique a été défendue par le troisième courant d’auteurs et semble avoir les faveurs de la majorité de la doctrine. La faute serait quant à eux une erreur ou une défaillance de conduite, le juge à qui est conféré un large pouvoir d’appréciation devant procéder à une comparaison entre le comportement de l’auteur du dommage et celui qu’il aurait dû avoir. C’est le comportement d’un homme prudent et diligent[21]. Parmi les différentes fautes que nous avons relevées en rapport avec les articles 258 et 259 du décret sous examen, c’est la faute intentionnelle et non intentionnelle de l’imprudence et de la négligence.

Car, l’une ou l’autre donne lieu à la réparation intégrale du dommage qu’elles engendrent, même si leur degré de gravité est différent. Pour mieux comprendre la faute, il nous faut mieux cerner les éléments externes de la faute. Parmi ces éléments, nous avons la culpabilité qui est l’étude du fait illicite et l’imputabilité qui se fait à son auteur, constituant un élément objectif[22].

La doctrine et la jurisprudence ont dégagé la définition de la faute pouvant se trouver en 3 hypothèses, pour qu’il y ait une faute, fait illicite, c’est-à-dire socialement mauvais : La faute dans la violation d’un texte, la faute en cas d’absence d’un texte et enfin la faute dans l’exercice d’un droit : abus de Droit.

Il est tout d’abord une série de cas où l’existence d’une faute ne fait aucun doute car un texte exprès prohibé l’acte commis, ou inversement, prescrit une obligation non respectée. Le juge ne dispose pas du pouvoir d’appréciation, puisque c’est la loi elle-même qui a fixé la norme impérative[23].

Cette faute se définit comme un comportement que n’a pas eu dans les mêmes circonstances extérieures, un homme prudent, diligent, honnête, aussi soucieux de ses devoirs sociaux. Le critère retenu pour déceler le comportement d’un homme diligent est celui abstrait, celui d’un homme honnête, diligent et circonspect[24].

L’intention de nuire n’est pas dans ce dernier cas une condition d’illicite comme ont tendu à le faire croire certaines. Si je m’abstiens d’allumer ma lampe extérieure à un endroit où les voisins risquent de tomber dans un ravin. Y-a-t-il dans tous les cas faute ou non faute ? Ce sont les faits  proches de l’abus de droit auquel nous arrivons. Mais avant cela, il convient de noter que la jurisprudence a fait de la faute de nombreuses applications. C’est ainsi qu’il a été jugé notamment : qu’il ne peut y  avoir lieu à la réparation civile sans faute. Article injurieux et la nature à nuire à une autre personne comme faute qui engage sa responsabilité civile vis-à-vis de la personne lésée ; qu’il en est aussi, même s’il n’a eu personnellement aucune intention méchante et n’a voulu s’associer aux imputations dommageables qu’il oublie, que sa négligence ou son imprudence sont constructives des fautes ; qui commet une faute l’engage, qui ne signale pas à son employeur lors de l’engagement l’état physique qui l’ empêche d’exécuter les obligations professionnelles.

Dès le début du XXè siècle, l’idée s’est fait jour que le titulaire d’un droit ne pouvait abriter sous n’importe quel comportement nuisible à autrui, et que les droits avaient une fonction sociale dont ils ne peuvent être impunément détournés même dans l’exercice de ses droits, le citoyen honnête fait preuve d’une certaine modération[25].

Cependant, l’imputabilité est un élément subjectif de la faute. Celle-ci suppose aussi la faculté de discernement. Il faut une volonté capable, une volonté libre et une volonté consciente.

En principe, seule une personne consciente peut commettre une faute. Cet aspect concerne une personne en état normal : en droit congolais, lorsqu’une personne est incapable, l’acte illicite ne lui est pas imputable contrairement au droit comparé. La responsabilité des personnes morales : faute des organes engage celle des personnes morales. Contrairement au droit français et au droit belge. C’est comme le droit pénal qui considère l’absence de discernement comme cause d’irresponsabilité pénale[26].

Certes, l’auteur de la faute doit aussi être capable sur le plan délictuel. C’est le cas d’un jeune enfant considéré comme incapable de commettre une faute. La capacité délictuelle est plus largement reconnue. C’est ainsi que les enfants dès qu’ils ont grande raison sont capables délictuellement. Cette capacité se situe entre cinq et huit ans.

  • Le lien de causalité

La détermination du lien de causalité est une question difficile, voire insalubre. Aucune réponse n’est véritablement satisfaisante,  ni certaine liée à un préjudice au fait. Il s’agit de rattacher le préjudice à un événement antérieur.

Rationnellement, un événement se rattache à tous les faits qui l’on précédé ; par conséquent, un préjudice se rattache à diverses causes antérieures, comportement de l’auteur de la faute, attitude de la victime, environnement et circonstances particulières[27].

Il faut donc opérer un tri entre les divers événements afin d’isoler celui qui, rationnellement, a contribué à la réalisation du dommage.

C’est ainsi que  plusieurs théories ont été proposées entre autres, l’équivalence de condition prenant en compte tous les événements proches ou lointains ayant conduit à la réalisation du dommage : est Celle de la proximité de la cause ne prend en considération, parmi tous les événements, que celui qui le plus proche dans le temps et enfin la théorie de la causalité adéquate ne prend que les seuls faits ayant contribué à la réalisation de dommage.

2.2. La responsabilité de l’Etat

Les personnes victimes de dommages nés d’actes accomplis dans l’exercice de l’activité juridictionnelle cherchent souvent à se retourner contre l’Etat, soit qu’elles pensent trouver en lui un défendeur solvable, soit qu’il leur apparaisse difficile de poursuivre utilement tel ou tel agent en particulier[28].

Au sujet de la responsabilité de l’Etat, deux points attirent notre attention : le principe de la responsabilité de l’Etat, d’une part et l’état de la question de la responsabilité de l’Etat en droit congolais d’autre part.

  1. Principe de la responsabilité de l’Etat

Le principe de de la responsabilité de l’Etat a trouvé sa concrétisation dans la loi du 05 juillet 1972 en France. Cette loi a affirmé que l’Etat est tenu de réparer le dommage causé par le mauvais fonctionnement de l’activité juridictionnelle et, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par déni de justice ; l’Etat garantit les victimes de dommage causé par les fautes personnelles, des juges et autres magistrats, sauf son recours contre ces derniers[29]. La victime ne peut pas poursuivre le magistrat lui-même devant la juridiction judiciaire compétente, elle n’a d’action que contre l’Etat qui peut se retourner contre le magistrat fautif et réclames par une action récursoire portée devant la cour de cassation, le remboursement des sommes qui ont été versées à la victime du dommage. Il faut cependant préciser que l’on doit se trouver en présence d’une faute personnelle de magistrat liée au service de l’activité juridictionnelle. Il faut  en outre préciser qu’en cas de révision, le droit congolais admet que l’arrêt de la cour de cassation d’où résulte l’innocence d’un condamné peut, sur sa demande, lui allouer  les dommages-intérêts à raison du préjudice que lui a causé la condamnation. Les dommages-intérêts sont à la charge de l’Etat sauf son recours contre la partie civile, les dénonciateurs ou faux témoins

En effet, la matière judiciaire tend à appliquer à la responsabilité des magistrats et à celle de l’Etat, des règles proches de celles dégagées par la juridiction administrative selon la distinction entre la faute rattachable de service et la faute détachable du service.

 

  1. L’état de la question de la responsabilité de l’Etat en droit congolais

B.1. La prise à partie

La prise à partie est essentiellement une demande de dommages-intérêts au titre de réparation du préjudice causé au justiciable par des magistrats, du chef de certaines fautes par la loi. Ce n’est que dans le cas où un jugement serait vicié par le dol d’un juge, que par la partie qui justifierait y avoir intérêt pourrait en demander la mise en néant en introduisant une action de prise à partie de ce magistrat[30]. Elle est une voie de recours extraordinaire permettant à une partie au procès d’attaquer, devant la cour de cassation, un magistrat pour dol, ou conclusion commis soit dans le cours d’instruction, soit lors de la décision rendue ou pour déni de justice et ce, en vue d’obtenir la mise en néant de toute la procédure à laquelle ce magistrat a participé et éventuellement les dommages-intérêts prononcés à sa charge[31]. En droit congolais, seuls les magistrats peuvent être pris à partie. Ceci vise aussi bien les magistrats du siège que les magistrats du parquet[32].

Contrairement au droit français, le texte est plus limité, ne visant que « les juges » mais la jurisprudence a étendu cette action à l’égard

Par Sylvain LUKUTU MUBOBO, dans RIFRA, Presses Universitaires de Kinshasa, 2024